NIGÉRIA

Publication_year: 
2009
Summary: 
La plupart des Nigérians ont vécu pendant longtemps dans une situation d’effondrement économique. La corruption est généralisée, il a pénurie d’électricité dans tout le pays, l’éducation et la santé se trouvent dans des conditions déplorables et la lutte armée pour le contrôle des ressources pétrolières est toujours intense. La crise économique mondiale a encore aggravé la pauvreté. Les experts soulignent que le pays devrait prendre des mesures afin de réduire sa dépendance du brut et résoudre les mauvaises pratiques budgétaires annuelles.

Des contraintes  interminables

Social Watch Nigéria
Luke Chukwu
Judith Ogunniran
Ray Onyegu1

La plupart des Nigérians ont vécu pendant longtemps dans une situation d’effondrement économique. La corruption est généralisée, il a pénurie d’électricité dans tout le pays, l’éducation et la santé se trouvent dans des conditions déplorables et la lutte armée pour le contrôle des ressources pétrolières est toujours intense. La crise économique mondiale a encore aggravé la pauvreté. Les experts soulignent que le pays devrait prendre des mesures afin de réduire sa dépendance du brut et résoudre les mauvaises pratiques budgétaires annuelles.

Plus de 90 % des Nigérians  ont  connu les crises économiques pendant longtemps, mais leur situation précaire s’est aggravée depuis que le gouvernement actuel a pris le pouvoir. L’effondrement total de l’infrastructure publique – telle que les voies publiques et l’électricité – et la corruption généralisée ont fait que la vie est devenue un récit sans fin de besoins, d’abandon et de peur. Le Nigéria est sur le point d’être considéré un état en situation d’échec.

Corruption

Chaque jour les médias électroniques et les journaux dénoncent des cas de représentants du gouvernement qui saccagent des fonds publics et virent l’argent à l’étranger. D’après l’ancien président de la Banque Mondiale Paul Wolfowitz, pendant près de quatre décennies plus de 300 millions de dollars ont été volés et cachés dans des banques étrangères2.  On a suggéré que si les États-Unis, aux budgets nationaux milliardaires, pouvait envoyer la Secrétaire d’État, Hillary Clinton, récupérer 14 millions de dollars que les fraudeurs fiscaux ont déposé en Suisse, il n’y aurait aucune raison pour que le Nigéria ignore les avertissements de l’économiste et Prix Nobel Joseph Stiglitz et des représentants de l’ONU, pour aller à la recherche des milliards de nairas nigérians stockés dans des banques étrangères3. Cependant, au lieu de passer à l’action, on parle d’emprunter davantage d’argent pour lutter contre la crise économique, ce qui ferait retomber le Nigéria dans le piège de la dette.

Electricité

Le Nigéria doit générer 10.000 mégawatts minimum par jour pour assurer  l’approvisionnement  normal d’électricité. Cependant, lorsque  le gouvernement actuel  a  pris  ses fonctions en 2007, on ne générait que 3.000 mégawatts par jour. La production est tombée à moins de 1.500 mégawatts deux ans plus tard. L’obscurité règne dans tout le pays. Les affaires ont chuté vertigineusement en raison du manque d’approvisionnement régulier et continu d’énergie. Le secteur industriel a pratiquement  disparu. Le chômage est généralisé. D’après un rapport publié à la une du journal The Guardian, le Gouvernement va encore emprunter 600 millions d’USD à la Banque Mondiale pour améliorer la situation de l’approvisionnement d’énergie4. Ceci pose de nombreux problèmes. Par exemple, il n’y a aucune garantie de ce que le prêt n’aille pas directement sur les comptes de représentants du gouvernement à l’étranger. Le projet d’électricité est à long terme, mais les besoins des gens sont immédiats.

Éducation et santé

Les enseignants universitaires ont fait plusieurs grèves cette année pour attirer l’attention sur l’état déplorable du secteur de l’éducation. Entre autres choses, ils protestent à cause du manque d’installations, de l’effondrement total des infrastructures telle que l’électricité et le logement, et des procédés arbitraires du gouvernement concernant l’amélioration de leurs conditions de travail. La situation des secteurs primaire et secondaire ne diffère pas de celle du secteur supérieur. Les grands commis de l’État, ainsi que les politiciens, envoient leurs enfants à des écoles et des universités à l’étranger. Une fois leur formation finie, beaucoup de ceux qui étudient à l’étranger refusent de rentrer dans la pourriture du pays.

Les hôpitaux et les installations de santé sont devenus des mouroirs. Les représentants du gouvernement et les politiciens voyagent à l’étranger pour traiter leurs problèmes de santé. Depuis plusieurs années, des médecins et autres professionnels de la santé font un exode massif vers l’Europe et les États-Unis, où ils peuvent travailler dans de meilleures conditions. Les hôpitaux et autres installations de la santé publique manquent de médicaments ; et là où ils sont disponibles, ce sont des médicaments falsifiés. Les centres de santé efficaces sont privés et la plupart des habitants, qui sont pauvres,  n’ont pas les moyens d’y accéder.

Conflit armé dans le delta du Niger

Il n’y a aucun signe d’arrêt du conflit armé existant entre les forces du gouvernement et les militants séparatistes de la région du delta du Niger  pour le contrôle du pétrole, qui génère 95 % de la richesse pétrolière du pays. Les militants enlèvent des travailleurs étrangers et font exploser des tuyauteries et d’autres installations qui appartiennent aux entreprises pétrolières. Plusieurs compagnies, parmi lesquelles BP-Shell, ferment leurs exploitations dans la région. On craint que le gouvernement ne puisse pas atteindre ses objectifs de revenus si le débit actuel de  la baisse de la production pétrolière continue. Le résultat n’en sera que davantage de pauvreté et de morts.

Mauvaise mise en œuvre des budgets annuels

Les experts ont présenté un tableau économique sombre pour les Nigérians lors d’une table ronde sur la perspective commerciale et économique pour l’année fiscale 2009 et pour la révision du budget 2009. La table ronde fut organisée par le Bureau d’information commerciale à Lagos en janvier 2009. Les participants ont été le directeur général d’Associés Economiques, le Dr Ayo Tériba ; le directeur de recherches du Comité national de l’intelligence économique, M Wénéso Orogoun ; et le célèbre économiste et doyen de la Faculté académique de l’Ecole de commerce de Lagos, le Dr Doyin Salami. Outre la crise économique mondiale, les participants ont ajouté la mauvaise mise en œuvre des budgets annuels comme élément ayant favorisé le  ralentissement de la croissance de l’économie pendant ces dernières décennies. Selon les experts, la question n’est pas tellement de savoir quelles sont les difficultés économiques croissantes et la mauvaise qualité de vie du nigérian moyen, mais combien de temps cette situation pourra durer.

Orogoun a qualifié de scandaleux le fait que l’utilisation de projets de capital vers le troisième trimestre 2008 soit à peine de 33 %. Il s’est demandé pourquoi, compte tenu de la situation déplorable du transport, surtout sur les routes, le Ministère du transport n’avait utilisé que 42,3 % de son allocation budgétaire en 2008, et n’en remboursant qu’environ 420 millions de dollars au Trésor. En effet, en septembre 2008, seulement dix ministères avaient utilisé plus de 50 % de leurs répartitions budgétaire. Orogoun a attribué cette situation au manque de capacité technique pour mettre en œuvre le budget, à l'inefficacité du contrôle du budget et à la corruption.

Tériba, qui était l’orateur invité, a dit que l’effondrement mondial ne signifierait pas seulement une chute de la demande mondiale des biens et services, mais aussi une baisse soudaine des prix des matières premières mondiales, comme cela est le cas, par exemple, avec la réduction radicale du prix du brut. Il a également dit qu’il y aurait pénurie de crédits et une majoration des taux d’intérêts qui entraîneraient les effets multiplicateurs correspondants. Il a présenté un cadre dans lequel il serait très difficile que les banques locales puissent accorder des crédits, et si elles le faisaient, le taux d’intérêt en serait très élevé. Ceci s’ajouterait aux coûts déjà élevés des affaires dans le pays, en aggravant encore la pénible situation du secteur industriel et de tous les commerçants en général. L’expert a également dit que les industries et autres entreprises subiraient également une baisse importante de la demande de leurs biens et services en raison de la réduction du pouvoir d’achat de la population. Cette situation se traduirait sans aucun doute en perte de richesse, diminution de l’emploi et autres problèmes socio-économiques.

Tériba a mis l’accent sur le fait que les problèmes économiques qui vont apparaître ne se résoudraient pas aussi vite qu’il le faudrait, parce qu’il semble n’y avoir aucune capacité pour gérer la situation, bien qu’il croie que le Gouvernement pourrait tout de même alléger les effets de la crise mondiale en réalisant de plus grands efforts pour restaurer la confiance en l’économie. Il a suggéré que la décision de baser le budget 2009 sur 45 dollars par baril de pétrole projette un pessimisme qui envoie de mauvais signaux aux acteurs impliqués. Selon lui, puisque le gouvernement a basé le budget 2008 sur 59 dollars par baril de pétrole, alors que le prix était à 100 dollars, il pourrait baser le budget 2009 sur un prix bien plus élevé et utiliser les profits de 2008 pour en compenser le décalage.

Salami a manifesté que les Nigérians doivent s’attendre à des temps difficiles en raison des mesures qui seront prises par le gouvernement prendra pour lutter contre la crise mondiale. Il a critiqué la dépendance du pays du brut, et il a remarqué qu’on s’attend à ce que la demande mondiale diminue de 85,84 millions de barils par jour (mbj) en 2008, à 85,66 mbj en 2009, alors que les pays pétroliers n’appartenant pas à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) se préparent à augmenter la production de 50,57 mbj en 2008 à 51,15 en 2009. Cela implique que, les revenus du pétrole chutant, le gouvernement s’efforcera davantage pour obtenir  une meilleure collecte d’impôts, et réduira ainsi les revenus disponibles et les épargnes des citoyens. Salami a souligné que des années difficiles sont à prévoir pour ceux qui dépendent uniquement du commerce, et a suggéré qu’une solution consisterait à identifier les actifs sous-évalués de l’économie et à persuader les gens d’investir.

Devant cette situation, on ne peut prévoir qu’un avenir sombre. La crise économique mondiale s’ajoute aux conditions de vie déjà déplorables des pauvres du Nigéria. Ceci constitue un très mauvais panorama qui ne peut malheureusement qu’empirer.

 

1 Luke Chukwu est Directeur du Comité de Direction de Social Watch, Nigéria, professeur de comptabilité à l’université d’Imo Sate, Nigéria ; Judith Ogunniran est Sous-directrice  du Comité de Direction de Social Watch, Nigéria, Directrice Exécutive de Socio Economic Rights Initiative.

2 Ojiabor, O. “Corruption Has Ruined Nigeria – APRM report.” Economic and Financial Crimes Commission, 2008.
Voir : www.efccnigeria.org/index.php?option=com_content&task=view&id=110&Itemid....

3 Onuorah, M. y Okwe, M. “World Bank Gives Nigeria $600m for Power.” The Guardian, jeudi 18 juin  2009.  Voir  : <www.ngrguardiannews.com/news/article01//indexn2_html?pdate=180609&ptitle=World%20Bank%20gives%20Nigeria%20$600m%20for%20power>.

4 Stolpe, O. Chef de Projet senior de l'Office contre la Drogue et le crime des Nations Unies, dans une conférence de presse sur "Non-Conviction Based Forfeiture of Proceeds and Instrumentalities of Unlwful Activity Bill". Abuja, 20 mai.  

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