Les Pays arabes et les OMD: pas de progrès sans justice sociale

Publication_year: 
2010
RAPPORT ANNUEL : 
Yes

Ziad Abdel Samad, Directeur exécutif [1]
Arab NGO Network for Development (ANND) 

Si les avancées continuent à progresser au rythme actuel, la région arabe n’atteindra pas les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) pour l’année 2015. Cette lenteur est due principalement au faible soutien de la communauté internationale envers l’Objectif 8 en matière de partenariat mondial pour le développement et au peu d’intérêt politique démontré pour que la justice sociale et économique dans la région soit un fait. D’autres obstacles régionaux importants empêchent que les objectifs s’accomplissent comme le manque d’engagement envers les Droits de l´Homme  et le principe de bonne gouvernance, sans compter la fragile stabilité politique, la démocratie médiocre et l’absence d’un cadre pacifique et durable limitant l’action.

L’année 2010 est très importante pour le processus de réalisation des OMD parce qu’elle marque les dix ans depuis l’adoption de la Déclaration du Millénaire et les cinq ans avant la date butoir de la période d’exécution proposée. En juin 2010 l’ONU a organisé des réunions avec des groupes de la société civile pour un suivi préparatoire, et tout le processus sera analysé par l’Assemblée générale de l’ONU en septembre.

Le moment est donc propice pour effectuer un bilan fidèle des efforts fournis pour atteindre les objectifs, pour évaluer les processus et faire des recommandations concrètes pour reconduire les efforts de la meilleure façon possible et pour inclure les différentes parties intéressées à la réalisation des progrès effectifs. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que presque tous les rapports nationaux, même les plus optimistes, affirment qu’il est peu probable que les objectifs soient atteints en 2015, du moins au rythme actuel de la progression et compte tenu des retombées de la crise économique mondiale.

Le partenariat mondial convenu dans l’Objectif 8 est une claire reconnaissance du besoin de renforcer les engagements mondiaux afin de compléter les efforts nationaux et locaux des pays en développement. Cependant, jusqu’à présent ces engagements mondiaux ne se sont pas traduits par des décisions concrètes et explicites ni par des politiques à mettre en oeuvre. Tout d’abord, on perçoit clairement dans la diminution de l’Aide publique au développement (APD) le manque uniforme de volonté politique. De fait, malgré les donations promises, l’APD reste très en deçà de la cible visée. Les chiffres les plus optimistes montrent qu’elle ne dépasse pas 0,31% du Produit Intérieur Brut (PIB)[2] . Pour les pays les moins avancés (PMA)[3] , le pourcentage atteint est de 0,09 % au lieu du taux convenu[4] de 0,15 % - 0,20 %. Deux autres cibles essentielles de l’Objectif 8 n’ont pas non plus abouti : les politiques de commerce équitable et l’allègement de la dette.

Ce qui s’avère plus problématique encore, c’est l’étroitesse de point de vue adopté par les pays du G-8, par certaines agences de l’ONU et par d’autres institutions internationales, réduisant les débats sur la progression des OMD à une discussion sur l’argent et sur l’aide, ce qui reflète une vision très controversée des enjeux du développement. L’objectif principal devrait être, en revanche, la capacité des pays à se développer. Mais il n’y a pas non plus, à l’échelle nationale, ni la vision ni la capacité nécessaires pour adopter des politiques économiques intégrées et inclusives aux budgets transparents, reflétant une mobilisation correcte des ressources locales et une meilleure façon de les utiliser. L’idéal serait que le renforcement des capacités des pays leur offre des options supplémentaires, leur permette d’améliorer leur savoir-faire et d’assurer leurs progrès en matière de développement, et leur garantisse également un meilleur usage de leurs ressources.

Le Sommet des membres du G-8 qui s’est tenu à Gleneagles en 2005, s’est conclu par l’engagement de verser USD 150 milliards pour lutter contre la pauvreté. Cependant, les crises alimentaires, de carburants et financières, ainsi que la préoccupation croissante pour le changement climatique, sont autant de prétextes invoqués pour se délier de cet engagement. Ces crises sont une conséquence du système de mondialisation actuel qui n’arrive pas : d’une part, à obtenir des corporations multinationales qu’elles justifient leur gestion et qu’elles assument des responsabilités et d’autre part, à adopter et mettre en pratique des solutions transcendantes et effectives aux défis que posent dans le monde entier la pauvreté, le développement et l’injustice. Ce système s’occupe davantage de mettre en place des mesures d’urgence pour surmonter l’impact immédiat des crises plutôt que d’assumer des interventions à long terme abordant dans leur intégralité les causes fondamentales du chômage, de la pauvreté en hausse et de la marginalisation politique, sociale et économique.

Fin 2008, les chefs d’État réunis à Doha pour la Conférence du suivi sur le financement du développement ne sont pas arrivés à une vision globale pour l’atteinte des OMD. Au lieu d’aborder les problèmes fondamentaux qui sont à l’origine de la crise financière et économique mondiale, ces dirigeants ont réitéré les décisions « d’urgence » du G-20 qui se centrent sur la façon d’affronter les impacts immédiats des crises. Les groupes de la société civile qui ont participé à la Conférence de Doha ont critiqué les résultats et ont exigé de remplacer le Consensus de Washington par une nouvelle alliance qui se basera sur une révision complète des politiques mondiales actuelles par les institutions internationales et le G-8. L’effort réalisé par l’Assemblée Générale de l’ONU pour aborder ce sujet, avec la Commission Stiglitz, puis la Conférence des Nations Unies sur la crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement en juin 2009, s’est également enlisé, ce qui démontre que la communauté internationale est incapable de se mettre d’accord sur une stratégie globale du développement et préfère protéger les intérêts des corporations multinationales.

Les enjeux des OMD dans la région arabe
 
Le Rapport arabe sur le développement humain 2009[5] , qui aborde le concept de la sécurité humaine, révèle que les indicateurs de développement de la région sont très en dessous de ce qui avait été promis. Il souligne les enjeux économiques et insiste sur le fait que la dépendance des pays arabes vis-à-vis de la production pétrolière rend leurs économies très vulnérables aux fluctuations internationales du prix du brut. Leur dépendance de l’investissement étranger représente un autre enjeu économique important, car elle accroît considérablement leur vulnérabilité face aux crises économiques mondiales, comme celle de ces dernières années. En plus, les économies arabes s’orientent vers les services, ce qui signifie que leurs secteurs productifs s’affaiblissent chaque fois plus.

Le chômage reste un enjeu essentiel. L’Organisation arabe du travail signale qu’en 2008 le chômage était monté à 14,4 % contre 6,3 % du taux global, soit plus du double. Bien que le taux varie d’un pays arabe à un autre, le chômage chez les jeunes est très élevé, car ils représentent plus de 50 % des demandeurs d’emploi. Le chômage moyen des jeunes de la région est de 25,5 %[6] , le taux le plus élevé du monde. De plus, le taux de chômage est supérieur chez les femmes à cause de l’éternelle discrimination dont elles font l’objet sur le marché du travail.

Un autre problème impératif lui aussi est la pauvreté cumulée sur l’ensemble de la région dépassant 39 %, ce qui veut dire que pratiquement 140 millions de citoyens  arabes vivent en deçà du seuil de pauvreté et n’ont pas droit à un niveau de vie décent[7] . Les rapports nationaux sur les OMD préparés par les gouvernements grâce à l’assistance technique du PNUD, indiquent que la région ne parviendra pas à résoudre le problème de la faim généralisée. En 2004, les calculs indiquaient que 25,5 millions de personnes souffraient de la faim et de malnutrition ; le nombre de personnes vivant dans cette situation a donc considérablement augmenté par rapport à 1994[8] . Le rapport préparé par le PNUD et la Ligue arabe sur les enjeux que présente le développement dans cette région montre que, malgré les progrès enregistrés en Syrie et au Soudan pour l’autosuffisance en céréales, la sécurité alimentaire n’a pas connu d’amélioration tangible depuis 1990[9] .

ANND: l’évaluation des OMD

En 2000, 22 dirigeants arabes ont adhéré à la Déclaration du Millénaire et se sont engagés à atteindre les OMD pour l’année 2015. Au cours de la dernière décennie, de nombreux évènements politiques, économiques et sociaux ont affecté les processus de réforme dans les pays arabes. La « Guerre contre le terrorisme », qui a commencé par l’invasion et l’occupation de l’Afghanistan en 2001, l’invasion et l’occupation de l’Iraq en 2003, la guerre israélienne contre le Liban en 2006, la détérioration régulière des conditions de vie du peuple palestinien, surtout après le siège de la Bande de Gaza en 2007, ainsi que les conflits internes qui ont surgi dans des pays comme l’Algérie, le Liban, la Somalie, le Soudan et le Yémen, sont des faits qui s’inscrivent parmi ceux qui ont le plus contribué à déstabiliser la zone. La situation a empiré à cause des effets dévastateurs de la crise alimentaire, du changement climatique et de la fluctuation des prix du pétrole, dont les effets négatifs nuisent aux efforts des pays pour atteindre les objectifs du développement.

Néanmoins et en dépit de ces enjeux, la responsabilité de la réalisation des objectifs de développement incombe aussi aux systèmes et aux institutions nationales existantes, et plus précisément aux régimes et aux autorités qui détiennent le pouvoir. L’évaluation des OMD réalisée par l’ANDD (Réseau des ONG arabes pour le développement) a donc étudié les objectifs financiers et de développement, les problèmes concernant l’égalité des sexes et la transversalité des objectifs dans les politiques nationales.

Pour ce qui est de financer et de mobiliser des ressources pour le développement et les OMD, les pays arabes, pour la plupart, ne sont pas parvenus à obtenir de ressources locales ou régionales car leurs politiques visant à attirer les investissements, l’aide et les prêts étrangers s’avèrent inefficaces [10] .  Mais les investissements étrangers n’ont pas encore produit les effets positifs attendus ; l’APD n’a pas été affectée en fonction des besoins humains élémentaires et, du point de vue quantitatif, elle n’a pas suffi à encourager les gouvernements à faire les progrès nécessaires pour atteindre les objectifs. Qui plus est, les pays n’ont pas d’administrations publiques capables de gérer les ressources disponibles. Et finalement, le recours aux emprunts pour investir dans les secteurs et dans des activités économiques non productives s’est soldé pour de nombreux pays arabes par une augmentation du service de la dette et, de fait, s’est traduit par un revers concernant la réalisation des objectifs.

Un léger progrès a été obtenu quant à la transversalité des OMD dans la formulation des politiques nationales et dans l’évolution générale vers la réalisation des OMD à l’échelle nationale, notamment l’inclusion des différentes parties intéressées et des organisations de la société civile. Ceci dit, les processus manquent encore de mécanismes adéquats pour une participation effective. Il n’y a pas de résultats réels en raison de l’absence d’institutions démocratiques opérationnelles, des grandes dépenses militaires, du poids de l’évolution démographique et des politiques économiques qui ont fait que les écarts se creusent chaque fois plus au niveau de la distribution de la richesse et du chômage massif. Vu ce contexte, les gouvernements de la région arabe n’ont pas intégré les cibles des OMD dans leurs plans de développement nationaux. De plus, les politiques globales ont contribué à réduire leur espace politique, en limitant encore plus les efforts nationaux en matière de développement.

En ce qui concerne la transversalité de la dimension de genre dans le processus de réalisation des OMD, il convient de signaler que les femmes de la région arabe restent en bonne partie exclues de la vie politique et économique. Cette exclusion prend sa source dans la structure patriarcale des sociétés arabes et dans l’influence exercée par les normes et les valeurs traditionnelles et religieuses. La quantité de réserves émises par tous les pays arabes qui ont ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), affaiblissant ainsi son application, illustrent parfaitement la situation. L’exclusion des femmes des  processus destinés à atteindre les OMD représente un gaspillage des ressources et des chances de progrès.

En ce sens, les modèles économiques que suivent les pays arabes ainsi que les stratégies nationales inadéquates qu’ils ont adoptées pour le développement social sont les deux facteurs principaux de leur manque de progression vers les OMD. Par conséquent, la recommandation pour l’avenir est de créer des institutions adéquates et d’entreprendre une vaste réforme du système de gouvernance politique dans toute la région afin d’obtenir une plus grande transparence, la reddition des comptes et plus de responsabilité.

Observations au niveau national [11]

L’observation de la situation des OMD au niveau national révèle clairement que les gouvernements négligent leurs engagements au moment de les respecter. Bien que les positions officiellement déclarées arborent une attitude positive envers les OMD et soulignent le besoin de les atteindre, ces positions s´en tiennent aux déclarations purement verbales et ne se traduisent pas par des politiques effectives du gouvernement ni par des stratégies ou des plans d’action nationaux concrets.

Les politiques économiques et sociales manquent d’une vision intégrée qui s’appuie sur les droits humains. La mauvaise gouvernance est l’un des principaux facteurs que sous-tend généralement l’usage inefficace des ressources. De plus, les contextes nationaux montrent le peu de volonté politique à satisfaire les besoins humains de base et à offrir de plus amples garanties au respect des droits humains élémentaires. En revanche, il apparaît clairement que les différents groupes détenant le pouvoir établissent leur rapport avec la population sur la base du népotisme et de l’exploitation des inégalités de pouvoir, ceci étant renforcé par sa nature totalitaire et autoritaire. On peut observer dans différents contextes nationaux quatre éléments fondamentaux qui semblent être directement ou indirectement responsables des situations nationales problématiques :

  • Un manque uniforme de démocratie, de participation et de bonne gouvernance. Ceci se traduit par une faible participation politique, des systèmes politiques opaques et sans reddition de comptes, et des fonctions publiques peu compétentes, inefficaces et improductives. Ce sont là des entraves importantes qui empêchent les pays arabes de mobiliser et d’utiliser correctement les ressources nationales, qu’elles soient naturelles, financières ou humaines.
  • Les enjeux systématiques liés au manque de transparence et d’intégrité dans les politiques publiques et dans l’offre des services sociaux. Le concept des Droits de l´Homme est absent de la formulation des politiques nationales, ce qui mène à une interprétation erronée de  « l’État de droit ». Il faut que la protection sociale et le bien-être de la population soient considérés comme des droits intrinsèques aux droits humains et non pas comme un cadeau des puissances politiques dénaturant le rapport entre les citoyens et l’État.
  • Un manque continuel de stabilité, de sécurité et de paix dans la région a contribué à l’instabilité structurelle et à la confusion dans les politiques de développement. Ce contexte instable a fait diminuer l’intérêt des investisseurs étrangers pour la région arabe, et a favorisé le gaspillage des ressources et des moyens destinés au développement et les faibles taux de productivité causés par la mauvaise gestion du temps et des ressources.
  • Le manque constant d’une orientation fondée sur les droits humains lors de l’élaboration des politiques contribue à l’absence de stratégies nationales intégrées pour le développement social.

De plus, la région présente un contraste considérable entre les indicateurs économiques et les indicateurs de développement. La plupart des pays arabes producteurs de pétrole ont traversé une période de croissance économique relative en raison de la hausse des prix. Cela a eu une répercussion indirecte sur l’ensemble de la région qui a vécu une des plus fortes croissances économiques du monde. Cependant, cet élan ne s’est pas traduit par des avancées en termes de développement, car la plupart des pays continue à montrer des résultats de développement humain très faibles. De fait, étant donné que les OMD et les objectifs de développement en général n’ont pas été une priorité pour les dirigeants arabes, il n’y a pas eu de politique adéquate pour la distribution des richesses entre les pays ni au sein des pays de la région.

Malgré ces contextes problématiques, de nombreux rapports officiels sur  les OMD ont tenté de refléter une situation plus positive. C’est pourquoi ils n’ont pas formulé d’indicateurs concrets et mesurables des stratégies de gouvernement, se limitant souvent à émettre des recommandations abstraites et normatives pour l’avenir. En général, la plupart des rapports officiels ont essayé de faire une démonstration truquée de l’engagement du Gouvernement quant à l’affectation de ses ressources aux cibles de développement et aux OMD. Ils ont également essayé de se montrer confiants quant à la réalisation des objectifs en 2015. Ce faisant, ils ont omis de divulguer les faiblesses manifestes de nombreux contextes nationaux.

Alors que majoritairement les rapports mentionnent l’inclusion des différentes parties intéressées dans le processus d’évaluation des OMD, on ne sait pas trop dans quelle mesure cette participation a été effective ni quels sont les critères qui ont été adoptés pour les inclure. Le plus probable, c’est que cette tendance à inclure des acteurs non gouvernementaux du monde académique et de la société civile, obéisse davantage aux exigences de l’ONU et de ses partenaires donateurs qu’aux points de vue nationaux réellement participatifs.

Nombreux sont les rapports qui exagèrent la responsabilité des donateurs, dénonçant le niveau inadéquat ou le caractère conditionnel de leur aide au développement, sans dénoncer à la fois les problèmes nationaux intervenant dans l’élaboration de politiques et le savoir-faire des institutions. Les rapports officiels sur les OMD de l’Égypte ou du Yémen en sont la preuve.

D’autre part, le rapport officiel de l’Arabie saoudite sur les OMD se centre seulement sur les succès, sans signaler convenablement les enjeux et les faiblesses qui subsistent et sans faire non plus de recommandations pour l’avenir. Le rapport de Bahreïn, quant à lui, évite même de parler des cibles, sous prétexte que Bahreïn n’est pas un pays en voie de développement           « typique » alors qu’il s’est engagé clairement à relever les enjeux mentionnés dans son rapport national. L’évaluation indépendante, neutre et objective du processus de suivi des OMD est rarement mentionnée, à la seule exception du rapport de la Palestine, qui a réussi à brosser un tableau plus réaliste de la situation.

Les rapports nationaux officiels de Bahreïn, du Liban, de la Jordanie, du Soudan, du Yémen et de l’Autorité Palestinienne, indiquent que les OMD et les processus correspondants de présentation de rapports son inclusifs. En fait, ces rapports sont pour la plupart le résultat du travail d’une commission technique supervisée par les ministères nationaux de planification (ou des organismes similaires) avec l’assistance technique et financière des bureaux nationaux de l’ONU, et même de toutes les agences pertinentes. Cependant, les rapports nationaux de l’Égypte, de la Tunisie et de l’Arabie saoudite ont été rédigés par les gouvernements avec le seul soutien du PNUD. Ceci jette des doutes sur la neutralité relative, sur la précision de la collecte et de la présentation des données et sur l’authenticité des tentatives des gouvernements pour progresser en thèmes de développement.

Observations issues du processus d’Examen Périodique Universel
Dans la région arabe les états violent constamment les Droits de l´Homme, comme l’ont signalé des dizaines de rapports, dont ceux publiés par l’ONU et diverses Organisations Non Gouvernementales (ONG) internationales telles que Human Rights Watch et Amnistie Internationale. Cependant, les pays arabes insistent pour maintenir les réserves émises vis-à-vis des conventions  internationales de Droits de l´Homme, empêchant ainsi toute matérialisation d’un progrès réel de leur développement.

Un problème particulier réside dans le fait que dans de nombreux pays arabes les droits sociaux et économiques ne sont pas abordés de façon adéquate par les gouvernements. Un résumé analytique des résultats des Examens Périodiques Universels de différents pays arabes, réalisé sous l’auspice du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, confirme ces observations.

De graves violations du droit à un niveau de vie décent, à l’accès au logement et à l’eau potable sont observées par exemple en Égypte, en Irak et au Yémen. Les examens ont conclu qu’il faudrait affecter davantage de ressources à l’amélioration des mesures de développement économique et social, grâce à des politiques conçues pour lutter contre la pauvreté et à faire respecter les droits humains.

Quant au droit au travail dans des conditions adéquates, de graves violations sont observées dans la plupart des pays arabes, spécialement envers des groupes de travailleurs vulnérables tels que celui des femmes et des émigrés. Le travail des enfants continue à être un enjeu, ainsi que le taux de chômage chez les jeunes, très élevé en comparaison avec les taux mondiaux.

En matière de droit à l’éducation, malgré les efforts effectués, beaucoup de pays arabes montrent un accès limité à l’éducation élémentaire et présentent des taux élevés d’analphabétisme. Si tant est que certains pays ont légèrement amélioré leurs indicateurs quantitatifs quant à l’éducation, la qualité de celle-ci au regard des besoins du marché du travail continue à être préoccupante.

Dans le domaine du droit à la santé, bien que les gouvernements aient intensifié leurs efforts pour améliorer l’accès aux services publics de la santé, les indicateurs ne confirment pas de progrès dans ce sens. Ceci est dû, probablement, à ce que, dans cette région, le secteur de la santé en général préfère établir des réseaux de sécurité et cibler des groupes spécifiques, excluant un grand nombre de personnes des programmes et des services des soins de santé.

Conclusions

Pour atteindre les OMD en 2015, de grands efforts supplémentaires sont nécessaires, ainsi qu’une volonté politique pour renforcer l’adoption et la mise en œuvre de politiques de développement. À cette fin, les cibles concrètes et mesurables peuvent servir d’outil d’évaluation des avancées.

Accroître l’efficacité des administrations publiques reste un enjeu fondamental, et exige différentes mesures concrètes. Les fonctionnaires publics devraient recevoir une formation qui s’aligne sur les droits humains, pour apprendre à traiter avec davantage de respect les personnes et leurs besoins. Une démarche également importante aux fins d’améliorer la mise en oeuvre de politiques publiques et de stratégies nationales consiste à renforcer les autorités publiques en les nantissant d’un pouvoir basé sur des règlements que les citoyens devront respecter.

Un engagement politique sincère, se reflètant dans des politiques publiques concrètes et des plans de mise en oeuvre du développement, devrait être fondé sur l’intégrité et la transparence. La participation des citoyens grâce à des organisations de la société civile et autres groupes d’intérêt est un facteur important pour obtenir de bons résultats. Cela exige de la part du système administratif une réforme endiguant la corruption systématique qui l’affaiblit. À ce sujet, il est bon de signaler que l’adoption et l’application de la Convention des Nations Unies contre la corruption contribuerait à réformer le système d’élaboration des politiques publiques.

Suivre ces recommandations sans des engagements politiques explicites n’est pas tâche facile. Les recommandations mentionnées font état de trois conditions indispensables : la démocratie pour garantir une participation adéquate, la reddition de comptes et la responsabilité ; la bonne gouvernance pour garantir une mobilisation et un investissement adéquats des ressources ; et la justice sociale pour obtenir des politiques intégrées et inclusives. Malheureusement, ces conditions indispensables étant encore inexistantes, il devient évident que la région sera incapable d’atteindre les OMD pour l’année 2015.

 

[1] L’auteur remercie Marc Van de Weil pour son aide précieuse.

[2] Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), L'aide au développement a augmenté en 2009 et la plupart des donateurs atteindront les objectifs d'aide pour 2010. Disponible en français sur : <www.oecd.org/document/11/0,3343,fr_2649_34447_44995507_1_1_1_1,00.html >.

[3] Cinq  pays arabes sont considérés PMA : les Comores, Djibouti, la Somalie, le Soudan et le Yémen.

[4] Majed Azzam, Assessing the MDGs in the Arab region: A Survey of Key Issues, Arab NGO Network for Development (ANND), 2009.

[5] PNUD, Bureau régional pour les États arabes, Arab Human Development Report 2009: Challenges to Human Security in the Arab Countries, New York, 2009. 

[6] Organisation arabe du travail, 2003. Voir : <www.alolabor.org/>.

[7] PNUD, Bureau régional pour les États arabes et Ligue des États arabes, Development Challenges in the Arab States: A Human Development Approach, New York, Mai 2009.

[8] PNUD, Bureau régional pour les États arabes, op. cit.

[9] PNUD, Bureau régional pour les États arabes et Ligue des États arabes, op. cit.

[10]Voir : Ayah Mahgoub,  2009. Disponible sur : <blogs.cgdev.org/global_prosperity_wonkcast/2010/03/09/cash-on-delivery-aid-ayah-mahgoub-on-cod-in-education>.

[11] Cette section se fonde sur les rapports des membres de l’ANND sur le processus pour l’atteinte des OMD à Bahreïn, en Égypte, en Jordanie, au Liban, au Soudan, en Tunisie et au Yémen, d’un point de vue centré sur les enjeux nationaux et sur la pertinence des politiques adoptées, et qui ont mis en exergue un ensemble de recommandations de la société civile visant la promotion des OMD.

Fichier attachéTaille
PaysArabes2010_fran.pdf95.1 KB
Region: 
left