Hors du système mais, à l’abri de la crise ?
Équipe de recherche dirigé par Selouha Kamel
Association pour le Développement Social EL-Amel
L’aspect le plus vulnérable de l’économie algérienne découle de sa forte dépendance de la production et de l’exportation d’hydrocarbures, un secteur très développé en Algérie. Le secteur financier, pour sa part, a montré un retard remarquable ainsi qu’une déconnexion vis-à-vis des finances globales. Paradoxalement, ce retard a évité que le système bancaire soit atteint par la crise financière internationale. Mais la crise se répandra quand même dans le pays à travers l’importation de biens et services.
Les difficultés ayant frappé les marchés financiers des États-Unis pendant l’été 2007 se sont transformées en une véritable crise financière mondiale en automne 2008. Les marchés de crédit se sont réduits, les bourses ont chuté et l’insolvabilité a menacé l’ensemble du système financier international. Les pays du monde entier, y compris l'Algérie, en ont ressenti l’impact de manière directe ou indirecte.
Le Président Algérien attribue la responsabilité partielle de la crise à l’absence de règlementations et à l’affaiblissement des efforts consacrés à l’assainissement de l’environnement économique, livré aux lois du marché.
La crise financière mondiale, en ayant mis en évidence les pièges économiques et financiers à éviter, devrait servir de leçon à l’Algérie. Les directives du gouvernement, soit par prévision, soit établies sur la base d’autres paramètres, ont protégé l’intérêt national et ont limité l’exposition de l’économie algérienne aux dangereux déséquilibres du système financier mondial découlant des contraintes du néolibéralisme.
Cette décision provient, partiellement, de la richesse pétrolière du pays, soutien principal de son économie. D’après le ministre de l’Énergie et des Mines – actuel président en exercice de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) – Chakib Khelil, le marché pétrolier a connu une évolution spectaculaire, dont la volatilité est une donnée structurelle qui s’explique par l’activité des spéculateurs1. Le prix du baril de pétrole dépassant à peine 140 USD en juillet 2008 s'est effondré pour atteindre le niveau actuel de 59 USD. La moyenne annuelle tolérée jusqu’au 4 novembre a été de 103,56 USD contre 65 USD en 2007. Le prix du baril algérien pour 2008 a atteint 108,28 USD contre 71,13 USD en 2007.
Tel qu’il est indiqué dans le tableau ci-dessous, l’économie algérienne est bien positionnée pour faire face à la crise économique et financière globale, du moins pendant les deux prochaines années. Ceci, du fait de sa faible exposition sur les marchés financiers internationaux, de sa prudente gestion des réserves de change (le pourcentage du rendement a atteint 4,6 % en 2007), de l’épargne d’une partie des ajouts budgétaires (20 % du PIB en moyenne annuelle pour la période 2005-2007) et de la priorité octroyée au financement interne de l'économie (en dinars algériens) du fait du surplus structurel de liquidité.
Le besoin de réformes
Les efforts pour transférer les opérations du Crédit Populaire et de la Banque de Développement Local à des établissements financiers étrangers – américains ou français – ont été abandonnés du fait que, après un court débat « intergouvernemental », les autorités ont décidé que l’Algérie n’était pas prête à céder le contrôle à des entités étrangères. Dans la mesure où l’économie n’a été ni libéralisée ni privatisée, les bénéfices qui avaient été anticipés ne se sont pas matérialisés2.
En septembre 2008 Sid Saïd, secrétaire général de l’Union Générale des Travailleurs Algériens, a annoncé que le Gouvernement revenait en arrière sur le sujet de la politique du « tout est susceptible d’être privatisé ». Les 220 entreprises publiques en attente de privatisation après la mise en application des mesures règlementaires ont finalement été effacées de la liste de sociétés destinées à la vente.
De plus, le conseil interministériel du Gouvernement, appliqué en janvier 2008 et relatif au traitement des crédits bancaires et de l’assainissement financier des organismes économiques publics, a décidé de remettre les dettes des sociétés viables. Le gouvernement a demandé à un groupe de travail interministériel de prendre en charge la supervision et le suivi de l’industrie des finances et de la promotion des investissements dans des petites et moyennes entreprises.
Renouveau rural
Grâce à la croissance naturelle moyenne de la population ayant atteint 1,62 % annuel (notamment supérieur à celui de 2000, considéré élevé, de 1,48 %) le nombre d’habitants du pays a augmenté de 4,6 millions entre juillet 1998 et juillet 2007. On estime que, vers fin 2010, la population atteindra 35,7 millions. Pour nourrir cette population jeune et croissante, l’Algérie a besoin de plus d'aliments.
Les eaux algériennes contiennent une biomasse de 600.000 tonnes, ce qui permettrait de pêcher 220.000 tonnes par an. Cependant, en raison du manque de moyens matériels, la pêche atteint à peine 170.000 tonnes3.
La balance commerciale agricole de l’Algérie est négative et le pays occupe l’un des dix premiers rangs parmi les importateurs d’aliments au niveau mondial. La valeur de ces importations dépasse le quart du total des importations du pays. Les trois principaux groupes de produits sont les suivants : céréales et dérivés (40 % de la valeur totale des importations agricoles), lait et produits laitiers (14,3 %), huiles et graisses (10,5 %)4.
L’Algérie a importé des céréales et leurs dérivés, des médicaments, du lait et des produits laitiers pour un montant de 2.600 millions d’USD au premier semestre 2008, et un peu plus de 2.000 millions d’USD en 2007. La moyenne de l’inflation a été de 4,9 % au premier semestre 2008, notamment en raison de l’augmentation de 9,2 % du prix des denrées alimentaires, situant l’inflation annuelle, entre juin 2007 et juin 2008, à 2,5 %. En vue de modérer la volatilité des prix, le gouvernement a lancé un système de règlementation en juillet 2008. Dès lors, quelque 51.700 tonnes de pommes de terre ont été stockées.
Pour favoriser les zones rurales, où habite une partie importante de la population, le gouvernement a lancé un plan de soutien à la revitalisation rurale basé sur les actions suivantes :
· Améliorer les conditions de vie des populations rurales, y compris la réhabilitation et la modernisation des villages et des ksours (villages berbères situés tout au long des oasis).
· Diversifier les activités économiques en milieu rural pour augmenter les revenus, ainsi que pour protéger et valoriser les ressources naturelles et le patrimoine rural matériel et immatériel.
· Renforcer les capacités humaines par le biais de l’assistance technique. La presque totalité des exploitations agricoles sont privées, avec des modalités de propriété différentes. Traditionnellement, la plupart des agriculteurs s’est consacrée à la production de céréales sèches et à l’élevage de petits ruminants. Pendant les dernières années, les productions dont les valeurs ajoutées sont plus élevées, comme par exemple les fruits et légumes, ont sensiblement augmenté. A l’exception de la tomate industrielle et de l’huile d’olive, les cultures industrielles restent toujours limitées.
Le Gouvernement, faisant encore un effort pour relancer la revitalisation rurale, a démarré plus de 5.000 projets de proximité dans le cadre du développement rural, conformément au programme de soutien au renouveau rural. Plus de deux millions de foyers, soit huit millions de personnes environ, bénéficient de ces projets.
Le plan national d'autoroutes pour la période 2005-2025, élaboré par le Ministère des Travaux Publics comprend un réseau routier de 1.216 km, direction est-ouest, qui assurera la liaison entre Annaba et Tlemcen. Ceci va bénéficier 24 wilayas (provinces) et, lors de la période de réalisation des travaux, il y aura 100.000 nouveaux postes de travail. Le démarrage du projet est prévu pour 20095.
Conclusion :
Depuis au moins dix ans, il y a eu deux facteurs qui ont provoqué un fort impact sur l’économie et les finances du pays. D’une part, la politique en matière d’hydrocarbures qui a permis le développement du potentiel des ressources du pays ainsi que l'augmentation corrélative du niveau des capacités de production (la production de pétrole est passée de 0,9 million de barils par jour en 2000 à 1,4 million en 2008, dont 1,2 million est destiné à l'exportation6). D’autre part, le soutien sans précédent de l’Etat aux banques nationales (une moyenne annuelle de 2,6 % du PIB pour la période 1991-2002 et 1,7 % pour la période 2005-2006), dans un contexte de réformes monétaires et financières7. Ces deux politiques ont entraîné une augmentation significative du niveau des réserves de change, une accumulation de ressources des fonds de régulation des revenus, un excédent de liquidité dans les banques, et un faible niveau de dette externe.
1 Chakib Khelil, ministre de l’Énergie et des Mines, président de l’OPEP, dans le forum du journal El-Moudjahid, 3 mars 2009.
2 Voir : Mohamed Gacem. « Crise financière mondiale : Vers un recadrage des réformes ». Disponible sur : <www.lesdébats.com/editionsdebats/221008/economie.htm>.
3 Voir : <jijelli.com/htdocs/modules/news/article.php?storyid=905>.
4 Conférence de haut niveau sur l’eau pour l’agriculture et l’énergie en Afrique : les défis du changement climatique. Le cas algérien. Syrte – Lybie, 15-17 décembre 2008.
5 Voir : <www.mtp.gov.dz/autoroute%20est-ouest.htm>.
6 Voir : <www.lemaghrebdz.com/lire.php?id=13393>.
7 Intervention du prof. Farid Yaici : « Les conséquences de la crise sur l’économie algérienne ». Journée d’études réalisée en collaboration avec le Ministre de l’Industrie et de la Promotion des Investissements.
Fichier attaché | Taille |
---|---|
algerie2009_fran.pdf | 210.04 KB |