Économie féministe postule un nouveau paradigme de développement

Des femmes cultivent du riz dans 
Palang. (UN Photo/John Isaac)

L'équité de genre est un élément clef de tout véritable programme vers le développement soutenable. Le Rapport de Social Watch 2012 inclut des analyses et des apports nationaux qui démontrent, encore une fois, la stagnation de la lutte contre ces disparités, qui a des conséquences désastreuses en matière de pauvreté, de changement climatique et de sécurité alimentaire.

« Hommes et  femmes jouent de rôles différents dans l'économie, particulièrement dans des secteurs comme la production d'aliments, la consommation de combustible, la gestion de ressources et la réponse face aux catastrophes. Comme résultat, les hommes et les femmes sont touchés de manière différente par le changement climatique et chaque genre se trouve dans des conditions d'effectuer des contributions singulières aux efforts d'adaptation et mitigation », a écrit l’experte canadienne Kate McInturff, de l'Alliance Féministe pour l'Action Internationale, dans le chapitre du rapport intitulé « Vert et égalitaire : financement pour le développement soutenable et équitable ».

« Les femmes constituent la majorité des producteurs d'aliments à petite échelle. Elles sont beaucoup plus enclines que les hommes à être responsables de la culture, la préparation d'aliments et sa distribution dans leurs familles et leurs communautés », a ajouté McInturff.

L’experte a rapporté le cas des travailleurs agricoles de Montalban, Philippines. « les femmes ont répondu à l'impact des patrons changeants du climat et à l'augmentation des coûts des engrais, en modifiant ses méthodes de culture et la variété de riz qu’elles cultivent ce qui a abouti à des basses émissions de gaz à effet de serre, à une plus faible utilisation d'engrais et  à des cultures qui sont mieux adaptées », elle a expliqué.

« Comme cet exemple le démontre, les fonds de changement climatique négligent le rôle de la femme dans la production d'aliments, en gâchant une occasion de produire un impact significatif tant dans la sécurité alimentaire comme dans les efforts d'adaptation et mitigation », a ajouté McInturff.

Le Rapport mentionne aussi une étude précédente de Social Watch intitulée « Au-delà de Pékin : L'heure de l'économie de genre », selon lequel, des recherches en économie féministe montrent que, « plus de 50% des heures de travail  ne sont pas rémunérés et, par conséquent, ne sont pas enregistrés dans le PIB », et « si on comptabilisait ce travail invisible il résulterait qu'environ deux tiers de la richesse est produite par des femmes ».

« Les femmes du monde travaillent plus d'heures, leur participation au secteur formel du marché de travail est plus petite que celle des hommes et reçoivent moins de revenues et ont moins de bénéfices de protection sociale que ceux-ci. L'économie féministe exige un nouveau paradigme de développement qui ne soit pas basé exclusivement sur la croissance économique », ajoute l'étude. « Dans le modèle classique, les activités essentielles pour la vie de la famille et la Communauté sont ignorés donc elles se produisent hors des marchés. Celles-ci incluent maintenir un foyer, élever des enfants, s'occuper des personnes âgées et d’une grande partie de la production des aliments et des cultures. Puisque tout ceci est mené à bien informellement, sans contrats ni échange d'argent, il est considéré `activité non-économique', non seulement par les livres de texte d'économie mais aussi par le Système des Nations Unies de Comptes Nationaux. »

 MacInturf enrichit cette analyse en observant que, « Bien que les femmes constituent la majorité des petits agriculteurs, et qu'elles sont dans de meilleures conditions pour répondre à l'insécurité alimentaire, elles ont considérablement moins de probabilités d'obtenir la propriété formelle de la terre qu'elles cultivent », parce qu’on ne leur reconnaît pas ce droit. Ce qui est pire, « en temps de pénurie d'aliments, les femmes assignent généralement plus d'aliments aux membres masculins de la famille qu'aux membres de sexe  féminin. »

« Une évaluation des fonds de changement climatique sensible au genre doit prendre en considération non seulement comment on distribue les fonds, mais jusqu'à quel point ceux-ci sont assignés pour aborder les obstacles structurels à la pleine participation des femmes dans les efforts d’adaptation et de mitigation », a conclu McInturff. « D'autre part, l'administration et la conception des fonds doivent être effectués de manière équitable aux deux sexes, y compris la participation des femmes et les organisations de droits des femmes dans chaque niveau de la prise de décisions. »

« Réduire la charge de travail non rémunéré non seulement augmente la capacité des femmes de participer du travail rémunéré et, par conséquent, d'augmenter son indépendance économique. Cela peut aussi augmenter les opportunités éducatives pour femmes et enfants. L'augmentation des niveaux éducatifs pour les femmes, à son tour, a fait apparaître des résultats positifs dans leur santé et la santé de leurs familles. Aucun de ces impacts, toutefois, peut être mesuré sans mesurer la nature et l'effet du travail non rémunéré sur les femmes et ses communautés », a écrit l’experte.

McInturff a souligné que la formulation de lois budgétaires basées sur le genre et le climat « supposent que les frais sont une opportunité de changement positif pour une macroéconomie qui est soutenable et équitable, que mesure le progrès en termes de bien-être, pas selon le PIB, qui prend le changement dans la qualité de vie, pas seulement dans l'économie monétisée ». Mais « dans la pratique, ces budgets invoquent souvent tant les idées d’équité et de justice et les arguments économiques traditionnels relatifs à la rentabilité et à la croissance. En des temps de crise économique mondiale il s'avère difficile de faire valoir qu'il ne faut pas prendre en considération les coûts et  la productivité. […] Face à la thèse que la justice et l'égalité sont énormément chères, ceux qui proposent des projets budgétaires climatiques et de genre  doivent faire face à la contradiction inhérente à leurs tactiques propres : ils doivent même prendre en considération s'ils sont ou non ouverts à effectuer des réclames de justice et d’égalité, quand les objectifs finaux seront antagoniques à la croissance du marché et à la productivité. »

L'étude précédente de Social Watch sur l'économie féministe marquait la nécessité d'établir « des systèmes de sécurité sociale universels et holistiques ». « Un développement soutenable, inclusif et égalitaire requiert un changement dans la théorie économique qui doit être reflété dans la pratique. Il ne s'agit de viser la croissance et formuler quelques politiques destinées aux femmes, mais de concevoir et mettre en oeuvre un nouveau paradigme de développement avec des droits égaux et des opportintés pour tous, sans aucune forme de discrimination. »

Une lutte difficile tant dans les pays pauvres comme dans les riches

Les chapitres du Rapport de Social Watch 2012 relatifs au Canada et à l'Afghanistan sont de bons exemples des difficultés qui constituent un obstacle sur le chemin vers l'équité de genre dans les pays pauvres et dans les riches.

Bien que le gouvernement afghan se soit engagé à combattre l'inégalité et spécialement à l'éliminer dans tous les niveaux du système d'enseignement pour 2020, seulement le 6% des femmes de plus de 25 ans ont reçu un certain type d'éducation formelle et à peine 12% des filles de plus 15 ans sont alphabétisées, selon une étude publiée l'année dernière par l'agence humanitaire OXFAM.

Environ 40% des interviewées par l'organisation ont considéré que la pauvreté est le principal obstacle pour l'accès des filles à l'éducation, et un pourcentage semblable a souligné les mariages précoces et forcés

L'étude d'OXFAM mentionne aussi les défis qui représentent la pénurie d'éducateurs, spécialement femmes, la mauvaise infrastructure des centres d'études, en particulier ceux de secteurs ruraux, et l'insécurité, la réclusion des femmes, les préjugés basés sur les croyances religieuses et les menaces des insurgés. Une vague d'attaques à des filles avec des acides et des gaz a provoqué la désertion d’un grand nombre d’étudiantes. Mais l'espoir renaît après l’annonce des Talibans de ne plus incendier des écoles et a abandonner d'autres mesures visant à décourager la fréquentation des filles a l’école.

D'autre part, le rapport élaboré par FAFIA sur le Canada identifie les femmes comme « les amortissantes dans des situations de crise économique, parce qu'elles portent une plus grande charge du travail non rémunéré et souffrent la déstabilisation de leur intégration dans le secteur formel ».

« Les canadiennes sont entre les premières femmes retournées au marché de travail après la récession, mais cela n'a pas été traduit en bien-être ou stabilité économique », vu sa « plus grande possibilité d'être employés en  demi - journée ou d'effectuer des travaux non rémunérés. Plus encore : elles continuent à souffrir un des écarts salarial de genre les plus larges parmi les pays de l'OCDE », signale le rapport.

« Deux tiers des mères des enfants de moins de six ans ont un travail rémunéré », mais « le gouvernement a annulé un programme de crèches infantiles au bénéfice des pères travailleurs », et les femmes avec un travail non rémunéré, les chefs uniques de foyer et les aborigènes reçoivent des subventions tellement faibles « que le Président du Conseil National du Bien-être Social les a qualifiées « de honte moralement insoutenable pour un pays riche ».

Les canadiennes, et surtout celles de peuples originaires, sont aussi des victimes de violence de genre. Plus de 500 aborigènes ont disparues ou ont été assassinées pendant les derniers 40 ans.

Source
Rapport de Social Watch 2012: http://bit.ly/sEpkxf