OMD: une croisade en rupture de fonds

Publication_year: 
2010
Summary: 
Les efforts du Gouvernement pour améliorer la vie des Tanzaniens sont restés vains du fait notamment du manque d’engagement envers les stratégies, tant à l’échelle nationale qu’internationale : le déboursement de l’Aide publique au développement (APD) prend souvent du retard et n’accompagne pas le processus budgétaire national de la Tanzanie. L’accroissement de la dette externe de la Tanzanie freinera la croissance économique dont la stabilité est tant appréciée. Bien que les indicateurs économiques soient encourageants, les indicateurs sociaux – surtout ceux qui concernent l’égalité des sexes – révèlent que pour atteindre les OMD les efforts doivent être accrus.

SAHRiNGON  Tanzania Chapter
Armando Swenya
Martina M. Kabisama

Les efforts du Gouvernement pour améliorer la vie des Tanzaniens sont restés vains du fait notamment du manque d’engagement envers les stratégies, tant à l’échelle nationale qu’internationale : le déboursement de l’Aide publique au développement (APD) prend souvent du retard et n’accompagne pas le processus budgétaire national de la Tanzanie. L’accroissement de la dette externe de la Tanzanie freinera la croissance économique dont la  stabilité est tant appréciée. Bien que les indicateurs économiques soient encourageants,  les indicateurs sociaux –  surtout ceux qui concernent l’égalité des sexes – révèlent que pour atteindre les OMD les efforts doivent être accrus.

La Tanzanie a adopté différentes politiques destinées à réduire la pauvreté, dont la Vision 2025 du Développement de Tanzanie  (pour le continent), Vision 2020 (pour Zanzibar), ainsi que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Pour les appliquer, le Gouvernement a annoncé la Stratégie nationale de croissance et de réduction de la pauvreté destinée non seulement à favoriser la croissance et à réduire la pauvreté mais aussi à accroître le bien-être, la qualité de vie, la gouvernance et la vérification des comptes. Cependant les efforts du Gouvernement pour améliorer la vie des Tanzaniens sont restés vains, puisque la majeure partie de la population survit avec moins d’un dollar par jour.

Limites de la croissance économique

Le taux de croissance économique de la Tanzanie est passé de 4,1 % en 1998 à 7,4 % en 2008 ; pour 2009 on prévoyait une chute à 5 % compte tenu de la crise économique mondiale, avant de remonter graduellement à 7,5 % pour 2012[1].Au cours des cinq dernières années, le taux moyen de croissance économique annuelle a été de l’ordre de 7 %, dépassant depuis l’an 2000 la croissance des intrants travail et capital (tous les deux en dessous de 2 %)[2], ce qui dénote un meilleur usage de ces ressources grâce aux réformes et à la technologie.

La Tanzanie figure au 151ème rang des 182 pays classés dans l’Indicateur de développement humain (IDH), avec un Produit intérieur brut (PIB) par habitant d’environ USD 1.150, mais seulement USD 430 en termes nominaux. Bien que l’agriculture soit à peine 24 % du PIB,  75 % de la population est employée dans ce secteur[3].

La Tanzanie a appliqué une politique agricole révolutionnaire, appelée «  Kilimo Kwanza  » (L’agriculture d’abord), encourageant les méthodes modernes de production. Cependant, malgré les efforts réalisés depuis 1967 destinés à propager l’arrosage, jusqu’à présent seul 1 % des 29 millions d’hectares de terre cultivable est arrosé. Un deuxième frein concerne les ressources qui malgré la politique Kilmo Kwanza se sont maintenues à 6,5 % du budget total de 9,5 billions de shillings tanzaniens (USD 6,400 milliards) en 2009/ 2010[4].

Inflation et dettes entravent la croissance économique

L’équilibre fiscal de La Tanzanie s’inscrit dans des marges jugées acceptables, bien que son obtention dépende intimement de l’aide des donateurs. La dette publique se situe autour de 25 % du PIB et on la considère soutenable à la suite des annulations de la dette effectuées en l’an 2000 dans le cadre du programme Initiative pour la réduction de la dette des pays pauvres très endettés[5].

Le budget affecté aux frais ordinaires et au développement a lui-même posé des problèmes. Pour l’année fiscale 2009, le Gouvernement a affecté USD 6,4 milliards, parmi lesquels USD 4,5 milliards ont été destinés aux frais ordinaires et USD 1,9 milliards aux frais de développement, dont USD 1,3 milliard  – 78 % – dépendent de l’aide externe[6].

Simultanément le taux d’inflation est rapidement monté à 12,2 %[7] à mesure que les prix des produits importés augmentaient en raison de la chute de la valeur du taux de change des shillings à l’étranger en 2008 et en décembre 2009. On prévoyait que le taux d’inflation pour 2009 resterait très en dessous de 10 %, bien que ce taux soit supérieur à l’objectif de 7 % aligné sur la baisse des prix des denrées alimentaires.

Selon le FMI, la Banque centrale est raisonnablement indépendante et son but principal a été de juguler l’inflation. Cependant les effets de la hausse des taux d’intérêt sur le volume de crédit, en particulier pour le secteur privé, sont sérieusement pris en compte. Le crédit au secteur privé est parti d’une base très faible – de 9 % du PIB en 2003 – mais il a atteint presque 20 % en 2008. Étant donné l’ampleur de la dette, SAHRiNGON recommande au Gouvernement de réduire les frais ordinaires au minimum afin de compter sur une base fiable pour la croissance économique.

Enjeux pour l’APD et les OMD

La Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, ratifiée par les pays en développement et les partenaires donneurs en 2005, reconnaît que l’efficacité de l’aide demande un engagement au niveau mondial afin d’ accroître l’aide au développement et elle insiste sur l’urgence d’une recherche commune pour trouver les moyens les plus efficaces de canaliser l’aide pour atteindre les objectifs désirés, OMD inclus.

Malgré l’engagement pris envers la Déclaration de Paris, la dette externe de la Tanzanie représente toujours USD 5,5 milliards, ce qui représente un accroissement d’environ USD 500 millions par an après l’annulation de la dette externe en 2000[8]. Le remboursement de la dette n’a progressé que de 1 % à 2 % du montant total de la dette à long terme alors qu’il existe d’importants arriérés de capital et d’intérêts qui, même s’ils diminuent, dépassent USD 1,2 milliard, avec des pays non intégrés dans l’OCDE tels que la Chine et les pays arabes.

On a souvent loué les progrès effectués par la Tanzanie pour améliorer sa gestion de l’aide, elle garde néanmoins bon nombre de caractéristiques d’un pays typiquement dépendant de l’APD. Le budget pour l’année fiscale 2008-2009 révèle que l’aide représente environ 35 % de son budget. Pendant l’année fiscale 2007-2008, l’APD pour la Tanzanie a été de USD  2 milliards[9]. Cette somme comprend des donations, un allègement de la dette et des prêts.

La gestion de l’aide en Tanzanie s’appuie sur la Stratégie d’assistance conjointe (JAST, d’après les sigles en anglais), mise en oeuvre par le Gouvernement et ses partenaires donateurs. L’aide perçue pour le développement à travers la JAST revêt trois modalités phares : l’Aide budgétaire globale (ABG), les Fonds communs (FC) et le financement direct de projets, la modalité préférée étant l’ABG. Cependant, une grande partie de l’aide continue à être apportée à travers la modalité de financement de projets, qui dans bien des cas sont hors budget. Les donateurs sont enjoints à s’écarter des projets pour se rediriger vers des programmes établis à travers les JAST.

Un rapport du ministère des Finances et des affaires économiques de 2008 indiquait que l’ABG et le FC maintenaient de bons résultats, alors que le financement de projets continue à poser des défis, y compris l’incapacité des ministères sectoriels à justifier les dépenses effectuées des fonds de projets, les retards et les irrégularités dans le financement, puisque les déboursements de fonds dépendent de la progression de la mise en œuvre de plusieurs actions préalables, des exigences requises de procédé et des évaluations des performances de l’année en cours.

De plus, il n’y a pas de sanctions pour les donateurs lorsque ceux-ci ne tiennent pas leur promesse de soutien aux pays en développement. Cette situation enfreint le principe de responsabilité mutuelle, l’un des cinq principes de la Déclaration de Paris.

SAHRiNGON Tanzania recommande aux donateurs d’offrir leur aide à l’APG parce qu’il est plus facile par cette voie de maintenir les déboursements face aux circonstances politiques fluctuantes. Par exemple, le Royaume Uni a retenu 10 millions £ (USD 14,3 millions) de son déboursement de l’année fiscale 2002 quand  l’intention de la Tanzanie d’acheter un système de contrôle de trafic aérien de USD40 millions à des fins militaires a été révélée[10].

La diminution de l’aide extérieure représente un autre problème. La Tanzanie doit recevoir USD 4 milliards en 2010 pour pouvoir atteindre les OMD[11]. Cependant, pour réaliser cet objectif le Gouvernement doit accepter les strictes conditions imposées pour l’aide par le FMI et la Banque Mondiale. Les donateurs bilatéraux fournissent des ressources d’aide pour l’application des OMD à travers des programmes sectoriels.

Egalité des sexes : de sévères contrastes

Une révision des lois, des stratégies et des politiques afin de promouvoir les OMD et de les aligner sur  les principes d’égalité des sexes s’est traduite par des lois sur les terres qui reconnaissent l’égalité des droits entre les hommes et les femmes[12], des lois du travail qui interdisent la discrimination contre les femmes sur les lieux de travail, des lois qui déclarent la mutilation génitale féminine comme étant criminelle et des politiques d’action positive destinées à accroître le nombre de femmes impliquées dans la politique et la prise de décisions[13].

Cependant, différents facteurs empêchent encore la femme d’exercer ses droits humains. Une série de lois discriminatoires subsiste toujours, dont la Déclaration de Loi coutumière de 1963 qui, entre autres, interdit aux veuves d’hériter des terres de leur mari défunt ; et les lois sur le mariage qui permettent le mariage des filles de moins de 15 ans[14].

La violence à l’encontre des femmes est un autre problème. L’article 1 de la Déclaration des Nations Unies sur l’Élimination de la violence à l’égard des femmes (1993) la définit comme désignant « tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ». D’autre part, l’article 16 de la Loi sur le mariage stipule que « aucune personne n’a le droit d’infliger de châtiments corporels à l’endroit de son conjoint ». Cette disposition est limitée puisqu’elle se borne à la violence physique. SAHRiNGON suggère la modification de cet article pour y inclure tout type de violence à l’égard des femmes.

En dehors du cadre de la justice pénale[15], la dépendance économique dérivant de la limitation des opportunités en termes d’éducation et d’emploi rend les femmes plus vulnérables face à la violence domestique.

Le rôle de la société civile

Les ONG en Tanzanie jouent un rôle fondamental dans le renforcement de la capacité de la société civile, au moyen de l’information et de l’éducation du public vis-à-vis de différentes questions, dont les politiques du Gouvernement et l’aide au développement. Cependant, leur capacité de promotion du progrès vers les OMD cibles souffre du manque de financement du Gouvernement et de la communauté des donateurs. Le Gouvernement n’a passé aucun engagement de financement concernant les Organisations de la société civile (OSC), celles dont on ne fait pas mention dans les politiques nationales pour la mise en œuvre des OMD. Dans le but de favoriser le mieux possible la réalisation des OMD, SAHRiNGON Tanzania recommande la rationalisation du labeur des OSC dans les politiques et les stratégies des OMD.

[1] République-Unie de Tanzanie, Poverty and Human Development Report, Dar es Salaam, 2009. Disponible.

[2] Leenderl Coljin, “Country Report – Tanzania,”Service de Recherche économique, Rabobank Pays-Bas, février 2009. Disponible sur : <www.overons.rabobank.com/content/images/Tanzania09_tcm64-82340.pdf>.

[3] L’IDH a augmenté de 1,15 annuel seulement entre 1990 (0,436) et 2007/9 (0,530). PNUD, Rapport sur le développement humain2009, 71, 72, 81 y 130.

[4]Déclaration du ministre des Finances et des affaires économiques Mustafa Haidi Mkulo, lors de la présentation des recettes et des frais prévus pour l’année fiscale 2009/10. Dodoma, le 11 juin 2009, 73. Disponible.

[5] Ministère des Finances et des affaires économiques, Economic Survey 2008, Dar es Salaam, 2009.

[6] Ibid. 73, 74.

[7] Office national de statistiques et Banque de Tanzanie. Voir : <www.bot-tz.org/Publications/ inflationDevelopments.htm> (consulté le 16 mars 2010).

[8] Ministère des Finances et des affaires économiques, Rapport trimestriel sur la dette publique, septembre 2009.

[9] Overview of Aid in Tanzania, Development Partners Group – Tanzania. Disponible (consulté le 17 mars  2010).

[10] Brian Frantz, “General Budget Support in Tanzania : A Snapshot of Its Effectiveness,”  le 3 avril 2004. Disponible sur : <www.sarpn.org.za/documents/d0001036/P1149-PNADA029_Tanzania_April2004.pdf>.

[11] Rapport de la Tanzanie sur les Objectifs du Millénaire pour le développement – Rapport d’évaluation à mi-parcours 2000-2008.

[12] Lois de la Tanzanie, 2002, Éd. rev., chap. 114, 115.

[13] Loi de l’emploi et des relations de travail, Loi Nº. 6 2006.

[14] Lois de la Tanzanie, op. cit., Loi sur le mariage, article 13, chap. 29.

[15]Crime and the Criminal Justice System: Tanzania Country Review Report Enhancing the Delivery of Security in Africa”, Institut d’études sur la sécurité (ISS-South Africa) et d’Initiative sur la sécurité humaine en Afrique, 2009.

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