Défis énergétiques pour l’Europe

Publication_year: 
2009
RAPPORT ANNUEL : 
Yes

Elena Triffonova
Bulgarien-European Partnership Association

La croissance économique requiert un approvisionnement en énergie continu et croissant.  Le pétrole et le gaz sont des biens qui impulsent le marché mondial et définissent l’agenda géopolitique. Le secteur de l’énergie régente tous les autres : industriel, agricole, commercial et gouvernemental. S’il est vrai que l’Europe occidentale reconnaît sa vulnérabilité énergétique du fait de sa dépendance de la Russie, son principal fournisseur d’énergie, l’Europe de l’Est est encore plus vulnérable. Il faut prendre des mesures visant l’intégration du marché énergétique européen et l’amélioration de la sécurité énergétique, ce qui comprend l’efficacité, les sources d’énergie renouvelables et une administration qui agisse en fonction de la demande.

L’Union européenne est une énorme consommatrice d’énergie. En 2006 les 25 Etats membres1 ont consommé 1,72 milliards de tonnes-équivalent pétrole (Mtep). Pratiquement deux tiers provenaient des hydrocarbures : 706,3 millions de tonnes de pétrole (14,9 millions de barils par jour) et 420,6 Mtep (476, 4 milliards de mètres cubes) de gaz naturel. Le reste, soit 34,6 %, provenait du charbon, du nucléaire et des énergies renouvelables2. Certains pronostics prévoient que vers 2030 la consommation d’énergie de l’UE aura augmenté de 15 %3.

Cependant, l’UE n’a pas de marché d’énergie intégré. La fragmentation de ce secteur  remonte aux années 1970, quand les Etats membres affrontèrent indépendamment la crise du pétrole. Certains d’entre eux, comme l’Allemagne, ont accumulé des réserves stratégiques de gaz et ont investi dans le développement d’infrastructures ; d’autres, comme le Royaume-Uni, ont commencé à explorer leurs propres réserves.

La Russie est le plus grand producteur de gaz du monde, et elle fournit actuellement environ 30 % du total des besoins en gaz de l’UE4.  On peut diviser les pays européens en trois groupes selon leur degré de dépendance des importations de gaz russe5

  1. Les pays très peu dépendants – environ 15 % : la Belgique, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni.
  2. Les pays modérément dépendants – 20-40 % : la France, l’Italie et l’Allemagne.
  3. Les pays très dépendants – plus de 50 % : l’Autriche, la République Tchèque, la Grèce, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Slovénie. Certains pays – la Bulgarie, la Croatie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie, la Serbie et la Slovaquie – dépendent de la Russie pour toutes leurs importations en gaz.

Par conséquent, la bataille du gaz entre la Russie et l’Ukraine début janvier 2009 a affecté directement 17 pays européens en tout. Dans une déclaration faite au milieu de l’année 2009, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a attiré l’attention sur la vulnérabilité toute particulière de plusieurs pays, entre autres, la Bulgarie et Slovaquie.

En Bulgarie, l’Etat est le seul acheteur d’énergie. Pendant la dernière décennie il a signé plusieurs contrats exclusifs avec le consortium russe Gazprom et le pays a par conséquent accru sa dépendance (90 %) à l’égard du gaz russe. D’autre part, depuis 1956, le Gouvernement bulgare a privilégié l’utilisation de l’énergie nucléaire. L’IRT-2000 a été fabriqué au départ en tant que réacteur de recherche, puis en 1966, un accord a été signé avec l’Union Soviétique pour installer des unités commerciales qui fourniraient la base du programme énergétique du pays. Se pliant aux exigences imposées pour son entrée dans l’UE, la Bulgarie a stoppé deux réacteurs nucléaires. Les deux autres produisent environ 35 % de l’électricité du pays6. La consommation d’électricité s’est accrue depuis 1980 et la Bulgarie est également un important exportateur d’énergie. En 2006, la Compagnie Nationale d’Electricité (NEK) a produit 46 milliards de kilowattheures et en a exporté 7,8 en Grèce, en Macédoine, en Serbie et en Turquie7

Dans le cas de la Slovaquie, même si son marché de production et de distribution d’énergie électrique est faible comparé à d’autres pays d’Europe centrale, les projections indiquent que son réseau électrique devra être agrandi pour satisfaire à la demande croissante. La production d’électricité dépend principalement des ressources hydroélectriques et nucléaires, bien que cette situation soit compensée d’une certaine façon par les centrales électriques thermiques (charbon, gaz naturel et pétrole). Le marché du gaz slovaque se caractérise par un haut niveau de dépendance à l’égard de l’approvisionnement russe et par la domination d’une entreprise essentiellement étatique et intégrée verticalement.

La Slovaquie joue un rôle significatif dans le réseau de gaz européen car elle est un important pays de transit pour le transport du gaz naturel vers les pays d’Europe centrale et de l’Ouest. En général, un des défis concernant les relations entre la Russie et l’UE en matière d’énergie, est le transport de gaz par des pays tiers. Bien que l’Europe attribue sa « vulnérabilité » à la Russie, une partie du problème – comme cela a été le cas avec la Biélorussie début 2007 et l’Ukraine début 2006 et 2009 – réside dans les pays de transit.

La crise énergétique de janvier 2009 met en évidence la carence d’une politique d’énergie intégrée de l’UE, même si la Commission européenne a admis la nécessité d’une telle politique et si différentes propositions ont été lancées. Cette carence se reflète dans le fait que l’énergie provenant de la Russie n’est pas écoulée dans la même proportion dans toute la région. De plus, le problème de la dépendance mutuelle est particulièrement complexe. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la Commission européenne a été incapable de concerter une vision commune, ni pourquoi certains pays, parmi lesquels la France, l’Allemagne et l’Italie, ont essayé de développer leurs propres relations de dépendance énergétiques. Les gouvernements nationaux doivent décider de l’équilibre entre dépendance et diversification et  des alternatives pour l’avenir.

Pendant la dernière décennie, la pression en faveur de l’industrie de l’énergie renouvelable a gagné du terrain dans l’UE. Une des propositions contenues dans la Politique énergétique pour l’Europe 2007 a été d’incorporer un minimum de 10 % de biocarburants sur la totalité de combustibles transportés vers 2020, qui devra s’accompagner de l’introduction d’un plan de durabilité pour les biocarburants. La régulation existante fixe l’objectif à 5,75 % pour 20108. Il y est proposé également un objectif obligatoire de 20 % pour la participation totale de l’énergie renouvelable vers 2020, effort qui sera partagé de façon appropriée entre les Etats membres.

Les objectifs principaux à atteindre dans la mise en oeuvre d’une stratégie européenne commune pour promouvoir les biocarburants sont : 1) accroître la sécurité énergétique, car les prix toujours en hausse du pétrole influent rapidement sur le coût de l’énergie et réduisent le pouvoir d’achat des européens et 2) réduire les émissions de gaz à effet de serre, facteur principal du changement climatique. L’augmentation de la température et les changements qui s’opèrent sur les saisons de pluie pourraient affecter les ressources aquifères ainsi que la production agricole.

L’avenir des ressources énergétiques alternatives met sur le tapis la question de la nutrition et de l’avenir de la Politique agricole commune de l’UE. La diversification de l’approvisionnement en énergie et l’investissement en sources d’énergie alternatives sont plus faciles à obtenir pour les Etats membres les plus anciens. Entre les exigences visant à réduire les centrales électriques au charbon pour des raisons environnementales et la résistance vis-à-vis du développement de l’énergie nucléaire, bien faible est le potentiel d’énergie renouvelable pour les membres nouvellement entrés à l’UE.  

Pour affronter des possibles désaccords politiques entre la Russie et l’Europe concernant le gaz, ainsi que les risques spécifiques à la sécurité de l’approvisionnement en gaz des pays de l’Europe centrale et de l’Europe occidentale, l’UE devrait privilégier l’intégration du marché du gaz dans sa politique stratégique de l’énergie9. Des mesures devront aussi être prises pour améliorer le développement de la sécurité énergétique, ce qui inclut de l’efficacité, des ressources renouvelables et une administration adaptée à la demande.

 

1 L’intégration de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007 a élevé le chiffre à 27 membres.

2 Les données fournies sont de BP, “BP Statistical Review of World Energy”, juin 2007, pp. 11-12, 27-28, et 41. Disponible sur: <www.bp.com/productlanding.do? categoryId=6848&contentId=7033471> (consulté le 20 août 2007).

3 Commission européenne, Direction Générale de l’Energie et des Transports, European Energy and Transport: Trends to 2030 – Update 2005, 2006. Disponible sur : <ec.europa.eu/dgs/energy_transport/figures/trends_2030_update_2005/energy_transport_trends_2030_update_2005_en.pdf>.

4 Les relations en matière de gaz remontent à 1968, quand l’Union Soviétique a fourni du gaz à l’Autriche pour la première fois.

5 La classification offerte ici est extraite de Sánchez Andrés, A. (2007). “Russia and Europe: Mutual Dependence in the Energy Sector”. Disponible sur : <www.realinstitutoelcano.org/wps/portal/rielcano_eng/Content?WCM_GLOBAL_CONTEXT=/Elcano_in/Zonas_in/International+Economy/DT+25-2007>.

6 Données de la Compagnie Nationale d’Électricité (NEK). Voir :  <www.nek.bg/cgi?d=1000>.

7 World Nuclear Association. “Nuclear Power in Bulgarie”, 2009. Disponible sur : <www.world-nuclear.org/info/inf87.html>.

8Directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports. Journal officiel de l’Union européenne, 17 mai 2003, Nº. 15. Disponible sur : <www.miliarium.com/Legislacion/Energia/Europa/D03_30.asp>.

9 Noël, P. “Beyond Dependence: How to Deal with Russian Gaz.” Policy Briefs, European Council on Foreign Relations (ECFR), novembre 2008. Disponible sur : <ecfr.3cdn.net/c2ab0bed62962b5479_ggm6banc4.pdf>.

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