Climat planétaire : l’effondrement de Copenhague

Publication_year: 
2010
RAPPORT ANNUEL : 
Yes

Md Shamsuddoha
Equity and Justice Working Group Bangladesh[1]

La 15e Conférence de l’ONU sur le Changement climatique qui s’est déroulée à Copenhague en décembre  2009, n’a abouti à aucun accord équitable et juridiquement contraignant sur la définition des objectifs substantiels à atteindre pour la  réduction des émissions, pas plus que sur  le financement, ou l’assistance technologique, ni à une feuille de route précise visant un développement écologique destiné à éviter les impacts dangereux du changement climatique. L’accord de Copenhague n’est pas un effort collectif pour enrayer la crise climatique et n’est pas non plus un cadre exhaustif qui requiert la participation efficace, transparente et responsable de toutes les parties intéressées – gouvernements, organisations de la société civile et institutions financières – dans leur ensemble.

La 15e Conférence des Parties (CoP15) de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique  (CCNUCC), qui s’est déroulée à Copenhague en décembre 2009, n’a pas abouti à l’accord juridiquement contraignant requis pour que l’augmentation de la température moyenne mondiale ne dépasse pas 2º Celsius. Les différents intérêts des parties ont scindé  la CCNUCC en deux groupes : les 40 pays industrialisés et les économies en transition qui figurent en Annexe I, et les pays qui  n’y figurent pas. Les 26 membres du soi-disant « groupe représentatif des leaders », qui sont pour la plupart des pays figurant dans l’Annexe I, n’ont su établir un Accord qu’après un processus de négociation non transparent, vertical et très restrictif.

Le mécanisme de « révision et d’engagement de bas en haut » en matière de réduction des émissions[2] établi par cet Accord n’atteindra pas les objectifs de réduction que conseille le Groupe  intergouvernemental d´experts sur l’évolution du climat : entre 25 % et 40 % en dessous du niveau de 1990. Les engagements qui ont été assumés jusqu’à présent en vertu de l’Accord ne reflètent pas les exigences des délégués qui souhaitaient des actions ou des engagements « ambitieux » et  « énergiques » pour l’atténuation des effets. De fait, l’approbation d’un Accord  « non juridiquement contraignant » est une réussite diplomatique pour les pays développés et pour les pays en développement les plus avancés.

Copenhague : attentes déçues

Depuis l’approbation du Plan d’action de Bali lors de la 13e Conférence des Parties en décembre 2007, des milliers de délégués ont travaillé dans le Groupe de travail spécial sur l’action concertée à long terme au titre de la Convention (AWG-LCA, en anglais) et le Groupe de travail spécial des nouveaux engagements des parties figurant en annexe I, au titre du Protocole de Kyoto (AWG-KP, en anglais). Même à Copenhague, malgré leurs nombreuses  divergences, les délégués ont travaillé avec ardeur pour réduire au maximum les distances, puis ils ont présenté à la séance plénière de clôture des documents entièrement actualisés émanant des deux groupes de travail.

Avec ceci agissant comme toile de fond, la présidence danoise a tenté en parallèle d’imposer une proposition du « groupe représentatif de leaders ». Lorsque Lars Løkke Rasmussen, le Premier ministre danois, a présenté l’Accord de Copenhague devant la CoP et demandé son adoption, il a été durement critiqué pour recourir à un procédé de prise de décisions vertical contraire à la charte de l’ONU et défiant les habitudes traditionnelles et historiques des prises de décisions de l’organisation.

Alors que les conversations sur le climat avaient été jusque-là des plus transparentes des négociations internationales, la réunion de Copenhague a fortement restreint la participation des représentants de la société civile, pourtant dûment accrédités et autorisés par décret à participer à tout le processus. Les derniers jours les représentants de la société civile se sont vus réduits à une centaine. Bien que certains pays en développement et d’autres pays moins avancés (PMA) aient soutenu l’adoption de l’Accord, nombreux ont été les pays en développement qui ont condamné la procédure  la considérant « non transparente » et « antidémocratique », et qui ont refusé de soutenir l’Accord en tant que décision de la CoP.

Finalement, pendant une négociation informelle facilitée par Ban Ki-Moon, Secrétaire Général de l’ONU, les parties ont convenu d’adopter une décision de la CoP dans laquelle la Conférence « prend note » de l’Accord, ce qui veut dire qu’elle n’a été ni adoptée ni admise par la réunion. L’Accord ne peut donc pas être considéré comme un « effort collectif » pour combattre la crise climatique. La construction d’un effort collectif requiert la participation efficace, transparente et responsable de toutes les parties impliquées – gouvernements, organisations de la société civile et institutions financières – agissant de façon globale et garantissant qu’elles oeuvreront toutes de manière équitable au service de la prospérité, du bien-être et de la durabilité mondiales.

Un objectif d’atténuation catégorique

La stabilisation de la concentration des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère à un niveau qui empêche les interférences anthropogéniques dangereuses (DAI, en anglais)[3] avec le système climatique constitue l’objectif principal de la CCNUCC. En général on admet, sur la base des pronostics scientifiques, que l’augmentation de la température doit être inférieur à 2 degrés Celsius[4]. Le monde en développement a invité les pays industrialisés à s’engager à réduire leurs émissions entre 40 % et 45 % à l’horizon 2020, par rapport au point de référence de 1990[5].

Lors des conversations, toutes les parties ont demandé une réduction  « énergique » et « ambitieuse » des émissions, sans que l’on sache trop bien ce que ces mots impliquent. De même, l’Accord ne mentionne pas de chiffres qui quantifient la réduction des émissions à laquelle les pays développés s’engageaient pour l’après 2012, qu’il s’agisse d’objectifs intégrés ou d’objectifs spécifiques nationaux. Même si la grande majorité des pays concernés par l’Accord a réaffirmé le fait que le changement climatique est l’enjeu mondial actuel le plus pressant, aucun objectif obligatoire ou juridiquement contraignant n’y est consigné.

Plus de 120 pays, responsables de plus de quatre cinquièmes des émissions de GES du monde, ont décidé d’apporter leur soutien à l’Accord, et nombreux sont ceux qui ont présenté une déclaration de réduction d’émissions volontaire à travers un procédé « d’engagement et de révision ».  Cependant, bien que les engagements dépendent du scrutin international, il n’existe pas de mécanismes pour assurer que des actions visant à atteindre les objectifs ont été réalisées. Qui plus est, même si les engagements actuels sont tenus dans leur intégrité, il est possible que la température moyenne mondiale augmente de trois degrés ou plus d’ici la fin du siècle[6].

Dégradation de l’esprit de la Convention

La CCNUCC établit des bases solides pour un régime inclusif, équitable et efficace en matière de changement climatique international, qui aborde avec fermeté l’obligation de stabiliser le système climatique tout en reconnaissant le droit des pays à se développer pour faire face à la pauvreté et à la sécurité alimentaire. La Convention est fondée sur le principe d’équité selon lequel les pays développés, majoritairement responsables du problème du changement climatique, doivent « prendre les devants », et sur le principe des responsabilités collectives mais différenciées pour tous les pays. De fait, l’adoption d’un Accord non juridiquement contraignant est une réussite diplomatique pour les pays développés et pour les pays en développement les plus avancés.

Les tentatives des pays développés pour renforcer et répandre le modèle de « l’engagement et de la révision » sous le masque de l’Accord de Copenhague leur aurait permis d’échapper à leur responsabilité et à la dette de carbone qu’ils ont acquise envers les pays en développement en raison de l’usage historique et excessif qu’ils ont fait de l’espace atmosphérique de la planète. Cet excès de la consommation a donné lieu à une dette d’adaptation, puisque les pays en développement sont ceux qui ont subi – et continuent à subir – les pires impacts du changement climatique, et aussi à une dette d’émissions. Par conséquent, il incombe aux pays développés d’entreprendre la réduction énergique des émissions internes et de permettre aux pays en développement d’augmenter les leurs afin de pouvoir couvrir leurs besoins de développement durable.

Financement de l’adaptation : de gros nuages mais peu de pluies 

Les plus amples stratégies destinées à enrayer le changement climatique (par exemple, l’atténuation, l’adaptation et l’aide au développement et la croissance existantes) sont reliées entre elles et constituent un véritable défi pour les pays en développement qui auront besoin de ressources financières nouvelles, additionnelles et progressives en vue de leur mise en oeuvre.

Il faut offrir un financement pour l’adaptation – financer l’adaptation des pays en développement au changement climatique – pour qu’ils puissent construire leur capacité sociale et économique et absorber les impacts actuels et futurs. Parmi les aspects à prendre en compte figurent : le développement de « l’adaptation au changement climatique »[7], la croissance  économique, l’Aide publique au développement (APD) et l’infrastructure existante ;  des investissements supplémentaires pour une infrastructure nouvelle ; le coût de l’adaptation dans les domaines communautaires ; la construction des capacités ; la restauration des services de l’écosystème ; l’attention au déplacement massif ; et l’intégration de l’adaptation aux stratégies de réduction de la pauvreté et les programmes et politiques gouvernementales pertinents. Voilà pourquoi le montant du financement pour l’adaptation est une préoccupation essentielle pour les PMA, pour les Petits états insulaires en développement (PEID)[8] et pour les pays africains qui risquent le plus d’être touchés par les impacts du changement climatique.

Différentes études ont calculé le montant du financement que l’adaptation exige. Oxfam l’évalue à plus de USD 50 milliards [9], le PNUD à  USD 86 milliards [10] et la CCNUCC entre USD 28 et 67 milliards [11] par an. Un autre rapport sur les flux financiers élaboré par le Secrétariat de la CCNUCC a estimé que les ressources financières nécessaires à l’horizon 2030 seront de USD130 milliards pour les activités d’atténuation et de plusieurs centaines de milliards pour l’adaptation, rien que pour les pays en développement. Non contents de ces estimations hétérogènes, fondées en général sur des méthodologies différentes « verticales », les pays en développement ont demandé entre 1 % et 1,5 % du Produit intérieur brut (PIB) des pays développés, indépendamment de l’engagement de l’APD déjà pacté. La Chine a proposé que les pays développés s’engagent à apporter 0,5 % du PIB en dédommagement pour le changement climatique, en plus du 0,7 % d’APD établi par le Consensus de Monterrey[12] (soit USD 260 milliards en 2007)[13].

C’est dans ce contexte que l’Accord de Copenhague prévoit que le chiffre de USD 30 milliards destiné aux « ressources nouvelles et additionnelles » sur la période 2010-2012 peut constituer l’engagement collectif des pays développés « avec des affectations équilibrées entre l’adaptation et l’atténuation » [14]. Alors que les PMA et les PEID, ainsi que l’Afrique en général, auront un accès préférentiel aux fonds  pour l’adaptation, l’engagement actuel est insignifiant. Qui plus est, il n’y est fait aucune mention du montant qui serait réservé au financement de l’adaptation au-delà de 2012. Dans l’Accord de Copenhague, les projections de financement à long terme pour l’adaptation dans les pays les plus vulnérables sont tout simplement négligées.

La situation est sombre : tandis que les pays développés ont montré un intérêt commun et différencié quant à la résolution de la crise financière causée par l’effondrement des marchés, ils ont été réticents à montrer le même intérêt pour résoudre la crise climatique dont ils sont responsables. Cependant, par rapport aux USD 20 milliards d´opérations de remise à flot et de garanties sans conditions que les gouvernements des pays développés ont offert au secteur privé pendant la crise, le montant nécessaire pour aborder le changement climatique est relativement petit[15].

Légitimation de l’instrument néo-colonial

Quelle que soit la somme, l’idéologie du financement climatique est une préoccupation cruciale pour les pays en développement. Pendant la séance plénière de clôture de la CoP15, de nombreux délégués occidentaux ont voulu lier les fonds qu’ils offraient aux pays en développement à la condition préliminaire qu’ils acceptent l’Accord – ce que les délégués des pays en développement ont qualifié de « tentative de subornation ». Ed Miliband, le ministre de l’Énergie et du climat du Royaume-Uni, a dit de façon très spécifique que si les délégués n’acceptaient pas l’Accord « ces fonds ne serait pas mis en œuvre »[16]. Le délégué des États-Unis s’est exprimé dans des termes semblables.  

Ces tentatives de soumission du financement à l’adoption préalable de l’Accord n’adhèrent pas au concept de financement de la CCNUCC auquel se sont engagés les pays développés. Qui plus est, certains se sont référés de nouveau à l’APD comme étant la source de fonds la plus viable –alors qu’au cours des 30 dernières années les pays donneurs n’ont même pas tenu les engagements préexistants de l’APD. À l’heure actuelle, tous les instruments internationaux de financement de l’adaptation – excepté le Fonds d’adaptation du protocole de Kyoto qui a été mis en œuvre il n’y a pas longtemps – se réapprovisionnent par des donations bilatérales au même titre que l’APD, généralement au moyen d’architectures financières existantes.

La bataille entre les pays développés et les pays en développement pour établir une architecture financière en vue du financement de l’adaptation et de l’atténuation a été longue. Pour ce qui est de l’administration des fonds, les pays développés voulaient maintenir l’architecture financière existante, le Fonds pour l’Environnement mondial (FEM), tandis que les pays en développement, considérant que le modèle de financement du FEM était difficile d’accès, exigeaient pour leur part qu’une institution différente soit établie. La solution à cette question a été  l’établissement consensuel d’un Conseil du fonds d’adaptation dont les membres sont élus par les Parties de la Convention et sont placés sous son autorité directe.

Étant donné les modèles de responsabilité historique différentiels, le coût de l’adaptation est perçu comme une dette que le monde industrialisé doit assumer puisqu’il en est le majeur responsable. Les dettes ne peuvent pas se solder par des emprunts, ni même par des subventions ; le concept va au-delà du soi-disant rapport « donneur-récepteur » ou « sponsor-client ». Par ailleurs, le financement est offert aux pays qui remplissent déjà toutes les conditions pour recevoir des prêts souples des banques multilatérales de développement (BMD), c’est-à-dire que les pays participants doivent, pour avoir accès aux prêts, remplir les conditions requises établies par les BMD. Ces institutions n’ont aucune crédibilité auprès de l’administration de ces fonds étant donné leurs mauvais procédés en matière de protection sociale et environnementale, leur manque de gouvernance démocratique ou d’engagement envers la transparence et la reddition des comptes, et les prêts significatifs  effectués en ce moment et par le passé aux hydrocarbures[17]. Les BMD sont des outils de type  néo-colonial ; les légitimer en tant qu’entités opérationnelles du financement climatique reviendrait à remodeler sans plus les politiques d’aide des pays développés.

La « mort » de Kyoto

À la suite des résultats frustrants de la Conférence de Copenhague, une nouvelle polarisation a surgi à propos de la diplomatie sur le climat. D’autre part, l’Accord n’apporte pas davantage de clarté sur la façon dont se déroulera le processus des négociations.

En  ce qui concerne le Plan d’Action de Bali, adopté pendant la CoP 13 en décembre 2007, les négociations suivent deux voies différentes: celle de l’AWG-LCA, qui négocie l’augmentation des actions visant à garantir la pleine exécution, efficace et soutenue de la Convention, et celle de l’AWG-KP, qui a pour tâche de fixer les objectifs de réduction pour la période d’engagements postérieure à 2012, au moment où des analyses scientifiques exigent que des réductions décisives d’au moins 25 % à 40 % soient effectuées d’ici à 2020. Seul le Protocole de Kyoto stipule une période d’engagements comprise entre 2008 et 2012 et fixe des objectifs communs et individuels juridiquement contraignants pour les Parties figurant en Annexe I, variant d’un pays à l’autre, pour réduire les émissions de GES.

Presque tous les pays développés se sont unis pour élever leur voix dans l’espoir de démanteler le Protocole de Kyoto, de regrouper les deux voies en une seule et de produire un résultat légal qui garantisse l’inclusion des pays en développement les plus avancés. Les États-Unis, par exemple, n’ont pas l’intention de ratifier le Protocole ni d’accepter un accord juridiquement contraignant. Ils préfèrent, au lieu de cela, un « accord d’exécution » de bas en haut qui, sur la base d’un ensemble de décisions claires et conformes à la CCNUCC, formalise et renforce les stipulations actuelles de la Convention sur le Changement climatique concernant les engagements pour réduire l’émission de GES volontaires, non juridiquement contraignants et recouvrant toute l’économie, et informer sur les émissions. Cette conception de « l’engagement et la révision » contredit ouvertement le Protocole de Kyoto et laisse toute liberté d’action aux pays pour décider du genre d’objectifs à adopter et de la manière de les réaliser. Alors que l’optique de Kyoto prévoit la réalisation de certains objectifs sur des périodes déterminées, ainsi que des évaluations sur la façon de les réaliser, le processus exigé dans l’Accord de Copenhague, quant à lui, ressemble aux négociations faites dans le cadre de l’ Organisation mondiale du commerce (OMC), où régulièrement, au bout de quelques années, les pays assument de nouveaux engagements pour réduire leurs barrières commerciales[18].

Le Protocole de Kyoto, qui a établi une coalition mondiale entre les politiques, les experts, les fonctionnaires, les organisations de la société civile et les gens du monde entier, décrivait un point de vue intégré visant à affronter les enjeux du changement climatique. Aujourd’hui, l´approche sélective des options préférables qu’adoptent les pays développés rappelle la phrase de l’administration Bush: « Kyoto est mort »[19]. À l’époque, l’affirmation avait été très critiquée dans les pays du monde entier ; à présent, ces mêmes pays doivent faire des efforts pour que le Protocole de Kyoto continue à fonctionner jusqu’à la phase suivante.

Le chemin qui mène à Cancun

Lors de la CoP 15 de Copenhague et de la CoP 13 de Bali, les pays parties ont formé trois blocs de négociation : (a) l’Union Européenne (UE), (b) les États-Unis, avec le soutien du Canada et du Japon, (c) le G77 et la Chine. Ce dernier groupe est le plus important puisqu’il rassemble 132 nations, y compris des pays en développement, PMA, et l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS, en anglais). C’est la plateforme de presque tous les pays ne figurant pas en Annexe I qui, en termes historiques, ne sont pas responsables de la crise climatique actuelle. Cependant, étant donné les disparités existant entre eux quant à la comparabilité économique et la croissance du PIB, c’est également le groupe le plus hétérogène et pratiquement pris dans le sillage des intérêts des pays en développement les plus avancés (le Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud).

L’existence de ces trois blocs a mené à une « diplomatie climatique triangulaire ». Par exemple l’UE a adopté une position qui soutient un résultat légal unique et elle a surtout essayé de pousser les États-Unis, mais également les pays en développement les plus avancés, à accepter des engagements juridiquement contraignants. D’autre part, comme cela a été mentionné plus haut, les États-Unis ont cherché à promouvoir un « accord d’exécution ». De leur côté, les pays en développement les plus avancés ont mis en exergue la responsabilité historique des pays industrialisés, entre autres les États-Unis, les incitant à tenir les rênes du combat contre le changement climatique conformément aux engagements contractés selon l’article 3.1 de la CCNUCC.

Des divergences d’envergure se sont également produites entre d’autres intégrants du bloc du G77 et la Chine ; les PEID et les PMA ont exigé d’établir des négociations portant sur l’Action coopérative à long terme dans le but d’élaborer un protocole qui œuvre de pair avec le Protocole de Kyoto. Ce groupe de pays a également exigé une affectation préférentielle du financement de l’adaptation, proposition que les autres pays en développement les plus avancés n’ont pas secondé. Contrairement à ce qui se passe dans la géopolitique mondiale, les positions des États-Unis et de la Chine semblent se rapprocher en ce qui concerne la diplomatie climatique, étant donné que pour ces deux pays les intérêts nationaux priment sur les intérêts mondiaux.

La polarité multiple qui surgit dans la diplomatie climatique mondiale a pour résultat  de permettre aux différents acteurs-clés d’entraver toutes les avancées significatives lors des futures négociations pour la CoP 16, qui aura lieu en novembre de 2010 à Cancun (Mexique). S’il n’existe pas de posture politique complémentaire entre les pays en développement les plus avancés et les pays développés, les États-Unis entre autres, il est peu probable que des conquêtes et des résultats positifs soient remportés en termes de politique climatique. Qui plus est, la scission des parties du CCNUCC en deux groupes – les pays figurant en Annexe I et ceux n’y figurant pas – n’est plus adéquate étant donné la complexité de la politique climatique mondiale. Alors que nombreux sont les pays en développement et les économies émergentes qui insistent sur la nécessité de conserver cette dichotomie, il faut établir des différences au sein du groupe des pays ne figurant pas en Annexe I pour faciliter le processus des négociations. 

Conclusion

Une étude récente du PNUD sur les résultats de Copenhague[20] signale que la conférence n’est pas parvenue à  établir un accord global pour un futur cadre sur le changement climatique. Cependant, si pour les thèmes principaux les parties utilisaient l’Accord de Copenhague comme guide de politique générale, des progrès significatifs dans les négociations techniques de l’AWG-KP et de l’AWG-LCA pourraient être obtenus et les textes seraient plus vite conclus. En même temps, les inquiétudes des pays qui n’ont pas soutenu l’Accord seraient prises en compte.

En attendant, la première réunion des pays depuis  la Conférence de Copenhague a prolongé le mandat des deux groupes de travail ad hoc – l’AWG-LCA et l’AWG-KP.  Cette double voie de travail présente de grands avantages puisque une grande partie du cadre institutionnel requis existe déjà. Si cet axe de travail n’était pas adopté, les progrès déjà obtenus dans le processus de négociation seraient en péril.

Le financement climatique et les OMD
Ian Percy

La somme de USD 30 milliards destinée au financement « nouveau et additionnel » préconisée par l’Accord de Copenhague est loin d’être garantie. Ce chiffre reflète sans doute les priorités de l’ONU et l’engagement pris en ce qui concerne l’atténuation et l’adaptation pour le changement climatique, mais les tendances historiques ne sont pas encourageantes. Les pays développés donneurs ne sont pas en voie d’atteindre l’objectif du 0,7% du Revenu national brut (RNB) de l’APD d’ici à 2015. Il existe déjà des rapports de la société civile finlandaise, par exemple, dénonçant le fait que le financement climatique est prélevé sur le budget du développement[21]. La situation est similaire dans la plupart des pays qui ont contracté ces engagements. D’autre part, l’organisation BetterAid informe que l’on prévoit que les aides collectées devraient diminuer de plus de USD 2 milliards lorsque les fonds climatiques pour les pays de revenus moyens commenceront à grignoter le budget destiné à l’aide[22].

Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) étant loin d’être réalisés, le développement reste très en retrait par rapport à d’autres objectifs un peu partout dans le monde. Le manque de financement pour le développement est souvent signalé comme étant la cause de la lenteur des avancées dans la réalisation des objectifs. Vu les tendances actuelles, on peut facilement imaginer une chute soudaine de l’APD destinée aux activités non climatiques. Les leaders politiques, surtout au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sont soumis à des pressions chaque fois plus fortes leur demandant de prouver que l’aide qu’ils offrent donne des résultats. Les cibles de développement les moins quantitatives courent vraiment le risque d’être reléguées à un deuxième plan en faveur des stratégies vérifiables d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.

Pendant la 16e Conférence des Parties à Cancun les grands axes du financement climatique devront être établis, afin de garantir que les donneurs et les pays en développement ne perdent pas de vue les engagements liés au développement. En l’absence de qualifications vérifiables et concises concernant les fonds « nouveaux et additionnels », l’éducation et certaines autres priorités de développement risquent de devoir jouer un rôle secondaire face aux parcs éoliens et aux projets de biomasse.

[1] Ce document ne constitue l’expression de la position d’aucun pays partie ou d’aucun groupe.

[2] Ce mécanisme exige un procédé dynamique de coopération internationale dans lequel les pays doivent être qualifiés pour assumer des engagements renouvelés en ce qui concerne la réduction d’émissions de façon continue.

[3] Pour définir la DAI « il faut tenir compte de sujets non seulement scientifiques, mais aussi […] ceux de nature économique, politique et même éthique ». Voir Michael E. Mann, Defining dangerous anthropogenic interference, Actes de l’Académie Nationale des Sciences des États-Unis d’Amérique. Disponible sur : <www.pnas.org/content/106/11/4065.full>.

[4] CMNUCC, "Compte-rendu de la Conférence des Parties de la session Nº 15, célébrée à Copenhague du 7 au 9 décembre 2009, Appendice. Deuxième Partie : Mesures prises par la Conférence des Parties lors de la session Nº 15", FCCC/CP/2009/11/Add.1, 30 mars 2010, 5. Disponible sur : <unfccc.int/resource/docs/2009/cop15/eng/11a01.pdf>.

[5] Le Protocole de Kyoto a fixé l’année 1990 comme année de référence pour la mesure des réductions d’émissions accordées.  Cependant, le Quatrième rapport d’évaluation 2007 du Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (IPCC, en anglais), a calculé les objectifs de réduction d’émissions en prenant comme année de référence l’an 2000.

[6] Wolfgang Sterk et. al., Something Was Rotten in the State of Denmark – Cop-Out in Copenhagen, Institut du Climat, Environnement et Énergie de Wuppertal, avril 2010. Disponible sur : <www.wupperinst.org/uploads/tx_wibeitrag/COP15-report.pdf>.

[7] “L’adaptation au changement climatique” est une phrase qui identifie les risques d’un projet de développement, ou tout autre actif naturel ou humain spécifique, à la suite de la  variabilité et du changement climatique, et qui assure la réduction de ces risques à des niveaux acceptables.

[8] Il y a 52 PEID – états intégrants et non intégrants de l’ONU –  dont dix sont des PMA.

[9] Oxfam, Adapting to climate change: what’s needed in poor countries, and who should pay.

[10] PNUD, Human Development Report 2007/2008: Fighting climate change.Human solidarity in a divided world  New-York, 2007.

[11]CMNUCC, Investment and financial flows to address climate change.

[12] Adopté pendant la Conférence internationale sur le financement du développement qui a eu lieu à Monterrey, Mexique, du 18 au 22 mars 2002.

[13] Basé sur le fait que l’APD de l’OCDE/CAD de 2007, de USD 104 milliards a atteint 0,28% du Revenu national brut de CAD (RNB). Source : OCDE (2008).

[14] CMNUCC, "Rapport sur la quinzième session de la Conférence des Parties", op.cit.

[15] Antonio Tricarico, If Keynes could sit at the climate negotiations table... Proposal for an "International Climate Union" and a SDR-based "Global Climate Fund". Notes pour des débats. GCRN1, 2010.

[16] Reuters, "US-led climate deal under threat in Copenhagen", 19 décembre 2009.

[17]ActionAid, Cereal Offenders, Rapport politique, juillet 2008.

[18] Harro van Asselt, Copenhagen chaos? Post-2012 climate change policy and international law, Amsterdam Law Forum, 2(2), 2010.

[19] Dick Thompson, “Why U.S. Environmentalists Pin Hopes on Europe?” Time, 26 mars 2001.

[20] Alina Averchenkova, The Outcomes of Copenhagen: The Negotiations and the Accord, Série sur la politique climatique du Groupe pour l’environnement et l’énergie du PNUD, février 2010. Disponible sur : <www.preventionweb.net/files/13330_UNDPBRMCopenhagenfinalweb.pdf>.

[21] Better Aid. Disponible sur : <www.betteraid.org/index.php?option=com_content&view=section&id=110&Itemid=60&lang=en>.

[22] Ibid.

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