RAPPORTS NATIONAUX

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2010
RAPPORT ANNUEL : 
Yes

National Reports

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Aide au développement sans directives claires

Publication_year: 
2010
Summary: 
Après avoir été un pays récepteur d’aide pour le développement la Pologne est devenue aujourd’hui pays donateur et participe à la réduction de la brèche du développement mondial. Cependant, malgré son nouveau rôle sur la scène politique internationale, la Pologne doit encore faire face aux effets secondaires de la transition vers une économie de marché. D’autre part, les répercussions de la crise financière mondiale se font sentir au niveau de l’économie nationale et, par conséquent, au sein des foyers.

Network of East-West Women / NEWW-Polska
Agnieszka Nowak
Monika Popow

Après avoir été un pays récepteur d’aide pour le développement la Pologne est devenue aujourd’hui pays donateur et participe à la réduction de la brèche du développement mondial. Cependant, malgré son nouveau rôle  sur la scène politique internationale, la Pologne doit encore faire face aux effets secondaires de la transition vers une économie de marché. D’autre part, les répercussions de la crise financière mondiale se font sentir au niveau de l’économie nationale et, par conséquent, au sein des foyers.

Au début de la transition économique de 1989, le Produit intérieur brut (PIB) de la Pologne a brusquement chuté et le taux de pauvreté s’est élevé de façon significative. L’Office national de statistiques estime que le taux de pauvreté extrême en 2008 est descendu à 5,6 %, alors qu’il était à 6,6  % en 2007. Le taux de pauvreté relative était de 17,3 % en 2007 et de 17,6 % en 2008. Le pourcentage de personnes vivant dans un logement et ayant un indice de consommation inférieur au seuil de la pauvreté était de 10,6 % en 2008 et de 14,6 % en 2007[1].

Cependant, les différences entre les groupes sociaux se creusent. Il est très probable que la diminution actuelle des revenus familiaux entraîne l’appauvrissement accru des classes moyennes et ouvrières. L’exclusion sociale toujours grandissante se répercute sur le processus démocratique : seulement 25 % des Polonais considèrent qu’ils peuvent avoir une influence sur l’État ;  72 % affirment qu’une telle influence dépasse leurs capacités[2].

Les familles pauvres, les mères célibataires, les enfants orphelins, les personnes handicapées ou atteintes de maladies chroniques et les personnes âgées constituent les groupes de risque d’exclusion sociale les plus importants. Étant donné que les mères de famille sont celles qui assument la plus grande responsabilité du soin des enfants, ainsi que des membres de leur famille, vieillards ou handicapés, on peut considérer que la pauvreté affecte plus directement les femmes que les hommes[3].

Selon l’Office national de statistiques, le taux de chômage enregistré atteignait 8,5 % fin 2009 : 8,2 % chez les hommes et 8,8 % chez les femmes[4]. Il convient d’ajouter que la Pologne manque de moyens efficaces pour stimuler l’embauche des femmes, particulièrement de celles de plus de 50 ans, et d’une réglementation qui combatte la discrimination à l’égard des femmes sur le marché du travail, comme par exemple le manque de disposition à leur offrir un travail en cas de maternité.

Éducation

La Pologne présente des niveaux de scolarisation élevés dans tout le système éducatif. L’accès universel à l’éducation est garanti et les taux d’alphabétisation atteignent pratiquement 100 %. Parmi la population de plus de 16 ans, les femmes présentent un niveau éducatif plus élevé que celui des hommes : 19,5 % des femmes a suivi des études secondaires et 9 % des études supérieures (contre 16,4 % et 14,8 % des hommes, respectivement)[5].

Cela dit, le système éducatif polonais reste cependant discriminatoire en fonction du sexe, surtout dans le secteur tertiaire. Les femmes constituent la moitié des élèves, parfois même plus, mais elles ne participent pas dans le processus des prises de décisions. Par ailleurs, les écarts entre les sexes se creusent en ce qui concerne les salaires, les promotions, les conditions de travail et le niveau académique. Qui plus est, les études supérieures ne tiennent pas compte de la problématique que pose l’équilibre entre la vie de famille et la carrière professionnelle. La discrimination des femmes scientifiques est facilement discernable puisque, malgré le fait que 65 % des diplômés soient des femmes, leur participation aux études de plus haut niveau diminue après l’obtention de la licence. Au niveau du doctorat, 49 % des diplômées sont des femmes et le nombre de professeurs femmes aptes à enseigner en faculté atteint 35 %. Pourtant, seulement 16 % d’entre elles obtient une chaire[6].

La santé

Le système sanitaire est financé par des fonds publics. Bien qu’il existe des organismes publics et privés qui coopèrent avec l’État dans l’administration des soins, le système ne compte toujours pas sur les ressources nécessaires. Les patients doivent payer certains services à part. Seul un petit nombre de personnes a les moyens de payer l’assurance maladie, qui est chère, et la grande majorité de la population n’a pas accès à un système de santé de bonne qualité.

Il existe un grand déficit en matière de droits sexuels et reproductifs en Pologne. L’accès limité aux contraceptifs, ainsi que le manque d’orientation en matière de planification familiale et de soins qualifiés avant, pendant et après la grossesse pour toutes les femmes, constituent une violation des droits humains. Le pays a reçu plusieurs blâmes en ce sens de la part des agences internationales. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW, selon son sigle en anglais) a décidé que la Pologne devait mettre en œuvre des mesures favorisant l’accès des femmes aux soins de santé et a recommandé de faire des recherches sur l’ampleur, les causes et les conséquences de l’avortement illégal et de ses effets sur la santé des femmes[7].

D’autre part, des services tels que l’assistance médicale pendant l’accouchement ou l’anesthésie épidurale libre sans ordonnance médicale doivent être payées à part et comptant. Les femmes doivent assumer le coût élevé de l’accouchement si elles désirent que leur partenaire y assiste, ou pour avoir droit à une anesthésie autre que l’habituelle, ce qui fait que l’écart entre les riches et les pauvres se creuse encore plus.

L’immigration

Par rapport à d’autres pays de l’Union européenne, la Pologne a une histoire relativement courte en matière d’immigration. Pendant longtemps les politiques migratoires de la Pologne se sont davantage centrées sur les sorties que sur les entrées de migrants. Au cours de la période 1989-2004, les politiques sur l’immigration sont devenues plus réactives, au fur et à mesure qu’avançaient les préparatifs d’entrée au sein de l’UE. On parlait de l’immigration surtout au sujet des droits humains et de la protection des réfugiés, de la protection des frontières et du rapatriement des Polonais ethniques en provenance des pays de l’ex-Union Soviétique, plus que du point de vue des politiques sociales ou économiques[8].

La Pologne étant un pays relativement pauvre, les autorités ont sous-estimé les problèmes de l’immigration. Du point de vue théorique la Pologne vise une politique d’intégration basée sur les modèles européens ; du point de vue pratique, les étrangers qui arrivent à s’intégrer ne doivent leur réussite qu’à leur propre détermination et à leur façon d’agir[9].

L’incorporation à l’UE en mai 2004 a supposé l’inclusion de normes et de règlements de l’UE dans la législation nationale, et le développement de la capacité institutionnelle dans ce domaine. En juin 2004, la Loi pour la promotion de l’emploi et des institutions du marché du travail est entrée en vigueur. Cette loi spécifie qui peut bénéficier d’un permis de travail, d’un permis de séjour temporaire,  de l’autorisation de « séjour toléré»  ou bénéficier d’une « protection temporaire » . Malgré les remaniements institutionnels et législatifs effectués pour s’ajuster aux normes européennes, la Pologne n’a pas encore élaboré une politique d’immigration incluant l’intégration des étrangers. En revanche, les politiques se sont centrées sur les réfugiés, sur le rapatriement des Polonais ethniques et sur le cas des conjoints étrangers des citoyens polonais[10].

Il n’existe pas de structures autorisant les immigrés à prendre part aux  décisions politiques à quelque niveau que ce soit. Il n’y a pas non plus d’organes consultatifs ni de partis d’immigrés. De plus, ni le Gouvernement, ni les partis politiques, ni les ONG, ni les migrants eux-mêmes n’analysent le sujet du droit de vote local pour les non ressortissants[11]. Jusqu’à ce jour, la participation civique active des immigrés se borne aux activités destinées à améliorer la situation sociale et économique des communautés d’immigrés et à préserver leur identité ethnique, religieuse et culturelle.

Aide au développement

En 2008 l’Aide publique au développement (APD) apportée par la Pologne a atteint PLN 900 millions (USD 272,6 millions), soit 0,08 % du PNB. En 2006 l’APD a atteint PLN 922,2 millions (USD 279,3 millions), ce qui veut dire que le niveau de l’APD polonaise a baissé pour la première fois depuis que la Pologne a intégré l’UE. En 2008 le pays n’a pas pu garantir une augmentation constante des fonds pour l’APD, alors que selon l’objectif prévu pour 2010, l’APD polonaise doit atteindre 0,17 % du PNB et augmenter à 0,33 % en 2015[12].

L’APD polonaise est composée d’aide multilatérale (offerte à travers les organisations internationales) et d’aide bilatérale (offerte sous forme directe à travers les institutions, les organisations et autres organismes polonais). L’aide multilatérale repose sur des paiements versés sur le budget de l’UE et de différentes organisations  internationales, ainsi que sur des fonds tels que ceux des agences de l’ONU, du Fonds européen de développement (FED), de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque européenne d’investissement (BEI). L’aide bilatérale est coordonnée par le ministère des Affaires étrangères, mais elle comprend également des paiements effectués par d’autres ministères polonais, tels que le ministère du Travail, ou celui de l’Éducation entre autres. Ces fonds sont affectés à travers des projets cofinancés et dirigés par des organismes de l’administration publique et des ONG[13].

Les canaux par lesquels s’effectue l’aide étrangère de la Pologne  consistent en : aide alimentaire, bourses, aide financière, aide technique et aide humanitaire. En 2006 le pays a ratifié la Convention relative à l’aide alimentaire, bien que jusqu’à présent il n’ait offert aucune aide alimentaire à l’étranger dans le cadre de la coopération pour le développement.

Une large part de l’APD polonaise est affectée aux bourses destinées aux étudiants de pays en développement et de pays en transition. Le programme de bourses K. Kalinowski, institué par le premier ministre Kazimierz Marcinkiewicz en mars 2006, s’adresse aux étudiants de Biélorussie expulsés des universités biélorusses pour avoir défendu les valeurs démocratiques.
Ce programme est mis en oeuvre en coopération avec le ministère de l’Éducation et des sciences et il est coordonné par le Centre de recherches sur l’Europe de l’Est de l’Université de Varsovie[14]. Selon les informations fournies  ces dépenses constituent des APD. Or, elles ne remplissent pas les conditions requises par l’OCDE-CAD[15].

Le but de l’aide technique est d’offrir son appui au renforcement des capacités des ressources humaines, et d’accroître la formation et la capacité technique et productive des pays en développement. Ce genre d’aide revêt plusieurs modalités, comme par exemple le renforcement des capacités, les délégations d’experts, les voyages d’études, les bourses d’autres activités qui sont réalisées dans le cadre de projets mis en œuvre par des organismes administratifs du Gouvernement, des gouvernements locaux et des ONG.

L’aide humanitaire provient des réserves du budget national prévues à cette fin, qu’administre le Service de Coopération au développement du ministère des Affaires étrangères. Ces aides se basent sur les principes de Bonnes pratiques pour l'action humanitaire et le Consensus européen sur l’aide humanitaire. Les pays prioritaires des donations humanitaires de la Pologne sont le Soudan, le Tchad et l’Irak. Simultanément, Varsovie coopère souvent de façon directe avec des organisations humanitaires qui fonctionnent  au niveau local quand des catastrophes se produisent, ainsi qu’avec des ONG locales.

Depuis 2008 l’armée polonaise s’est employée à la distribution d’aide au développement, surtout en Afghanistan. Selon certaines critiques émises par des ONG, « choisir les militaires comme acteurs de la mise en oeuvre des activités d’aide ne contribue pas à l’efficacité de la coopération au développement, qui dépend en grande partie de l’angle de vue, de la motivation et des objectifs des responsables de la mise en oeuvre de cette aide »[16].

Les objectifs de l’APD polonaise

Les principaux objectifs de l’aide étrangère polonaise visent la réduction de la pauvreté et l’accomplissement des autres Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) dans les pays qui reçoivent l’aide de la Pologne, ainsi que la garantie de la démocratie, de l’État de droit, du développement de la société civile et du respect des droits humains en Europe de l’Est.

Les pays prioritaires recevant l’aide étrangère offerte par la Pologne sont l’Ukraine, la Moldavie, la Biélorussie, l’Afghanistan, l’Irak, la Géorgie, l’Angola, le Vietnam et l’Autorité palestinienne. L’aide bilatérale offerte aux pays prioritaires s’adresse principalement aux Nouveaux États Indépendants (NEI): l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan.

Les prémisses de l’APD polonaise sont conséquentes avec les OMD et les politiques de développement de l’Union européenne. Parmi ses objectifs principaux figurent « l’aide à la croissance économique durable, le respect des droits humains, de la démocratie, de l’État de droit et de la  bonne gouvernance, la promotion de la sécurité et de la stabilité mondiales, le transfert d’expérience dans le domaine de la transformation politique polonaise, le développement des ressources humaines, l’aide au développement de l’administration publique et des structures locales, la protection de l’environnement et la prévention de problèmes environnementaux, et l’offre d’une aide humanitaire et alimentaire d’urgence [17]».  

La coopération de la Pologne pour le développement et la mise en oeuvre de ses programmes d’aide étrangère sont de nouveaux domaines de politique étrangère qui n’ont pas encore été couverts par une législation intégrale. Par ailleurs, les données ne sont pas ventilées par sexe. Le procédé habituel du ministère des Affaires étrangères consiste à résumer les montants de l’aide étrangère polonaise et à les annoncer par pays et non pas en fonction des actions spécifiques réalisées.

L’aide étrangère polonaise n’est pas assez clairement définie à la base. Une bonne coordination au niveau de l’aide au développement doit absolument être garantie (conformément aux exigences requises par l’UE), ainsi que la mise en place de mécanismes financiers efficaces et efficients, et la création d’un cadre institutionnel et légal précis. Il est nécessaire de mettre en oeuvre et en pratique des solutions qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres pays développés afin d’assurer la continuité des politiques polonaises de développement et l’aboutissement effectif des objectifs tracés.

[1] Office national de statistiques. Situation des ménages en 2008 à la lumière de l’enquête sur les budgets des familles. Disponible sur : <www.stat.gov.pl/cps/rde/xbcr/gus/PUBL_wz_sytuacja_gosp_dom_2008.pdf>.

[2] Centre de recherches sur l’opinion publique. Disponible sur : <www.cbos.pl/SPISKOM.POL/2009/K_020_09.PDF>.

[3] Fondation Feminoteka. La femme en Pologne pendant la transition 1989-2009. Disponible sur : <www.feminoteka.pl/downloads/raport_20lat_www.pdf>.

[4]  Office national de statistiques. Le contrôle du marché du travail. Information trimestrielle sur le marché du travail. Disponible sur : <www.stat.gov.pl/cps/rde/xbcr/gus/PUBL_pw_kwartalna_inf_o_rynku_pracy_4k_2009.pdf>.

[5] Office National de Statistiques. Les revenus et les niveaux de vie de la population. Rapport élaboré à partir de l’enquête UE-ECV de 2007 et 2008. Disponible sur : <www.stat.gov.pl/cps/rde/xbcr/gus/PUBL_wz_dochody_i_warunki_zycia-rap_2007-2008.pdf>.

[6] Andrea Rothe et al., Gender Budgeting as a Management Strategy for Gender Equality at Universities (Prévisions budgétaires concernant la parité en tant que stratégie de gestion pour l’égalité des sexes dans les universités), Munich, 2008, 22.

[7] Agnieszka Nowak, “Women’s status in Poland: a permanent crisis,” in Beijing and beyond: Putting gender economics at the forefront (“La situation de la femme en  Pologne : une crise permanente”), Social Watch, 2010. Disponible sur : <www.socialwatch.org/node/11595>.

[8] K. Iglicka, Poland: Waiting for immigrants. But do we really want them? (“La Pologne :  en attendant les étrangers. Souhaitons-nous vraiment les recevoir ?”),Centro Studi Di Politica Internazionale. Disponible sur : <www.cespi.it/WPMIG/Country%20mig-POLAND.pdf>.

[9] Ibíd.

[10] Voir .

[11] Iglicka, op. cit.

[12] Groupe Zagranica, Polish Development Assistance 2008 (“Aide polonaise au développement”). Rapport indépendant des ONG. Disponible sur : <www.trialog.or.at/images/doku/polish-oda-2008-ex_summary_eng.pdf>.

[13] Voir : <www.polskapomoc.gov.pl/The,Ways,of,Providing,Polish,Foreign,Assistance,166.htm>.

[14] Aide Polonaise. Voir : <www.polskapomoc.gov.pl/Scholarships,179.html>.

[15] Groupe Zagranica, Polish Development Assistance 2008 (“Aide polonaise au développement”), op. cit.

[16] Ibid.

[17] Justification de la Loi relative à l’aide polonaise au développement. Voir : <globalnepoludnie.pl/New-strategy-for-Polish-foreign>.

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Aide insuffisante, progrès très lents

Publication_year: 
2010
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Les rapports officiels de suivi sur les OMD affirment que le pays a fait des progrès dans plusieurs des cibles fixées et qu’il est sur la bonne voie pour d’autres. Cependant c’est là un point de vue purement quantitatif qui ne reflète pas le véritable développement humain de la société marocaine. Les problèmes relatifs à la mise en oeuvre de la rare Aide publique au développement (APD) – en ce qui concerne les programmes éducatifs par exemple – empêchent de concrétiser les visées du Gouvernement et de la société civile pour éradiquer l’analphabétisme et obtenir l’accès universel au système.

Espace Associatif

Les rapports officiels de suivi sur les OMD affirment que le pays a fait des progrès dans plusieurs des cibles fixées et qu’il est sur la bonne voie pour d’autres. Cependant c’est là un point de vue purement quantitatif qui ne reflète pas le véritable développement humain de la société marocaine. Les problèmes relatifs à  la mise en oeuvre de la rare Aide publique au développement (APD) – en ce qui concerne les programmes éducatifs par exemple – empêchent de concrétiser les visées du Gouvernement et de la société civile pour éradiquer l’analphabétisme et obtenir l’accès universel au système.

Suite à l’abandon des plans de développement et face à l’incohérence existant entre la gestion publique et l’engagement politique du Gouvernement, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) sont la référence principale des citoyens et des organisations de la société civile marocaines qui exigent une meilleure application et davantage de progrès. La Déclaration du millénaire inclut un mécanisme de suivi de sa mise en oeuvre, principalement par des rapports réguliers des gouvernements sur les avancées concernant la réalisation des OMD, élaborés grâce au soutien du Système de l’ONU. Au Maroc, les rapports du Haut commissaire au Plan insistent sur l’aspect quantitatif qui finit par reproduire des clichés du genre : « Nous avons déjà  atteint certains objectifs et nous sommes sur la bonne voie pour les autres ».

 Aide au développement : une partie minimum du budget

Le Rapport national 2009 sur la réalisation des OMD souligne que le Maroc, qui a souscrit la déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, a participé en 2008 à la deuxième enquête de suivi des indicateurs effectuée sous l’égide du Groupe de travail en matière d’efficacité de l’aide de l’OCDE et plus particulièrement du Comité d’aide au développement.

Cette étude montre que l’Aide publique au développement (APD) que reçoit le Maroc – dont la somme totale atteignait USD 2,2 millions en 2007 – représentait seulement 12,6 % du budget national (environ USD 18 milliards)[1]. Dans ce rapport la Banque mondiale figure comme étant le principal partenaire financier, avec 18,8  % du montant total de l’APD offerte au Maroc (USD 426 millions). L’Union européenne vient ensuite avec 13,6 % (USD 308 millions), la Banque européenne d’investissements avec 9,7 % (USD 221 millions). Le système de l’ONU collabore seulement avec 1 % du montant total de l’APD (USD 22,5 millions), suivi par les États-Unis avec 0,9 % (USD 20 millions)[2].

Les organisations de la société civile soulignent la très maigre participation de l’APD dans le financement du développement au Maroc. On constate en même temps que finalement  l’État et les citoyens marocains sont ceux qui supportent la majeure partie de ce financement.

« Aide de la Banque Mondiale »

On ne s’explique pas pourquoi la Banque mondiale figure en si bonne position parmi les organisations qui apportent leur aide au développement du Maroc. Il s’agit avant tout d’une banque et la plupart des fonds octroyés sont des emprunts – et non pas des donations – qui devront être remboursés avec des intérêts. De plus, une partie des rares donations de cette institution et de nombreux autres organismes internationaux de crédit est réservée au financement d’analyses techniques destinées à préparer l’affectation des prêts au développement.

Parmi les projets de caractère social bénéficiant du soutien de la Banque mondiale, figurent :

  • L’amélioration de la formation élémentaire des adultes, Alpha Maroc (USD 4,1 millions).
  • L’appui à la reformulation de l’éducation basique (USD 80 millions).
  • L’amélioration de la qualité du système éducatif (USD 130,3 millions).
  • La réforme de l’enseignement supérieur (USD 76 millions).
  • L’Initiative nationale pour le développement humain (INDH). Ce prêt a pour but de lutter contre la pauvreté, la vulnérabilité, la précarité et la marginalisation, et de renforcer la capacité institutionnelle (USD 100 millions).[3]

La crise profonde du système éducatif marocain – auquel on vient d’appliquer la énième réforme appelée Plan d’urgence (PU), d’un coût de USD 5,3 millions  – met en doute l’efficacité de la Banque mondiale et discrédite son éternel discours sur la bonne gouvernance des projets de développement. De nombreuses organisations de la société civile ont critiqué  l’énorme distribution de ressources destinées à des projets de qualité douteuse, et pour lesquels les futures générations devront payer.

Mise en question de la destination de l’APD

En 2007 les Etats-Unis ont signé un accord avec le Maroc dans le cadre de la Millenium Challenge Corporation (MCC) pour un montant de USD 697,5 millions[4], le plus important jamais souscrit jusque là par la MCC. Ces fonds avaient pour objectif l’augmentation de la productivité et l’amélioration des opportunités d’emploi dans les secteurs de meilleur potentiel. Une amélioration annuelle du PNB de USD 118 millions était prévue et, selon le directeur général de la MCC, John J. Danilovich, 600.000 familles marocaines devaient en être les bénéficiaires[5].

Plus de deux ans après sa mise en oeuvre, la députée Salua Karkri Belkeziz, de l’Union socialiste des forces populaires[6], a dénoncé que seuls USD 50 millions  avaient été déboursés. Le rythme de remise des projets serait donc très en dessous des objectifs fixés. Les députés remettent également en question les critères de sélection, d’organisation et de distribution territoriale utilisés dans les projets clés.

Lors des débats sur la structure de distribution des dépenses de l’APD, des représentants de la société civile ont mis sur le tapis quelques questions dont il faut tenir compte au moment d’évaluer les politiques d’aide[7]:

  • Quel devrait être le niveau d’aide ?
  • Quelles devraient être leurs priorités ?
  • Quels procédés devrait-on appliquer pour leur mise en oeuvre?
  • Comment rendre le processus d’aide plus participatif, de sorte à assurer une meilleure gouvernance ?

Manque de coordination

Au Maroc, l’APD manque de coordination et d’harmonisation. S’il est vrai qu’il y a une profusion d’agences, de fondations et d’autres structures pour le développement social avec des compétences similaires (entre autres, le ministère de Développement social, l’Agence de développement social, les Agences de développement du nord, du sud, de l’est et l’Agence de développement rural), les plans et les projets de la coopération internationale se chevauchent, ce qui nuit en particulier à l’efficacité de l’aide et à celle du développement en général. C’est pourquoi a surgi l’idée de créer le
« Groupe thématique d’harmonisation des bâilleurs de fonds », un groupe de coordination de l’aide intégrant une douzaine de membres.

Cette structure de contrôle a pour objectifs principaux de : proposer des voies et des directions pour améliorer l’aide, publier un guide de bonnes pratiques à l’usage des partenaires techniques et financiers qui opèrent dans le pays et formuler des propositions concrètes au Gouvernement afin d’optimiser les mécanismes de coordination de l’aide. Cependant, la place et le rôle réservés à la partie marocaine ne sont pas clairs, car cette partie semble ne pas appartenir à la structure alors qu’elle devrait naturellement diriger le groupe thématique.

En même temps, le ministère de l’Économie et des finances, en association avec le PNUD et avec le soutien financier de l’Espagne et de la France, a entrepris depuis 2008 d’élaborer une Carte des projets de développement à travers un système d’information géographique. Ce projet prétend être « une base de données qui assure la gestion intégrée des informations concernant le développement, [et qui permette] à l’ensemble des partenaires d’accéder à moyen terme à des données complètes et fiables sur les interventions réalisées dans le cadre de l’aide publique au développement, ainsi qu’aux projets structuraux de développement au Maroc, offrant ainsi une meilleure visibilité à l’aide que reçoit le pays » [8]. Le projet se définit comme étant un outil de communication, de publication de l’information, de travail en équipe et de coordination.

L’impact sur l’éducation

Le secteur éducatif à la réputation d´accaparer la majeure partie du budget et c’est également le secteur qui bénéficie davantage de la coopération internationale et de l’APD[9]. Mais alors que les résultats quantitatifs semblent être engagés sur la bonne voie, du point de vue qualitatif ils sont extrêmement insuffisants. Les analyses internationales sur l’évaluation des connaissances scolaires acquises mettent en évidence le faible rendement des élèves marocains en sciences, en mathématiques et en lecture[10].

Par exemple, le score moyen des élèves marocains de 4° année d’école en mathématiques a été de 347 points, très en dessous de la moyenne internationale qui est de 495 points. Pour ce qui est des mathématiques, 61 % des élèves ne possèdent pas les compétences minimum établies par le TIMSS. En sciences, la moyenne des points obtenus par les élèves marocains a été de 304, chiffre assez inférieur également à la moyenne internationale qui est de 489 points. Pour ce qui est des sciences, 66 % des élèves ne possèdent pas les compétences établies par le TIMSS.

Clairement préoccupé par la situation critique de l’enseignement, le Gouvernement a décidé de lui réserver une place prioritaire dans son agenda. Comme nous l’avons déjà signalé, la mise en oeuvre du PU a reçu un budget important. Parmi les effets positifs de cette mise en oeuvre il faut signaler notamment la construction et la restauration de nombreux établissements scolaires dans le cadre de l’INDH, et la participation de la société civile dans la gestion de l’éducation préscolaire dans les régions les plus éloignées du pays. De plus, on procède à une introduction progressive des Technologies de l’information et de la communication (TIC) dans la pratique éducative. Dans le domaine de l’éducation non formelle il faut  souligner la création d’un département dédié aux TIC et à l’alphabétisation.

Cependant, la réforme lancée par le plan national d’éducation et de formation a échoué, mettant en évidence diverses faiblesses persistantes. Pour ce qui est du PU, la fréquente utilisation du français (que toute la population ne domine pas) dans les documents techniques des projets du PU provoque une certaine improvisation dans la mise en oeuvre des projets élaborés. Il existe aussi un manque de rationalisation dans la gestion des ressources humaines et un manque d’enseignants dans beaucoup d’endroits, ce qui limite l’offre scolaire dans les zones les plus éloignées. Malgré les nombreux plans mis en route, le taux d’analphabétisme reste élevé par rapport à d’autres pays au niveau de développement comparable, et les locaux adaptés aux cours d’alphabétisation sont en nombre insuffisant. Les entraves économiques et les réticences socioculturelles concernant la formation des adultes sont nombreuses, et le contenu des programmes d’alphabétisation n’est pas adapté aux besoins spécifiques des différentes régions.

Conclusion

Les OMD au Maroc sont surtout un slogan lancé régulièrement au moment de rédiger et de publier des rapports internationaux. Ensuite plus personne n’en parle, ni les autorités publiques ni la plupart des organisations de la société civile. Quoi qu’il en soit, la capacité des organisations de la société civile d’agir directement face aux donateurs de fonds reste faible. L’aide internationale, pourtant maigre, reste malgré tout un mécanisme de vigilance qui pousse les autorités publiques à se contrôler et à répondre aux exigences, ce qui est essentiel quant au principe fondamental de la Déclaration de Paris : un développement véritablement national.

[1] Haut-Commissariat au Plan, Rapport national sur les OMD, Maroc, 2009.

[2] Ibid.

[3] Banque mondiale, Bureau de Rabat, Revue Nawafid Magreb, numéro 6, décembre 2007.

[4] On évalue la contribution du Gouvernement des États-Unis pour le financement du programme aux alentours de USD 250 millions.

[5] Maghreb Arabe Presse, Conférence de presse à Washington le 15 septembre 2007.

[6] L’Union socialiste des forces populaires est un parti politique ayant une représentation au sein du Gouvernement marocain depuis 1998.

[7] Parmi les participants aux débats il y avait des organisations de la société civile (AMSED, OMDH, AMDH, UAF, CARREFOUR, FLDDF, Transparency, UMT) et des professeurs d’université : Moussaoui Mohamed, Nadia Cebti, Maati Mounjib, Mustpha Bouhadou, Fatima Chahid, Meriem Benkhouya, Aziz Chaker, Abdellah Saaf, Saad Belghazi, Fillali Meknassi Saad, Khadija Ghamiri, Aicha Dariti, Youssef Chiheb, Najia Zirari, Samira El Ghazi, Fatma Outaleb, Aziz Chaker, Ahmed Bencheich.

[8] Haut-Commissaire au Plan, op. cit.

[9] Voir ci-dessus les exemples signalant les montants des prêts de la Banque mondiale destinés à soutenir les réformes de l’éducation, depuis l’alphabétisation jusqu’à l’enseignement supérieur.

[10] TIMSS and Progress in International Reading Literacy Study (PIRLS) International Study Center. Voir : <timss.bc.edu>.

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Beaucoup à faire

Publication_year: 
2010
Summary: 
A l’exception de l’Objectif du millénaire pour le développement 7, relatif à l’environnement, Bahreïn a atteint – ou est sur le point d’atteindre – les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Cependant, les enjeux restants incluent l'élimination des écarts importants de revenu qui génèrent une pauvreté relative, le développement d'une éducation basée sur la technologie, l'adoption de lois visant à promouvoir l'autonomisation des femmes et l´ information sur les maladies sexuellement transmissibles universelles. En ce qui concerne l'environnement, des politiques sont nécessaires pour prévenir l'assèchement des sources d'eau souterraine et pour enrayer la destruction de la biodiversité causée par la croissance du bâtiment et par l’étendue des terres gagnées sur la mer.

Social Watch Bahreïn
Abdulnabi Alekry

A l’exception de l’Objectif du millénaire pour le développement 7, relatif à l’environnement,  Bahreïn a atteint – ou est sur le point d’atteindre – les Objectifs du millénaire pour le développement  (OMD). Cependant, les enjeux restants incluent l'élimination des écarts importants de revenu qui génèrent une pauvreté relative, le développement d'une éducation basée sur la technologie, l'adoption de lois visant à promouvoir l'autonomisation des femmes et l´ information sur les maladies sexuellement transmissibles universelles. En ce qui concerne l'environnement, des politiques sont nécessaires pour prévenir l'assèchement des sources d'eau souterraine et pour enrayer la destruction de la biodiversité causée par la croissance du bâtiment et par l’étendue des terres gagnées sur la mer.

Le rapport sur l’évolution (2004-2007) des OMD de Bahreïn, préparé par un groupe d’experts du Gouvernement, des intellectuels et des Organisations de la société civile (OSC) ainsi que le PNUD, a indiqué que  Bahreïn a réalisé avec succès, et même dépassé, les objectifs des OMD[1] .  Cependant, une analyse plus critique révèle plusieurs insuffisances dans la compréhension et l’application des OMD dans les stratégies officielles. Un rapport parallèle des OSC – qui lie les objectifs au financement du développement – pourrait contribuer à évaluer les progrès de manière plus objective.

Vision 2030

La stratégie économique Vision 2030 de Bahreïn, qui comprend l’économie nationale, le Gouvernement et la société, souligne ce qui suit[2] :

  • « La croissance économique sera impulsée par une plus grande productivité du secteur privé et par l´utilisation d´employés bahreïnis de la part des entreprises apportant  une grande valeur ajoutée ».
  • Le Gouvernement abandonnera peu à peu la fourniture des services et se consacrera à la création et l’application de politiques prospectives sur des sujets tels que les finances et l’économie, les soins de santé, l’éducation, l’environnement, la sécurité et la justice sociale.
  • En 2030 la société bahreïnie sera une méritocratie basée sur le travail et le talent. Tout le monde disposera des services de base sans distinction de compétences et il y existera une égalité des chances pour tous les bahreïnis.

 

Vision 2030 reconnaît les enjeux que le monde compétitif et globalisé d’aujourd’hui représente pour l’économie. Bahreïn est un pays très bien classé en termes de capacité pour attirer les investissements étrangers et spécialement pour le développement immobilier, les banques, les finances et les services. Plusieurs zones franches ont ouvert leurs portes pour stimuler l’installation d’entreprises manufacturières. De plus, grâce à des politiques de privatisation, les secteurs impliqués dans le développement comme les ports, la production d’électricité, les logements publics, la santé, l’éducation et les services municipaux, ont été ouverts aux investisseurs privés. On espère que cela produira de nouvelles ressources financières et matérielles pour les OMD.

OMD : réussites et enjeux

OMD 1 – Éradiquer l’extrême pauvreté et la faim. Pour Bahreïn, cela signifie éradiquer la pauvreté relative. Le Gouvernement a amélioré ses mesures à long terme pour créer un filet de sécurité pour les familles dans le besoin, comprenant des allocations pour ceux qui se trouvent au dessous  d‘un certain niveau de revenus, des logements subventionnés et des tarifs publics réduits grâce à la Family Bank. La Royal Charity s’occupe des orphelins alors que le ministère du Développement social prend en charge les handicapés.

Un des principaux objectifs de Vision 2030 est de développer l’économie durable basée sur les connaissances et la valeur ajoutée, impulsée par le secteur privé pour créer du travail gratifiant. Plusieurs chercheurs d’emploi bahreïnis ne sont pas qualifiés ou se refusent à accepter certains emplois à cause de leur faible rémunération. Pour cela, le Gouvernement a mis en place une série d’initiatives : la création d’une Autorité pour le marché du travail qui règle le marché et contrôle les permis de travail, permettant ainsi aux immigrants de changer de travail ; taxer l’emploi des travailleurs immigrés ; constituer un fonds pour financer la formation des chercheurs d’emplois et un soutien aux jeunes entrepreneurs souhaitant créer leur propre affaire à travers  Development Bank ; inciter les banques privées à financer les petites et moyennes entreprises avec des garanties du Gouvernement ; et de nouvelles installations pour des incubateurs de petites entreprises.

La participation du secteur privé et les nouvelles sources de financement ont aidé à la création d’emplois et à la réduction du chômage  de 16 % en 2002 à 3,7 % en février 2009[3] , selon le ministre du Travail, Majeed Al Alawi. Cette réduction s’est due également à la création d’un Système d’allocation chômage : les citoyens peuvent s’inscrire comme chercheurs d’emplois pour recevoir une assistance financière durant six mois, pendant lesquels le ministère les aide à chercher un emploi ou à recevoir une formation. De plus, le salaire moyen des jeunes employés a augmenté bien qu’il existe encore de nombreux bahreïnis avec de faibles revenus, aussi bien dans le secteur public que dans le privé. Il a également été établi un fonds mixte, public et privé, pour octroyer des subventions aux OCS afin de mettre en pratique des projets de développement.

OMD 2 – Parvenir à la scolarisation primaire universelle. Bahreïn a atteint cet objectif depuis longtemps. Maintenant l’objectif reste à offrir l’enseignement le plus créatif, diversifié et basé sur la technologie. Il existe des plans pilotes sur les technologies de l’information qui s’appliquent ou s’appliqueront bientôt dans les institutions primaires, intermédiaires et secondaires.

OMD 3 – Promouvoir l‘égalité des sexes et l’autonomisation de la femme. Depuis la Constitution Nationale de 2001, qui établit des droits politiques égaux pour hommes et femmes, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes sont abordées de manière plus positive. Le Conseil suprême des femmes, établi en 2002, a été le principal facilitateur de l’autonomisation des femmes dans tous les domaines. Un des indicateurs clés de ces changements est l’augmentation de la proportion femme/homme dans l’enseignement tertiaire (2,46) où 70 % des étudiants sont des femmes[4] .

En ce qui concerne la dimension économique, la participation féminine aux forces de travail en 2008 était de 35 % en comparaison au 86 % de la participation masculine[5] . Le nombre de femmes ayant une licence commerciale ou se consacrant au commerce a augmenté considérablement[6] . Les femmes ont le droit aux allocations familiales comme les hommes. Mais le nombre de femmes occupant des postes à responsabilité tant au niveau privé que public reste proportionnellement très faible par rapport à leur formation.

Depuis 2002, les femmes participent plus activement à la politique. Elles ont réussi à devenir ministres et membres du conseil législatif et les nouvelles organisations politiques ont des femmes à leurs postes dirigeants. Il faut adopter un système de quota pour favoriser l’intégration des femmes aux listes de candidats, au Parlement, aux conseils consultatifs et municipaux, au leadership des organisations politiques et des OSC. Les femmes devraient être représentées à tous les niveaux du Gouvernement, en commençant par le Conseil des ministres. Cependant, l’État et la société sont dominés par la culture et les habitudes machistes et Bahreïn n’a pas encore adopté une stratégie intégrale pour garantir l’égalité entre femmes et hommes.

OMD 4 – Réduire la mortalité infantile. Bahreïn a réussi à remplir les conditions des  trois indicateurs : réduire la mortalité des enfants de moins de cinq ans, réduire la mortalité infantile et vacciner les moins d’un an contre la rougeole. En 2008 le taux de mortalité parmi les moins de cinq ans était de 12 sur 1000 enfants nés vivants et le taux de mortalité infantile était de 9 sur 1000 enfants nés vivants[7] , des valeurs similaires aux pays développés. La vaccination contre la rougeole couvre 100 % de la population. Aussi bien le ministère de la Santé que les institutions privées offrent des services complets de santé. Les OSC de professionnels médicaux remplissent aussi cette fonction.

Les enjeux dans ce domaine consistent à réduire davantage les taux de mortalité des moins de cinq ans et des moins d´un an, améliorer le traitement des maladies héréditaires en particulier les anémies falciformes, garantir la qualité et l’accès aux services de santé privés, augmenter le nombre de professionnels de la santé qualifiés et améliorer la nutrition infantile.

OMD 5 – Améliorer la santé maternelle. Le nombre de décès maternels enregistré entre 2000 et 2006 n’a pas dépassé les 2 sur 1000 naissances. L’accès universel aux services de santé reproductive a été atteint : de façon gratuite pour les citoyens et pour un prix symbolique pour les immigrants. Tous les accouchements sont assistés par du personnel qualifié. Il est possible d’obtenir des contraceptifs gratuits dans les centres de santé publique et à un prix raisonnable dans toutes les pharmacies bien que leur usage soit limité en raison du manque d’information ou des préceptes religieux. Bien que le pourcentage de naissances chez les mères adolescentes soit très faible, il est en train d’augmenter à cause de la modernisation et des attitudes sexuelles plus libérales. Dans l´avenir, il faudrait tenter d’améliorer les soins aux mères et aux bébés durant la grossesse, l’accouchement et après l’accouchement.

OMD 6 – Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies. À Bahreïn il n’existe pratiquement pas de maladies épidémiques et contagieuses. Il n’y a pas de paludisme et l’on recense seulement quelques cas de tuberculose chez les travailleurs immigrés. Cependant la lutte contre le SIDA est prioritaire et représente un gros enjeu pour plusieurs raisons. On considère toujours qu’il est honteux d’être porteur du VIH et pour cette raison, ou bien par ignorance, beaucoup de personnes cachent le fait d’avoir le VIH. Il est nécessaire de prendre des mesures pour changer les attitudes des gens par rapport au SIDA et l’isolement dont souffrent les personnes infectées, développer des mécanismes pour détecter l’infection dans sa phase initiale et garantir une vie normale et un traitement aux personnes qui vivent avec le VIH et le SIDA.

OMD 7 – Intégrer les principes du développement durable dans les politiques nationales. Cela fait des décennies que le développement durable constitue une stratégie nationale et Vision 2030 le souligne. Malheureusement, le développement rapide du pays s’est fait au détriment de l’environnement. La perte de biodiversité augmente. Par exemple, des complexes en béton ont remplacés les palmeraies. Entre 1970 et 2009 plus de 90 kilomètres carrés ont été gagnés sur la mer aux dépens de baies, lacunes et plages. Cela a causé la destruction d’habitats naturels et l’extinction de nombreuses espèces marines.

Depuis plus d’une dizaine d’années, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement de base a été généralisé. Le problème est que les sources d’eau souterraine ne sont pas renouvelables et la qualité de l’eau se dégrade. Des quantités de plus en plus importantes d’eau dessalée - produite grâce à l’électricité - sont nécessaires, ce qui signifie devoir brûler davantage de combustible fossile.

La majorité des habitants des quartiers marginaux sont des travailleurs asiatiques non spécialisés et mal payés ; de nos jours, il n’y a aucun plan du Gouvernement pour leur construire des logements dignes. Le problème du logement est en train de se transformer en crise en raison du manque de logements publics et privés abordables et en raison de l'acquisition de terres du domaine de l'État par de hauts fonctionnaires.

OMD 8 – Encourager une Alliance mondiale pour le développement. Bahreïn est bien établi en tant que pays ouvert au commerce, centre bancaire international et de services financiers. Grâce à une politique de portes ouvertes, le pays a réussi à attirer l’investissement international. Les conséquences se traduisent par une économie florissante, avec une croissance réelle du Produit intérieur brut (PIB) de 6,3 % en 2009 représentant environ USD 38.400 per capita[8] . Bahreïn est membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et du Marché commun arabe et a signé des Traités de libre commerce (TLC) avec les États-Unis, l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) ainsi qu´avec d’autres pays.

Cependant, les bahreïnis n’ont pas de voix dans ces accords où les véritables acteurs sont le Gouvernement et les entreprises. Il existe le sentiment généralisé que si l’on donne aux citoyens des pays qui ont un TLC ou des accords similaires avec Bahreïn le droit d’exercer leur profession ou de faire des affaires, cela aboutira à une concurrence déloyale.

Conclusion

Au vu de l’analyse de chaque objectif, des progrès significatifs vis-à-vis des OMD ont été faits mais ils reste de nombreux enjeux. Il est nécessaire de développer, en particulier, une législation et des mécanismes pour combattre la discrimination envers les femmes, trouver des manières d’affronter la pénurie de ressources hydriques naturelles, aborder la crise du logement et améliorer la qualité de l’enseignement primaire pour qu’il soit compatible avec les besoins toujours changeants et les progrès de la technologie. Il faut également développer une stratégie nationale pour offrir au public une information précise sur le SIDA et pour affronter les causes de l’infection par le VIH.

[1] Ministère du Développement social et le PNUD, The Millennium Development Goals: Work in Progress 2004–2007, 2007. Disponible sur : <www.undp.org.bh/Files/2008MDGPROREP/BHRMDGPROREP2004-2007.pdf>.

[2] Bahrain Economic Development Board, From Regional Pioneer to Global Contender: Economic Vision 2030. Disponible sur: <www.bahrainedb.com/uploadedFiles/BahrainEDB/Media_Center/Economic%20Vision%202030%20(En anglais).pdf>.

[3] Habib Toumi, "Bahrain's unemployment rate down to 3.7 per cent", GulfNews.com, 16 mars 2010. Disponible sur : <www.gulfnews.com/news/gulf/bahrain/bahrain-s-unemployment-rate-down-to-3-7-per-cent-1.597366>.

[4] Ricardo Hausmann, Laura D. Tyson and Saadia Zahidi, The Global Gender Gap Report 2009  (Genève : Forum économique mondial, 2009). Disponible sur : <www.weforum.org/pdf/gendergap/report2009.pdf>. Cependant il est important de noter qu’une des principales raisons de la présence majoritaire des femmes est due au grand nombre d´hommes qui se forment  à l’étranger.

[5] Ibid.

[6] Par exemple, les chiffres divulgués par la Banque centrale de Bahreïn (CBB) en 2007 ont montré une augmentation du nombre de femmes travaillant dans le secteur financier du pays. A ce moment-là , elles représentaient 36 % des bahreïnis employés dans le secteur et 25 % de la main d’œuvre (y compris les immigrants).

[7] UNICEF, "Bahrain statistics". Disponible sur : <www.unicef.org/infobycountry/bahrain_statistics.html>.

[8] Index Mundi, "Bahrain GDP – per capita". Disponible sur  : <www.indexmundi.com/bahrain/gdp_per_capita_%28ppp%29.html>.

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De nouveaux objectifs sont nécessaires

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2010
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Le pays possède un des rapport dette/PIB le plus élevé au monde et manque de vision d’ensemble ainsi que d’un plan d’action pour augmenter la productivité et destiner efficacement les ressources afin que les pauvres puissent bénéficier de la croissance. Depuis 1992 l’architecture financière de l’après-guerre combine des politiques de reconstruction expansionnistes et des politiques monétaires restrictives, laissant une faible marge fiscale pour le développement socioéconomique. Pour répondre aux priorités de réduction de la pauvreté et de la discrimination, il est nécessaire d’avoir des objectifs contextualisés, dans lesquels le financement à long terme du développement fasse partie d’une stratégie générale de croissance.

Lebanese Union for People with Disabilities (LPHU)
Rabih Fakhri

Le pays possède un des rapport dette/PIB le plus élevé au monde et manque de vision d’ensemble ainsi que d’un plan d’action pour augmenter la productivité et destiner efficacement les ressources afin que les pauvres puissent bénéficier de la croissance. Depuis 1992 l’architecture financière de l’après-guerre combine  des politiques de reconstruction expansionnistes et des politiques monétaires restrictives, laissant une faible marge fiscale pour le développement socioéconomique. Pour répondre aux priorités de réduction de la pauvreté et de la discrimination, il est nécessaire d’avoir des objectifs contextualisés, dans lesquels  le financement à long terme du développement fasse partie d’une stratégie générale de croissance.

Dix ans après leur création, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) sont toujours une priorité pour le Liban. Ceci se reflète dans leur intégration au Plan d’action sociale (PAS), un pilier du plan de réforme économique présenté par le Gouvernement à l’occasion de la Conférence des pays donateurs pour le Liban (CDL), Paris III, en 2007. Le PAS a identifié les réformes sociales et défini différentes interventions telles que les mécanismes de réseaux de sécurité, les transferts d´argent et les réformes générales de l’éducation et des services de santé. Cependant, en dépit de l’établissement d’un comité interministériel pour contrôler la mise en œuvre du PAS, trois ans plus tard, le PAS en est toujours au stade d’essai et le comité reste inactif en raison de l’instabilité politique.

Le dernier rapport des OMD (2008) souligne que le Liban est en voie d’atteindre les objectifs concernant l’éducation et la mortalité maternelle et infantile. Cependant, la pauvreté est toujours un enjeu important pour les efforts du développement. Une étude récente a relevé une légère diminution du pourcentage des personnes  vivant en situation d’extrême pauvreté, de 10 % en 1997 à 8,5 % en 2007 (bien qu’il ait atteint 8 % en 2005), alors que 28,5 % sont définis comme pauvres. Un cinquième de la population vit entre le seuil inférieur et le seuil supérieur de pauvreté[1].

Il existe un rapport entre la pauvreté et les différences régionales, le manque d’éducation, le genre et le chômage. Les résultats montrent que 82 % des personnes extrêmement pauvres et 78 % des personnes pauvres se concentrent au nord, Mont–Liban et vallée de la Bekaa ; aussi bien le nord que la Bekaa ont représenté la plus faible participation des dépenses nominales par habitant pendant la période 2004-2005. Un pauvre sur cinq est analphabète alors que la moyenne parmi ceux qui sont dans une meilleure situation économique est de un sur huit. L’écart entre les genres dans l’éducation persiste, l’analphabétisme chez les femmes est le double des hommes : 11,8 % et 5,6 % respectivement[2].

Le chômage touche beaucoup plus les personnes pauvres – 14 % par rapport à 6,7 % des non pauvres – avec des taux de chômage chez les femmes pauvres qui sont presque le double que chez les hommes (26,6 % et 13,5 % respectivement) [3]. Le chômage chez les jeunes (de 15 à 24 ans) est un autre facteur qui se rapporte à la pauvreté étant donné que 48,4 % des chômeurs sont jeunes[4]. Les personnes pauvres ne sont pas représentées proportionnellement chez les salariés ; il est plus probable qu’elles travaillent dans le secteur informel – deux tiers des personnes pauvres sont dans cette situation – ce qui les rend encore plus vulnérables[5].

Un développement fondé sur des droits

Pour que les personnes vivent dignement, un développement fondé sur les droits est nécessaire. Les lois libanaises continuent d’être discriminatoires contre les groupes marginaux et l’écart entre les genres, en ce qui concerne la création de politiques, entrave le processus de réforme. Les femmes ne peuvent pas encore transmettre la nationalité à leurs enfants et d’autres articles du code pénal continuent de tolérer les « crimes d’honneur » et le viol conjugal.

Un autre groupe systématiquement discriminé est celui des personnes handicapées. La moitié des personnes handicapées physiquement sont analphabètes et seulement 26 % de celles qui peuvent travailler sont effectivement employées[6]. Les défenseurs des droits des personnes handicapées continuent de faire pression pour que le Parlement approuve des lois garantissant leur accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé et aux actifs financiers. Ce n’est pas l’empêchement physique mais le déplacement culturel qui rend plus inconfortable la vie des handicapés, selon Houda Boukhari : « Dans le contexte culturel libanais, la naissance d’un enfant handicapé est perçue par beaucoup non seulement comme une tragédie mais aussi comme une honte et une contrainte »[7].

L’architecture financière libanaise

La reconstruction de l’appareil de l’État et de l’infrastructure physique du pays a été au centre des plans de l’après-guerre mis en place au début des années 90. Pendant la première période de l’après-guerre entre 1992 et 1997, le modèle macroéconomique dépendait majoritairement du flux de capitaux étrangers. On estime que le coût direct de la première période de reconstruction a dépassé les USD 4 milliards[8]. Les autorités financières ont adopté une politique de taux de change fixe pour contrôler l’inflation. Comme résultat, le pays a excessivement emprunté pour accumuler les réserves nécessaires afin de défendre sa politique monétaire et les taux d’intérêts ont atteint des niveaux jamais observés auparavant (35 % pour les bons de trésor à 12 mois en 1995) .

La croissance produite par le boom de la reconstruction s’est terminée brusquement en 1997. En même temps, la dette publique a augmenté subitement et le paiement des intérêts a représenté plus de la moitié des revenus de l’État. En 2004, l’investissement public dans l’appareil d’état a représenté 107 % par rapport à celui qui était prévu initialement, tandis que celui de l’infrastructure a représenté 190 % . Dans le même temps, les ressources destinées aux secteurs sociaux et productifs n’ont pas dépassé 50 % et 90 % , respectivement, par rapport à celles qui étaient prévues[9].

Le Gouvernement a sollicité l’Aide publique au développement (APD) en tant que facteur clé pour soutenir la stabilité financière : restructuration de la dette, revalorisation de la monnaie et dépenses courantes de l’État. En 2002 le Gouvernement a réussi à prélever presque USD 10,1 milliards lors de la CDL Paris II ; plus tard, en 2007, un montant de USD 7,5 milliards a été engagé en tant qu’aide étrangère (donation et prêts souples) lors de la CDL Paris III. Dans le dernier rapport en décembre 2009, le ministère des Finances a souligné la réception de USD 3,7 milliards sur les USD 5,87 milliards accordés. Les chiffres montrent que plus de la moitié de ces fonds sont utilisés pour soutenir le budget.

Dépenses et développement

Une description des dépenses publiques montre que le service de la dette et les services publics ont consommé le gros des ressources publiques entre 1997 et 2006. Cependant les dépenses en éducation et en santé n’ont représenté que 15 % et 6 % respectivement. De plus, 88 % des dépenses en éducation ont été destinées au paiement des salaires des fonctionnaires publics et 86 % des ressources de santé ont financé l’hospitalisation d’individus dans des centres privés de santé[10]. Les ressources destinées au développement de ces secteurs ont été minimales.

Le système fiscal libanais a été réformé au début des années 90 afin de relancer l’offre. La taxation maximale de l’impôt sur le revenu est descendue de 32 % à 10 % et les impôts des sociétés financières sont passés à un taux fixe de 10 %, avec une réduction à 5 % pour les entreprises du bâtiment. Le secteur productif paye un taux d’imposition progressif d´entre 3 % et 10 % sur les bénéfices[11]. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a été introduite en 2001 comme un taux fixe de 10 % .

Cependant, les activités basées sur le revenu, telles que les transactions de biens immobiliers, bancaires et financières, sont exemptées de TVA, ainsi que les activités des jeux de hasard et le transport aérien de biens et de personnes. Une analyse détaillée des revenus publics montre que les impôts ont rapporté 67 % pendant la période 2000 – 2009, la plupart étant des impôts indirects. En 2009, les impôts indirects ont représenté 75 % du total des recettes fiscales – TVA 32 %, essence 11 %, douanes 11 % et autres 21 % - alors que les impôts sur les bénéfices, les salaires, les plus-values, les intérêts et les enregistrements de biens immobiliers n’ont apporté que 25 % .

Un système fiscal aussi régressif, ajouté à 10 ans de gel des salaires et de politiques monétaires restrictives, ont empiré les conditions de vie des travailleurs hommes et femmes aux revenus faibles et moyens. La concentration de la richesse a augmenté pendant cette période : 20 % de la population libanaise la plus pauvre a consommé seulement 7,1 % de la consommation totale, alors que 20 % de la population la plus riche a consommé 43,5 % du total[12]. Deux pour cent des déposants possèdent 59 % des dépôts bancaires[13].

Investissement direct étranger (IDE)

Entre 2000 et 2007, le Liban a attiré une quantité importante d’investissement IDE – par exemple, 28 % de tout l’IDE pour la région de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale en 2003 – avec le plus grand rapport IDE/PIB[14]. Cependant, l’IDE est rarement dirigé vers les secteurs économiques réels (ceux qui produisent les biens et les services) ; par contre, l’investissement immobilier, la banque et le tourisme en consomment la plus grande partie (presque 90 % en 2007) [15]. Les permis de construction ont sauté de 9 millions de mètres carrés en 2007 à 16,1 millions en 2008[16]. Ceci cadre avec l’augmentation de USD 918 millions de l’affluence de l’IDE arabe entre 2007 et 2008[17]. De même, la valeur des transactions du secteur a augmenté en moyenne de 17,6 % par an pendant la période 2003 – 2008 (et 54,4 % seulement en 2008) [18]. Le graphique 2 montre que la plus grande part de la formation du capital brut pendant la période 2000 – 2007 s’est produite dans le secteur du bâtiment. Cependant, ces bénéfices sont exemptés d’impôts.

Commentaire final

Comme le rapport dette/PIB du Liban (153 % en juin 2009) est un des plus élevés au monde, il est indispensable qu’une stratégie de gestion de la dette signale le chemin pour que l’APD s’investisse davantage dans la productivité et non pas exclusivement dans le processus de restructuration de la dette. En plus, il faut établir une architecture financière anticyclique et dynamique. Le Gouvernement doit inciter davantage l’IDE à investir dans des activités économiques employant beaucoup de main d’œuvre, au lieu d’encourager exclusivement les activités immobilières et financières.

Une stratégie de réduction de la pauvreté doit aller au-delà de l’OMD 1. Le PAS est seulement une intervention limitée et à court terme. Les politiques de développement doivent encourager la création de postes de travail pour la main d’œuvre de qualification faible et moyenne. Elles doivent assurer des conditions de travail appropriées aux personnes pauvres ;  dans ce contexte les salariés continuent d’être un facteur clé pour la réduction de la pauvreté. Pour finir, la structure de l’imposition doit être réformée afin de promouvoir les impôts sur les bénéfices obtenus par les transactions des biens immobiliers et du secteur financier. Un système fiscal plus égalitaire qui améliore les effets de la redistribution des ressources est nécessaire.

[1] Heba Laithy, Khalid Abu-Ismail y Kamal Hamdan, Poverty, Growth and Income Distribution in Lebanon (Brasilia, Brésil : Centre international de la pauvreté, 2008). Disponible sur : <www.ipc-undp.org/pub/IPCCountryStudy13.pdf>.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] PNUD Liban, Rapport des Objectifs du millénaire pour le développement 2008 : Liban, Beyrouth, 2008. Disponible sur : <www.undp.org.lb/communication/publications/downloads/MDG_en.pdf>.

[5] Ibid.

[6]Données de l’Union libanaise pour les personnes handicapées physiquement.

[7] Houda Boukhari, “Invisible Victims: Working with Mothers of Children with Learning Disabilities”, en Gender and Disability:Women’s Experiences in the Middle East, ed. L. Abu-Habib (Oxford: Oxfam, 1997), 37.

[8] Ghassan Dibeh, Foreign Aid and Economic Development in Postwar Lebanon, Université des Nations Unies – WIDER Research Paper No. 2007/37, juin 2007. Disponible sur : <works.bepress.com/cgi/viewcontent.cgi?article=1001&context=ghassan_dibeh>.

[9] Ghassan Dibeh, The Political Economy of Postwar Reconstruction in Lebanon, Université des Nations Unies – WIDER Research Paper No. 2005/44, juillet 2005. Disponible sur : <works.bepress.com/cgi/viewcontent.cgi?article=1000&context=ghassan_dibeh>.

[10] R. Fakhri, Efficiency of public expenditures in Lebanon and other transitional democracies, Beyrouth, 2010.

[11] Wassim Shahin, “The Lebanese Economy in the 21st Century”, dans Lebanon’s Second Republic, ed. K. Ellis (Gainesville, FL: University Press of Florida, 2002).

[12] Laithy et al., op. cit.

[13] Fafo, ministère des Affaires sociales et PNUD, “Al-Wadeh Al-Iktisadi Al-Ijtimai, Dirassa L Ahwal L Maisha”, 2004, 55–57.

[14] Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale, Foreign Direct Investment Report 2008. Disponible sur : <www.escwa.un.org/information/publications/edit/upload/edgd-08-tech1-e.pdf>. 

[15] Investment Development Authority in Lebanon, Advantages of Investing in Lebanon. Disponible sur: <www.slideshare.net/mhdbadr/investing-in-lebanon-new-presentation-restructured-presentation>.

[16] Bank Audi, Lebanon Real Estate Report, juillet 2009. Disponible sur: <www.menafn.com/updates/research_center/Lebanon/Economic/audi220709e.pdf>.

[17] Ibid.

[18] Ibid.

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Des moments critiques

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2010
Summary: 
La situation politique et économique de la Moldavie – l'un des pays d’Europe ayant la plus faible capacité à attirer l'investissement direct étranger (IDE) – connaît aujourd’hui un moment critique et définira les tendances de développement à long terme. Actuellement, le progrès vers la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) se trouve menacé en raison de l'impact de la crise économique. Sur les 28 objectifs nationaux fixés par la République de Moldavie, six d’entre eux ne seront sans doute pas atteints en 2015. Les efforts réalisés pour renforcer la participation de la société civile dans les politiques de développement ont été considérablement efficaces et ont augmenté les possibilités de dégager des analyses et des diagnostics indépendants des principales tendances nationales.

La situation politique et économique de la Moldavie – l'un des pays d’Europe ayant la plus faible capacité à attirer l'investissement direct étranger (IDE) – connaît aujourd’hui un moment critique et définira les tendances de développement à long terme. Actuellement, le progrès vers la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) se trouve menacé en raison de l'impact de la crise économique. Sur les 28 objectifs nationaux fixés par la République de Moldavie, six d’entre eux ne seront sans doute pas atteints en 2015. Les efforts réalisés pour renforcer la participation de la société civile dans les politiques de développement ont été considérablement efficaces et ont augmenté les possibilités de dégager des analyses et des diagnostics indépendants des principales tendances nationales. 

Partnership for Development Centre

Si à première vue la performance économique de la Moldavie pendant les dernières années paraît assez réussie – avec un taux de croissance moyen du PIB de 5 % entre 2006 et 2008 et des indicateurs monétaires et fiscaux contrôlés – cette croissance s’est principalement fondée sur la consommation, surtout celle de marchandises importées, et elle a été alimentée par les envois de fonds de l’étranger qui ont représenté 30 % du PIB en 2008 (parmi les plus élevées au monde), enregistrant des taux de croissance à deux chiffres pendant la plus grande partie de la décennie[1]. La crise économique mondiale a cependant eu un impact énorme et abrupt sur l'économie du pays. En 2009, les rentrées de fonds ont chuté de 27 %, reflétant l'effondrement de l'activité économique dans les pays qui accueillaient un grand nombre de travailleurs temporaires moldaves[2].

La Moldavie a été l'un des pays d'Europe centrale et orientale avec la plus faible capacité pour attirer l'investissement direct étranger. Les entreprises fragiles du secteur privé ne génèrent aujourd’hui que 65 % du PIB. Il s’agit d’un pourcentage très bas par rapport aux contributions du secteur privé dans les pays d'Europe en transition : 70 % du PIB en Lettonie, Roumanie et Slovénie, 75 % en Bulgarie, Croatie, Lituanie, Pologne et au Kirghizstan, et 80 % en République tchèque, Estonie, Hongrie et Slovaquie[3].

L’Investissement direct étranger (IDE)

L'IDE a joué un rôle important à long terme dans la croissance économique du pays. La participation d'entreprises et d’initiatives étrangères dans le PIB a augmenté de 1 % en 1995 à environ 19 % en 2008, et beaucoup de secteurs, dont les télécommunications mobiles, ont été mis en route ou sauvés du  collapsus – comme dans le cas de la production et de la distribution d'énergie – grâce à des entreprises de capital étranger. Par ailleurs, en 2004-2008, les secteurs dont les recettes ont connu la plus grande croissance ont été ceux bénéficiant d'une participation d’IED relativement haute ou très haute. Malgré tout,  les entreprises étrangères jouent encore un rôle assez modeste dans la création d’emplois pour la population moldave (même si ce rôle ne cesse d’augmenter, passant de 9,3 % en 2004 à 14,3 % en 2008).

En 2005-2008, l’IDE a augmenté et s'est diversifié. Alors qu'à la fin de 2005 il se concentrait en grande partie sur l'industrie manufacturière, l'électricité, le gaz et l'eau, ainsi que sur le commerce de gros et de détail, la réparation de véhicules motorisés, les motocyclettes, l'électroménager et les biens à usage personnel, vers la fin de 2008 la proportion a augmenté dans les activités financières, les opérations de valeurs, les activités de location et les affaires des entreprises. Il faut cependant signaler que ces investissements n'ont pas été attribués aux secteurs produisant des biens d'exportation et des services. En fait, seul 16,8 % des réserves totales est destiné à la fabrication, ce qui met en évidence que l’IDE joue un rôle à peine modéré dans le développement de la compétitivité du pays sur le plan international. 

Selon l’Expert-Group (un think tank moldave indépendant), pour augmenter le volume d'IDE dans l'économie nationale, le Gouvernement doit poursuivre la privatisation d'entreprises d'État et mettre en place des réformes pour développer la ressource la plus précieuse du pays : le capital humain. De même, il doit lever l'interdiction aux étrangers d'acheter des terres agricoles et simplifier l'obtention de terres non cultivées ainsi qu'éliminer les obstacles bureaucratiques à la construction et à la création de parcs industriels, surtout dans l'industrie des boissons et des aliments.

La dette et l'assistance internationale

L'aide publique au développement (APD) par tête en Moldavie a constamment augmenté – de 18,2 % en 1995 à 33,7 % en 2000 et à 269,2 % en 2007. Une analyse de la durabilité de la dette réalisée au début de 2008 a conclu que la perspective pour la dette extérieure de la Moldavie est favorable, avec un risque faible de surendettement, et a qualifié la Moldavie comme un pays à « endettement bas ». Compte tenu cependant de la volonté exprimée par les pays en développement associés lors de la réunion du Groupe consultatif en mars 2010 de consacrer environ USD 2,6 millions (pour financer le développement, la moitié en subventions et le reste en prêts avec des conditions favorables) afin de soutenir la Moldavie pendant la période 2011-2013, la dette extérieure du pays augmentera considérablement.

Il faut signaler, en outre, que l'assistance internationale ne s'est pas toujours traduite en une meilleure efficacité[4]. Par ailleurs, la concession de prêts à des conditions non préférentielles au début de la transition a fait considérablement augmenter la dette extérieure : en 2000, la dette extérieure brute avait atteint 133 % du PIB, alors que la dette extérieure publique se situait à 60,4 %[5].

Dans les années 2000, la Moldavie avait atteint une dette extérieure très élevée dépassant 100 % du PIB. Ceci était dû en grande partie au déclin économique de la décennie antérieure et à la dépréciation significative du taux de change. Alors que la valeur nominale de la dette extérieure est restée pratiquement stable pendant cette période, la forte croissance économique alliée à une appréciation réelle du taux de change, a contribué à situer le taux de réserve de la dette extérieure par rapport au PIB à 56 % à partir de 2005[6]. Après avoir atteint un plafond en 2006, le service de la dette extérieure s'est significativement réduit en 2007. La prestation de services de la dette extérieure et de garantie publique de la dette a chuté d'environ 10 % dans les revenus du secteur public, bien en-dessous de 5 % en 2007[7].      

Selon une étude récente du FMI, la dette extérieure brute de la Moldavie en 2010 représente 78,6 % du PIB et l'on s'attend à ce qu'elle atteigne 85,9 % du PIB en 2012. Elle est structurée de la façon suivante[8] :

  • La proportion de la dette publique a diminué pendant les cinq dernières années, atteignant 25,4 % en 2009. Étant donné que la dette extérieure a été contractée auprès des Institutions financières internationales (IFI) à des conditions favorables, en dessous des taux d'intérêt du marché, il n'y a pas de pression par rapport au budget au service de cette dette.
  • La dette à long terme augmente, ce qui représente un niveau de confiance plus élevé dans le pays.
  • La dette extérieure bancaire est contractée auprès des maisons-mères et des IFI. Elle pourrait augmenter encore plus car le capital étranger est moins cher et peut aider à réduire le coût des prêts à l'économie.

 

Tous ces facteurs sont relativement stables et bénéficient d'un long délai,  ils peuvent même ne pas avoir d'échéance. Toutefois, le danger concernant la dette extérieure vient de la dette à court terme car elle peut quitter le pays très rapidement. Dans les dernières années, le Gouvernement a fait des efforts soutenus pour solder la dette extérieure brute ainsi que la dette extérieure publique en les réduisant respectivement à 67,5 % et à 12,9 % en 2008. D’autre part, à cause de la crise financière mondiale, l’augmentation du niveau brut de la dette extérieure a été beaucoup plus élevé dans certains pays développés qu'en Moldavie (Luxembourg 3,733 % du PIB, Irlande 881 % et Royaume Uni 338 %)[9].

Pendant les neufs premiers mois de 2009, les revenus budgétaires ont chuté de plus de 10 % par rapport à 2008, surtout en raison d'une réduction des recettes de la TVA, des revenus non fiscaux et des impôts douaniers. Une série d'augmentations des salaires et de pensions promulguées par le Gouvernement précédent a épuisé encore davantage les ressources budgétaires déjà limitées. Le déficit fiscal est passé de 1 % du PIB en 2008 à environ 6 % du PIB entre janvier et septembre 2009, et il a été financé principalement par une réduction des soldes accumulés précédemment dans la comptabilité budgétaire et par le fort endettement intérieur[10].

Les OMD en danger

Pour la Moldavie, pays en transition, la création d'associations pour le développement est cruciale, pour obtenir une augmentation du niveau de vie de la population et pour l'intégration du pays dans l'Union Européenne[11]. Mais cela implique une coopération constante entre les différents pays dans le but d'atteindre les sept premiers OMD et d'obtenir des progrès dans des domaines importants qui ne sont encore pas couverts par les OMD comme le commerce extérieur, le transport et l'infrastructure des communications.   

L'agenda des OMD, qui paraissait être à portée de main en 2007, se voit actuellement menacé en raison de la récession économique. Sur les 28 objectifs nationaux fixés par le gouvernement, six d’entre eux – concernant l'éducation, le VIH / SIDA, l'accès à l'eau et à l'assainissement – ont une faible probabilité d'être atteints avant 2015[12]

Les OMD traduisent les problèmes nationaux les plus urgents en objectifs concrets et mesurables de développement ; la question de l'égalité des sexes, qui est au cœur des OMD, traverse tous ces objectifs[13]. Même si l'éducation, la santé publique et la protection sociale sont les secteurs qui absorbent la plus grande partie des dépenses publiques en Moldavie, celles-ci sont loin d'être optimales. Selon le Gouvernement, « l'optimisation des établissements éducatifs augmenterait l’efficacité des dépenses dans le domaine de l’éducation. De même, on pourra faire des économies grâce à la réforme sanitaire, bien que les coûts initiaux pour la modernisation du système hospitalier soient élevés. En ce qui concerne la protection sociale, l´enjeu est d'apporter une assistance sociale à ceux qui en ont le plus besoin et qui sont restés en marge du vieux système de 13 programmes différents d'assistance sociale. En 2007, la Moldavie a assigné 1,8 % du PIB aux programmes d'assistance sociale et en moyenne 8 % du PIB à l'éducation pour les 26 pays en transition »[14].

L’égalité des sexes

Depuis 2006, l'égalité des sexes est un sujet de préoccupation spécial pour le Gouvernement et il a été abordé par la signature d'une série de documents internationaux, par la ratification des traités et par un engagement formel à réaliser les OMD. Le gouvernement a déclaré en 2010 à propos d’une série d'actions mises en place : « On a adopté la Loi sur l'égalité des sexes et la Loi sur la prévention et la lutte contre la violence domestique ; on a mis en place la Commission gouvernementale pour l'égalité entre femmes et hommes et le Département des politiques pour garantir l'égalité des genres et la prévention de la violence ; on a adopté le Programme national pour garantir l'égalité des sexes (PNGIG) 2010-2015 et le Plan d'action pour l'application du PNGIG pour 2010-2012 ; on a développé et diffusé des statistiques de genre (plus de 250 indicateurs séparés par genre) »[15]. Il existe cependant beaucoup d'obstacles à l'obtention des résultats désirés :

• Même si la proportion de sièges occupés par des femmes au parlement a atteint 30 %, il y a très peu de possibilités pour la participation des femmes sur le marché du travail.
• La conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle est un vrai enjeu, car 97 % du soin des enfants reste à la charge des femmes .
• Les femmes sont majoritairement employées dans les secteurs à bas salaires (éducation, santé, assistance sociale) et occupent des positions inférieures quels que soient les domaines de compétence.
• La proportion de femmes employées à leur compte est en augmentation.
• Le nombre de femmes qui ont abandonné la force de travail est en augmentation[16]

Le développement et la société civile

PASOS (Policy Association for an Open Society) a souligné que la situation actuelle en Moldavie est critique et qu’elle est en train de créer une scène favorable pour le développement du pays à long terme. Le processus de renforcement de la société civile dans les politiques de développement a progressé de manière satisfaisante, en augmentant la capacité de celle-ci de produire des analyses et des diagnostics indépendants concernant les diverses tendances nationales[17]. Malgré le besoin d'améliorer encore plus la qualité de la contribution apportée par les ONG et de rendre plus consistants leurs intrants et plus réalistes leurs recommandations, il existe déjà de nombreux exemples de participation de la société civile dans la vie publique qui incluent des changements dans les domaines les plus problématiques de la société.

Les plus gros obstacles se situent surtout dans le domaine des droits de l'Homme, de la justice et du développement économique, ainsi que dans tout ce qui a trait à la corruption et à la liberté de la presse. En 2009, de nombreuses organisations de la société civile ont été très actives et  ont souvent  été proactives dans toutes ces sphères. Au début de 2010, un Conseil national de participation composé de 30 ONG nationales a été créé afin de faciliter le dialogue entre le Gouvernement et la société civile sur diverses questions politiques. Étant donné toutefois que les ONG abordent en général ces problèmes à travers le prisme de leurs propres missions, il existe une tendance à couvrir un spectre plus étroit qui aboutit au manque d’une vision holistique[18]. Il faut espérer qu'une telle vision se concrétisera rapidement. 

[1] Gouvernement de la Moldavie, Rethink Moldova, Rapport du Groupe consultatif à Bruxelles, mars 2010. Disponible.

[2] Ibid.

[3] Voir : <expert-grup.org/library_upld/d265.pdf>.

[4] Voir : <rapc.gov.md/file/ECOSOC%20Report_discutions.doc>.

[5] Ibid.

[7] Voir : <ec.europa.eu/economy_finance/evaluation/pdf/Moldavie_eval_en.pdf>.

[8] Voir : <pc.gov.md/file/ECOSOC%20Report_discutions.doc>.

[9] Ibid.

[10] Rethink Moldova, op. cit.

[11] Ibid.

[12] Ibid.

[13] Rapport national de la République de Moldavie sur l'application des Objectifs du millénaire pour le développement.

[14]  Rethink Moldova, op. cit.

[15] Voir : <www.un.org/en/ecosoc/julyhls/pdf10/Moldavie_presentation_ecosoc.pptx>.

[16] Présentation nationale volontaire dans la réalisation des OMD, Gouvernement de la République de Moldavie, ECOSOC, New York, 2010.

[17] Valeriu Prohnitchi, Alex Oprunenco, Moldova 2009 : State of the Country Report, PASOS, 8 avril 2010. Disponible.

[18]  Ibid.

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Financement des OMD: attentes et réalité

Publication_year: 
2010
Summary: 
Bien que ce soit l’un des pays les plus pauvres du monde, le Bangladesh a connu une croissance permanente de son économie et un certain succès pour ce qui est de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Cependant, l’inflation et le changement climatique deviennent des enjeux de plus en plus importants en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté. Même si la pollution émise est faible, le pays est en même temps une grande victime du réchauffement de la planète. Les pays donateurs devraient tenir compte des coûts supplémentaires d’adaptation et d’atténuation au moment de réaliser leurs évaluations en matière d’aide.

Dr. Achter Hossain[1]
Unnayan Samannay

Bien que ce soit l’un des pays les plus pauvres du monde, le Bangladesh a connu une croissance permanente de son économie et un certain succès pour ce qui est de la réalisation  des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Cependant, l’inflation et le changement climatique deviennent des enjeux de plus en plus importants en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté. Même si  la pollution émise est  faible, le pays est en même temps une grande victime du réchauffement de la planète. Les pays donateurs devraient tenir compte des coûts supplémentaires d’adaptation et d’atténuation au moment de réaliser leurs évaluations en matière d’aide.

Malgré la lourde charge que représentent la pauvreté, la pression inflationniste, les catastrophes naturelles, l’instabilité politique et la crise financière mondiale, le Bangladesh a atteint, grâce à sa constance, un taux moyen de 5,5 % de croissance de son Produit intérieur brut (PIB) pendant les 10 dernières années[2]. Avec sa petite économie et son budget limité en comparaison avec d’autres pays, il a atteint des succès remarquables quant au financement et à la réussite des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Le pays a pourtant un long chemin à parcourir[3]. Le moment est propice pour que le Gouvernement et les organisations de la société civile, les Organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales et les organismes donateurs réexaminent le financement et le développement lié aux OMD pour atteindre un succès durable à long terme.

Progrès et enjeux dans le respect des OMD

Simultanément à l’attribution de plusieurs allocations budgétaires afin d´ atteindre les OMD, le pays a connu une terrible pression sur certains secteurs :  la réduction de la pauvreté en zones urbaines et rurales, l’emploi, l’éducation, la santé et l’environnement.

Le Gouvernement a obtenu un succès remarquable quant à l’éradication de la pauvreté et de la faim tout au long des 20 dernières années, mais le rapport entre la pauvreté et les gens souffrant de la faim est toujours très élevé. D’autre part, à l’heure actuelle il existe une stagnation de la réduction de la pauvreté due à la pression inflationniste sur les prix des produits de base et le choc récent provoqué par les catastrophes naturelles : 41,2 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté – 31,9 % dans la pauvreté et 9,3 % dans l’extrême pauvreté – et 34,1 % se trouve en situation d’extrême vulnérabilité et risque de tomber en dessous du seuil[4].

Les rares incitations pour aller à l’école, associées  à l’extrême pauvreté contribuent à une  présence insuffisante et à un taux d’abandon scolaire élevé  car les enfants doivent travailler pour gagner leur vie. Les dernières statistiques indiquent que 47 % des écoliers n’achèvent pas leurs études primaires[5]. Le taux de malnutrition infantile  est un des plus élevés du monde et il est plus grave que dans la plupart des pays en voie de développement y compris ceux de l’Afrique subsaharienne. Un bébé sur trois naît avec  un poids insuffisant  et 48 % des enfants de moins de cinq ans présentent un retard dans leur croissance. La moitié des enfants de moins de cinq ans souffre de malnutrition[6].

Malgré une augmentation très lente du nombre de sages-femmes, le taux de mortalité maternelle au Bangladesh s’est réduit à plus de la moitié entre 1990 et 2008, de 724 à 338 décès pour 100.000 enfants nés vivants[7]. Cependant, Il reste  encore beaucoup d’enjeux à relever : seulement 15 % des naissances ont eu lieu dans un centre de santé en 2007, ce qui signifie que 85 % des bébés sont nés à la maison[8]. Les résultats négatifs dans les secteurs de l’éducation et de la santé proviennent d’un financement public inadéquat. Bien que quelques ONG travaillent dans les secteurs de l’éducation et la santé, l’insuffisante et inefficace coordination entre celles-ci et le Gouvernement a empêché d’atteindre les résultats souhaités.

D’autres enjeux importants sont l’inflation (notamment pour les produits alimentaires), les très faibles recettes  fiscales, la corruption et le manque de coordination dans les projets de développement, le chômage, l’inégalité des revenus, l’urbanisation non planifiée, le manque de compétences dans le secteur agricole, le changement climatique et les catastrophes naturelles, le besoin de subventionner les produits alimentaires et l’énergie, le flux descendant de l’Investissement direct étranger (IDE) et la récente crise financière mondiale. Il faudrait surmonter ces obstacles à travers un  financement accru des programmes pour atteindre les OMD, une prise de nouvelles mesures efficaces et une surveillance efficiente. Étant donné que les ressources du Gouvernement sont insuffisantes, celui-ci doit essayer d’obtenir de l’aide extérieure.

Coût  estimé de la réussite des OMD

Il a été estimé que l’atteinte des OMD dans le monde  pour 2015 exigerait environ USD 100 à 120 milliards par an, moins de 0,5 % du PIB mondial[9]. Dans un rapport récent du Gouvernement, la Division générale de l’économie de la commission de planification a estimé le coût  annuel  pour atteindre les OMD au Bangladesh à USD 14,8 milliards[10]. Une autre étude, réalisée par Jubilee Netherlands, a montré, selon une estimation du Projet du millénaire de l’ONU, que le Bangladesh aurait besoin de USD 7,5 milliards d´aide annuelle, quatre fois le montant que le pays reçoit actuellement (une moyenne annuelle de USD 1,5 milliard)[11].

Le Gouvernement a également indiqué l’investissement moyen annuel nécessaire dans plusieurs domaines : développement agricole et rural, y compris la création de l’emploi et de l’infrastructure routière (USD 4,83 milliards), l’éducation, y compris l’éducation précoce, primaire, secondaire et non formelle (USD 2,27 milliards), l’égalité des sexes (USD 590.000 ), le système de santé, y compris l’infrastructure de santé et des ressources humaines (USD 1,63 milliards), la santé des enfants à l’exclusion des systèmes de santé (USD 670.000), la santé maternelle, à l’exclusion des systèmes de santé (USD 260.000), le VIH – sida, la malaria  et la tuberculose (USD 480.000), l’environnement (USD 260.000), l’énergie (USD 1,88milliard) et l’eau et l’assainissement (USD 2.02 millards)[12].

Le remboursement de la dette entrave la réalisation des ODM

Pendant la première décennie après l’indépendance du Pakistan en 1971, le Bangladesh a été fortement tributaire de l’Aide extérieure pour le développement (AED), plus spécialement pour l’aide alimentaire. Bien que cette dépendance se soit réduite au fil du temps, son impact persiste. Le remboursement de la dette est l’un des problèmes économiques cruciaux auxquels le pays est confronté. Les données montrent qu’en 2009 la dette extérieure  en suspens du Bangladesh s’est montée à USD 20,2 millions et le service annuel de la dette s’est situé autour  de USD 1,4 million, l’équivalent de 14 % des recettes d’exportation[13]. Pour chaque dollar d’aide étrangère non remboursable reçue, le Gouvernement doit payer USD 1,5 en tant que service de la dette aux créanciers étrangers. Cet argent ne s’investit pas dans les exigences budgétaires des OMD. Entre-temps, le budget de la santé a atteint une moyenne annuelle  d´environ  USD 500 – 700 millions  pendant les dernières années.

Les objectifs d’allègement de la dette sont basés sur des indicateurs arbitraires (ratio dette – exportations) plutôt que sur les besoins  définis dans les OMD, raison pour laquelle le Bangladesh n’est pas éligible pour l’Initiative pour les Pays pauvres très endettés (HIPC selon le  sigle en anglais) ni pour l’Initiative pour l’Allègement de la dette multilatérale. Selon des estimations de la Banque mondiale et du FMI, le ratio dette-exportation du Bangladesh est de 146 %, par-dessous le seuil officiel minimal de 150 %.  Comme M. Debapriya Bhattachrya, Directeur  exécutif du Centre pour le dialogue politique (CDP)  l’a signalé, « Le Bangladesh a régulièrement payé ses dettes, a fait croître les exportations et maintenant il est puni pour son succès[14] ». Puisque le rythme pour atteindre les ODM dépend en grande partie du financement, les pays développés devraient approuver l’annulation de la dette du pays de manière totale ou tout au moins partielle.

S’occuper du financement climatique

Le Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (IPCC selon le sigle en anglais) prévoit que les températures mondiales auront augmenté  de 1,8ºC à 4,0ºC d’ici  la dernière décennie du XXIe siècle.  Les impacts du réchauffement  de la planète sur le climat ne seront cependant pas les mêmes dans chaque région du monde. Le Bangladesh est largement reconnu comme l’un des pays les plus vulnérables quant au climat. Les fréquentes catastrophes naturelles causent déjà des pertes de vies humaines, des dommages aux infrastructures et aux biens économiques et ils ont des impacts défavorables sur la vie et les moyens de subsistance notamment parmi les pauvres.

Le changement climatique mettra inexorablement à l’épreuve la capacité du Bangladesh pour atteindre une plus grande croissance économique et éradiquer la pauvreté au rythme attendu. Des cyclones tropicaux chaque fois plus fréquents et incléments, des précipitations plus abondantes et irrégulières, de plus grandes crues des débits des rivières, de l’érosion des côtes, une augmentation de la sédimentation, des fontes de  glaciers de l’Himalaya, une élévation du niveau de la mer et un climat plus chaud et humide, entre autres phénomènes, sont prévus pour les prochaines années. Ces changements entraîneront une réduction de la production agricole, l’augmentation de la salinité dans la bande côtière, une pénurie d’eau potable et de graves sécheresses.

Dans le pire des cas, à moins de renforcer les  digues côtières et d’en construire de nouvelles, l’élévation du niveau de la mer pourrait provoquer le déplacement de millions de personnes – « des réfugiés environnementaux » –  des régions côtières, ce qui produirait un énorme impact négatif sur les moyens de subsistance et la santé à long terme d’une grande partie de la population. Il est indispensable que le Bangladesh se prépare pour cet enjeu et défende son bien-être économique à venir et les moyens de subsistance de ses habitants.

Une étude récente en Inde a signalé que les cultivateurs éprouveraient une perte d’environ 9 % de leurs revenus annuels sur leurs cultures en raison du changement climatique[15]. Comme il s’agit d’un petit pays par rapport à l’Inde, et qu’il a une population totalement tributaire de l’agriculture, le Bangladesh risque de subir une plus grande perte de revenus sur son agriculture en raison du changement climatique. Les 30 dernières années le Gouvernement a investi plus de USD 10 milliards pour  renforcer la résistance du pays au climat et le rendre moins vulnérable aux catastrophes naturelles[16]. L’estimation de dommages à la propriété est montée à USD 7,4 milliards  de 1984 à 2007, tandis que lors des cyclones tropicaux de 1970 et 1991 on a estimé que 500.000 et 140.000 personnes sont mortes respectivement.  Le Gouvernement a  récemment établi le Fonds du Bangladesh pour la résilience au changement climatique (BCCRF d’après le sigle en anglais), ayant une capitalisation initiale de USD 110 millions et un Fonds en fidéicommis  de donateurs multiples pour le changement climatique de USD 150 millions avec l’appui du Royaume Uni, de la Suède, du Danemark et de l’Union Européenne. Ces fonds seront utilisés seulement à des fins concernant le changement climatique et ils devraient donner lieu à une meilleure analyse des impacts climatiques sur les secteurs traditionnel (l’agriculture) et non traditionnel (les télécommunications). L’inconvénient actuel est qu’on n’a pas encore décidé  quelle institution ou quel ministère sera en charge de ces fonds.

Le financement pour le changement climatique est un énorme enjeu pour le Bangladesh en raison de sa faible base économique. Depuis que le Gouvernement a établi le BCCRF, il a dû sacrifier la même quantité d’investissements dans d’autres secteurs importants tels que la santé, l’assainissement, l’éducation et la pauvreté. Le ministère de l’Environnement et des forêts évalue actuellement le coût de l’implémentation du Plan d’action de dix ans (2009 – 2018) en travaillant en accord avec les ministères correspondants. On estime qu’un programme de USD 500 millions devrait être lancé dans les deux premières années pour des actions immédiates telles que le renforcement des gestions des catastrophes, la recherche et la gestion des  connaissances, la construction des capacités et des programmes de sensibilisation du public, ainsi que des investissements urgents tels que des abris  pour se protéger des cyclones et des programmes sélectionnés de drainage. Le coût total des programmes  commençant les cinq premières années pourrait arriver à USD 5 milliards.

Avancer vers l’avenir

Étant donné que le Bangladesh est l’une des principales victimes du réchauffement de la planète, il a besoin d’un grand investissement d’aide pour les mesures d’atténuation de l’incidence croissante des catastrophes naturelles. La contribution du pays à l’émission de gaz à effet de serre (GEI) est minuscule : moins d’un cinquième du 1 % du total mondial, ce qui révèle sa très faible consommation d’énergie. Ce sont les pays responsables des plus grands taux d’émissions qui doivent financer les stratégies d’adaptation et d’atténuation du changement climatique.

Les organisations de la société civile, les ONG nationales et internationales et de divers organismes donateurs devraient  en même temps coordonner un mouvement  pour la restructuration des instruments financiers du FMI et de la Banque mondiale et  rassembler tous les acteurs  avec un même  objectif, de manière à accélérer la réalisation des OMD au Bangladesh et dans le monde entier.

[1] M. Akhter Hossain est chercheur  à l’Unnayan Samannay.

[2] Commission européenne, Country Strategy Paper: Bangladesh 2002–2006. Disponible sur :
<eeas.europa.eu/bangladesh/csp/02_06_en.pdf>.

[3] Gouvernement du Bangladesh, Millennium Development Goals Needs Assessment and Costing 2009–2015: Bangladesh  (Les OMD exigent une évaluation et le calcul des coûts) Disponible sur :
<www.undp.org.bd/info/pub/MDG%20Needs%20Assessment%20&%20Costing%202009-2015%20small.pdf>.

[4] Bureau des statistiques du Bangladesh, Rapport sur l’Enquête 2009 de surveillance du bien-être. Disponible en anglais sur : <www.bbs.gov.bd/project/welfaresurvey_09.pdf>.

[5] IRIN, "Bangladesh : le taux d’abandon de l’école s’élève à 47 %", 4 novembre 2007. Disponible en anglais sur :  <www.irinnews.org/Report.aspx?ReportId=75139>.

[6] UNICEF, "La dénutrition infantile et l’insécurité alimentaire des foyers sont toujours les principaux soucis au Bangladesh", communiqué de presse, le 29 mars 2009. Disponible en anglais sur : <www.unicef.org/media/media_48981.html>.

[7] IRIN, "Bangladesh : L’éducation des petites filles réduit le taux de mortalité maternelle", le 11 juin 2010. Disponible en anglais sur : <www.alertnet.org/thenews/newsdesk/IRIN/04181198dcfd1312fa570557b0d076d8.htm>.

[8] Ibid.

[9] Selim Jahan, Financement des Objectifs du Développement du Millénaire : Une note thématique, préparé pour un Séminaire international intitulé "Continuer à être pauvre : pauvreté chronique et politique du développement", Manchester, Royaume Uni, du 7 au 9 avril 2003. Disponible en anglais sur : <www.undg.org/archive_docs/5634-Financing_MDGs__An_Issues_Note.pdf>.

[10] Gouvernement du Bangladesh, op.cit.

[11] ONU Projet Millénaire, Investir en développement : Plan pratique pour atteindre les Objectifs du développementdu millénaire, 2005.
Disponible en anglais sur :<www.unmillenniumproject.org/reports/fullreport.htm>.

[12] Gouvernement du Bangladesh, op.cit

[13] Ahmed Sadek Yousuf and Mohiuddin Alamgir, "Aide extérieure : aide ou tomber dans le piège de la dette", The Daily New Age, XTRA, du 15 au 21 mai 2009. Disponible en anglais sur : <prodip.wordpress.com/2009/05/15/foreign-aid-help-or-debt-entrapment/>.

[14] Campagne de dette du Jubilé, Royaume Uni, "Information Pays : le Bangladesh". Voir :  <www.jubileedebtcampaign.org.uk/Bangladesh+3478.twl>.

[15]  Kavi Kumar, "Sensibilité climatique de l’agriculture en Inde : les effets spatiaux importent-ils ?" SANDEE Brouillon de travail, novembre 2009. Disponible en anglais sur : <www.sandeeonline.com/uploads/documents/publication/868_PUB_Working_Paper_45.pdf>.

[16] Ministère de l’Environnement et des forêts, Bangladesh, Stratégie et Plan d’Action 2009 pour le changement climatique, Gouvernement de la République populaire du Bangladesh, septembre 2009. Disponible en anglais sur : <www.moef.gov.bd/climate_change_strategy2009.pdf>.

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Horizon nuageux

Publication_year: 
2010
Summary: 
La reprise rapide et marquée de l’économie brésilienne en 2009 est due principalement à une combinaison de politiques compensatoires non orthodoxes. Les autorités fédérales ont rompu avec l’orientation néolibérale suivie par les administrations précédentes et par le président Lula lui-même lors de son premier mandat. L’expérience brésilienne démontre que les politiques sociales peuvent aussi favoriser la croissance économique. Mais bien que la situation soit encore contrôlée, à mesure que l’économie mondiale tourne la page de la crise internationale, une deuxième vague de crise et d’instabilité, dont on ne discerne pas clairement les conséquences, pourrait être en train de se former à l’heure actuelle.

Social Watch Brésil
IBASE – Institut Brésilien pour l’analyse sociale et économique[1]

La reprise rapide et marquée de l’économie brésilienne en 2009 est due principalement à une combinaison de politiques compensatoires non orthodoxes. Les autorités fédérales ont rompu avec l’orientation néolibérale suivie par les administrations précédentes et par le président Lula lui-même lors de son premier mandat. L’expérience brésilienne démontre que les politiques sociales peuvent aussi favoriser la croissance économique. Mais bien que la situation soit encore contrôlée, à mesure que l’économie mondiale tourne la page de la crise internationale, une deuxième vague de crise et d’instabilité, dont on ne discerne pas clairement les conséquences, pourrait être en train de se former à l’heure actuelle.

Au cours du dernier trimestre 2008 la crise mondiale a atteint le Brésil et a brisé l’évolution de la croissance dont le rythme relativement rapide avait marqué les trois trimestres précédents. Comme le signalait l’édition 2009 de Social Watch, l’économie brésilienne a été durement touchée au moment où l’entrée de capitaux s’est brusquement changée en un flux de sortie, entraînant la chute de la monnaie locale et menaçant l’équilibre d’un groupe de grandes entreprises qui avaient misé sur l’appréciation continue du réal brésilien sur le marché des dérivés.

Comme lors des crises antérieures, la commotion a été grave, mais pas  mortelle. De fait, après six mois de récession, l’économie brésilienne a commencé à reprendre son essor au deuxième trimestre 2009. La croissance s’est accélérée depuis lors et les pronostics pour 2010 prévoient un taux de croissance du Produit intérieur brut (PIB) d’un minimum de 5,5 % à près de 7 %. L’entrée de capitaux a repris au milieu de l’année 2009 et le pays a affronté une nouvelle étape de taux de change surélevé, avec tous les risques que cela implique. Pendant le premier semestre 2010, l’instabilité financière a de nouveau augmenté en raison des problèmes de balance des paiements en Grèce, au Portugal, en Espagne et en Italie, entre autres, mais il était encore trop tôt pour calculer leur impact sur le Brésil.

Politiques sociales et croissance économique

La reprise rapide et marquée de l’économie brésilienne en 2009 est due principalement à une combinaison de politiques compensatoires non orthodoxes. L’administration du président Luiz Inácio Lula da Silva a bien progressé depuis les politiques néolibérales qui ont défini son premier mandat 2003-2007. Le rétablissement s’est effectué  grâce à la robustesse de la demande intérieure, alimentée par : des politiques d’augmentation du salaire minimum, des politiques sociales, dont la plus importante est la « Bolsa Familia » (allocation familiale)[2], des politiques d’élargissement du crédit offert par les banques publiques et, dans une moindre mesure, des politiques fiscales placées sous le bouclier du programme connu au Brésil sous le nom de Plan d’accélération de la croissance (PAC). Les groupes à faible revenu ont aussi été la cible des politiques : le nombre de personnes pauvres bénéficiant d’une allocation en espèces (équivalente à un mois de salaire minimum) a augmenté : entre autres, les personnes qui ont un revenu familial égal ou inférieur à 25 % du salaire minimum par habitant, les personnes handicapées et les personnes pauvres âgées de plus de 65 ans. Des pensions de retraite ont été élargies aux travailleurs agricoles (même s’ils n’ont pas cotisé au préalable).

La Bolsa Familia transfère des revenus complémentaires aux familles vivant dans une extrême pauvreté,  et distribue BRL 12,5 milliards (environ USD 6,94 milliards) sur presque tout le territoire national. La Bolsa Familia, non seulement s’est avérée un instrument efficace dans la réduction de l’extrême pauvreté, ce qui est considéré en général comme une grande réussite, mais elle a également procuré un soutien important à la demande interne, notamment en ce qui concerne les biens de consommation périssables. Étant donné que les familles pauvres consomment tout leur revenu, ces aides se sont traduites par une hausse directe de la demande, établissant un seuil face à toute éventuelle réduction des dépenses destinées à la consommation dans le pays. Les dépenses qui se fondent sur la Bolsa Familia ont également une répercussion expansive indirecte sur la demande et sur le degré d’activité économique. Les dépenses originales se transforment en revenus pour d’autres personnes, revenus qui seront dépensés à leur tour pour stimuler d’autres activités. Du fait du caractère décentralisé de ce plan, ces relances peuvent concerner les activités locales et répercuter davantage sur l’emploi et la consommation supplémentaire.

Ces dépenses ont servi, sans aucun doute, à éviter la récession que l’impact négatif généré par la disparité de la balance des paiements aurait dû produire fin 2008 et début 2009. L’expérience brésilienne prouve que les politiques sociales peuvent aussi favoriser la croissance économique, car les familles pauvres qui reçoivent cette aide ont une très forte tendance à la consommation. L’impact macroéconomique de ces politiques est supérieur à celui des politiques mises en œuvre dans d’autres pays, comme par exemple la réduction des impôts. Cette dernière tend à favoriser les gros revenus (ceux qui paient des impôts directs) qui profitent de l’occasion pour épargner une partie de ces bénéfices inespérés, freinant ainsi l’impact expansif.

Le deuxième pilier des politiques anticycliques du Gouvernement a été l’expansion du crédit. Dans des situations de grande incertitude, le crédit a tendance à diminuer parce que les institutions financières préfèrent chercher des actifs plus sûrs au lieu d’accorder des crédits aux entreprises ou aux consommateurs, opérations rentables mais plus risquées. Cela provoque la baisse de la production, parce que les entreprises ne peuvent pas embaucher de travailleurs ni acheter de matières premières si elles n’ont pas de capital circulant, de sorte que les consommateurs ne peuvent pas financer leurs achats de biens durables. Les autorités fédérales ont rompu avec l’orientation néo-libérale suivie par l’ex-président Fernando Henrique Cardoso et par  « Lula » lui-même pendant son premier mandat, qui traitait les banques publiques comme si elles étaient privées.

Alors que les banques privées du Brésil et d’autres pays fuyaient les emprunts, la Banco do Brasil (banque commerciale contrôlée par le Gouvernement et non pas par la Banque centrale), la Caisse brésilienne d’épargne Caixa Econômica Federal (CEF, spécialisée dans le financement au bâtiment  et à l’assainissement) et la Banque nationale de développement économique et social (BNDES) ont fait l’impossible pour combler ce vide. Les trois banques, de clientèle bien différente, ont élargi progressivement leurs activités en prenant des parts de marché des banques privées, qui à leur tour se sont retrouvées obligées d’élargir leurs propres opérations. À mesure que les trois banques augmentaient leur provision de crédits, elles réduisaient leurs marges différentielles, de sorte que les banques privées ont été contraintes de pratiquer une politique d’expansion pour ne pas perdre de plus larges parts de marché.

La BNDES a été un acteur particulièrement important dans ce scénario, puisqu’elle finance des investissements. La croissance des investissements est un requis indispensable pour convertir cette relance de la croissance en une trajectoire durable à long terme. Le choix de certains projets soutenus financièrement par la banque a soulevé des controverses ayant trait à la préoccupation environnementale notamment et aussi à son impact sur les communautés locales, mais l’action de la BNDES comme élément stratégique du processus de reprise de la croissance a été un gros succès.

Les initiatives de politique fiscale ont été encore plus controversées, tout spécialement le PAC. Ce programme a été lancé au milieu d’une avalanche publicitaire, motivée en partie par l’intérêt immédiat (la proximité des élections présidentielles), mais aussi pour l’influence qu’elle pourrait exercer sur l’esprit d’initiative des petites entreprises brésiliennes. D’un certain côté, le PAC n’a guère été que la consolidation de projets plus anciens d’investissement public ou d’investissements effectués par des entreprises appartenant à l’État, la plus importante étant Petrobras, l’entreprise pétrolière contrôlée par le Gouvernement fédéral. Plusieurs projets  semblaient s’être heurtés à toute sorte de difficultés, y compris aux services d’audit qui contrôlent les dépenses du Gouvernement fédéral. Beaucoup de critiques font remarquer que la mise en œuvre actuelle des projets inclus dans le PAC est bien moins ambitieuse que ce qui avait été annoncé, que les projets n’ont pas toujours obéi à des choix rationnels ni tenu compte des meilleurs taux de retour social.

Cependant, la répercussion sur l’esprit d’initiative semble être positive et redonne de l’élan à certains investissements privés. Plus importante encore a été la découverte d’une nouvelle grande réserve pétrolière, appelée Pré-Sal, qui promet de changer la position du pays sur le marché international du pétrole. La mise en marche de l’exploitation de cette réserve se situe encore dans un futur relativement éloigné, mais la nouvelle en soi a suffi pour encourager l’investissement privé.

D’autres facteurs positifs ont aussi fait sentir leur influence. La reprise précoce et ferme de l’économie chinoise a eu un effet qui s’est propagé sur tout le continent, étant donné que les exportations de minéraux et de produits agricoles en Chine ont élargi les exportations en général. Cependant, l’impact net du commerce international a été négatif, parce que les importations ont augmenté plus vite que les exportations. Autrement dit, les Brésiliens ont acheté au reste du monde davantage que ce que le reste du monde n’a acheté en biens et services produits dans le pays, l’impact net réduisant de ce fait les dépenses locales.

Cette crise se distingue par le comportement du compte de capital. L’économie brésilienne a subi l’impact négatif de la crise internationale dans sa balance de paiements au dernier trimestre 2008, en particulier sous la forme de sortie de capitaux. Ce flux sortant est dû, cependant, au retour des investissements financiers étrangers au Brésil qui se sont effectués en réponse aux projections de la bourse et, dans une moindre mesure, aux taux d’intérêt supérieurs à ceux du reste du monde. Quand ces investisseurs étrangers ont essuyé des pertes sur les marchés des pays développés, ils ont fermé leur position dans les économies émergentes et ont rapatrié leur capital afin de compenser leurs pertes.

À la différence des crises précédentes, aucune fuite de capitaux n’a été effectuée par les titulaires de la richesse brésiliens. De fait, la crise s’étant centrée sur le monde développé, les marchés étrangers de capitaux n’attiraient plus les investisseurs financiers nationaux. Les actifs du marché domestique, indubitablement, étaient plus rentables et moins risqués que les investissements financiers à l’extérieur. L’économie brésilienne ne subissait pas de pressions vis-à-vis des paiements, puisque sa dette externe publique est assez bien contrôlée et ses réserves internationales sont élevées par rapport à l’échelle de l’économie. La sortie de capitaux pourrait aisément se concilier avec ces réserves. Une ligne de change de dollars préventive négociée avec la Réserve fédérale a fortifié ces défenses et a réduit les pressions qui  auraient pu mener à la fuite de capitaux, tout en facilitant la façon de gérer les autres pressions.

Risques en vue

Cependant, tout n’est pas si brillant. Il est vrai que la crise a été brève et ses effets relativement bénins, si l’on tient compte du fait que c’est la deuxième en importance dans l’histoire du capitalisme moderne, après la Grande Crise de 1930. Au milieu de l’année 2009, comme il a déjà été signalé, l’économie marchait de nouveau pratiquement à toute vapeur, montrant des taux de croissance très dignes, quoique très loin encore des taux atteints par des pays comme la Chine ou l’Inde.

La reprise entraîne aussi des rentrées de capitaux qui peuvent être très dangereuses pour le Brésil dans un proche avenir, en raison de l’appréciation de la monnaie locale (une tendance récupérée après la dévaluation de fin 2008), qui nuit aux exportations, favorise les importations et aboutit au déficit actuel des comptes et à l’augmentation de l’endettement extérieur. La situation reste encore contrôlée mais elle se détériore rapidement et c’est un des motifs de préoccupation quant au proche avenir. L’accumulation de réserves n’est pas suffisante en soi pour assurer la position de l’économie brésilienne. L’augmentation de la dette extérieure rend le pays plus dépendant du financement extérieur et peut aboutir à une crise de grande envergure si ces entrées de capitaux s’interrompent comme cela s’est produit bien souvent dans un passé assez proche.  Le tableau est d’autant plus préoccupant qu’aucune solution ne semble se profiler à l’horizon des responsables de la politique brésilienne. En général, on admet que la combinaison de forts taux d’intérêts et de taux de change surévalués peut être fatale, mais il semble qu’on ne fait pas grand-chose pour changer cette situation.

Sur le front des politiques sociales, la Bolsa Familia s’est consolidée et l’administration « Lula » a annoncé qu’elle projette de la rendre permanente, en instituant ces aides en tant qu’obligation légale pour les futures administrations fédérales. Ce serait faire un pas en avant sur ce point que de définir des politiques de progrès social, y compris des politiques soutenues en terme d’emploi, des politiques visant à réduire le chômage et l’expansion de l’économie informelle, et des politiques éducatives et sociales qui non seulement favoriseront la scolarisation des groupes les plus démunis mais aussi leur qualification professionnelle et leur productivité.

Du côté de la politique de crédits, il n’y a pas grand-chose à faire pour l’instant. La régulation financière est redessinée dans les forums internationaux mais la Banque centrale du Brésil ne semble pas être innovatrice dans ce domaine. L’agressivité avec laquelle les banques publiques ont réagi pendant la crise semble avoir servi d’alarme aux banques privées et les a incitées à prendre des mesures pour élargir leur propre provision de crédit. Cela peut être bénéfique en termes d’amélioration des coûts du capital pour des activités productives et pour financer les dépenses des consommateurs.

C’est dans le secteur des investissements, de même que pour le risque de la balance des paiements déjà mentionné, que l’horizon est le plus sombre. Le volume relativement faible des dommages causés par la première vague de la crise qui a frappé l’économie fin 2008 et début 2009 semble avoir renforcé la tendance à investir de l’économie brésilienne. Cependant, le taux d’investissement reste très faible, bien plus qu’il ne le faudrait pour une économie en développement qui prétend atteindre l’échelle des pays développés. Les investissements en infrastructure sont encore bien en dessous des besoins qu’il urge de satisfaire.  De plus, les préoccupations environnementales ne sont pas prises en compte de façon convenable et le pays peut encourager aujourd’hui des investissements dans des secteurs et dans des projets susceptibles d’être obsolètes demain. Certains projets d’investissement, notamment en matière de génération d’énergie électrique, sont même le coeur de controverses pour leur impact sur les communautés locales et sur l’environnement, et alimentent la polémique sur le bien-fondé de ce genre d’investissements.

Les risques les plus importants pour l’avenir naissent du fait que, et cela va de soi, l’économie mondiale n’a pas encore tourné la page de la crise financière mondiale. Comme en témoigne la forte turbulence qui sévit dans la Zone euro, de nombreux dangers guettent encore l’avenir. De fait, les effets d’une crise d’envergure dans la Zone euro peuvent avoir un impact sur les économies en développement, et spécialement au Brésil, pire encore, que le crack financier de 2008. Les instruments politiques disponibles ont été suffisants pour contrôler et vaincre la crise de 2008. Une deuxième vague de crise et d’instabilité, dont on ne discerne pas clairement les conséquences, pourrait être en train de se former en ce moment.

Une leçon importante, cependant, peut en être tirée : c’est que le néo-libéralisme et l’attitude  laissez passer caractéristique des gouvernements brésiliens jusqu’en 2005-2006 aurait été fatale. La posture activiste de 2009 peut être la meilleure garantie d’un avenir plus sûr pour l’économie et la société du pays.

[1]    IBASE est membre du Réseau Social Watch Brésil. Ce rapport a été rédigé par l’équipe du projet relatif à la Libéralisation financière et gouvernance mondiale.

[2]   Bolsa Familia est un programme conditionnel de transfert d’argent, destiné aux ménages les plus pauvres ayant des enfants de moins de 17 ans.

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Il en faut davantage

Publication_year: 
2010
Summary: 
La crise financière mondiale a imposé un fardeau supplémentaire à l’Indonésie qui était déjà confrontée à de graves problèmes découlant d’une dette extérieure et d’un niveau de corruption élevés, et de l’application de politiques macroéconomiques qui ne se sont pas traduites en mesures concrètes pour éradiquer la pauvreté. Les plus durement touchés ont été les travailleurs car en première option les entreprises ont décidé de licencier les employés pour sauver leurs actifs. La société civile insiste sur le fait que le Gouvernement devrait prendre des mesures stratégiques pour intégrer l’éradication de la pauvreté au budget national.

Social Watch Indonésie
M. M. Firdaus (ASPPUK)
Wahyu Susilo (INFID)
Nani Zulminarni (PEKKA)

La crise financière mondiale a imposé un fardeau supplémentaire à l’Indonésie qui était déjà confrontée à de graves problèmes découlant d’une dette extérieure et d’un niveau de corruption élevés, et de l’application de politiques macroéconomiques qui ne se sont pas traduites en mesures concrètes pour éradiquer la pauvreté. Les plus durement touchés ont été les travailleurs car en première option les entreprises ont décidé de licencier les employés pour sauver leurs actifs. La société civile insiste sur le fait que le Gouvernement devrait prendre des mesures stratégiques pour intégrer l’éradication de la pauvreté au budget national.

L’Indonésie a fait mieux que ses voisins pendant la récession mondiale, mais le pays subit encore les répercussions de la crise financière qui a secoué l’économie mondiale en 2008. Par ailleurs, bien que la Banque centrale ait prévu une croissance de 5,6 % pour 2010 et de jusqu’à 6,5 % pour 2011, l’annonce de certaines décisions politiques semble refléter la préoccupation du Gouvernement. Ces décisions, destinées à apporter une certaine sécurité aux acteurs économiques et aux investisseurs, n’ont pas eu les effets voulus et ont en échange donné lieu à davantage d’incertitude sur l’économie du pays.

Une des raisons pour lesquelles le pays a eu une meilleure performance que ses voisins est que l’Indonésie est moins dépendante des exportations. Toutefois, de nombreux secteurs - comme les plantations de caoutchouc et de palmiers, les industries du bois et du meuble, l’industrie minière, les produits manufacturés (notamment les textiles et les vêtements), l’industrie de l’automobile, l’électronique et l’artisanat - ont été gravement touchés. L’Institut de recherche SMERU, qui a établi les différents niveaux d’impact en 2009, a signalé que la crise a davantage touché les personnes à faible revenu[1]. L’instabilité du marché du travail a déterminé une baisse des salaires et une augmentation de l’emploi informel. Les femmes ont plus souffert que les hommes de la détérioration des revenus et de la suppression d’emplois ; par exemple, nombre d’entre elles ont déjà perdu leur emploi dans l’industrie de l’artisanat et du meuble à Lombok Barat et à Jepara. La situation pourrait s’aggraver car à cela s’ajoute l’effondrement de l’industrie du vêtement, étant donné que la plupart des travailleurs dans ce secteur sont des femmes[2].

Un autre obstacle à l’éradication de la pauvreté

Avant l’impact de la crise mondiale, le Gouvernement avait augmenté le budget pour l’éradication de la pauvreté de 51 milliards de Rp (USD 5,5 milliards) en 2007 à 58 milliards de Rp (USD 6,3 milliards) en 2009[3]. Malheureusement, les résultats ne correspondent pas à l’importance du budget : la réduction de la pauvreté est inférieure à 2 %.

Le pourcentage de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté (sur un total d’environ 230 millions d’habitants) reste fluctuant : 15,97 % en 2005, 17,75 % en 2006, 16,58 % en 2007, 15 % en 2008 et 14,5 % en 2009[4].

Les objectifs du Gouvernement pour réduire le taux de pauvreté étaient d’arriver à 9,5  % en 2005, à 8,9  % en 2006, à 7,9  % en 2007 et à 6,6  % en 2008[5]. L’objectif initial de 8,2 % en 2009 a ensuite été ajusté à 12-14 %, mais le taux de pauvreté réel était encore plus élevé[6].

Les programmes d’éradication de la pauvreté mis en œuvre dans de nombreuses institutions gouvernementales nationales et locales ne pourront pas résoudre ce problème sans une réforme de la bureaucratie et une plus grande volonté politique.

D’autre part, les effets de la crise mondiale rendent plus difficile la réduction de la pauvreté étant donné que l’Indonésie doit faire face à de graves problèmes, tels que la dette extérieure, la corruption et le manque de cohérence entre la politique macroéconomique d’une part et les mesures concrètes pour réduire la pauvreté de l’autre.

En août 2009, la Banque d’Indonésie a signalé que la dette extérieure du pays avait atteint USD 165 milliards[7]. Les statistiques du budget publiées par le ministère des Finances montrent que le montant destiné au remboursement de la dette extérieure est supérieur à celui destiné à l’éducation ou à la santé : USD 10,4 milliards ont été alloués aux paiements de la dette extérieure et de l’intérêt en 2009, alors que seulement USD 9 millions ont été assignés à l’éducation et USD 1,7 millions à la santé[8].

L’impact sur les travailleurs

Les controverses récentes sur le favoritisme du Gouvernement ont rappelé qu’en période de crise ce sont les travailleurs et non pas les plus puissants qui en payent le prix. Les entreprises ont recours au licenciement des travailleurs pour sauver leurs actifs, et cette procédure est cautionnée par la politique du Gouvernement[9]. Outre les 250.000 emplois perdus depuis septembre 2008, l’Organisation internationale du travail estime qu’en 2009, 170.000 travailleurs indonésiens ont été licenciés en raison de la crise financière mondiale. Une estimation datant de l’année dernière indique que le taux de chômage en Indonésie était de 8 %, avec une tendance à la hausse[10].

Un exemple de cette situation est le traitement spécial accordé à Bumi Resources (la plus grande société minière d’Indonésie) : alors que la valeur des actions de la société est considérablement tombée, de nombreuses voix du Gouvernement ont insisté sur la nécessité d’intervenir pour la sauver. L’actionnaire principal de cette société minière est PT Bakrie & Brothers Tbk, une entreprise dirigée par Aburizal Bakrie, qui est également à la tête du parti Golkar (membre de la coalition gouvernementale).

La crise financière est aussi une menace pour les travailleurs indonésiens migrants, car elle a déterminé que les pays où ils résident emploient davantage des travailleurs locaux. La Confédération des syndicats de travailleurs d’Indonésie a averti qu’il fallait s’attendre à ce qu’environ 300.000 travailleurs migrants soient de retour dans leur pays vers fin 2009 après avoir été licenciés dans des pays récepteurs, tels que la Corée du Sud et la Malaisie[11].

Le Gouvernement avait pensé, à tort, que les transferts de fonds envoyés depuis l’étranger par les travailleurs migrants pourraient constituer une source alternative de revenus pendant la crise. Certains analystes et décideurs ont même proposé que le Gouvernement essaie d’augmenter le nombre de personnes percevant des revenus à l’étranger de sorte que les envois de fonds contribuent à réduire la volatilité de la roupie indonésienne[12]. Le Gouvernement estimait que les transferts des travailleurs expatriés atteindraient environ USD 10 milliards en 2010[13].

Les OMD en Indonésie

Récemment, l’Institut national de la planification du développement a reconnu que l’Indonésie ne pourrait pas atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), notamment ceux concernant le taux de mortalité maternelle, l’infection par le VIH et la protection de l’environnement, d’ici à 2015[14]. Selon le PNUD,  en Indonésie [15]:

  • Plus de 35 millions de personnes - soit 15,4 % de la population - vivent en dessous du seuil national de pauvreté. La proportion de la population ayant un accès durable à l’eau potable et à l’assainissement n’a pas augmenté.
  • Plus de 30 % des personnes vivant dans les zones urbaines et plus de 50 % des personnes vivant dans les zones rurales n’ont pas accès à un réseau d’eau potable.
  • Le taux national de mortalité maternelle de 307 pour 100.000 naissances vivantes reste l’un des plus élevé en Asie du Sud.
  • Le taux d’infection par le VIH/SIDA a augmenté de manière significative dans tout le pays, notamment en Papouasie et dans les zones urbaines à haut risque.
  • Environ 95 % des enfants sont inscrits à l’école primaire, mais seulement 81 % entrent à l’école secondaire.
  • Entre 1997 et 2000, l’Indonésie a perdu 3,5 millions d’hectares de forêt par an.

Davantage d’efforts pour lutter contre la pauvreté

Outre l’augmentation du budget et les incitations fiscales, le Gouvernement a pris certaines mesures pour réduire la pauvreté, telles que la Loi 40 2004 sur le Système national de sécurité sociale[16]. L’objectif de cette loi est d’assurer la sécurité sociale à tous les citoyens et pas seulement à ceux qui sont enregistrés comme pauvres au Bureau national des statistiques. La loi établit cinq programmes nationaux de sécurité sociale comprenant : assurance maladie, assurance accident de travail, assurance retraite, assurance pension et assurance vie. La loi prévoit la mise en place d’un mécanisme pour recueillir des fonds par des contributions obligatoires afin d’assurer que tous les citoyens puissent satisfaire leurs besoins fondamentaux, y compris l’accès aux soins médicaux. Toutefois, le Gouvernement a mis en place une norme unique sur les procédures et l’organisation de la Commission de sécurité sociale, tandis que d’autres questions importantes - comme la création du Bureau d’administration de la sécurité sociale pour l’application de cette loi - ont été ignorées. Par conséquent, le système d’assurance continue à fonctionner sans changements.

En 2009 et 2010 la pauvreté a diminué très lentement sans que cela n’entraîne d’améliorations dans le développement humain. Le Rapport sur le développement humain 2009 du PNUD[17] considère l’Indonésie comme un pays ayant de nombreux problèmes et dans lequel une détérioration de la qualité de vie de la population a été constatée. La place de l’Indonésie dans l’Indice de développement humain a chuté de la 107e position en 2005 à la 111e position en 2009, ce qui place l’Indonésie derrière les Philippines (105) et la Palestine (110).

Il est nécessaire que le Gouvernement adopte des mesures stratégiques pour faire face à cette situation. Tout d’abord, le Gouvernement devrait intégrer l’éradication de la pauvreté au budget national, soutenir les efforts des organisations de la société civile dans ce sens, s’abstenir d’appliquer des mesures inefficaces et éviter la superposition des différents programmes. Ensuite, les réformes gouvernementales devraient inclure l’éradication de la corruption et la mise en œuvre de la bonne gouvernance. Pour promouvoir le développement durable il est essentiel de compter sur un plan stratégique de réduction de la dette et que des efforts soient faits pour éviter un nouvel endettement.

 

[1] SMERU, “Monitoring the Socioeconomic Impact of the Global Financial Crisis in Indonesia”. Disponible sur : <www.smeru.or.id/crisismonitoring_reportintro.php?id=4>.

[2] Ibid

[3] Dian Kuswandini, “Fixing poverty: In numbers we trust?”, The Jakarta Post, 27 décembre 2008.

[4] Institut National pour la Planification du Développement, Indonesia MDGs Report 2009, Jakarta.

[5] Tempo, 26 octobre 2008.

[6] Dian Kuswandini, op. cit.

[7] Wahyu Susilo, “5 years to Millennium Development Goals deadline”, GCAP-SENCA, 29 octobre 2009. Disponible sur : <www.gcap-senca.net/index.php?option=com_content&task=view&id=208&Itemid=1>.

[8] Ibid.

[9] Ames Gross and Andrew Connor, “Indonesia in the Global Financial Crisis: What HR Managers Need to Know”, Pacific Bridge, mars 2009. Disponible sur : <www.pacificbridge.com/publication.asp?id=127>.

[10] Ibid.

[11] Hera Diani, “Future Looks Bleak for Laid-Off Indonesian Workers”, The Irrawaddy, 19 novembre 2009. Disponible sur : <www.irrawaddy.org/article.php?art_id=17254>.

[12] Reuters, “Indonesian Migrant Workers Expected to Send More Money Home in 2010”, The Jakarta Globe, 30 octobre 2009.

[13] Ibid.

[14] “RI to miss MDGs target”, The Jakarta Post, 20 avril 2010.

[15] Voir : <www.undp.or.id/mdg/>.

[16] Disponible sur : <www.sjsn.menkokesra.go.id/dokumen/publikasi/buku_reformasi_sjsn_eng.pdf>.

[17] UNDP, Human Development Report, New York, 2009. Disponible sur : <www.hdr.undp.org/en/reports/global/hdr2009/>.

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Il est nécessaire d’affiner les politiques sociales

Publication_year: 
2010
Summary: 
Tout comme les autres pays d’Amérique Latine, L’Uruguay a affronté la crise financière mondiale de 2008 dans de meilleures conditions qu’ à d’autres moments de son histoire. Son économie a continué à croître et ses indices de pauvreté et d’indigence se sont sensiblement améliorés, grâce à des politiques sociales qui ont su profiter du moment, en subordonnant les orientations macroéconomiques aux nécessités sociales. Toutefois, il reste des défis à relever tels que les pourcentages élevés de pauvreté et d’indigence au sein des afro - descendants et la féminisation croissante du rôle de chef de ménage dans les foyers les plus défavorisés. Les inégalités des sexes et/ou de race doivent prendre une place intégrale dans les politiques économiques.

Centro Interdisciplinario de Estudios sobre el Desarrollo – Uruguay (CIEDUR)
Centre interdisciplinaire d’études sur le développement – Uruguay (CIEDUR)
Alma Espino

Tout comme les autres pays d’Amérique Latine, L’Uruguay a affronté la crise financière mondiale de 2008 dans de meilleures conditions qu’ à d’autres moments de son histoire. Son économie a continué à croître et ses indices de pauvreté et d’indigence se sont sensiblement améliorés, grâce à des politiques sociales qui ont su profiter du moment, en subordonnant les orientations macroéconomiques aux nécessités sociales. Toutefois, il reste des défis à relever tels que les pourcentages élevés de pauvreté et d’indigence au sein des afro - descendants et la féminisation croissante du rôle de chef de ménage dans les foyers les plus défavorisés. Les inégalités des sexes et/ou de race doivent prendre une place intégrale dans les politiques économiques.

Bien qu’elles paraissent évidentes, les principales questions à se poser pour instaurer des politiques économiques devraient être: quel est l’objectif de l’activité économique ? Quel est le rôle des inégalités sociales et de genre dans le modèle de croissance et les modes de consommation actuels ? Si l’objectif de l’économie consiste à procurer et conserver une vie digne, il faut penser à une économie au service des personnes, c’est-à-dire, un développement centré sur les personnes. Il est clair que le marché n’est pas capable de connaître et d’évaluer la diversité des besoins et des intérêts de la communauté et de combler les fossés qui se creusent dans différents domaines de la vie courante.[1].

Les politiques macroéconomiques doivent s’intégrer correctement aux autres domaines de la politique économique et sociale, en s’insérant dans une stratégie de développement plus large et en contribuant ainsi directement à la croissance sur le long terme. La macroéconomie a une dimension sociale : il faut donc établir de solides bases d’un point de vue du développement humain, de la justice et de l’équité[2]. C’est pour cela que les responsables des politiques économiques doivent prendre en compte les implications sociales et de genre des politiques macros. Cela veut dire qu’il ne faut pas laisser des questions telles que l’inégalité des sexes et/ou de race dépendre exclusivement des politiques sociales pour amortir et compenser les effets négatifs des politiques économiques.  

La région et la crise

On a souligné que l’Amérique latine se trouvait, de manière globale, dans de meilleures conditions qu’au préalable pour faire face à la crise de 2008. Bien que cela soit vrai  dans la mesure ou nos pays présentent une série de traits similaires, ils possèdent néanmoins d’importantes spécificités. Dans ce sens, les différents canaux de transmissions de la crise font varier son importance relative et par conséquent ses impacts. L’Uruguay, tout comme d’autres économies de la région, a traversé une étape de croissance économique et d’amélioration de ses indicateurs sociaux.

L’économie uruguayenne a maintenu sa croissance jusqu’en 2008, ce qui s’est traduit par une augmentation de 8,9 % du PIB cette année-là. Cette croissance se doit à l’expansion de la demande interne (consommation et investissement) et de la demande externe. Cependant, sous l’influence de la crise économique et financière internationale, certains signes de décélération se sont manifestés fin 2008. Mais en 2009 le PIB a augmenté  de 2,9 %. Selon l’Institut de l’économie, entre 2005 et 2009 la croissance a atteint un taux cumulatif annuel de 6,1 %.

Les canaux de transmission de la crise dans les économies de la région se sont  traduits par une diminution de la demande externe, qui s’est exprimée par la baisse des importations  provenantes des pays développés, la chute du tourisme et des prix des matières premières, la diminution des envois de fonds des uruguayens émigrés et par le recul des flux de l’investissement étranger. Dans le cas de l’Uruguay, la chute des principaux produits d’exportation a eu un fort impact et, en dépit de la diversification des destinations de ses exportations, la diminution de la demande s’est répercutée sur le fonctionnement du secteur externe.

Forces et faiblesses  

Au cours des deux derniers mois de l’année 2008, la tendance à la hausse des exportations s’est inversée et les importations ont plus augmenté que les exportations, même s´il y a eu une décélération  pendant les derniers mois de l’année. Cela a creusé le déficit du compte courant en 2008 à hauteur de 3,5 % du PIB, à cause fondamentalement du déficit commercial élevé[3].  En 2009, les exportations en dollars ont chuté de 8 % bien qu’elles aient augmenté en terme de volume physique. De toutes manières, ce sont les exportations qui ont eu le plus d’incidence sur la croissance. L’investissement privé, de son côté, a reculé et le secteur public s’est maintenu stable.  Le flux touristique a augmenté en 2008 après plusieurs années de diminution et en 2009 les devises liées à ce secteur ont atteint USD 1,3 milliards, soit  19 % de plus que l’année précédente qui avait générée USD 1,05 milliards[4].

Les endettements externes, aussi bien bruts que nets, ont continué à diminuer en 2008 et ont représenté respectivement 37,3 % et 14,1 % du PIB. Ceci est dû à ce que le pays a continué à cumuler des réserves qui ont atteint USD 2.2 milliards cette année-là[5].

Le comportement général du marché du travail en 2009 a été globalement positif. La création d’emplois a contribué à la réduction du chômage, alors que la population active s’est maintenue presque au même niveau qu’en 2008. Ces résultats indiquent que de manière générale la crise internationale n’a pas eu d’impact direct sur le marché du travail uruguayen durant la période 2008-2009. Cependant, si l’on regarde de plus près, on voit que certains secteurs de l’activité économique, tels que ceux qui dépendent davantage du marché externe, ont eu du mal à garder leurs travailleurs fin 2008 et début 2009. Ceci s’observe par la chute du taux d’emploi dans l’industrie et par la croissance des inscriptions enregistrées à l’assurance chômage de la Banque de Prévision Sociale durant les derniers mois de 2008[6].

Les mesures du Gouvernement

Afin d’essayer de faire face aux changements de la scène internationale, la politique économique a dû subir quelques modifications durant les quatre derniers mois de l’année 2008. De manière particulière, la gestion du taux d’intérêt comme objectif opérationnel de la politique monétaire a été abandonnée en faveur d’une plus grande attention au contrôle de l’évolution du type de change, afin que celui-ci se transforme en  «  stabilisateur automatique  »   du système et qu’il contribue à amortir le choc externe[7].

En décembre 2008, comme dans le reste des économies de la région, des politiques anticrise ont été mises en place, et l’on a annoncé la création de paquets de mesures visant à octroyer des liquidités aux entreprises, à améliorer leur capacité d’exportation et à augmenter la viabilité de nouveaux investissements. L’expansion des dépenses et la diminution du recouvrement des impôts ont élevé le déficit fiscal à 1,7 % du PIB en 2009, mais en 2010 une amélioration a commencé à se faire sentir[8]. Comme dans la plupart des économies, le secteur public a eu un rôle prépondérant dans la croissance de l’investissement et de la consommation ; en dépit des époques où ses recettes ont diminué, le Gouvernement a maintenu le rythme de croissance des dépenses publiques.

L’engagement envers l’éradication de la pauvreté

La période à laquelle on fait référence montre également l’amélioration d’autres indicateurs tels que celui de l’évolution de la pauvreté mesurée selon le revenu. L’indigence ou pauvreté extrême est passé de 1,2 % du total des foyers uruguayens à 0,8 % en 2008[9], pourcentage qui se maintient en 2009[10]. Cependant, il est important de souligner que les foyers indigents dirigés par une femme constituent 1 % alors que ceux qui ont un chef de famille masculin représentent 0,7 %. Même si ces chiffres reflètent en moyenne une amélioration, il faut noter qu’ils confirment  le changement de tendance observé depuis 2005, c’est-à-dire une plus grande incidence de l’indigence dans les foyers dirigés par des femmes. Il faut prendre en compte que les foyers dans l’indigence sont généralement associés à une structure familiale monoparentale ayant plusieurs enfants (dans les étapes initiales du cycle de vie familiale) et un nombre réduit de sources de revenu. En conséquence, ces foyers sont socio-démographiquement vulnérables, ils ont plusieurs personnes à charge, disposent de peu de sources de revenu et sont souvent maintenus par des femmes[11].

En ce qui concerne l’incidence de la pauvreté, on observe une chute de l’indicateur aussi bien pour les foyers que pour les personnes, toutes régions de l’Uruguay confondues. Tout au long de l’année 2009 et dans l’ensemble du pays, les foyers pauvres sont estimés, selon l’Institut de l’économie, à 14,3 % ce qui signifie une réduction de 3,6 points par rapport à 2006[12].  En ce qui concerne les individus, la pauvreté a atteint en 2009, 20,9 % dans tout le pays[13].

Les processus de pauvreté et d’indigence affectent de manière différente les personnes selon leur âge, sexe et race. L’incidence de la pauvreté selon la catégorie d’âge continue à se concentrer sur les mineurs, principalement sur les moins de 6 ans[14].

La tendance de l’incidence de la pauvreté est décroissante aussi bien au sein des foyers dirigés par des hommes que dans ceux où les femmes sont chef de famille, passant de 23,3 % à 13,2 % en 2003 et 2008 respectivement chez les hommes, et de 17,2 % à 14,5 %  chez les femmes. Comme on peut l’observer, dans ce cas aussi l’incidence est plus importante chez les femmes mais il faut souligner que la tendance s’inverse à nouveau : même si entre 2003 et 2006 l’incidence était plus significative dans les foyers dirigés par des hommes, en 2007 les chiffres sont similaires (16,9 % et 16,6 % respectivement), en 2008 la situation s’inverse (13,2 % et 14,5 % respectivement), : l’incidence est alors plus élevée dans les foyers dirigés par des femmes[15]. Ces pourcentages sont en 2009, de 13,9 % et 14,8 % respectivement, selon les estimations de l’Institut de l’économie.

D’un autre côté, il faut souligner que les clivages les plus profonds ont été observés auprès des populations afro-descendantes. Leur niveau d’incidence de la pauvreté dans tout le pays est pratiquement  multiplié par deux par rapport aux blancs. En 2008, la pauvreté chez les blancs était de 19,4 % alors que chez les afrodescendants, elle était de 43,1 %. En somme, presque la moitié des personnes qui se déclarent afrodescendantes vivent sous le seuil de pauvreté. Il est alors évident que la race constitue un des facteurs pouvant expliquer l’inégalité sociale.

La diminution de la pauvreté est due à la croissance de l’emploi et des revenus des foyers alors que l’on constate une amélioration de la distribution du revenu en 2008. En ce qui concerne l’indigence, les raisons de sa diminution résident probablement dans les politiques sociales, en particulier les allocations familiales qui ont été spécifiquement assignées à cette population.  

Macroéconomie et inégalités

Cette révision de certaines des caractéristiques de la situation économique et sociale du pays, bien que brève et incomplète, met en relief la nécessité de considérer les enjeux à relever au moment de tenir les engagements pris. Même si d’importants efforts ont été faits pour développer les politiques sociales qui recherchent l’équité et luttent contre la pauvreté - avec déjà quelques succès obtenus - les résultats donnent l’alerte sur certains aspects.

Bien que les indicateurs témoignent des progrès réalisés dans le domaine de l’égalité des sexes, celle-ci continue à présenter des défis énormes et le plus important est peut être celui de la représentation dans les sphères de décisions politiques et économiques[16]. Dans ce domaine il y a eu également un recul, si l’on compare la présence des femmes dans le Gouvernement précédent par rapport à l’actuel qui a pris ses fonctions en 2010. A cela s’ajoute la nouvelle et lamentable tendance à la féminisation des chefs de famille en situation de pauvreté et d’indigence.

[1] Alma Espino, Rapport sur la Conférence de Doha sur le financement pour le développement ainsi que les conclusions de la réunion sur la crise mondiale convoquée par le Président de l’Assemblée Générale (26 - 29 mai 2009). Communication réalisée lors du séminaire "Analyse de la crise économique et financière selon une perspective de genre - impact sur la pauvreté et le travail des femmes". UNIFEM-CEPAL-INSTRAW-SER-Instituto de las Mujeres. Mexique, juillet 2009

[2] José Antonio Ocampo et Rob Vos, “Policy space and the changing paradigm in conducting macroeconomic policies in developing countries” dans New financing trends in Latin America: a bumpy road towards stability. BIS Papers, 36. Février 2008.

[3] Institut de l’économie, 2009.

[4] Institut de l’économie, 2010.

[5] Institut de l’économie, 2009.

[6] Institut de sécurité sociale.

[7] Institut de l’économie, 2009.

[8] Institut de l’économie, 2010.

[9] La ligne de pauvreté a été créée par l’Institut national de statistique (INE)  basée sur l’Enquête nationale des dépenses et des revenus des foyers en 2005-2006.

[10] Les données pour 2009 sont le résultat des estimations de l’Institut de l’économie, FCEyA, UDELAR, basées sur le traitement des micro-données de l’Enquête continue des foyers en 2009.

[11] INE, 2009.

[12] Ibid.

[13] Institut de l’économie, 2010.

[14] INE, 2009.

[15] Ibid.

[16] Programme des Nations Unies pour le Développement, 2008.

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Il faut améliorer et augmenter l’aide au développement

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2010
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Le Portugal a manifesté son intention de respecter les engagements internationaux assumés en matière d’Aide publique au développement (APD). Cependant, les effets de la crise économique mondiale mettent en doute leur accomplissement. Outre l’augmentation des volumes d’assistance, il est nécessaire d’améliorer la transparence des processus, de sélectionner les secteurs cible avec des critères plus humanitaires et de réussir à atteindre une plus grande prévisibilité à moyen et long terme. Pour ce faire, la société civile devra assumer un rôle plus actif et surtout plus constant pour surveiller les politiques officielles d’aide au développement.

Social Watch Portugal; Oikos
João José[1]
Catarina Cordas[2]

Le Portugal a manifesté son intention de respecter les engagements internationaux assumés en matière d’Aide publique au développement (APD). Cependant, les effets de la crise économique mondiale mettent en doute leur accomplissement. Outre l’augmentation des volumes d’assistance, il est nécessaire d’améliorer la transparence des processus, de sélectionner les secteurs cible avec des critères plus humanitaires et de réussir à atteindre une plus grande prévisibilité à moyen et long terme. Pour ce faire, la société civile devra assumer un rôle plus actif et surtout plus constant pour surveiller les politiques officielles d’aide au développement.

La Déclaration du Millénaire, signée en l'an 2000, a été suivie de plusieurs conférences internationales plaidant en faveur de l’engagement envers l’aide internationale, qu’il s’agisse de l’augmentation du montant de l’APD ou de sa qualité et de son efficacité, de manière à accroître le plus possible les effets de promotion d’un développement mondial plus juste et équitable. C’est ainsi que lors des conférences de Monterrey (2002) et de Doha (2008) sur le financement du développement, des Déclarations de Paris (2005) et du Programme d’Action d’Accra (2008), des engagements importants sur l’amélioration de l’efficacité de l’aide ont été assumés.

Dans les Grandes Options du Plan 2005-2009, le Gouvernement du Portugal a établi que l’un des objectifs de la coopération portugaise serait celui de « respecter les engagements internationaux sur la quantité et la qualité de l´APD, car le contexte international actuel (...) exige du Portugal un grand dynamisme et efficacité, notamment pour pouvoir atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement » (OMD)[3]. Dans ce même sens, l’un des objectifs du Gouvernement établi par les nouvelles Grandes Options du Plan 2010-2013 est celui « d’augmenter graduellement l’APD portugaise suivant les objectifs et le calendrier établis dans le cadre européen de l’APD, et de renforcer la position négociatrice du Portugal dans les discussions multilatérales, en mettant l’accent sur les Objectifs du millénaire pour le développement à développer tout au long de l’année 2010 »[4].

Cependant, les effets de la crise économique mondiale au Portugal ont éloigné les possibilités du pays de respecter les engagements assumés en matière d’aide. La qualité de la coopération portugaise devrait également faire l’objet d’une révision puisque, suivant la plainte déposée par la société civile, le pourcentage destiné par exemple à la promotion des droits humains est trop faible. Une plus grande transparence et prévisibilité ont aussi été réclamées à l’APD à moyen et long terme.

APD en chiffres

Malgré les engagements assumés, le Portugal n’a pas enregistré d’augmentations substantielles du volume de l’aide entre les années 90 et la période 2005-2008 (voir figure 1). Exception faite de l’année 2008, où l’APD a représenté 0,27 % du Revenu national brut (RNB), ce pourcentage a varié entre 0,21 % et 0,23 %. Les objectifs intermédiaires établis successivement pour 2006 (0,33 %) et pour 2009 (0,30 %) n’ont pas été atteints.  En 2009, l’APD a diminué de 15,7 % et elle a représenté à peine 0,23 % du RNB.

Dans le but de respecter ses engagements - une APD de 0,7 % du RNB en 2015 - le Portugal a établi un nouveau calendrier prévoyant les augmentations graduelles de son aide, dont l’objectif  intermédiaire est d’atteindre 0,34 % du RNB pour 2010[5]. Cependant, compte tenu de l’aggravation de la crise économique portugaise – avec des réductions et des politiques budgétaires  restrictives destinées à contrôler le déficit des  comptes publics – il s’avère pratiquement impossible d’atteindre les objectifs proposés dans le nouveau programme pour 2010. Pour la même raison, il est peu probable que le Portugal puisse atteindre 0,7 % en 2015.

Affectation et distribution de l’APD

Bien que la plupart de l´APD soit octroyée de manière bilatérale, depuis 2002 des efforts importants ont été faits pour augmenter les contributions multilatérales qui ont représenté 43 % du total de l'APD portugaise entre 2005 et 2008, face à 27,4 % en 1990 et 34 % en 2000.

La plupart de l’aide multilatérale est destinée au Fonds européen de développement (FED) et au budget d’aide externe de la Commission européenne qui finance les pays en développement n’étant pas considérés par le FED. Au cours des quatre dernières années, ces deux instruments ont reçu près de EUR 450 millions (USD 576 millions) représentant  une moyenne annuelle de 33 % de l’APD du Portugal.

L’APD bilatérale est principalement destinée aux ex-colonies portugaises, les PALOP[6] et le Timor Oriental. Bien que la plupart de ces pays se trouvent en Afrique subsaharienne (sauf le Timor Oriental et  le Cap-Vert) et qu’ils soient qualifiés comme étant des « pays moins avancés », des « états post-conflit »[7] ou des « états insulaires », leurs liens historiques, linguistiques et culturels justifient ce choix.

Le Gouvernement établit les priorités de sa politique externe en tenant compte de la défense et de l’affirmation de la langue et de la culture portugaises raison pour laquelle il renforce son soutien aux pays lusophones. Les secteurs où l’aide portugaise montre une tendance à la concentration sont principalement l’éducation, le soutien à la gouvernance[8] et à la coopération technique mais peu d’accent est mis sur les services sociaux qui ont à peine dépassé 3,1 % du total de l'APD bilatérale entre 2007 y 2008[9].

La qualité de l’aide

Le soutien au secteur productif est presque résiduel si on le compare avec les composantes de la coopération technique. De ce fait, certaines organisations appartenant à la société civile considèrent que l’APD du Portugal manque toujours d’une orientation effective vers l’éradication de la pauvreté. Le faible investissement destiné au soutien de l’agriculture et de la pêche, secteurs fondamentaux pour la promotion de la sécurité alimentaire dans les pays en voie de développement, est un aspect spécialement négatif.  En grande partie, ce sont les Organisations non-gouvernementales (ONG) qui mènent à bien cet effort bien qu’elles ne reçoivent qu’une petite portion de l’APD bilatérale (1,9 % en 2008)[10].

Le poids des lignes de crédit dans l’APD bilatérale est toujours critiqué par les ONG portugaises et par la Confédération européenne des ONG (CONCORD) à la coopération portugaise. À titre d’exemple, on peut mentionner qu’en 2008, près de 25 % de l’APD bilatérale a été liée à la comptabilisation de EUR 66 millions (USD 84 millions) d’une ligne de crédit pour le Maroc.  Finalement, un autre aspect critique est celui de l’aide conditionnée à l’obtention de biens et services de la part d’entreprises portugaises. En effet, l’aide conditionnée a augmenté de 17 % en 2006 à 42 % en 2008. Cette augmentation est étroitement liée à la comptabilisation de la concession des lignes de crédit[11].

L’effort pour améliorer la programmation de l’aide et l’ouverture croissante au dialogue entre les parties intéressées constitue un élément à mettre en relief vis-à-vis de la coopération portugaise depuis 2005. Cet effort a été mis en œuvre en particulier grâce à la création du Forum de Coopération pour le Développement et à la réalisation annuelle de journées nationales de coopération connues comme « Journées du Développement ».  En effet, outre l’approbation d’une stratégie mondiale pour la coopération portugaise[12], plusieurs stratégies sectorielles sont en voie de préparation (entre autres celles concernant la santé, l’éducation, l’égalité entre les sexes, la gouvernance et le développement rural). Certaines d’entre elles étaient déjà terminées vers la fin de 2009 ou début 2010. Il faut signaler également l’approbation de la Stratégie nationale d’éducation pour le développement,  en novembre 2009.                                                                                                                                                                                    

Il reste pourtant encore un long chemin à parcourir dans le domaine de la programmation et de la prévisibilité.  Parmi les principales faiblesses de la coopération portugaise on peut mentionner l’absence absolue d’une stratégie d’orientation en matière d’aide humanitaire, ainsi que la faible prévisibilité de l’aide à moyen et long terme. Trouver une solution à ces deux faiblesses n’est pas seulement une question d’augmentation des ressources mais aussi de définition claire de l’architecture institutionnelle.  Juridiquement, la coordination de la coopération portugaise correspond au ministère des Affaires étrangères et de la coopération, à travers le Secrétariat d’État à la coopération et de l’Institut portugais de soutien au développement. Pourtant, en matière de prévisibilité de l’aide, la décision dépend fondamentalement du ministère des Finances, alors qu’en matière d’aide humanitaire, le ministère de l’Administration interne et de la protection civile jouent un rôle de plus en plus important.

Pour finir, l’augmentation de la transparence est une exigence de la société civile vis-à-vis de l’APD portugaise. Le fait de souscrire à l’Initiative internationale de transparence pour l’aide devrait être une démarche importante. Il est essentiel de clarifier les critères de comptabilisation de l’APD et de fixer un délai pour disposer de données ventilées, notamment pour ce qui est des questions controversées comme par exemple la comptabilisation des dépenses des Forces Armées dans des missions de paix, les coûts et les critères des missions humanitaires de la Protection Civile, les dépenses des universités portugaises pour le soutien aux étudiants en provenance de pays lusophones, la comptabilisation de la concession de lignes de crédit avec l’aide liée et l’ajout de mesures de soutien financier pour la lutte contre le changement climatique. 

Le rôle de la société civile

Pendant les cinq dernières années on a réalisé et soutenu des campagnes de mobilisation en rapport avec les OMD et l’éradication de la pauvreté mondiale  – entre elles, la campagne « Pauvreté Zéro »[13], coordonnée par l’ONG Oikos, ou la campagne « Objectif 2015 » de l’ONU. Cependant, selon la Plate-forme des ONG portugaises de développement[14], le Portugal n’a pas de « culture d’aide régulière ». Cela veut dire par exemple que, lors d’une catastrophe naturelle, les citoyens portugais subissent une forte réaction émotive et solidaire, mais dans le quotidien des ONG de développement et d’autres mouvements de la société civile organisés en fonction de l’éradication de la pauvreté extrême dans le monde, la participation des citoyens est rare et peu claire. 

[1] Directeur d’Oikos.

[2] Bénévole d’Oikos.

[3] Ministère des Finances, Grandes Options du Plan 2005-2009. Disponible en portugais sur : <www.gpeari.min-financas.pt/arquivo-interno-de-ficheiros/gop/GOP2005_2009_AR.pdf>.

[4] Ministère des Finances, Grandes Options du Plan 2010-2013. Disponible en portugais sur : <www.min-financas.pt/inf_economica/OE2010/GOP_2010-2013.pdf>.

[5] Ministère des Finances, Rapport sur le Budget d’État pour 2009. Disponible en portugais  
<>.

[6] Les Pays Africains de langue officielle portugaise (PALOP) est un groupe de pays formé par cinq anciennes colonies portugaises (l’Angola, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Mozambique et São Tomé & Principe).

[7] L’Angola, le Timor-Leste et la Guinée-Bissau ont connu de violents conflits pendant les dix dernières années.

[8] Programmes de formation institutionnelle dans plusieurs secteurs de l’Administration Publique et d’autres organismes de l’État.

[9] Institut Portugais d’Aide au Développement. Voir : <www.ipad.mne.gov.pt/index.php>.

[10] Ibid.

[11] Ibid.

[12] Décision nº 196/2005, disponible .

[13] Voir : <www.pobrezazero.org>.

[14] Voir : <www.plataformaongd.pt/>.

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Il faut repenser le développement industriel

Publication_year: 
2010
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Le jugement du Tribunal administratif suprême de la Thaïlande, qui confirme l’injonction provisoire d'un tribunal inférieur suspendant le travail de 65 des 76 projets industriels du parc industriel Map Ta Phut pour des raisons environnementales, soutient le droit constitutionnel des personnes à la sécurité et à la santé en soulignant que les agences de l’État n'ont pas délivré les permis appropriés. La Thaïlande doit repenser entièrement sa politique de développement industriel pour faire face aux problèmes économiques et pour créer des emplois sans nuire à la santé des personnes ni à l'environnement.

Social Agenda Working Group
Chulalongkorn Social Research Institute
Ranee Hassarungsee
Suntaree  Kiatiprajuk

Le jugement du Tribunal administratif suprême de la Thaïlande, qui confirme l’injonction provisoire d'un tribunal inférieur suspendant le travail de 65 des 76 projets industriels du parc industriel Map Ta Phut pour des raisons environnementales, soutient le droit constitutionnel des personnes à la sécurité et à la santé en soulignant que les agences de l’État n'ont pas délivré les permis appropriés. La Thaïlande doit repenser entièrement sa politique de développement industriel pour faire face aux problèmes économiques et pour créer des emplois sans nuire à la santé des personnes ni à l'environnement.

Après la découverte de gaz naturel dans le Golfe de Thaïlande en 1973, le parc industriel Map Ta Phut (MTP IE) a été inclus dans le Programme de développement de la Côte Est (sigle anglais : ESB). L'ESB – qui comprend les provinces de Chachoengsao, de Chon Buri et de Rayong, près de Bangkok – a été considéré comme l'une des questions prioritaires du Cinquième Plan national de développement économique et social (1982-1986). Ce plan intégral destiné à combattre le haut niveau de chômage[1]  marqué le moment où la Thaïlande a commencé à modifier sa stratégie de développement économique passant de la substitution des importations à une industrialisation orientée vers les exportations.

Le MTP IE, propriété de l'État et créé en 1981, est composé de deux parties principales : le parc industriel et le port industriel. Sa construction a commencé en 1987 et s’est terminée en 1990. Dans un premier temps, il a été dit que l'investissement total était de THB 370 milliards (USD 11,4 milliards) et qu'il générait environ 11.500 emplois. Il a commencé avec une superficie totale de 672 hectares et s'est étendu par la suite sur environ 1.200 hectares en raison de l'expansion de l'industrie pétrochimique.

Ces dernières années, l'agglomération rapide d'industries a contribué à une augmentation de l'emploi et des revenus dans l'ESB. Selon le Conseil national de développement économique et social les investissements directs ont créé environ 460.000 emplois dans la région entre 1995 et 2000. Pourtant en pleine crise économique asiatique (1997-1999), on a signalé que même si Bangkok avait perdu 120.000 emplois, les zones proches de l'ESB en avaient créé 57.000 nouveaux..

Pour le reste de la Thaïlande et pour le public international, le MTP IE a été présenté comme le modèle de développement industriel le plus remarquable du monde, doté d'équipements standardisés et d’une technologie de pointe pour la gestion environnementale de l'eau, de l'air et des déchets toxiques. Mais les communautés affectées montrent que Mab Ta Phut est la zone la plus gravement polluée, avec le nombre de patients atteints de maladies liées au développement industriel le plus élevé du pays[2]. Le MTP IE abrite actuellement plus de 90 établissements industriels, dont des raffineries de pétrole, des installations chimiques et pétrochimiques ainsi que des décharges et des centres de traitement des déchets dangereux équipés de plus de 200 cheminées qui rejettent des polluants toxiques en direction de 25 communautés voisines.        

Aujourd’hui, la province est un centre de développement industriel et possède le Produit intérieur brut (PIB) par habitant le plus élevé du pays, soit huit fois supérieur à la moyenne nationale. Mais cette concentration du développement économique a conduit à une distribution inégale des revenus entre les différents groupes de la population, ce qui empêche le public de la province de bénéficier des niveaux de développement plus élevés qu’on ne prévoyait.

Des défis permanents pour la santé de l’humanité et de l’environnement

Plus de vingt années de développement industriel ont transformé la région – abritant autrefois des petites communautés d'agriculteurs et de pêcheurs – en le lieu le plus dangereux du pays à cause de ses produits toxiques. L'industrialisation rapide a provoqué la dégradation des ressources naturelles et des changements dans la structure sociale et économique, suivis de nombreux problèmes sociaux, socioéconomiques, environnementaux et sanitaires. On a vu apparaître des cas de pollution accumulée, des problèmes environnementaux et des maladies mystérieuses, tous étroitement liés les uns aux autres. Ils affectent profondément la population locale qui manque de moyens pour négocier avec les industries puissantes ou les agences administratives[3].

Parmi les principaux effets sur l'environnement et la santé des personnes on trouve :

1. La pollution de l'air : cela fait plus de 10 ans que les habitants de Map Ta Phut subissent différentes formes de pollution, surtout celle de l'air, causée par des composés organiques volatils. Depuis longtemps plus de 200 cheminées et de torches à gaz de l’MTP IE rejettent dans l'air de grandes quantités de polluants se propageant ensuite vers les communautés voisines. De nombreuses études ont montré les liens entre l'exposition des résidents aux polluants comme le benzène, le styrène et le xylène et l'augmentation des maladies des systèmes respiratoire, nerveux, reproductif et musculaire ainsi que des troubles mentaux[4].
En 1997, le cas de pollution dans l'école Panphittayakarn de Map Ta Phut a attiré l'attention du monde entier. Quelque mille élèves et professeurs sont tombés malades après avoir respiré des émissions toxiques et ont dû être hospitalisés pour des troubles respiratoires, des céphalées, des irritations nasales et des nausées. En 2005, le ministère de l'Éducation a approuvé le déplacement de l'école à cinq kilomètres de son lieu d’origine[5]. Dès lors, la zone est considérée comme l'exemple le plus évident et le plus grave du pays concernant les effets indésirables d'une industrialisation non durable[6]. Une étude menée en 2005 par l'organisation américaine Global Community Monitora montré que les toxiques cancérigènes rejetés dans l'air par le MTP IE, comme le benzène, le chlorure de vinyle et le chloroforme dépassaient de 60 à 3.000 fois les standards de sécurité des pays développés.  

2. La pollution de l'eau : de nos jours, tous les foyers de Mab Ta Phut et du district Muang de Rayong doivent acheter l'eau qu'ils consomment car l'eau des étangs n'est plus utilisable. Ceux-ci sont contaminés par des produits chimiques provenant du déversement de déchets toxiques que la pluie a jeté dans les rivières puis dans la mer[7]. On a détecté que les ressources hydriques dans la zone qui entoure le parc industriel sont contaminées par des éléments métalliques. L'analyse d'échantillons d'eau de 25 étangs publics de la commune de Map Ta Phut a montré de hauts niveaux de substances toxiques représentant un réel danger. Le cadmium était six fois plus élevé que le niveau autorisé, 10 fois plus pour le zinc, 34 fois plus pour le manganèse, 47 fois plus pour le plomb, 151 fois plus pour le fer[8].

Le rapport du Bureau de la santé publique de Rayong a confirmé que la pollution par le fer, le plomb, le manganèse et le chlorure dépassait les standards de potabilité dans de nombreuses sources d'eau souterraines. Seules deux communautés ont accès à un réseau public d'eau, alors que vingt-deux doivent assumer des coûts très élevés pour se procurer de l'eau potable. Les fruiticulteurs se plaignent également de ce que les pluies acides nuisent aux arbres fruitiers[9].

3.  Le déversement illégal de déchets dangereux et l’érosion de la côte : MmePenchom Saetang, de l'Ecological Alert and RecoveryThailand, a signalé qu'à partir de 1998 tous les ans des déversements illégaux et une érosion continue de la zone côtière se sont produits : « Les habitants de la région ont réclamé plusieurs fois l’arrêt des agrandissements du parc industriel mais l'Industrial Estate Authority of Thailand (IEAT) les a ignorés »[10] .

Elle a ajouté qu'à partir de 1999 le Bureau des politiques et de la gestion des ressources naturelles et de l'environnement avait averti que la pollution atmosphérique à Mab Ta Phut avait dépassé la capacité de charge de la zone et que l'on ne devait plus y faire d'investissements. Les mises en garde se fondaient sur une étude détaillée de la capacité de charge de produits polluants de la zone. L'IEAT, toutefois, n'a pas accepté l'étude, la taxant de discutable et a proposé le développement d'un modèle conjoint alors que le secteur industriel insistait pour élargir ses activités, ignorant le refus des personnes affectées[11].

4. L’impact sur la santé : selon des informations obtenues entre2003 et 2005, le nombre de personnes de Mab Ta Phut atteintes de maladies respiratoires, de maladies de peau et d’autres maladies liées à l'exercice d'un métier exposé à la pollution dépasse celui des autres zones de la province de Rayong. En outre, dans le district Muang de Rayong, les taux d'incidence de tous les types de cancer et de leucémie sont plus élevés que dans les autres districts de la province[12] .

Selon l'Institut national du cancer, l'incidence du cancer à Rayong, où se trouve le parc industriel Map Ta Phut, est de 182,45 cas pour 100.000 personnes, alors que la moyenne nationale est de 122,6. Le taux de leucémie est également élevé : six cas toutes les 100.000 personnes, alors que la moyenne nationale est environ de 3,55. Le Bureau de santé publique de Rayong a informé que le taux de malformations à la naissance, de handicaps et d’anomalies chromosomiques a considérablement augmenté entre 1997 et 2001, de 48,2 toutes les 100.000 personnes à 163,8 : une augmentation de 300 %[13] .

Les actions du Gouvernement : négligence et échec complet

Depuis 2007, les conditions environnementales et de santé à Mab Ta Phut se sont radicalement détériorées. Des Organisations non gouvernementales (ONG) et des groupes communautaires locaux ont demandé vainement au Gouvernement que Mab Ta Phut soit déclarée comme zone de contrôle de la pollution.

Le 1er octobre 2008, 27 personnes représentant les habitants de 11 communautés proches du parc industriel de Rayong ont entamé un procès auprès du Tribunal administratif de Rayong contre le Conseil national de l'environnement (NEB), conduit par le Premier ministre. Elles ont allégué que le fait de ne pas déclarer Mab Ta Phut et les zones voisines comme des zones de contrôle de la pollution était une violation des procédures légales.

Le jugement du Tribunal administratif de Rayong du 3 mars 2009 a déclaré que tous les documents signalaient que la pollution à Mab Ta Phut produisait des effets défavorables sur la santé des personnes et sur l'environnement. Le Tribunal a également admis que la pollution dans la commune de Mab Ta Phut est encore tellement grave qu'elle pourrait nuire à la santé des personnes et à la qualité de l'environnement. Même si après 2007 on a établi des commissions de travail ad hoc pour aborder les problèmes de Rayong, la pollution s'est intensifiée. Et pourtant, le NEB n'a pas désigné la commune de Mab Ta Phut comme zone de contrôle de la pollution sous prétexte que toutes les usines de la région collaborent déjà avec les plans de réduction et d'élimination de la pollution. Le Tribunal a ordonné que dans un délai de 60 jours le NEB réduise la pollution des industries de Map Ta Phut Industrial Estates et déclare les zones environnantes du parc industriel comme “zone de contrôle de la pollution”.

Le 11 mai 2009, le NEB a annoncé que les projets de Map Ta Phut pouvaient se poursuivre bien que, conformément à la disposition judiciaire, Map Ta Phut ait été déclarée “zone de contrôle de la pollution” dans la Royal Gazette du 30 avril 2009. En dépit des sentences précédentes qui ordonnaient au Gouvernement de travailler pour protéger l’environnement, le NEB a maintenant permis que tous les plans d'investissement dans la zone, y compris ceux qui sont en voie d'obtenir des études d'impact environnemental, se poursuivent normalement afin d'éviter l'interruption des investissements.

 

Des actions légales pour les droits des personnes

Les actions du Gouvernement thaïlandais permettant et encourageant les activités des usines de Mab Ta Phut pour promouvoir la croissance économique à l’encontre des habitants de la région et de l'environnement sont contraires aux principes de précaution et de développement durable.

En septembre 2009, une injonction provisoire d'un tribunal administratif a suspendu 76 projets industriels à Mab Ta Phut pour motif de risques environnementaux. Ce mandat est apparu suite à des plaintes des habitants et de groupes environnementalistes qui alléguaient que les agences de l’État – dont le NEB, les ministères de l'Industrie, de l'Énergie, des Ressources naturelles et de l'Environnement, et l'IEAT – n'avaient pas délivré les permis de fonctionnement appropriés. Le 2 décembre 2009, le Tribunal administratif suprême a décidé que 11 des 76 projets pouvaient continuer de fonctionner et que 65 d’entre eux devraient être suspendus en attendant de remplir les exigences concernant l'environnement et la santé stipulées dans l'article 67 de la Constitution de 2007.

Le jugement du Tribunal a clairement exprimé la négligence du ministère des Ressources naturelles et de l'environnement : « Les droit des personnes sont protégés conformément à l'article 67 de la Constitution. Le fait qu'il n'existe encore pas de lois établissant les normes, les conditions et les façons d'exercer ces droits n'est pas une raison pour qu'une agence de l’État dénie cette protection. De cette façon, avant de mettre en pratique n’importe quel projet ou activité qui puisse constituer une menace grave pour la qualité de l'environnement, les ressources naturelles et la santé, on doit respecter ce qui est prévu par l'article 67 : c'est-à-dire, fournir une étude ou une évaluation des impacts sur la santé des personnes de la communauté où sera implanté le projet »  [14].

Conclusions et recommandations

La situation difficile des habitants de Mab Ta Phut est également confirmée par les résultats d'une évaluation de la gouvernance environnementale réalisée par le Thailand Environment Institute et la Thailand Environmental Governance Coalition(TAI Thailand), qui a montré que le Gouvernement avait constamment encouragé les opérations des industries de Mab Ta Phut à l’encontre de la santé des communautés et de l'environnement.

En 2007 a commencé l'étude de gouvernance environnementale pour évaluer le Plan directeur de développement de l'industrie pétrochimique (Phase III), le Plan d'action pour la réduction de la pollution de la province de Rayong et le Plan de la ville de Mab Ta Phut. La méthodologie du TAI, fondée sur des indicateurs, a été utilisée pour étudier l'accès de la population à l'information, sa participation dans la prise de décision et son accès à la justice. L'évaluation a conclu qu'aucun des trois plans en question n’arrivait à mettre en pratique le droit de participation publique[15].

Mme Penchom Saetang, qui a passé plus de dix ans à étudier et à documenter les problèmes de pollution de Mab Ta Phut, a signalé que pour le moment le développement industriel de la Thaïlande s'est fait de manière non durable, nocive et polluante. Il n'a pas pris en compte le développement des ressources humaines, la distribution égalitaire des bénéfices du développement et les effets négatifs des activités de développement industriel[16]. Mme Penchom Saetang a ajouté que la Thaïlande est désormais entre les mains de ces industries dont les opérations sont strictement contrôlées dans leur propres pays ce qui les pousse à délocaliser leurs activités polluantes vers d'autres nations.

Les industries lourdes des pays qui doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre se déplaceront vers les pays qui ne se servent pas de la totalité de leurs quotas d'émissions. Le temps est venu pour la Thaïlande de penser à une nouvelle stratégie de développement industriel qui puisse relever les enjeux économiques et créer des emplois sans nuire aux ressources naturelles ni à l'environnement.

 

[1] Penchom Saetang, “Industrial Pollution in Thailand : A Case of Eastern Seaboard Development and Japanese Aid and Investment”, Campaign for Alternative Industry Network, mai 2006.

[2] “Failed pollution reduction plan, no time to delay Mab Ta Phut control”,  ASTV Manager Daily, 16 mars 2009.

[3] “Thailand’s Air : Poison Cocktail, Exposing Unsustainable Industries and the Case for Community Right to Know and Prevention”, Campaign for Alternative Industry Network, greenpeace Southeast Asia et Global Community Monitor, octobre 2005.

[4] Ibid.

[5] UNESCO - Bangkok programme on Ethics and Climate Change Asia and the Pacific, “Representation and who decides,” 28 novembre 2009.

[6] “Thailand’s Air: Poison Cocktail”, op. cit.

[7] “Lessons learnt by local people are important for deciding the future development direction of society”, Watershed Community Voices Vol. 7, novembre 2001 – février 2002.

[8] UNESCO Bangkok programme, op. cit.

[9] “Thailand’s Air”, op. cit.

[10] Malini Hariharan, “Thailand's Map Ta Phut crisis - the NGO side of the story”, ICIS, 2010.

[11] “Uprooting Mab Ta Phut”, Thai Post, 14 mars 2009.

[12] Jugement du Tribunal administratif de Rayong (2009), cité dans Kanuengnij Sribua-iam, “Judicial procedure, environment and health : lessons learned from the Mab Ta Phut case”.

[13] “Rayong awaiting its day in court”,  Bangkok Post, 29 novembre 2009.

[14]  “Despite industrial fallout, the court's Mab Ta Phut verdict is welcome”, Bangkok Post, 3 décembre 2009.

[15] UNESCO Bangkok program, op. cit.

[16] Entretien, 6 mars 2010.

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Justice financière et fiscale: une dette historique

Publication_year: 
2010
Summary: 
L’expérience argentine montre qu’il n’existe pas de développement sans autonomie et sans ressources légitimes, comme les taxes. Les crises politiques et économiques successives ayant frappé le pays prouvent que lorsque le modèle de développement donne la priorité au secteur financier au détriment du secteur productif, les résultats sont néfastes pour la majorité de la population. L’État doit impérativement récupérer le contrôle de l’économie ; celle-ci doit devenir moins dépendante de l’arrivée de capitaux étrangers, elle doit avancer vers un système fiscal plus juste et également financer la production, en plus de la consommation. Pour s’approcher des objectifs des OMD, la problématique de l’égalité des sexes ne doit pas être absente.

FOCO
Agostina Chiodi
Rodrigo López 

L’expérience argentine montre qu’il n’existe pas de développement sans autonomie et sans ressources légitimes, comme les taxes. Les crises politiques et économiques successives ayant frappé le pays prouvent que lorsque le modèle de développement donne la priorité au secteur financier au détriment du secteur productif, les résultats sont néfastes pour la majorité de la population. L’État doit impérativement récupérer le contrôle de l’économie ; celle-ci doit devenir moins dépendante de l’arrivée de capitaux étrangers, elle doit avancer vers un système fiscal plus juste et également financer la production, en plus de la consommation. Pour s’approcher des objectifs des OMD, la problématique de l’égalité des sexes  ne doit pas être absente.

Le sentier vers le développement n’est pas une chimère projetée vers l’avenir ; on y circule à présent grâce à des pratiques démocratiques qui, dans les sociétés modernes, s’expriment à travers la possibilité des gouvernements de conduire l’économie, et non pas l’inverse. L'histoire des dernières décennies montre clairement qu'en Argentine la réduction de la dépendance du financement externe renforce l'autonomie et favorise le développement des politiques. 

L’histoire récente montre que l’autonomie est une condition nécessaire au développement mais l'Argentine ne pourra jamais l'atteindre si le pays  dépend du financement externe. Ainsi, les impôts redeviennent les « ressources légitimes » sans lesquelles il est impossible de penser au développement.

L’Argentine a amélioré sa fiscalité (voir section suivante) : lors des dernières années, le pays a réussi à augmenter la proportion des taxes jusqu’à 30 % du PIB (bien qu’elle soit toujours éloignée du niveau d’environ 50 % des pays développés). Cependant la structure fiscale de l’Argentine est toujours régressive dans la mesure où la contribution de la population à plus faibles revenus est proportionnellement plus forte ; elle est aussi procyclique parce que les recettes accompagnent les hauts et les bas de la consommation.     La plupart des recettes proviennent des taxes indirectes, notamment la TVA avec un taux de 21 % (très élevé par rapport aux standards internationaux) et il faut signaler qu’il y a très peu d’exemptions ou de taux différentiels. Par contre, les revenus des investissements financiers en sont exempts[1]

La nationalisation des fonds de la sécurité sociale (pensions et retraites) transférés au secteur privé dans les années 90 par des systèmes de capitalisation a été une mesure très importante adoptée par le Gouvernement de Cristina Fernández. On a ainsi récupéré une source de financement légitime pour le développement qui évite à l’État de s’endetter avec le secteur privé à des taux à deux chiffres.

Un peu d’histoire

Avant le coup d’État de 1976, l’économie argentine était centrée sur le soutien de l’économie réelle, caractérisée par un modèle d’accumulation basé sur les substitutions des importations. Après 1976, ce système a été remplacé par un autre favorisant le secteur financier au détriment de l’économie productive. Dans ce nouveau système, l’endettement extérieur du secteur public dépend de la valorisation financière au lieu de l’économie réelle et de l’expansion productive. La logique est la suivante : les oligopoles contractent des prêts pour investir dans le marché financier local au lieu de développer la production,  et les rembourse ensuite avec des devises fournies par l‘État au moyen de son endettement extérieur.  Pour pouvoir mettre en œuvre ce modèle, le terrorisme d’État a désarticulé la classe ouvrière mobilisée et a déclenché un génocide ayant provoqué des dizaines de milliers de morts et de « disparus ».

Cette modification de la politique économique a été accompagnée de changements des fonctions de l’État. Lors de ce processus, c'est l’État lui-même qui garantissait des taux d’intérêt internes supérieurs aux taux internationaux, pour augmenter leur valeur sur le marché argentin. La réforme financière de 1977 a donc joué un rôle stratégique : l’État ne serait plus financé à travers la Banque centrale mais il jouerait le rôle d’un simple preneur de fonds dans le secteur financier[2]. Avant la récupération de la démocratie en 1983 la dette privée de centaines d’entreprises a été étatisée et la dette extérieure a augmenté de 7  à 45 milliards de dollars en sept ans seulement[3].

Ce modèle a été consolidé dans les années 90 et l’Argentine a respecté au pied de la lettre les dispositions du Consensus de Washington, dont la dérégulation, la libéralisation des taux d’intérêt, la flexibilisation du travail, les privatisations, la réduction des dépenses publiques, la discipline fiscale, l’ouverture économique, commerciale et financière. Ces mesures ont démembré l’État et ont paupérisé les secteurs populaires. Parmi les séquelles de cette politique nous pouvons citer la désindustrialisation, la sous-traitance, le chômage, l’endettement extérieur et la pauvreté structurelle de 56 % en 2002 suivant l’Institut National de Statistiques et du Recensement.

Après quatre ans de récession, le modèle d’endettement et de la parité peso-dollar s’est effondré, ce qui a engendré la crise financière de 2001. Cela a marqué la fin d’une période de 30 ans où l’économie réelle était au service de l’économie financière, et a donné la possibilité de commencer une autre période de transition permettant de renverser cette tendance. 

À partir de 2003, le Gouvernement de Néstor Kirchner a mis en place une stratégie de haute croissance économique qui a eu un fort impact sur l’emploi et qui a amélioré la qualité de vie de la classe ouvrière. Pendant les six années suivantes, le PIB a augmenté à un taux annuel de 8 %, l’économie à réussi à maintenir l’excédent fiscal et la dette extérieure a pu être réduite. Cela a été possible grâce à une série de mesures telles qu’un taux de change concurrentiel, la rétention aux exportations, le contrôle du Gouvernement sur les comptes de capital et des mesures d’incitation à la production. Cependant, les sentiers du développement obligent à affronter des limitations encore en vigueur ainsi qu’à trouver un modèle  d´accumulation de capital alternatif à la valorisation financière.

Système financier

On pourrait dire que le système financier actuel ne fonctionne pas comme tel, du moment qu’il n’est pas capable de financer la production. La dérégulation née de la réforme de 1977 a remplacé le système bancaire  spécialisé par un modèle de banque universelle ce qui a donné un clair avantage aux banques commerciales sur les banques d’investissement, de développement, sur les banques coopératives et publiques. Ainsi, le crédit est concentré sur le financement de la consommation, permettant aux banques d’assurer leurs bénéfices par des taux d’intérêt extrêmement élevés, bien des fois masqués dans les achats par cartes de crédit ou de consommation. Malgré l’existence d’une liquidité bancaire élevée, les banques ne donnent pas les prêts nécessaires à l'investissement productif. Dans ce sens, la Loi des entités financières promulguée pendant la dictature affecte le crédit des petits et moyens producteurs et entrave la redistribution ; sa réforme s’avère indispensable pour soutenir le développement. 

Investissement direct étranger

En Argentine, l’Investissement direct étranger (IDE) a joué un rôle très important pendant les années 90, période de l’essor des privatisations. Mais à vrai dire, plutôt que d’un processus authentique d’investissements il s’agissait plutôt d’un changement de propriété. Pendant cette période, la transnationalisation de l’Argentine a augmenté considérablement du fait de la vente de nombreuses entreprises argentines à des capitaux étrangers.

Ces capitaux contrôlent actuellement la plupart de l’industrie. Dernièrement, les IDE se sont concentrés dans les activités d’extraction telles que les industries pétrolières et minières et dans d’autres activités liées aux produits primaires – comme la commercialisation du soja – toutes ayant un impact très réduit sur l’emploi. Au lieu de faire l’objet de réinvestissements, les bénéfices sont envoyés aux maisons mères et, de plus, ce genre d’activités dégrade l’environnement et met en danger la population.   Pour rectifier cette situation le pays a besoin de régulations bien plus strictes ainsi que de nouveaux rapports avec le capital étranger permettant de promouvoir le développement au lieu de se limiter à exporter des produits primaires. 

Dette extérieure et flux de capitaux

Le Gouvernement a réduit le rapport dette-PIB de 120 % à 40 % en moins de cinq ans ; malgré cela, le sentier de l’endettement doit être évité de sorte de ne pas hypothéquer les générations futures. Pour financer le développement il est nécessaire d’annuler les mécanismes en vertu desquels les capitaux produits dans le pays sont systématiquement envoyés à l’étranger, ce qui vient dissocier la croissance de l’accumulation. Le système financier a contribué, en partie, à l’instabilité de l’économie et à ses crises récurrentes et il a validé les fuites périodiques de capital[4]. Il est donc nécessaire de changer de paradigme, de laisser de côté la « valorisation financière » et de mettre les finances au service de la production et du développement. 

Actuellement, le Gouvernement envisage la possibilité d’utiliser une partie des réserves de la Banque centrale pour créer un Fonds garantissant le paiement de la dette, alors que certains secteurs de l’opposition s’attendent à ce que cela soit fait en réduisant les dépenses publiques. Alors que les actifs (comme les réserves) peuvent être utilisés pour solder les passifs, il y a deux considérations importantes dont il faut tenir compte. D’une part, il faut d’abord déterminer la légalité et la légitimité de ces passifs. Par exemple, les dettes privées encourues lors de la dictature ont été étatisées et à ce jour, il existe des arrêts judiciaires les ayant déclarées illégales. D’autre part, les règlements doivent être subordonnés à la stratégie de développement.

Le budget national 2010 enregistre des dépenses publiques en santé de Ars 10,16 milliards (quelque USD 2,6 milliards) et en éducation et culture d’un peu moins de USD 5 milliards, alors que pour payer les intérêts de la dette publique, le chiffre est estimé à USD 6,8 milliards environ[5]. Il est difficile de penser à favoriser le développement si les intérêts de la dette représentent presque le même investissement que celui prévu pour les secteurs de la santé, de l’éducation et de la culture. 

Au lieu de continuer à espérer que l’investissement productif provienne de la confiance des investisseurs étrangers et locaux, c'est l’État qui devrait promouvoir la création de nouvelles conditions pour les affaires productives, en investissant dans les secteurs stratégiques pour le développement économique. Dans ce sens, la création d’une nouvelle Banque de développement pourrait être un instrument  idoine pour canaliser les ressources provenant des cotisations de la sécurité sociale tel que le Brésil l’a déjà fait en créant avec succès la Banque nationale de développement du Brésil[6].

Il faut signaler également l’importance de la mise en marche  de la Banque du Sud[7] qui encourage le développement et l’intégration régionale de l’Amérique latine en proposant de nouvelles alternatives de financement basées sur des principes d’équité, d’égalité et de justice sociale.

L’économie argentine actuelle est concentrée sur les produits primaires, avec une proportion élevée de capitaux étrangers ; par conséquent c’est le dollar américain qui opère comme réserve de valeur et c´est autour du dollar que s’organisent les relations économiques. Pour que le pays puisse se développer il faudrait modifier  prioritairement la structure productive, la nationalité des principaux capitaux, le degré de concentration des moyens de production et, dans ce cadre, démanteler la structure néolibérale de la Banque centrale, discuter de son autonomie et modifier sa Charte Constitutive. Un organisme gouvernemental qui définit le taux de change, la politique monétaire et financière ne peut pas ignorer la volonté populaire et son seul objectif ne peut pas être uniquement celui de préserver la valeur de la monnaie, sans tenir compte des conditions structurelles qui définissent cette valeur. 

Réflexions finales

Les facteurs analysés sont étroitement liés à la pauvreté et aux déficiences des indices de développement humain ainsi qu’à l’échec dans l’accomplissement des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). D’autre part, il ne faut pas perdre de vue que l’égalité des sexes constitue une condition fondamentale pour les processus de développement et de démocratisation. Favoriser le rôle économique des femmes en leur permettant d’accéder aux opportunités économiques et éducatives, en leur donnant  l’autonomie nécessaire pour profiter de ces opportunités serait un progrès permettant d’atteindre plusieurs des Objectifs du millénaire pour le développement. Il ne s’agit pas seulement de promouvoir l’égalité des sexes  mais aussi d’améliorer la santé maternelle, de réduire la mortalité infantile et d’avancer vers l’éradication de la pauvreté. 

Malgré ces considérations, les droits humains des femmes argentines n’ont pas encore été considérés comme un objectif de développement ; il n’existe encore aucun programme intégral orienté vers la prise en compte
de l’égalité des sexes. Pour que le Droit au développement des peuples basé sur les principes de la Charte des Nations Unies et proclamé par la Déclaration de l’assemblée générale de 1986 sur le Droit au développement devienne effectif, la société civile devra exiger la mise en œuvre d’actions politiques et de stratégies urgentes garantissant des conditions de vie dignes et permettant le développement personnel dans un cadre de développement durable.  

 

[1] Elle est exemptée de l’impôt sur les revenus des personnes physiques pour les revenus financiers : dépôts à terme et l’achat/vente et dividendes des actions ou titres publics. 

[2] Adrián D´Amore, Interview à l’économiste Eduardo Basualdo, "Los sectores dominantes no quieren que siga aumentando la participación de los asalariados", Zoom, 30 mai 2008. Disponible sur : <www.rayandolosconfines.com.ar/reflex62_basualdo.html>.

[3] María de Monserrat Llairó et Raimundo Siepe, "La evolución del endeudamiento externo argentino y su relación con los organismos financieros internacionales: desde 1976 a la salida del default (febrero de 2005)", Centre de recherches d’études latinoaméricaines pour le développement et l’intégration, Faculté de Sciences économiques, Université de Buenos Aires.      

[4] Comme par exemple lors des hyperinflations de 1989-1990, de la crise de 2001 et de l’actuel échec du compte financier, depuis le début de la crise internationale de 2007.

[5] Ministère de l’Économie et finances publiques, données officielles du Budget 2010. Disponible sur : <www.mecon.gov.ar>.

[6] La Banque nationale de développement (BNDES) a été créée pour encourager l’industrialisation substitutive des importations et elle a été  responsable de la formulation et de l’exécution de la politique industrielle du Brésil. Même lors de l’étape libérale des années 90 la BNDES représentait 25 % du crédit total offert par le système bancaire.  En 2002, ce pourcentage a atteint un de ses plus hauts niveaux (33 %), jouant parfaitement son rôle « anticyclique ».  Source : Claudio Golonbek et Emiliano Sevilla, "Un estudio de caso sobre Banca de Desarrollo y Agencias de Fomento". Centre d’économie et finances pour le développement de l’Argentine, Document de Travail nº 20, mai 2008. Disponible sur : <www.cefid-ar.org.ar>.

[7] Créée en 2009 sous l’initiative du président du Venezuela Hugo Chávez, intégrée par l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, l’Équateur, l’Uruguay et le Venezuela.

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La croissance doit déboucher sur la justice sociale

Publication_year: 
2010
Summary: 
Paraguay’s current Government has set three priority focus areas: social and human development, a productive economy and institutional policy. Thanks to increased income from taxation and plans for development assistance, there are now more resources to meet the needs of the people, invest in infrastructure and still comply with debt commitments. The Government should also revise the existing development model in order to bring about a fairer distribution of wealth and provide better protection for vulnerable population sectors. To do this, the State will have to coordinate its efforts with organizations from all sectors of society.

Decidamos : Campaña por la expresión ciudadana
María Magdalena Molinas Maldonado[1]     
José Guillermo Monroy Peralta[2]

Le Gouvernement actuel s’est fixé trois grands axes de travail : celui du développement social et humain, l’axe économique productif et l’axe politique institutionnel. Les recettes fiscales et les plans d’aide pour le développement signifient davantage de ressources pour répondre aux demandes sociales et à l’investissement en infrastructure, ainsi qu’aux engagements de la dette extérieure. Les efforts pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement ( OMD) doivent être accompagnés de changements dans le modèle de développement permettant une plus juste redistribution de la richesse et une plus grande protection des secteurs vulnérables. Pour ce faire l’État doit convoquer et coordonner ses efforts avec des institutions et des organisations de tous les secteurs de la société.

Depuis la fin de l’an 2000 le Gouvernement du Paraguay travaille à la conception de sa Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.  Fin 2003 il  était parvenu à sa concrétisation dans un document spécifique qui  fixait les plans et programmes pour la période 2003 – 2008, même si  la réalisation de ses objectifs  est prévue pour 2015. Son objectif principal est la réduction de l’incidence de l´extrême pauvreté de moitié pour 2015. Pour ce faire elle conçoit des outils de politiques publiques et prévoit la création de réseaux de promotion et de protection sociale à travers neuf programmes portant sur l´ extrême pauvreté, l’accès à l’eau potable, l’inscription à l’éducation universelle, la mortalité maternelle et infantile des moins de 5 ans, et la diminution de la malnutrition des moins de 5 ans. Elle se propose aussi de réduire l’analphabétisme de 50 %, d’augmenter les choix de l’éducation précoce et de parvenir à l’accès universel aux services de santé de reproduction3.

Récupération économique

Le Paraguay a connu un important processus de récupération économique pendant la décennie 2000 – 2010. Après plusieurs quinquennats de stagnation économique et  de variations négatives du Produit intérieur brut (PIB), le produit réel a augmenté de façon consistante à partir de l’an 2000. Le taux moyen de croissance pendant la période 2003 – 2008 a été de 4,8 % annuel, largement supérieur à la moyenne de la période 1995 – 2002, qui avait été de 0,85 % annuel4.

Cependant, selon le ministre des Finances, Dionisio Borda, cet accroissement  n’a pas été suffisant pour la création d’emplois décents, puisque par exemple, le sous-emploi est passé de 24,2 % à 26,5 % entre 2004 et 2008. Ces contradictions démontrent l’existence d’une économie à deux vitesses : formelle - informelle, mécanisée - artisanale, et qu’en temps d’essor la croissance économique ne crée pas assez d’emploi et ne réduit pas non plus le sous-emploi5.

La récupération de l’activité économique s’est basée sur  l’accroissement de la production des cultures principales telles que le soja, sur  l’expansion des secteurs du bâtiment public et privé, sur l’accroissement de la production du cheptel et sur un plus grand volume du commerce et du transport. Toutes ces activités ont été encouragées par  le niveau important de liquidité financière interne, par des prix internationaux compétitifs, par la récupération de marchés extérieurs et surtout par la prévisibilité des variables nominales principales, grâce à la stabilité macroéconomique obtenue lors de la période récemment écoulée, indispensable pour le calcul des coûts des entreprises6.

Cette  récupération économique s’est accrue parallèlement aux recettes fiscales,  ce qui a permis à l’État de compter sur de plus grandes ressources pour prendre en charge les demandes sociales de la population et l’investissement en infrastructures économiques et, en même temps, de respecter les engagements de la dette extérieure.

Le pays présente  de nombreuses difficultés en raison de la faible compétitivité de l’économie provoquée par le déficit de son infrastructure routière, le faible niveau de son développement technologique et  sa main d’œuvre très peu scolarisée :

  • Seulement 6.700 kilomètres sur les 60.000 kilomètres de routes du pays sont praticables pendant toute l’année et à peine 100 kilomètres sont goudronnés par an.
  • La scolarité moyenne dans la population des plus de 25 ans est de 7,5 ans.
  • 90 % de la population des 19 - 25 ans du quintile le plus pauvre ne fréquente  aucun centre d’enseignement (567.000 personnes).
  • Le taux d’analphabétisme atteint encore 5,4 % d’après les données de 20077

 

Dette et accroissement

D’après  les informations officielles de la Banque centrale fin 2009 et en raison de la crise financière internationale, le PIB a présenté un taux de croissance négatif  (-3,8 %) par rapport à l’année précédente bien que pour 2010 les prévisions soient favorables (jusqu’à 6 % de croissance). Le PIB par habitant a également diminué pour arriver à -5,5  %. Le niveau atteint en termes réels a été de USD 1.471 en 2009 contre USD 1.557 en 2008.

L’évolution négative de l’année 2009 a été influencée par une demande extérieure inférieure, qui a diminué d´environ 20 % en termes constants, et dont la valeur en dollars s’est fortement réduite en raison des prix extérieurs plus bas pour les principaux produits d’exportation.

En 2009 le secteur agricole est tombé de 20,2 %  à 16 % du PIB alors que le secteur commercial, avec 18,1 % de participation, est passé au premier rang de l’activité économique, avant l’agriculture et l’industrie.

La dette extérieure du pays a atteint USD  2.270 millions en septembre 20098. La dette extérieure publique, en pourcentage du PIB, montre une tendance à la diminution pour la sixième année consécutive, et elle est passée de 52,1 % en 2005 à  20,5 % estimés pour 2009. Ceci grâce aux amortissements qui ont diminué peu à peu le solde de la dette9.

Investissement social

Le Gouvernement actuel de Fernando Lugo (2008 -2013) s’est fixé trois grands axes de travail : le développement social et humain, l’économie productive et la politique institutionnelle, ainsi que trois étapes : le temps de la crise (qui implique commencer par le bas), l’ajustement anticrise  et le legs 2013, qui sera constitué par des projets qui devront être consolidés en 2011, l’année du bicentenaire de l’indépendance nationale.

Parmi les programmes ou projets mis en œuvre sont inclus :  la suite et l’expansion du Réseau de protection sociale, l’Installation de  couverture primaire de la santé comme modèle prioritaire pour atteindre les secteurs les plus pauvres, le Programme de couverture intégrale pour enfants et adolescents sans abri et sans liens de famille, le Plan national de souveraineté, de sécurité alimentaire et nutritionnelle du Paraguay, le Plan d’action d’urgence pour les populations indigènes, une politique de réforme agraire permettant l’accès des paysans à des parcelles, ainsi que la création du Réseau des droits de l’Homme du Pouvoir exécutif.

Plusieurs analyses sur le budget, produites par des agences du Système des Nations Unies au Paraguay,  prouvent que durant les dernières années, l’investissement social s’est accru dans plusieurs domaines liés aux OMD. Par exemple, d’après les données de l’Organisation pour la coopération et le développement économique, en 2008 l’investissement social a été de  PYG 7.089 millions (quelque USD 1.470 millions), équivalant à 48 % du Budget général de dépenses. Ceci est bien supérieur aux chiffres enregistrés en 2003, lorsqu’on avait inclus un peu plus de USD 550 millions destinés à l’investissement social, équivalant à 36 % du budget de cette année-là. 

Financement pour le développement

La Coopération pour le développement comprend l’ensemble des actions des acteurs publics et privés des pays ayant des revenus plus élevés afin de promouvoir dans les pays du sud, le progrès économique et social durable et plus équilibré par rapport à ceux du nord.

Dans le cas du Paraguay, l’information sur les formes de coopération pour le développement ne se trouve ni systématisée ni publiée. Selon les documents de l’UE, le long de la période 2000 – 2006 cette organisation a apporté des fonds pour les processus de :
·         Modernisation de l’État et développement institutionnel (11,6 %).
·        Développement de la production et amélioration  de la compétitivité et intégration dans le Marché commun du sud (42 %).
·         Développement social et réduction de la pauvreté (46,4 %).
Pendant la période 2007 -2013, l’UE apportera des fonds pour une valeur de près de USD 149 millions, destinés notamment à :

  • L’éducation (primaire, secondaire et technique : 81,2 %).
  • L’intégration régionale et internationale (18,8 %).

Pour sa part, le Programme des Nations Unies pour le développement au Paraguay pour les années 2007 – 2011 est axé sur trois zones de services et la stratégie aura pour base le conseil pour la conception des politiques publiques et la mise en œuvre des services de développement10.

L’Agence allemande pour la coopération technique agit depuis plus de 30 ans et elle est l’une des  plus anciennes du pays. Lors de la dernière négociation bilatérale en octobre 2006, on a accordé la coopération jusqu’en 2010 pour la Modernisation et décentralisation de l’État, y compris la réduction de la pauvreté.

L’aide de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID, selon son acronyme en anglais) au Paraguay est canalisée à travers plusieurs institutions, y compris des institutions privées des États-Unis et du Paraguay et des ONG locales et internationales. Le Plan stratégique 2001 – 2006 est centré sur :
·        La démocratie – l’institution des pratiques démocratiques clé de gouvernance.
·        L’environnement – l’amélioration du maniement durable des éco-régions à importance mondiale.
·         La santé – l’augmentation de l’utilisation volontaire des services de la santé de la reproduction.
·         La croissance économique – l’augmentation de l’entrée des pauvres dans des zones sélectionnées.
En coopération avec la Corporation Enjeu du Millénaire, USAID encourage le Programme Umbral (Seuil) qui essaie de lutter contre la corruption en attaquant les racines du problème telles que l’impunité et l’informalité dans l’économie. Le programme a été approuvé par la Junte directive de la corporation en février 2006, avec des fonds de financement pour une valeur de quelque  USD 35 millions.

En novembre 2009 la Banque interaméricaine de développement (BID) et l’Espagne ont approuvé un financement de USD 52 millions afin d’aider à élargir l’accès aux services d’eau potable et à l’assainissement dans de petites communautés rurales et indigènes. Les fonds en question comprennent un don de USD 40 millions du Fonds espagnol de coopération pour l’eau et l’assainissement en Amérique Latine et aux Caraïbes et un prêt de USD 12 millions du capital ordinaire du BID. La Banque prévoit une coopération totale d’environ USD 1 milliard  pendant la période de Lugo. Ces emprunts seront destinés au développement des travaux routiers, à l’assistance sociale et aux infrastructures.

ODM : analyses et enjeux

D’après les données de la Direction générale des statistiques, enquêtes et recensements,  en 2008, 37,9 % de la population totale du pays vivait en situation de pauvreté et 19 % en situation d´ extrême pauvreté11. D’autre part la crise économique mondiale de 2009 a provoqué l’arrivée de 300.000 autres personnes sous le seuil de pauvreté. Cela rend improbable l’objectif numéro 1 de réduire de moitié le pourcentage des personnes vivant en situation d’extrême pauvreté.
Quant aux objectifs numéro 2 et numéro 3, bien que le pays présente des niveaux d’équité assez élevés concernant l’inscription dans l’enseignement primaire et secondaire, des enjeux liés à la couverture, à l’infrastructure et au décrochage sont encore bien réels.

Le pays a besoin de la mise en place de politiques et de programmes garantissant l’autonomisation des femmes à travers l´exercice de leur qualité de citoyennes et la participation dans des espaces de prise de décision. Il est urgent d’intégrer de manière transversale la perspective de genre dans les politiques conçues et mises en œuvre par l’État, ainsi que la disponibilité d’un budget en fonction des actions nécessaires pour  institutionnaliser ces questions.

La réduction des taux de mortalité maternelle et infantile exige des politiques d’accès aux services, l’élargissement de la couverture, des soins pendant la grossesse et  la prise en charge de l’accouchement et de la période post-natale.  Il est important de renforcer la conception, la collecte, le processus et la publication opportune des données dans ce domaine.

En ce qui concerne le VIH et le SIDA, bien que l’on fasse des efforts importants, des cas de discrimination et le manque d’accès aux médicaments rétroviraux pour toute la population touchée sont encore d’actualité. En attendant, la durabilité de l’environnement aussi bien que l’alliance globale  pour le développement semble bien loin du but.

En résumé, on pourrait affirmer qu’aux intentions manifestes et effectivement mises en pratique par le Gouvernement actuel - au moyen de plans et de programmes concrets – qui cherchent à améliorer la situation sociale des paraguayens (les rapprochant ainsi des OMD) il faudrait ajouter une plus grande et plus efficace coordination pas seulement entre le Gouvernement et les pays donateurs, mais aussi avec les acteurs de la société civile.

 

[1] Professeure en Sciences sociales pour la FLACSO-Mexique. Spécialiste en politiques sociales, suivi et évaluation de programmes sociaux.

[2] Docteur en Sciences sociales pour la FLACSO-Argentine

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left

La nécessité d’un nouveau programme pour le développement

Publication_year: 
2010
Summary: 
Après des années d’agitation politique et de conflit armé, le Népal a un besoin urgent de bonne gouvernance. Les récents progrès dans la santé, l’éducation ainsi que dans d’autres secteurs n’enlèvent en rien le besoin d’établir un accord social qui mette l’importante responsabilité du développement général entre les mains des citoyens. Les donateurs et le Gouvernement doivent accorder un niveau d’aide fixé au minimum pour les dix prochaines années. Il faudrait de plus renforcer le micro financement pour canaliser la croissance des flux d’envois de fonds vers des investissements productifs.

Rural Reconstruction Nepal (RRN)
Rural Reconstruction Népal (RRN)
Abhas Ghimire
Sarba Raj Khadka

Après des années d’agitation politique et de conflit armé, le Népal a un besoin urgent de bonne gouvernance. Les récents progrès dans la santé, l’éducation ainsi que dans d’autres secteurs n’enlèvent en rien le besoin d’établir un accord social qui mette l’importante responsabilité du développement général entre les mains des citoyens.  Les donateurs et le Gouvernement doivent accorder un niveau d’aide fixé au minimum pour les dix prochaines années. Il faudrait de plus renforcer le micro financement pour canaliser la croissance des flux d’envois de fonds vers des investissements productifs.

Le Népal, un des pays les plus pauvres au monde, vit actuellement une transition sociopolitique tumultueuse. L’Assemblée Constituante, une des plus inclusives que le pays ait eu, est en train de rédiger une nouvelle Constitution qui va démanteler l’héritage historique de politiques de développement exclusives et centralisées. L’instabilité politique du pays est facilement perceptible : durant les 20 dernières années, 19 gouvernements se sont succédés.

En dépit du désordre régnant, le Népal a réalisé d’énormes progrès dans des domaines tels que la santé, l’éducation et l’égalité des sexes, grâce en grande partie à l’aide étrangère qui fournit le financement pour l’intégralité des programmes de développement du pays. En général, le progrès a été inégal. Traqué par l’instabilité politique et la dépression économique, il est peu probable que le pays atteigne les objectifs prévus dans la Déclaration du Millénaire. La réussite minimale des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et la garantie de la dignité et de la justice pour tous auront besoin d’un financement suffisant et programmé de la part des partenaires au développement, ainsi que d’une bonne gouvernance et du respect des droits humains.

Le Consensus de Monterrey, qui est le résultat de la Conférence internationale sur le financement pour le développement célébrée en 2002 par l’ONU, donne la priorité à la mobilisation de ressources financières nationales pour le développement et l’augmentation de l’Investissement étranger direct (IED) et d’autres flux provenant de fonds privés, au lieu de privilégier la coopération financière et technique internationale pour le développement. Cependant, au Népal, comme dans d’autres pays moins développés, les ressources nationales et les flux de capitaux privés sont extrêmement limités et le Gouvernement accorde invariablement moins d’importance aux droits humains et à la dignité pour tous qu’à la croissance économique. L’Aide publique au développement (APD) est habituellement utilisée pour un certain nombre de projets et programmes limités, souvent ceux dont on peut évaluer l’avancement avec des résultats mesurables. Les droits humains ne sont jamais prioritaires dans l’agenda du financement pour le développement.

La pauvreté diminue, l’inégalité augmente

En dépit de sa politique instable et d’une décennie de conflit armé, le Népal a réalisé de grands progrès dans le sens des ODM. Avec la détermination et la focalisation nécessaires et l’assistance de ses partenaires pour le développement, le pays pourrait être un des leaders mondiaux dans la réalisation des efforts pour parvenir aux objectifs de 2015. S’il maintient sa progression, il est probable que le Népal réduise sa pauvreté extrême de moitié pour 2015. Entre 1995 - 1996 et 2003 - 2004, la proportion de la population qui vivait avec moins d’un dollar par jour et passée de 34 % à 24 %, et le taux de pauvreté est passé de 42 % à 31 %[1]. Cependant, durant la même période, le coefficient de Gini mesurant le degré d’inégalité est passé de 34 à 41; le Rapport sur le développement humain 2009 l’a situé à 47,3[2]. Cela signifie, paradoxalement, que le Népal a réduit son indice de pauvreté de moitié mais a, en même temps, multiplié par deux l’inégalité de ses revenus.

La réduction de moitié de l’extrême pauvreté constitue seulement un des objectifs prévus par les OMD 1. Il est peu probable que l’objectif 1B soit obtenu, c’est-à-dire le plein emploi productif pour tous, y compris les femmes et les jeunes, et le discours national fera probablement omission de cette erreur. Au lieu de créer un terrain favorable pour l’implantation et le développement d’entreprises et d’industries qui puissent offrir des emplois à la force de travail inutilisée du pays, le Gouvernement dépense son énergie à persuader les pays étrangers d’ouvrir leurs portes aux travailleurs népalais. A court terme, cela suit une logique économique : les envois de fonds des travailleurs à l’étranger représentent déjà trois fois les sommes reçues par l’APD et sont perçus comme un facteur d’unification (faible) du pays. À long terme, cette stratégie laissera le pays sans ressources humaines techniques qualifiées. Les conséquences seraient désastreuses si les travailleurs népalais n’étaient plus nécessaires à l’étranger.  

L’augmentation de la dépense sociale dans les secteurs de la santé et de l’éducation durant les quinze dernières années a engendré des progrès importants dans ces deux secteurs. La proportion de filles et de garçons dans les écoles primaires est presque paritaire et 92 % des enfants vont à l’école, constituant en cela un record sans précédent[3]. Cependant, le relief accidenté du pays et la limitation de ses ressources font que l’insertion du 10 % restant constitue un défi important. Des barrières similaires ont constitué un obstacle pour l’accès à la santé reproductive. Au Népal, une femme continue d’avoir 100 fois plus de chance de mourir à cause d’une grossesse et de ses complications possibles, qu’une femme au Royaume Uni. Le Programme « Aama » (Mère), cofinancé par le Département de développement international du Royaume Uni (DfID, sigle en anglais pour « Department for International Development » ) et le Gouvernement népalais, offre des stimulants financiers  jusqu’à 1.500 roupies népalaises (USD 20) aux femmes qui accoucheraient dans un centre médical[4]. Bien que de nombreuses femmes et familles aient profité de cette initiative, le programme n’a pas réduit significativement la quantité de femmes qui meurent en couches. Un taux élevé de pauvreté structurelle, le faible niveau d’éducation, la diminution des centres médicaux, le mauvais état des routes et le plus important, la situation d’infériorité des femmes dans les sociétés rurales, constituent autant de facteurs défavorisant les femmes, les empêchant d’obtenir des soins maternels de la part de professionnels de santé qualifiés.

AOD et développement

Le manque de prévisibilité de l’assistance au développement a rendu la tâche du Gouvernement difficile en ce qui concerne la planification efficace sur le long terme. L’éradication de la pauvreté, la malnutrition et autres problèmes sociaux demandent beaucoup de temps. Les donateurs et le Gouvernement doivent se mettre d’accord sur un mémorandum d’aide à long terme qui engage los donateurs à un certain niveau d’aide pour une période d’au moins 10 ans. Cela permettrait au Gouvernement d’élaborer des programmes et des stratégies basées précisément sur le type d’aide reçue et dans la manière de la réinvestir. L’efficacité de cette approche est indéniable au regard des progrès obtenus dans l’éducation primaire et la santé maternelle, les deux secteurs dans lesquels les engagements à long terme des partenaires pour le développement et les initiatives positives des acteurs de l’État ont été complémentaires. La proportion du Budget national octroyée aux secteurs sociaux a augmenté de 21 % en 1991 à environ 40 % dans l’actualité[5].

Bien que le conflit armé qui a durée une décennie soit fini, l’environnement politique reste instable. Une sécurisation plus importante reste essentielle pour promouvoir l’investissement étranger et réduire les violations généralisées des droits humains qui surviennent quotidiennement entre les citoyens. Même si le Népal se vante d’avoir une des économies les plus libéralisées du sud de l’Asie, les problèmes de sécurité et la corruption rampante à quasi tous les niveaux du Gouvernement empêchent de recevoir un flux d’investissement étranger direct suffisant pour générer une croissance de l’emploi et des connaissances techniques pour améliorer les moyens d’existence, pour stimuler la construction d’infrastructure critique et pour offrir des emplois aux milliers de jeunes qui sont actuellement à l’étranger à la recherche d’un travail. La plupart des personnes qui émigrent proviennent de secteurs socio-économiques faibles et possèdent un bas niveau d’éducation et de qualifications. En général, ils finissent par réaliser des tâches impropres, dangereuses et dégradantes, dans des endroits où il y a peu ou aucune législation protégeant le travail. De graves violations des droits humains ont été observées dans des zones où les travailleurs sont victimes de trafic transfrontalier : ils sont maltraités et même convertis en esclaves. Un nombre stupéfiant de cadavres de travailleurs migrants népalais se retrouvent abandonnés dans plusieurs morgues du Moyen Orient. Rien qu’en 2009, au moins 600 népalais sont décédés dans les États du Golfe et en Malaisie[6].

Le Plan d’Action Nationale des Droits Humains

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme n’a pas uniquement consacré le droit à la vie, mais aussi le droit à l’alimentation, l’éducation, l’information, l’emploi et la sécurité sociale. Certains secteurs de la société ont été privés de ses droits fondamentaux ;  l’État n’a pas pris de mesures significatives pour faire face aux graves violations de ceux-ci. Historiquement les groupes marginalisés et opprimés, dont les femmes, ainsi que les dalits des castes inférieures et les nations indigènes ou janjatis, aspirent toujours à ces droits fondamentaux pour pouvoir mener une vie digne.

Suite à un processus participatif qui a réalisé des consultations à différents niveaux : de district, régional et national avec des représentants d’organisations du Gouvernement, des ONG, des organisations pour les droits humains et de la société civile, des professionnels du Droit, des responsables des moyens de communication, des experts et des professionnels[7], le Gouvernement a présenté un Plan d’action national des Droits Humains (PANDH) en avril 2004. Comme il est d’usage avec la plupart de ce genre de déclaration et de document au Népal, le plan n’a pas été suivi d’effet en raison de la négligence absolue des gouvernements successifs.

Perspectives pour le microfinancement

Le microfinancement constitue une stratégie prometteuse qui n’a pas encore été exploitée dans son ensemble. Le revenu des envois de fonds a encouragé un développement inclusif car plusieurs travailleurs migrants qui proviennent des castes appelées « inférieures » et des populations ayant le niveau d’éducation le plus bas, n’avaient reçu, jusqu’ici, que très peu d’aide ou d’attention du Gouvernement. Leurs envois de fonds ont atteint même les groupes les plus marginalisés des zones les plus lointaines. Cependant, le pays ne possède pas de moyens pouvant canaliser ces revenus vers un investissement productif[8]. Habituellement les banques se trouvent dans les grandes villes. Des coopératives ont été créées dans les districts autour des villes et dans certaines zones rurales, mais les programmes de microfinancement sont restés à la traîne. Jusqu’à ce jour, le droit aux services financiers inclusifs, comme l’épargne, semble ne pas avoir été satisfait.

Sécurité énergétique et changement climatique

La sécurité énergétique est une des autres matières essentielles au développement et les droits humains n’ayant pas reçu une attention suffisante. Même si le Népal possède un grand potentiel hydroélectrique estimé à quelques 83.000 mégawatts annuels[9], la majorité de la population  manque de sécurité énergétique. Cela constitue la barrière la plus importante pour le développement au sein de ces communautés. Une énergie accessible reste essentielle pour chacun des OMD : par conséquent investir dans l’énergie reste une manière de les promouvoir tous en même temps.

La production insuffisante d’énergie affecte tous les aspects de la vie rurale. L’accès à l’électricité pourrait encourager les enfants à lire, permettrait une communication plus facile entre les individus et donnerait accès à toutes les ressources disponibles à travers les technologies récentes, y compris les hôpitaux qui pourraient bénéficier d’équipement sûr et fiable. Cet accès pourrait même réduire la déforestation. L’investissement dans des sources alternatives d’énergie pourrait fournir beaucoup d’énergie respectueuse de l’environnement, créer des milliers "d’emplois verts" et développer les ressources humaines nécessaires pour construire une économie verte. Si le Népal matérialise son potentiel hydroélectrique, il pourrait répondre aux besoins énergétiques de sa population et doter la région d’une source d’énergie propre fiable.

Le Népal est grandement vulnérable face aux ravages du changement climatique. Même si le pays n’est pas très large du nord au sud, il possède en longueur  un relief très varié, qui va du niveau de la mer jusqu’aux pics de l’Himalaya. En dépit de son insignifiante contribution aux gaz à effets de serre (GES), l’économie et les moyens d’existence de sa population pourraient sérieusement souffrir du changement climatique. Le système agricole dépend en grande mesure des pluies ; une simple variation dans le cycle hydrologique pourrait constituer un coup dur pour l’économie du pays et les moyens d’existence individuels. Si l’un des 2000 lacs d’origine glaciaire du pays débordait, les inondations résultantes pourraient provoquer une catastrophe en aval[10]. Pour éviter les réductions dans d’autres programmes de développement, les donateurs doivent offrir une assistance additionnelle pour les nouveaux programmes qui aident le pays à atténuer les changements climatiques et à s’y adapter. La durabilité environnementale est interdépendante des autres OMD. Un fonds pour le climat pourrait garantir un progrès vers tous les objectifs et réduirait en même temps les risques à court terme provoqués par le changement climatique.

L’absence de bonne gouvernance

Aussi longtemps que la corruption incontrôlée continuera à infiltrer tous les secteurs de la société, le pays aura peu de chances d’arriver à un développement soutenable à long terme, en dépit du modèle de développement qu’il poursuivra. Dans l’actualité, le Népal manque d’organismes de gouvernement locaux élus qui puissent jouer le rôle d’intermédiaire entre la population, le Gouvernement national et les partenaires internationaux de développement. La frustration causée par l’inefficacité de l’État et le faible système de sécurité ont donné lieu à l’apparition de plusieurs groupes criminels violents qui commettent des assassinats et des vols à main armée, extorquant de l’argent et générant un climat de terreur dans plusieurs zones. L’État n’a pas été capable de les éradiquer ou de calmer les craintes de violence ethnique qui se développent dans certaines parties du pays. Les partis politiques, qu’ils fassent partie du Gouvernement ou de l’opposition, paraissent plus préoccupés par les bénéfices à obtenir, que par la mise en place de la  gouvernance que la population du Népal souhaite et dont elle a besoin.  
 

[1] Bureau Central de Statistiques, Gouvernement du Népal, 2004.

[2] Human Development Report 2009 (Rapport sur le Développement Humain 2009). Disponible en anglais sur : <www.hdr.undp.org/en/reports/global/hdr2009/>.

[3] Ministère de l’Éducation, Statistics of Nepal (Statistiques du Népal), Katmandou 2008.

[4] Alison Buckler, “Dying for children” (Mourir pour les enfants), The Guardian, 21 novembre 2009. Disponible en anglais sur : <www.guardian.co.uk/journalismcompetition/amateur-dying-for-children>.

[5]  Commission de planification nationale, Gouvernement du Népal, National Development Strategy Paper 2009 (Document de Stratégie nationale pour le développement 2009).

[6] Deepak Adhikari, “A Casket of Dreams” (Un coffret de rêves) The Kathmandu Post, 20 février 2010. Disponible en anglais sur : <www.ekantipur.com/2010/02/20/most-popular/A-casket-of-dreams/308742/>.

[7] Gouvernement du Népal, National Human Rights Action Plan 2004 (“Plan d’action national des droits humains 2004“). Disponible en anglais sur : <www2.ohchr.org/english/issues/plan_actions/docs/Nepal_NHRAP.pdf>.

[8] “Remittance has not been channelised into productive sectors” ("Les envois de Fonds n’ont pas été acheminés vers  les secteurs productifs"), The Kathmandu Post, 18 juin 2010. Disponible en anglais sur : <www.ekantipur.com/2010/06/18/business/remittance-has-not-been-channelised-into-productive-sectors/316632/>.

[9] Dilli Prasad Bhattarai, Nepal at the First and Second Cross-roads : Opportunities for a Win/Win in the New Development Context (LeNépal à la première et deuxième croisée des chemins: les opportunités gagnant/gagnant dans le nouveau contexte de développement"). Disponible en anglais sur : <www.ifa.org.np/pdf/new1.pdf>.

[10] Madan Koirala, Ranjana Bhatta, Communities Challenging Climate Change ("Les communautés défient le changement climatique"), CRSC / NEFEJ, 2010. Disponible en anglais sur : <www.nefej.org/pdf/climate_change_book_final.pdf>.

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La recherche d’investissements directs étrangers

Publication_year: 
2010
Summary: 
Les Investissements directs étrangers (IDE) au Nigéria se sont quelque peu améliorés, mais leur impact n'a pas encore atteint les plus démunis. La législation relative à l'IDE devrait être complétée par des mécanismes destinés à assurer la transparence. Bien que le Gouvernement ait alloué des ressources ─ entre autres financières ─ pour lutter contre la pauvreté, la triste réalité est que, au cours des 15 dernières années celle-ci n'a pas cessé de s’accroître à un rythme accéléré. Certaines organisations de la société civile ont signalé que la quasi-totalité des projets centrés sur la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) sont en retard.

Socio Economic Rights Initiative
Ray Onyegu
Centre for Peace and Development
Luke Chukwu
Legal Defence and Assistance Project (LEDAP)
Women and Youths in Africa
Judith Ogunniran
Nigerian Trade Network
Chris Kaka
Civil Society Coalition for Poverty Eradication
Dr. Dom Okoro

Les  Investissements directs étrangers (IDE) au Nigéria se sont quelque peu améliorés, mais leur impact n'a pas encore atteint les plus démunis. La législation relative à l'IDE devrait être complétée par des mécanismes destinés à assurer la transparence. Bien que le Gouvernement ait alloué des ressources ─  entre autres financières  pour lutter contre la pauvreté, la triste réalité est que, au cours des 15 dernières années  celle-ci n'a pas cessé de s’accroître à un rythme accéléré. Certaines organisations de la société civile ont signalé que la quasi-totalité des projets centrés sur la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) sont en retard.

La Constitution de 1999 a marqué pour les Nigérians le début d'une nouvelle ère démocratique car elle stipule que « la sécurité et le bien-être du peuple devront être les objectifs principaux du Gouvernement »[1]. Le Gouvernement a également l'obligation de contrôler l'économie du pays pour assurer à chaque citoyen un maximum de bien-être, de liberté et de bonheur en se basant sur la justice sociale et l'égalité des positions sociales et des opportunités. Il doit également garantir un logement et une alimentation adéquate, un salaire minimum raisonnable, des pensions et des aides aux personnes âgées, un système d’allocation chômage et d’assurance maladie et une assistance aux handicapés.

Il est essentiel de disposer d'un financement adéquat pour le développement afin de respecter, protéger et mettre en œuvre les obligations liées aux droits de l'Homme. Le Gouvernement du Nigeria, à travers sa Banque centrale, a insisté sur ce point en déclarant que l’octroi de financement à différents secteurs de l'économie favorise la croissance de l'économie dans son ensemble, ce qui à son tour contribue à accroître le développement et le bien-être à un rythme plus rapide[2]. Le Gouvernement a également déclaré qu'il était nécessaire de soutenir les principes démocratiques, d’améliorer la sécurité des personnes et des biens, et de reconstruire et entretenir les infrastructures du pays pour attirer les IDE.

Pauvreté

Le Gouvernement a pris une série de mesures pour tenter de réduire la pauvreté. Le budget de 1997 a démontré une volonté claire de conclure des accords afin de promouvoir l'investissement ; c'est-à-dire, des accords bilatéraux, régionaux et multilatéraux, avec des gouvernements étrangers et des organisations privées. Le Nigéria est également un des pays qui en 2000 s’est engagé pour atteindre les OMD d'ici à 2015.

Toutefois, les mesures et programmes mis en œuvre ne semblent pas être suffisants pour épargner à ce pays exportateur de pétrole une histoire prolongée de besoins non satisfaits et de pénuries. Selon l'ONU-HABITAT, le taux de pauvreté est passé de 46 % en 1996 à 76 % en 2009[3]. La pauvreté a exacerbé le délit, la prostitution, le taux d’infection par le VIH/SIDA, le sentiment général de frustration et la perte de confiance dans l'économie. Pour la plupart des Nigérians la situation n’a pas changé et les sensations prédominantes restent la peur, la dépression, le pessimisme, l'amertume et le manque d'estime de soi.

Investissements directs étrangers

Récemment encore l'économie nigériane était principalement alimentée par les investissements intérieurs[4]. Une enquête sur l'impact des IDE entre 1970 et 2001 a révélé qu’autant les capitaux privés que les capitaux étrangers ont exercé peu d'impact sur la croissance économique[5]. Le pays offre pourtant de nombreux attraits dans le domaines des investissements dans l'énergie et dans d'autres secteurs, et il existe un consensus croissant selon lequel les IDE sont indispensables pour le développement de son énorme potentiel[6]. En 1965 le pays a proclamé des lois destinées à internationaliser le marché de capitaux et à lever les restrictions sur les IDE afin de promouvoir la libre entrée et sortie des capitaux, y compris dans le secteur pétrolier, qui autrefois étaient étroitement surveillés, mais l'absence de mécanismes appropriés pour atteindre des procédures transparentes a ralenti l'afflux de ces investissements si nécessaires[7].

Les IDE sont principalement liés à l'expansion du commerce et à l'orientation exportatrice. À cet égard, le Nigéria souffre d'une limitation sérieuse par rapport à ses partenaires commerciaux plus développés, car il a une longue histoire de flux commerciaux et d'exportation négatifs. Ses produits primaires, parmi lesquels se trouve le pétrole, sont soumis à la volatilité des prix internationaux. Un rapport récent publié dans un des journaux nationaux soutient que les IDE ont augmenté de manière significative en 2008 - un afflux total de capitaux équivalent à 20.000 millions de dollars, selon le secrétaire exécutif de la Commission pour la promotion des investissements au Nigéria[8] - mais ce phénomène n'a pas encore eu un impact visible sur l'économie. En plus, la crise économique de 2008 a aggravé la fuite des capitaux. Il semble que la meilleure option pour obtenir des capitaux privés pour le développement reste l'emprunt, plutôt que les obligations, les portefeuilles d'investissement ou les IDE.

Faible coopération économique

Au niveau régional, le Traité de la Communauté économique africaine signé à Abuja en 1991 n'a pas dépassé le stade de la rhétorique. On s’attendait à ce que ce traité contribue à augmenter la participation africaine au commerce mondial avec la création d'une Assemblée des chefs d'État et de gouvernement, d’un Conseil des ministres, d’une Cour de justice, d’un Secrétariat général et de sept commissions techniques spécialisées. Ces dernières étaient censées s’occuper des activités économiques telles que l'économie rurale et l'agriculture, les affaires monétaires et financières, le commerce, les douanes et l'immigration, l'industrie, la science et la technologie, l’énergie, les ressources naturelles et l'environnement, les transports, les communications et le tourisme, la santé, le travail et les affaires sociales, l'éducation, la culture et les ressources humaines.

Malheureusement, les idées louables incluses dans ce traité ne se sont pas encore matérialisées. La coopération économique régionale reste également faible et divisée selon les lignes datant de l'époque coloniale. Par exemple, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (ECOWAS, selon l’acronyme anglais) n'a pas réussi à concrétiser tout ce qu'on attendait d'elle, en grande partie à cause de l'influence coloniale anglophone ou francophone.

Vers la réalisation des OMD

Le Gouvernement a adopté une série de mesures pour mettre en œuvre les OMD. La première est la création du Bureau du conseiller présidentiel spécial pour les Objectifs du Millénaire (OSSAP-MDG, selon les sigles anglais). Une autre est l’exécution de projets spécifiquement conçus pour atteindre les Objectifs avec des fonds provenant des bénéfices de l'allégement de la dette (DRG, selon son acrì¥Á5@  ø¿çK
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ÿÿÿÿÿÿˆê ê ê 4‑ (F F F Z âââ8Ìla dette, ce qui a permis au Gouvernement d’utiliser ces fonds pour couvrir les dépenses et les projets liés aux OMD au profit des plus pauvres.

Les projets DRG couvrent les secteurs suivants : éducation, jeunesse, santé, défense, agriculture, ressources en eau, des réseaux de protection sociale, logement, environnement, questions relatives aux femmes, programme de subventions conditionnelles (CGS, selon le sigle en anglais) et «  Quick Wins »  (initiatives de résultats positifs rapides), entre autres. Ces projets sont menés conjointement par le Gouvernement fédéral et par d'autres agences fédérales, telles que les gouvernements des états et les gouvernement locaux. Le CGS encourage le développement du bas vers le haut, et pour cela il requiert la consultation préalable des communautés locales où les projets seront mis en œuvre afin d'identifier leurs besoins.

En 2007, l’OSSAP-MDG a commencé à recourir à des consultants techniques indépendants et à des organisations de la société civile pour la réalisation du suivi de la mise en œuvre des projets liés aux OMD. Selon le Bureau, le budget fédéral de 2008 a soutenu plus de 14.500 initiatives et programmes à travers les ministères pertinents du Gouvernement fédéral. Le CGS et Stepping Stone Nigeria (SSN, un organisme d’aide sociale autorisé créé au Royaume-Uni dont la fonction consiste à protéger, sauver et transformer la vie des enfants vulnérables et abandonnés du Delta du Nil) assurent la mise en œuvre de ces projets, non seulement au niveau fédéral mais aussi aux niveaux national et local.

L’Initiative OPEN : suivi et évaluation

L’initiative OPEN visant à fournir une vue d'ensemble des dépenses publiques dans la NEEDS (Stratégie nationale d’économie, autonomisation – empowerment – et développement, le document officiel du Nigéria sur la réduction de la pauvreté), comprend :

  • Le Virtual Poverty Fund (VPF) du Nigeria, une entité destinée à évaluer les dépenses budgétaires pour la réduction de la pauvreté et à contrôler l’usage adéquat des fonds.
  • Un mécanisme destiné à contrôler les allocations budgétaires dans des secteurs clés pour atteindre les OMD et réduire la pauvreté.
  • Un processus plus large visant à renforcer la gestion des dépenses publiques de manière à tirer parti des ressources extérieures supplémentaires.
  • Des mesures visant à améliorer l'efficacité et l'efficience des allocations actuelles destinées aux ministères, aux départements et aux organismes.

 

L’initiative OPEN comprend des activités de contrôle et d'évaluation qui sont réalisées de façon régulière dans le but d’évaluer le degré d’accomplissement des projets et d’assurer leur conformité aux plans et leur durabilité. En ce qui concerne les projets DRG de 2008 pour atteindre les OMD, leurs buts sont les suivants :

  • Assurer la canalisation correcte des ressources allouées pour des projets et des programmes OMD.
  • Veiller au strict respect des plans d’application des ministères, des départements et des organismes pour les programmes OMD, en termes de couverture, de qualité, des produits et des résultats au niveau local.
  • Démontrer aux Nigérians et à la communauté internationale la transparence de l’utilisation des ressources publiques, notamment des fonds DRG.

 

Les données sont recueillies sur les sites des projets lors des visites effectuées par des ouvriers du bâtiment et par les bénéficiaires et les bénéficiaires potentiels des programmes, tels que les enseignants, les membres de la communauté et les étudiants. Les données recueillies sont à la fois quantitatives et qualitatives et comprennent, entre autres, les notes prises lors de la visite des sites pendant les entretiens réalisés avec les travailleurs et les bénéficiaires. Les données quantitatives comprennent des informations sur la construction de toilettes, le forage de puits pour l’alimentation en eau, les lits d'hôpital et autres équipements. Les données qualitatives fournissent des informations sur le fonctionnement des projets : par exemple, si un puits d’eau fonctionne correctement ou si les toilettes sont utilisées. Dans le cas des équipements pour les hôpitaux, il faut aussi préciser s’ils sont en bon état et s’ils peuvent être utilisés par le personnel qui travaille dans les hôpitaux.

Les réponses de la société civile

Les organisations de la société civile au Nigéria se sont profondément impliquées dans les questions de gouvernance. Plusieurs d’entre elles sont en charge du contrôle et de l’évaluation de l’assignation et de la gestion des dépenses publiques. Par exemple, l’initiative de Droits socio-économiques s’est consacrée au contrôle et à l’évaluation des projets des OMD dans les six zones géopolitiques du pays. D'autres organisations exécutent des tâches semblables dans différentes parties du pays et dans différents secteurs d’activité. Les rapports contenant des résultats qui ont été reçus montrent que la quasi-totalité des projets destinés à la réalisation des OMD sont en retard et qu'il y a encore d'énormes obstacles à surmonter dans tous les secteurs.

Dans le secteur de la santé il semble très difficile d'être en mesure d'atteindre les OMD car les projets d'intervention, notamment le développement des compétences des travailleurs de la santé et la fourniture d'équipements pour améliorer les Centres primaires de santé, n’ont pas été mis en oeuvre. Le dernier des deux projets mentionnés pourrait contribuer significativement à améliorer l'état de santé des Nigérians, notamment dans les zones rurales où les centres de soins primaires sont très mal équipés.

Dans le secteur de l'enseignement, le degré de détérioration de l'infrastructure des écoles que nous avons visitées est alarmant. Le mobilier des salles de classe et des professeurs et les bâtiments scolaires sont en général vétustes. Dans les écoles qui ne disposent pas d'eau, l'hygiène est déplorable même quand on y trouve des toilettes. Par conséquent, pour ce secteur la préoccupation devrait aller au-delà du simple fait d’atteindre les OMD en termes de chiffres ; il faudrait aussi garantir que les élèves reçoivent un enseignement de qualité.

[1] Gouvernement du Nigeria, Constitution of the Federal Republic of Nigeria 1999. Disponible sur le site Internet.

[2] Voir le site web de la Banque centrale du Nigéria : <www.cenbank.org/devfin/devfinhome.asp>.

 

[3]Onyebuchi Ezigbo, “MDGs – Poverty rate rises to 76 per cent”, All Africa.com, le 27 février 2009. Disponible sur : <allafrica.com/stories/200902270161.html>.

[4] Risikat Oladoyin S. Dauda, “Trends, Behavioral Patterns and Growth Implications of Foreign Private Capital Flows in Nigeria”, IUP Journal of Financial Economics IV, 3 (2008): 29–40.

[5] A. Enisan Akinlo, “Foreign direct investment and growth in Nigeria: An empirical investigation”, Journal of Policy Modeling 26, num 5 (juillet 2004): 627–39.

[6] Voir: <www.state.gov/r/pa/ei/bgn/2836.htm>.

[7] Bolaji Owasanoye, “Sub-Saharan Africa and Development Finance” dans Selected Essays on Development Finance and the Role of the Lawyer in International Debt Operations (Genève: UNITAR, juillet 1999), 193. Disponible.

[8] Dele Ogbodo, “FDI: Nigeria’s Aggregate Now $20bn”, This Day, 1er mars 2010. Disponible sur : <www.thisdayonline.com/nview.php?id=167519>.

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La violence envers la femme freine le développement et la paix

Publication_year: 
2010
Summary: 
La société iraquienne est dominée par un environnement dangereux en raison de la faiblesse de l’état de droit. Les femmes iraquiennes font face à des conditions difficiles, elles prennent davantage de responsabilités et relèvent de nombreux enjeux. Chaque jour des femmes et des jeunes filles sont les victimes de mariages forcés et de crimes pour des raisons « d’honneur », elles sont contraintes au suicide, subissent des violences physiques et sexuelles, font l’objet d’exploitation sexuelle et leur autonomie et mobilité sont limitées. Il faut non seulement encourager la réinsertion sociale du pays mais aussi stimuler et soutenir les nouvelles structures institutionnelles, la législation et sa mise en œuvre pour la protection des droits politiques, économiques, sociaux et culturels de la femme.

Developing Programs for Women and Youth
Iraqi Al-Amal Association
Basma AlKhateeb

La société iraquienne est dominée par un environnement dangereux en raison de  la faiblesse de l’état de droit. Les femmes iraquiennes font face à des conditions difficiles, elles prennent davantage de responsabilités et relèvent de nombreux enjeux. Chaque jour des femmes et des jeunes filles sont les victimes de mariages forcés et de crimes pour des raisons « d’honneur », elles sont contraintes au suicide, subissent des  violences  physiques et sexuelles, font l’objet d’exploitation sexuelle et leur autonomie et mobilité sont limitées. Il faut non seulement encourager la réinsertion sociale du pays mais aussi stimuler et soutenir les nouvelles structures institutionnelles, la législation et sa mise en œuvre pour la protection des droits politiques, économiques, sociaux et culturels de la femme.

En général les femmes iraquiennes ont joué un rôle actif dans leur société, mais les longues années de conflit et de sanctions internationales les ont profondément touchées. Elles ont souffert à cause de la violence et de la destruction du tissu socioéconomique du pays. Une enquête réalisée en 2008 par Oxfam et par l’association Al-Amal a estimé que 35,5 % des femmes étaient chef de foyer, notamment à cause du conflit[1]. Les femmes accomplissaient des tâches qui étaient  par tradition aux mains des hommes, spécialement dans les zones rurales, en plus d’assumer leurs rôles traditionnels et de devoir s’ingénier à satisfaire leurs besoins de base.
La Constitution de 2005 (art 14) garantit à la femme l’égalité vis-à-vis de la loi. Elle garantit aussi son droit à la vie et à la sécurité personnelle (art 15) et interdit la violence (art 29). Ces principes sont renforcés par le droit à la liberté et à la dignité (art  37) alors que l’interdiction des peines non stipulées par la loi (art 19) renforce l’illégalité  des  « crimes d’honneur » .Cependant, malgré ces garanties, les femmes et les filles sont exposées à de nombreuses formes de violence  face aux valeurs  de plus en plus conservatrices stimulées par les hommes, le conflit armé permanent et les failles du système lors de l’application de la loi.
Violence envers la femme
Des enquêtes locales et nationales manifestent qu’en Iraq la violence envers les femmes et les jeunes filles s’est généralisée, avec des variantes régionales et qu’elle se manifeste à tous les niveaux de la société. Cela est lié en grande partie à des  pratiques culturelles ancestrales et aux enjeux permanents à relever pour établir l’empire du droit. Les manifestations déclarées les plus connues sont entre autres,  les coups, les brûlures, la mutilation génitale féminine (dans le nord du pays), le mariage forcé et précoce, et les violences émotionnelle, psychologique et physique que représentent les crimes d’honneur.
Une enquête réalisée au niveau national a montré que 83,1 % des femmes ont déclaré avoir subi au moins une forme de contrôle à l’intérieur du foyer, 33,4 % ont déclaré au moins une forme de violence émotionnelle ou psychologique et 21,2 % ont déclaré avoir subi une violence physique[2].  Selon une enquête de l’UNICEF, 59 % des jeunes filles et des femmes entre 15 et 59 ans croit qu’un mari a des raisons pour battre sa femme[3]. En 2006 le pourcentage des femmes mariées âgées de moins de 18 ans était de 26,8 % ; dans les zones urbaines il était de 25,8 % et dans les zones rurales, de 28,9 %[4].
L’ordre juridique aussi présente lui-même des problèmes. L’Iraq fait partie de plusieurs traités internationaux sur les droits de l’Homme, parmi lesquels se trouve celui de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre la femme (CEDAW), mais les lois nationales maintiennent des dispositions qui justifient le viol, l’enlèvement, les agressions physiques et le crime perpétré sur des femmes et  des jeunes filles ou bien prévoient des peines atténuées pour les coupables. Sous prétexte  de sauver l’honneur et de maintenir l’ordre à l’intérieur de la famille, ces lois nationales subordonnent les femmes aux hommes et perpétuent la violence au sein de la famille et dans la société.
Violence sexuelle
Il est extrêmement difficile d’obtenir des données précises sur le nombre de cas de viols et de violence sexuelle en Iraq puisque ni les autorités médicales ni les autorités judiciaires ne tiennent de statistiques. D’ailleurs il n’y a qu’une poignée de refuges pour les femmes hors de la région du Kurdistan et les survivantes n’informent ni les centres médicaux ni la police par crainte des représailles de la part de leurs familles. Compte tenu du contexte social, culturel et de sécurité et des expériences dans d’autres situations de conflit, il est raisonnable de supposer que le nombre de cas déclarés soit très inférieur au nombre réel.

Une analyse des rapports des organisations des droits humains et des articles de la presse écrite pendant la période  allant du mois de mars 2003 au mois de  mai 2008 donne une idée de la dimension du problème. En 2005 une  étude du ministère d’État pour les Affaires de la femme a rapporté près de 400 cas de viols constatés entre la chute du régime de Saddam Hussein (avril 2003) et le moment de l’étude[5].  Un rapport pour la période allant du mois d’avril 2004 au mois de septembre 2005 (17 mois) porte sur quelque 400 viols de femmes et 35 viols d’hommes[6]. Un autre rapport indique qu’entre les mois de février et juin 2006 (5 mois), seulement à Bagdad, près de 60 femmes ont été violées alors que 80 autres ont subi « d’autres formes d’abus sexuels[7] ».

Malgré les garanties établies dans la constitution, le Code pénal d’Iraq de 1969 et des ordres ultérieurs du Conseil du commandement révolutionnaire (RCC selon son sigle en anglais) contiennent des dispositions qui  pardonnent la violence envers la femme, puisqu’ils permettent des peines plus brèves et dans quelques cas, l’impunité des responsables.  Selon le code pénal, le viol est un délit privé, ce qui signifie que l’État ne peut pas agir sans le consentement du plaignant ou de son tuteur. L’une des dispositions les plus polémiques du code est l’article 398 selon lequel l’agresseur peut obtenir l’exemption de responsabilité par viol et agression sexuelle s’il épouse la victime. N’ayant aucune disposition contraire, ce mécanisme est appliqué même lorsque la victime est mineure.[8] Les défenseurs de cette norme soutiennent qu’elle protège l’intérêt de la victime car son honneur peut être sauvé grâce au mariage, évitant ainsi un probable « crime d’honneur » de la part de la famille ou de la communauté. Cependant, dans les faits, cela institutionnalise la honte et le déshonneur liés au viol, et compromet encore davantage la vie et la sécurité de la victime.

Homicide avec des circonstances atténuantes
Les crimes d’honneur sont commis pour plusieurs raisons telles que l’adultère, le refus d’ épouser l’homme choisi par la famille, la tentative d’épouser quelqu’un que la famille n’approuve pas, les relations sexuelles prénupciales, le fait d’être victime de viol, voire le soupçon d’avoir commis un de ces faits. Les meurtres sont les plus fréquents mais il y a aussi d’autres formes de violences telles que la mutilation.
Le Code pénal d’Iraq traite les meurtres  d’honneur de manière différente des autres homicides. Les lois permettant des peines atténuées pour les crimes d’honneur ont été suspendues dans la région du Kurdistan en 2000 mais elles sont toujours en vigueur dans le reste de l’Iraq. L’Ordre Nº 6 du RCC du mois de janvier 2001 a élargi la catégorie des crimes d’honneur en permettant les peines atténuées pour l’homicide de la femme ou d’une parente proche lorsqu’il a trait à l’honneur. Selon l’article 130 du Code pénal, ces peines  atténuées peuvent être seulement d’un an (si la peine complète avait été de mort), ou de six mois (si la peine complète avait été l’emprisonnement à vie).  Ceci est contradictoire avec  l’illégitimité de la coutume et sert à l’imposer comme une forme de peine extrajudiciaire, ceci étant interdit par la Constitution.
Le comité de la CEDAW a manifesté son grand souci pour les crimes d’honneur en Iraq[9]. Les femmes activistes iraquiennes,  en coordination avec plusieurs parties intéressées (nationales et internationales) mènent une campagne afin de modifier la loi et plaident pour que le parlement abroge la loi sur les « crimes d’honneur » de manière à ce que les coupables soient jugés pour homicide. D’énormes doutes planent sur la réalisation de cette réforme, compte tenu de la faiblesse du Gouvernement et du conservatisme régnant au parlement.

Bien d’autres délits sont impunis
Il y a d’autres délits de violence envers la femme pour lesquels la législation actuelle ne protège pas la victime. Au contraire, dans la plupart des cas les auteurs restent impunis ou reçoivent des peines atténuées, entre autres :

  • Enlèvements  et séquestrations. Selon l’article 423 du Code pénal d’Iraq, l’enlèvement  d’une femme requiert une peine maximale  de 15 ans d’emprisonnement ; cependant, tout comme dans les cas de viol ou de tentative de viol, l’auteur du délit sera exempté de peine s’il épouse la victime.
  • Violence domestique. Selon l’article 41 du Code, le mari a le droit de punir sa femme ; bien que la loi indique que cette punition soit permise « dans certaines limites établies par la loi ou la coutume », les limites légales n’ont pas été déterminées et les limites coutumières sont très vagues.
  • Traite de personnes et prostitution. Bien que la Constitution interdise la traite des femmes et des jeunes filles, et que la prostitution soit un délit, les femmes et les jeunes filles forcées à se prostituer n’ont que très peu ou aucune ressources. D’ailleurs les délits de traite de personnes ne sont pas énumérés dans les statistiques sur les délits du ministère de l’Intérieur et ne sont pas inclus dans la formation policière.
  • Mutilation génitale féminine (FGC d’après son sigle en anglais). Bien que ce ne soit pas une pratique commune dans le sud de l’Iraq, des rapports précisent que la mutilation génitale féminine a recommencé dans le nord. Il n’y a pas de lois précises contre cette pratique et même si le ministère de la Santé affirme que les médecins ne sont pas autorisés à pratiquer ces interventions, il n’y a pas de mécanismes légaux pour faire respecter cette interdiction.
  • Violence pour des motifs religieux et des pratiques tribales. Un rapport d’ ABA/ILDP de 2006 indiquait qu’au milieu des tensions chaque fois plus sectaires en Iraq, les groupes extrémistes sunnites et chiites exigeaient que les femmes portent le voile islamique pour éviter des conduites « immorales » ou « anti – islamiques » au risque de devoir faire face à des conséquences violentes . Dans la ville de Basra, la deuxième en population en Iraq, 133 femmes ont été assassinées et mutilées en 2007 et leurs corps trouvés dans des poubelles accompagnés de messages d’avertissement contre « le non-respect des enseignements de l’Islam  ».
  • Violence envers les femmes détenues. Bien que la couverture de la presse sur les abus contre les prisonniers à Abou Ghriba se soit centrée sur la torture, les abus sexuels et le traitement humiliant envers les hommes iraquiens, différentes sources indiquent que les femmes prisonnières ont subi un traitement similaire, voire des viols. D’après un rapport de Humans Rights Watch, le secret qui a entouré l’isolement des femmes « a été le résultat d’un complot  entre les familles et les forces d’occupation » : les familles craignaient la stigmatisation sociale et la Force multinationale en Iraq craignait d’être condamnée par les groupes des droits humains et la colère des iraquiens[12]. D’après le Département d’État des États-Unis, la police iraquienne a également participé aux abus contre les femmes tels que des menaces, intimidations, coups et applications de décharges électriques[13].

De nouvelles chances

Dans les sociétés  post-conflit comme l’Iraq, la « justice pour les femmes » est en grande partie toujours une illusion, bien que l’on fasse quelques progrès. Le mot signifie beaucoup plus que justice dans les tribunaux pour les délits contre les femmes et les jeunes filles ; il comprend le traitement équitable et la participation de la femme dans la négociation des conventions de la paix, la planification et la mise en pratique des opérations de paix, la création et l’administration du nouveau Gouvernement (y compris les organismes et institutions prenant en charge les besoins des femmes et des jeunes filles), le fait de leur donner accès à tout le spectre des chances éducatives, la participation à la revitalisation et à l’accroissement de l’économie, et la promotion d’une culture encourageant les talents, les capacités et le bien-être des femmes et des jeunes filles.

Les crises peuvent servir à faire tomber les barrières sociales et les coutumes des patriarches traditionnels, en fournissant des ouvertures pour la construction d’une société plus juste et équitable dans laquelle les droits de la femme seront protégés et l’égalité des sexes sera la norme dans un cadre institutionnel et social. Il faut profiter de ces possibilités non seulement pour promouvoir la réinsertion sociale mais aussi pour encourager et soutenir les nouvelles structures institutionnelles, la législation et sa mise en œuvre afin de protéger les droits politiques, économiques, sociaux et culturels.

Recommandations

L’ONU, les pays donateurs et les agences internationales peuvent donner un appui aux femmes iraquiennes des manières suivantes, suggérées à la communauté internationale :

  • Négocier avec le Gouvernement d’Iraq pour qu’il respecte ses engagements et devoirs quant aux affaires des droits humains et qu’il autonomise les femmes pour qu’elles participent aux processus du pouvoir politique, de la consolidation de la paix et de la réconciliation nationale.
  • Donner priorité à l’aide financière pour la formation en égalité des sexes aux ministères de l’Intérieur et de la Justice, à l’Institut judiciaire, dans les universités et facultés de droit et les ONG.
  • Offrir une formation sur les connaissances juridiques aux organisations de la société civile iraquienne, spécialement sur la Résolution 1325 du Conseil de la sécurité de l’ONU (S/RES/1325) et sur les manoeuvres électorales et la collecte de fonds, ateliers, conférences et campagnes dans les médias.
  • Nommer un consultant en questions d’égalité des sexes dans les missions diplomatiques en Iraq pour faire un suivi des engagements nationaux et internationaux dans le pays.
  • Fournir de l’aide d’urgence aux refugiés iraquiens en Jordanie et en Syrie, où la plupart sont des femmes et des enfants, et fournir des mesures d’asile pour ceux qui ont présenté une demande d’asile dans des pays d’Europe et d’Amérique du nord.

 

 

 

 

[1] Oxfam International, In Her Own Words: Iraqi women talk about their greatest concerns and challenges – A survey, 2009. Disponible sur : <www.oxfam.org.uk/resources/policy/conflict_disasters/iraq-in-her-own-words.html>.

[2] Ministère de la Santé, ministère de la Planification et de la coopération pour le développement et  Organisation mondiale de la santé, Republic of Iraq – Iraq Family Health Survey Report 2006/7. Disponible sur : <www.iauiraq.org/reports/ifhs_report_en.pdf>.

[3] UNICEF, Progress for Children: A World Fit for Children – Statistical Review, No. 6, décembre 2007.

[4] Ibid.

[5] American Bar Association e Iraq Legal Development Project (ABA/ILDP), The Status of Women in Iraq: Update to the Assessment of Iraq’s De Jure and De Facto Compliance with International Legal Standards, décembre 2006. Disponible sur : www.abanet.org/rol/publications/iraq_status_of_women_update_2006 PDF

[6] IRIN, “Iraq: Focus on increasing cases of abused women”, le 14 septembre 2005. Disponible sur : <www.irinnews.org/report.aspx?reportid=25476> (vu le 7 juillet 2010).

[7] IRIN, “Iraq: Local NGO warns of rising cases of sexual abuse”, le14 juin 2006. Disponible sur : <www.irinnews.org/report.aspx?reportid=27013> (vu le 7 juillet 2010).

[8] La loi établit que la peine sera de nouveau effective ou que le procès  se poursuivra si l’accusé divorce de la victime sans fondement légal dans les trois années suivant la fin du procès.

[9]Comité de CEDAW, “Summary record of the 468th meeting”, CEDAW/C/SR/468, le 14  juin 2000. Disponible sur : <www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/cedaw23/Iraq%20as%20adopted.html> (vu le 7 juillet 2010).

[10] ABA/ILDP, op. cit.

[11] MADRE, “Who is Killing the Women of Basra?”, le 9 juillet 2008. Disponible sur : <www.madre.org/index/resources-12/madre-articles-35/news/who-is-killing-the-women-of-basra-71.html>.

[12] Human Rights Watch, “Climate of Fear: Sexual Violence and Abduction of Women and Girls in Baghdad”, Iraq, 15(7), juillet 2003. Disponible sur : <www.hrw.org/en/node/12305>.

[13] Département d’État des États–Unis, Iraq Country Report on Human Rights Practices 2005, le 8 mars 2006. Disponible sur : <www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2005/61689.htm>.

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Le dur chemin vers les Objectifs du millénaire pour le développement

Publication_year: 
2010
Summary: 
Bien que les rapports officiels affirment que l’Égypte est sur la bonne voie pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), le pays a fait peu de progrès à cet égard. Au milieu de la pire crise économique mondiale depuis la Grande dépression des années 1930, l’Égypte devrait entreprendre de grands changements et adopter des stratégies radicales de développement afin de pouvoir respecter ses engagements. Pour ce faire, une meilleure gestion de l’aide au développement est nécessaire et les politiques de l’emploi devraient être davantage promues et négociées, et être accompagnées d´ un plus grand nombre d’accords de partenariat avec le secteur privé et la société civile.

The Egyptian Association for Community Participation Enhancement (EACPE)
Nawara Magdy Belal
Yasmine Sherif Ismail

Bien que les rapports officiels affirment que l’Égypte est sur la bonne voie pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), le pays a fait peu de progrès à cet égard. Au milieu de la pire crise économique mondiale depuis la Grande dépression des années 1930, l’Égypte devrait entreprendre de grands changements et adopter des stratégies radicales de développement afin de pouvoir respecter ses engagements. Pour ce faire, une meilleure gestion de l’aide au développement est nécessaire et les politiques de l’emploi devraient être davantage promues et négociées, et être accompagnées d´ un plus grand nombre d’accords de partenariat avec le secteur privé et la société civile.

Selon la société d’investissement koweïtienne Global Investment House, l’impact de la crise économique mondiale commence à se faire sentir aujourd’hui en Égypte, même si  l’on pense que « la solide croissance économique de l’Égypte, associée à la réforme mise en œuvre, protège la performance économique du pays au milieu de la crise mondiale actuelle ». Certes, l’économie égyptienne a suivi la croissance réelle du PIB, qui était de 5,8 % durant le premier trimestre de l’exercice fiscal 2008-2009, par rapport au 6,5 % atteint pendant le premier trimestre de l’exercice 2007 -2008. Toutefois, il convient de noter que le Gouvernement a fixé un objectif plus faible de croissance du PIB (de 5,5 %) pour l’exercice financier 2008-2009, après avoir atteint une croissance de 7,2 % en 2007-2008. Pour les exercices 2008-2009 et 2009-2010, la Banque mondiale a prévu des taux de croissance du PIB de 4,5 % et 6 %, respectivement[1].

Mais la crise affecte-t-elle le progrès du pays pour la réalisation des OMD? Selon un rapport d’évaluation à mi-chemin de la réalisation des OMD publié par le ministère du Développement économique, le pays « est sur la bonne voie pour atteindre la plupart des Objectifs du millénaire pour la date prévue de 2015 »[2]. Selon le ministre égyptien du Développement économique Othman Mohamed Othman, « la focalisation géographique et d’autres politiques sociales intégrées promettent de réduire les retards et les lacunes régionales ... et assurent également la pleine réalisation des OMD nationaux dans toute l’Égypte »[3]. Quant à la réduction de la pauvreté, le ministre a annoncé que « le taux de pauvreté a chuté de 31 à 26 % dans les zones rurales et de 13 à 8,6 % dans les zones urbaines[4]. Ces chiffres ont toutefois été rejetés par Gawdat el-Malt, président de l’Agence centrale d’audit égyptienne, qui a déclaré que « le taux de pauvreté est de l’ordre de 40 % dans les zones rurales et de 18 % dans les zones urbaines »[5].

La pauvreté ne se définit pas seulement sur la base du revenu

Ces deux estimations contradictoires sont basées sur les niveaux de revenu. Toutefois, la pauvreté n’est pas seulement une question de revenu ; il y a d’autres aspects importants à considérer comme la santé, l’hygiène et l’exclusion sociale. Ainsi, les indicateurs combinés, tels que l’Indice de développement humain (IDH) et l’Indice de pauvreté humaine (IPH), basés sur la proportion de personnes vivant au-dessous de seuils déterminés dans chacune des dimensions de l’IDH, devraient aussi être pris en compte.

Dans le Rapport national d’Égypte 2008, le PNUD a mis en exergue les sept lignes directrices suivantes que le Gouvernement égyptien devrait prendre en considération pour atteindre une croissance économique contribuant à réduire la pauvreté[6] :

  • La vulnérabilité des pauvres face au risque et le manque de protection sociale réduisent le rythme de croissance.
  • L’inégalité des ressources et des possibilités limite la capacité des pauvres à participer à la croissance et à y contribuer. La différence de genre est un aspect particulièrement important de l’inégalité.
  • Les politiques doivent s’attaquer aux causes de défaillance du marché et améliorer l’accès à celui-ci. La défaillance du marché affecte les pauvres de manière disproportionnée. Des programmes s’avèrent nécessaires pour garantir un meilleur fonctionnement des marchés qui sont importants pour contribuer au soutien des plus démunis.
  • Autant le rythme que le modèle de croissance sont essentiels pour réduire durablement la pauvreté dans le long terme.
  • La croissance qui favorise les pauvres requiert leur participation dans le processus.
  • Les politiques visant à aborder les multiples aspects de la pauvreté devraient aller de pair ; il faut éviter les dichotomies (par exemple, des politiques économiques qui vont à l’encontre des politiques sociales).
  • Les pauvres ont besoin de participer et d’influencer le processus de réforme politique qui accompagne les stratégies de réduction de la pauvreté.

Dans le Rapport de 2009 sur le Développement humain, l’Égypte occupait la 82ème position sur les 135 pays évalués. L’indice de pauvreté mesure les privations graves dans le domaine de la santé pour les personnes qui n’attendraient pas l’âge de 40 ans. L’éducation est mesurée par le taux d’analphabétisme chez les adultes, et un niveau de vie digne est mesuré par la moyenne non pondérée des personnes qui n’ont pas accès à une source d’eau potable et par le pourcentage d’enfants de moins de cinq ans dont le poids est inférieur au poids normal pour leur âge. Le tableau 1 montre les valeurs de ces variables pour l’Égypte et les compare avec celles correspondant à d’autres pays.

Quelques indicateurs de pauvreté humaine :

Indice de pauvreté humaine (IPH-1)

Probabilité de ne pas atteindre l’âge de 40 ans (%)

Taux d’analphabétisme chez les adultes (âgés de 15 ans ou plus)

Population n’ayant pas accès à des sources d’eau améliorées (%)

Enfants dont le poids corporel est inférieur à la normale pour cet âge (% d’enfants de moins de 5 ans)

1. République tchèque (1,5)

1. Hong-Kong, Chine (RAS) (1,4)

1. Géorgie (0)

1. La Barbade (0)

1. Croatie (1)

80. Îles Salomon (21,8)

68. Géorgie (6,7)

117. Angola (32,6)

28. Costa Rica (2)

40. Macédoine (6)

81. Botswana (22,9)

69. Vanuatu (7,1)

118. Congo (République démocratique du) (32,8)

29. Arménie (2)

41. La Barbade (6)

82. Égypte (23,4)

70. Égypte (7,2)

119. Égypte (33,6)

30. Égypte (2)

42. Égypte (6)

83. Vanuatu (23,6)

71. Équateur (7,3)

120. Inde (34)

31. Jordanie (2)

43. Mongolie (6)

84. Congo (24,3)

72. Bahamas (7,3)

121. Ghana (35)

32. Monténégro (2)

44. Panama (7)

135. Afghanistan (59,8)

153. Lesotho (47,4)

151. Mali (73,8)

150. Afghanistan (78)

138. Bangladesh (48)

Source: Rapport sur le développement humain 2010.

Les chiffres du tableau 2 montrent clairement que la croissance économique ne reflète pas nécessairement la qualité de vie. L’échec du pays pour garantir que la croissance économique soit accompagnée d’une amélioration du niveau de vie de ses citoyens constitue le principal enjeu que le Gouvernement devra relever dans les cinq prochaines années afin d’atteindre les OMD d’ici à 2015[7]. Cela signifie repenser sa stratégie de financement pour le développement dans le contexte d’une crise économique qui est devenue le plus grand obstacle au développement.

Les progrès dans la réalisation des OMD

L’évaluation à mi-chemin de l’accomplissement des OMD pour l’Égypte montre que le pays « n’est pas sur la bonne voie », que les enjeux sont toujours très importants et que, dans certains domaines et notamment en ce qui concerne la différence de genre, la performance du pays est très faible. Ce qui suit est une évaluation par objectifs :

  • OMD 1 - Éradiquer l’extrême pauvreté et la faim : il y a quelques enjeux à relever dans le futur, tels que le chômage chez les femmes et les jeunes et le faible poids chez les enfants.
  • OMD 2 - Assurer l’éducation primaire universelle : comme une manifestation visible des progrès de la scolarisation, le pays est proche de 100 % de scolarité pour la tranche d’âge des 15-24 ans.
  • OMD 3 – Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes : bien que le pays ait démontré son engagement à travers des mécanismes institutionnels, des changements législatifs et plusieurs initiatives et actions, il reste encore un long chemin à parcourir, notamment dans l’enseignement technique, l’autonomisation et la participation des femmes en politique.
  • OMD 4 - Réduire la mortalité infantile : des progrès dans ce domaine ont été effectués ; cependant, les données officielles montrent que les inégalités géographiques, de genre et de développement social restent élevées. En outre, le taux élevé de mortalité néonatale continue à être préoccupant.
  • OMD 5 - Améliorer la santé maternelle : l’efficacité des programmes nationaux qui ont permis d’augmenter le nombre d’accouchements assistés par un personnel qualifié se manifeste par l’extraordinaire rapidité avec laquelle la mortalité maternelle a baissé.
  • OMD 6 - Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies : l’infection par le VIH ne se limite pas à un groupe social particulier et au cours de ces dernières années elle a augmenté chez les femmes. Les hépatites B et C sont également devenues une menace. Il est nécessaire de réorganiser le système de santé selon une perspective multisectorielle qui tienne compte du contexte social dans le traitement des épidémies.
  • OMD 7 - Assurer un environnement durable : la demande croissante de ressources naturelles exige l’adoption de mesures plus rigoureuses de contrôle et des stratégies adéquates de gestion de l’environnement.
  • OMD 8 – Promouvoir un partenariat mondial pour le développement : selon le ministère du Développement économique, « au cours de ces dernières années l’Égypte a connu une tendance à la hausse des versements de l’APD de la part de plusieurs pays riches et des organisations internationales, et cette aide a été assignée pour répondre aux besoins de développement des différents secteurs. En outre, l’Égypte a également bénéficié d’une série d’accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux. La part du PIB correspondant aux exportations de biens et de services a augmenté au cours de ces dernières années »[8].

 

Impact de la crise financière mondiale

Bien que le chiffre net d’Investissements directs étrangers (IDE) n’ait pas dépassé USD 3,9 milliards pour l’exercice 2004-2005, pendant la période 2007-2008, cet indicateur a atteint USD 13,2 milliards. Toutefois, dans le dernier exercice fiscal – alors que l’économie mondiale était en pleine crise – les IDE nets sont tombés à USD 8,1 milliards, selon la Banque centrale d’Égypte. En outre, un rapport sur la performance économique du deuxième trimestre de l’exercice fiscal 2009-2010 publié par le ministère du Développement économique montre que le nombre de chômeurs a atteint 2,37 millions de personnes[9].

Comme le montrent ces chiffres, les résultats de l’année 2010 pourraient ralentir la progression de l’Égypte vers la réalisation des OMD d’ici 2015. Pour éviter un tel risque, il est essentiel de :

  • accroître l’efficacité de l’APD, qui risque de diminuer en raison de l’impact de la crise mondiale sur les pays donateurs, et harmoniser et aligner la distribution de l’APD conformément aux priorités nationales.
  • négocier un espace pour adopter des politiques d’emploi plus orientées vers la croissance et veiller à leur application.
  • renforcer les partenariats avec le secteur privé et la société civile en Égypte.

 

[1] Global Investment House, Rapport annual 2009. Disponible.

[2] Ministère du Développement économique, Rapport 2008 sur les Objectifs du Millénaire pour le développement - Égypte, pour atteindre les OMD : Évaluation passé le mi-chemin, 2008. Disponible.

[3] Ibid.

[4] Egypt.com News, 10 avril 2010. Disponible.

[5] Ibid.

[6] PNUD, Rapport 2008 sur le Développement humain - Égypte. Disponible sur.

[7] Egypt.com News, 10 avril 2010. Disponible.

[8] Millennium Development Goals Report 2008. Egypt, op. cit.

[9] Egypt News, 21 Février 2010. Disponible.

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Le démantèlement de la coopération pour le développement

Publication_year: 
2010
Summary: 
La société italienne a été durement touchée par la crise financière. La principale réponse du Gouvernement a été de réduire les ressources de secteurs clés comme l'éducation, la santé, l'assistance sociale et les fonds pour les autorités locales. Le financement pour le développement a également subi une sévère réduction et aujourd’hui l'Italie ne tient pas ses engagements internationaux. L'indifférence du Gouvernement face à la coopération pour le développement alors que l'Italie préside le G8 ne surprend pas la société civile, qui a critiqué le manque de stratégie du pays en la matière.

La coalition italienne de Social Watch[1]

La société italienne a été durement touchée par la crise financière. La principale réponse du Gouvernement a été de réduire les ressources de secteurs clés comme l'éducation, la santé, l'assistance sociale et les fonds pour les autorités locales. Le financement pour le développement a également subi une sévère réduction et aujourd’hui l'Italie ne tient pas ses engagements internationaux. L'indifférence du Gouvernement face à la coopération pour le développement alors que l'Italie préside le G8 ne surprend pas la société civile, qui a critiqué le manque de stratégie du pays en la matière.

L'impact social de la crise financière a été énorme en Italie, affectant non seulement l'économie du pays en général – le déficit national a augmenté de 5,2 % en 2009 et plus de 9.000 entreprises ont dû fermer (23 % de plus qu'en 2008[2]) –  mais aussi les travailleurs et surtout les foyers. Le taux de chômage a augmenté de presque 8 %[3] et un tiers des foyers rencontre aujourd’hui des difficultés pour boucler ses fins de mois sans s'endetter[4]. Parmi eux, ce sont les immigrants les plus touchés[5].

Le système bancaire n'a pas été particulièrement touché et il n'a pas disposé des aides reçues du Gouvernement pour aider les entreprises et les individus avec des facilités de crédit. En même temps, le Gouvernement a réduit les ressources dans plusieurs secteurs clés comme l'éducation, la santé, l'assistance sociale et les fonds pour les autorités locales. La réunion 2009 du G8 a eu lieu dans la ville italienne de L'Aquila, récemment ravagée par un tremblement de terre, au milieu des critiques sur le manque de leadership de la part de l'Italie lors de la préparation du sommet et à propos des dernières réductions de son budget d'aides. L´année 2009 a été une année de progrès dans la privatisation des entreprises publiques et des infrastructures et aussi d´une corruption et une évasion fiscale plus importantes (les cas de corruption ont augmenté de 229 % par rapport à 2008, alors que l'on estime qu'un tiers des italiens ne paye pas ses impôts)[6].

 
Une indifférence envers l'APD

Les derniers budgets de l'État ont décrété le démantèlement de l'APD. Pour la période 2009-2011, on a accordé respectivement 321,8 millions, 331,26 millions et 215,7 millions d´euros, ce qui représente une réduction de 56 % des ressources disponibles pour les projets de coopération du ministère des Affaires étrangères. Les actions du Gouvernement dans ce domaine, l'année même où l'Italie préside le G8, peuvent paraître contradictoires ; toutefois elles ne sont pas surprenantes si l'on considère les coûts d'organisation de l'événement du G8 en soi, qui coûte beaucoup plus (son coût est estimé à USD 600 millions[7]) que les allocations annuelles pour la coopération internationale.

Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 74 % de l'APD italienne est canalisée par le système multilatéral. Cela signifie qu'il faut avoir une transparence et une responsabilité démocratique de rigueur dans l'effectivité de la participation du pays au sein des institutions internationales qui gèrent le financement du développement. En 2010, l'APD de l'Italie sera inférieure à l’engagement de 0,5 % du PIB, et cela empêchera l’Europe, en conséquence, d’atteindre le but collectif de 0,56 % malgré la bonne performance des pays qui l'ont déjà dépassé[8]. La législature précédente a essayé de mener à bien la réforme de l'APD – nécessaire pour garantir une plus grande effectivité, cohérence et stabilité des ressources – mais elle a été abandonnée par la suite.

En janvier 2010, on a présenté à Rome le premier rapport de l'OCDE en 6 ans sur l'APD en Italie (dénommé Révision par les pairs). En 2004, le Comité d'aide au développement a suggéré treize réformes essentielles à mettre en place avant 2009. Ces réformes incluaient, entre autres, une augmentation des ressources mises à disposition et de leur fiabilité, une meilleure priorisation, l'engagement de nouveaux experts, la rationalisation des processus administratifs et l'établissement du monitorage, de l'évaluation et de l'approbation d'une nouvelle loi qui définirait un cadre régulateur pour le système de coopération en Italie. Malheureusement, les recommandations de 2004 ont été complètement ignorées et aujourd’hui la liste a augmenté. Les recommandations sont passées à 19, dont le persistant besoin d'une nouvelle loi, d'un ajustement du volume des ressources destinées aux engagements contractés au niveau international, d'une plus grande attention à la cohérence politique et de la mise en place de processus de monitorage et d'évaluation[9].

Le financement pour les plans de développement : le manque de stratégies

 

Malgré la perte de prépondérance du G8 et de l'émergence du G20 comme nouveau forum international, le Gouvernement italien a essayé de se servir de la présidence du premier pour améliorer son image publique tant au niveau national qu'international. L'Italie a cependant maintenu un profil extrêmement bas lors des principaux sommets multilatéraux en 2008 et 2009 consacrés au financement du développement et à l'impact de la crise mondiale sur le développement[10]. La seule idée originale qu'elle a proposée a été d'établir des « standards légaux mondiaux », un ensemble de règles pensées pour régler les finances, limiter les activités spéculatives et aider à la récupération mondiale après la crise. Jusqu' à présent, cette proposition – dont le contenu est encore en cours de rédaction – n'a pas reçu suffisamment d'appui international et n'a pas conduit non plus à des mesures importantes pour avoir une réglementation plus rigide des marchés financiers.

Dans le cadre de l'initiative de l'Aide pour le commerce de l'UE, développée en 2007 avec la Stratégie conjointe d'aide pour le commerce, les programmes d'aide de l'Italie n'incluent toujours pas une stratégie spécifique pour le commerce. Le rapport Aid for Trade Monitoring Report 2009[11]de la Commission européenne souligne que l'aide au commerce fait partie des stratégies d'assistance dans moins de 25 % des pays associés de l'Italie. Il règne aussi une grande inquiétude à l'égard de la qualité, de la quantité et des objectifs des programmes. 

La plus grande partie de l'aide au commerce est destinée à l'infrastructure, laquelle, avec le développement des capacités, a concentré 76 % des dépenses totales pendant la période 2002-2006. L'Italie est à la tête de la promotion de l'investissement dans des projets d'infrastructure de la part d'entreprises privées avec des programmes d'aide bilatéraux et multilatéraux, surtout avec la Banque européenne d'investissement. Celle-ci finance des projets controversés dans des pays africains, tels que des barrages (Gigel Gibe en Ethiopie et Bujagali en Ouganda) et des activités extractives (République démocratique du Congo et Zambie) sans  paramètres clairs du point de vue social, environnemental et du développement.

Dans les grandes lignes, on ne voit pas encore clairement si, après la crise financière, les fusions et acquisitions récentes qui affectent les entreprises multinationales italiennes, le Gouvernement est prêt à revoir les traités d’investissements bilatéraux qui ont eu de graves conséquences pour les pays en développement ces dernières années. En même temps, le Gouvernement n'assume pas un leadership clair dans la promotion de standards plus élevés pour les organismes de crédit à l'exportation qui soutiennent les investissements des entreprises italiennes dans le monde entier, souvent avec des conséquences négatives pour le Sud.

 

Violation des droits de l´Homme à l'étranger

Dans son rapport sur l'industrie du pétrole dans le Delta du Niger[12], Amnesty International a documenté l'impact des activités d'exploration et de production du pétrole menées par les entreprises pétrolières multinationales sur la population locale et sur l'environnement. L'une des entreprises les plus actives au Nigéria est l'italienne Eni, présente dans 77 pays et qui constitue le 5e groupe pétrolier le plus grand du monde après Exxon Mobil, BP, la Royal Dutch Petroleum Shell et Total.

L'industrie du pétrole dans le Delta implique le Gouvernement nigérian et les entreprises subventionnées contrôlées par les multinationales comme Eni, Shell et Total, ainsi que des entreprises locales. Les immenses champs de pétrole produisent des milliards de dollars de bénéfices pour le pays, mais la plupart des gens qui habitent les régions d'extraction vivent dans la pauvreté. La pollution et les dommages à l’environnement ont un fort impact sur la terre, l'eau et l'air, violant les droits humains de la population du Delta. Amnesty soutient que les entreprises d'extraction opérant dans le Delta, dont Eni, doivent entamer des activités de nettoyage, consulter les communautés locales et les maintenir informées des résultats. Les entreprises doivent également rendre publiques toutes les informations liées à l'impact de leurs activités sur les droits humains, dont une évaluation de l'impact environnemental ou tout autre étude réalisée sur les effets de leurs opérations sur les communautés locales.

 

Un coup d'œil sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) : la société civile en action

OMD 3 : Un manque d'initiatives en matière d'égalité des sexes. L'analyse pertinente des rapports et des documents de planification par la société civile est très importante dans le domaine des politiques pour l'égalité des sexes, où prévaut l'imprécision, le manque d'information et ou l’on ne communique pas les mesures adoptées, les résultats et les stratégies. Un bon exemple en a été la préparation du dossier pour Pékin+15 et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (sigle en anglais : CEDAW). Malgré sa précision concernant le respect des engagements mondiaux par l'Italie, elle avait de grosses lacunes en matière de consultation auprès de la société civile et de transparence des processus. Le rapport sur le CEDAW, en particulier, n'a pas apporté de réponses aux questions  pour lesquelles le Comité du CEDAW avait exprimé son inquiétude dans le rapport de 2005, à savoir la santé des femmes immigrantes, la persistance des stéréotypes de genre dans les médias et la participation politique inadéquate des femmes au niveau local et national. Le dernier rapport manque d'une vision stratégique et d'une politique systématique pour promouvoir l'égalité des chances et le transfert de pouvoir aux femmes ; il énumère des mesures, des lois et des données sans agenda clair  et il montre très peu de progrès concrets dans des sujets qui demandent un plus grand engagement institutionnel.

En novembre 2009, les ministres de l'Égalité des chances et des Politiques sociales ont présenté le plan Italie 2020 : Programme d'actions pour l’inclusion de la femme dans le marché du travail. La plus grande partie de ces actions est fondée sur des emplois à mi-temps, concevant que la conciliation du travail et les responsabilités ménagères doivent continuer d'être assurées majoritairement si ce n'est exclusivement par les femmes.

OMD 7 : Un référendum sur l'eau publique. Le droit à l'eau potable est couvert par plusieurs engagements internationaux. L'OMD 7 réclame la réduction de la proportion de personnes qui n’ont pas d’accès durable à l'eau potable et à l'assainissement de base. La Commission économique pour l'Europe des Nations Unies encourage dans sa Convention sur la protection et l’utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux, la participation publique dans les processus de prise de décisions importantes[13], et la Directive-cadre sur l'eau de l'UE établit que « l'eau n'est pas un produit commercial comme n’importe quel autre, mais un héritage qui doit être protégé, défendu et traité comme tel »[14].

Pendant 15 ans, l’Italie a vécu un processus graduel de privatisation de la gestion des services intégrés des eaux (SIA), soit sous la forme d'initiatives autonomes des autorités locales, soit comme de lois nationales qui ont fait pression dans ce sens. La moitié de la population italienne reçoit aujourd’hui des services fournis par des entreprises mixtes (publiques et privées) et l'autre moitié, par des entreprises complètement publiques. Des villes comme Arezzo et Aprilia, où a débuté la participation d'associés privés, ont connu une augmentation exponentielle des prix et une réduction remarquable de l'investissement. Lors de la dernière décennie, les prix ont augmenté de 62 % (par rapport à une inflation de 25 %) et l'investissement a chuté des deux tiers, de EUR 2 milliards à EUR 0,7 milliard. On prévoit une augmentation de près de 20 % de l'eau privatisée dans les dix prochaines années.

En réaction aux effets catastrophiques en termes sociaux et environnementaux, et par rapport au droit à l'eau en Italie et dans le monde, un important mouvement italien qui rassemble des centaines d'organisations, associations et comités nationaux et locaux s'est développé pendant la dernière décennie. En 2007, plus de 400.000 signatures ont été réunies pour soutenir la loi proposée par les citoyens – non retenue par le Parlement – qui conçoit un nouveau modèle de gestion publique des services intégrés de l'eau. Au cœur se trouve la participation démocratique des citoyens plus que la maximisation des bénéfices. Par la suite, une campagne lancée en 2010 a recueilli plus d'un million de signatures en faveur d'un référendum en 2011 sur la gestion publique et participative de l'eau en tant que bien commun.

Parallèlement aux mouvements de la société civile, beaucoup d'autorités locales sont en train de prendre des mesures. La région des Pouilles, par exemple, a adopté une résolution contre la privatisation de l'AQP, le plus grand aqueduc européen, et a conçu la future gestion des SIA par l'établissement d'une loi sur la gestion publique.

 

Conclusion

La crise financière actuelle a provoqué de fortes réductions dans le secteur de la coopération pour le développement. La proposition italienne de « standards légaux mondiaux » n’a reçu jusqu'à maintenant qu’une attention réduite et la réforme nécessaire du secteur financier s’est vue retardée. Au fur et à mesure que le pays s’appauvrit, qu’il devient plus xénophobe[15] et que les immigrants – surtout la population rom – subissent des discriminations et des violences continues, les organisations de la société civile essayent de défendre les droits constitutionnels violés, tels que la liberté de la presse et l'indépendance du système judiciaire.

Si la coopération italienne ne respecte pas les recommandations de l'OCDE, sa contribution aux OMD sera presque insignifiante voire contreproductive car elle ralentira l'action européenne et le leadership mondial. Le premier objectif de l'OMD 8 – « répondre aux besoins spécifiques des pays les moins développés, des pays sans accès à la mer et des petits États insulaires en développement » –  exige surtout une augmentation considérable de l'APD. En raison des politiques italiennes, cet objectif paraît très loin d'être atteint.

 

 

[1] Jason Nardi en a rédigé l'introduction ; "L'Indifférence envers la coopération pour le développement" a été écrit par Tommaso Rondinella ; "Le Financement des plans de développement" par Andrea Baranes (CRBM) et Roberto Sensi (MAIS) ; "La Violation des droits de l'homme à l'étranger" par Alessandro Palchetti (Amnesty International - section Italienne) ; "OMD 3 : Un manque d'initiative en matière d'égalité des sexes" par Beatrice Costa (Coord. Campagna 30 anni CEDAW - Lavori in corsa) et "OMD 7 : Un référendum sur l'eau publique" par Tommaso Fattori (Forum Italiano dei Movimenti per l'Acqua).

[2] La Stampa, "Crisi, nel 2009 picco di imprese fallite" 1er mars 2010. Disponible sur : <www.lastampa.it/redazione/cmsSezioni/economia/201003articoli/52697girata.asp>.

[3] Le taux de chômage en Italie en 2009 a été de 7,8 % par rapport à 6,8 % de 2008. Le taux projeté pour 2010 est de 10,5 %. Voir : EconomyWatch "Italy Economic Statistics and Indicators". Disponible sur :   <www.economywatch.com/economic-statistics/country/Italy/>.

[4] Keynesiano, "Crisi : Duro impatto della recessione sul mercato del lavoro", 29 janvier 2010.

[5] Selon les principaux opérateurs de transfert d'argent pendant la première partie de 2009, les virements ont baissé de 10 à 15 % par rapport à 2008. Voir : Giulio Giangaspero, "Le rimesse dall’Italia in tempo di crisi", Working Paper Cespi, 63/2009. Disponible sur : <www.cespi.it>.

[6] NPR, "Culture of Corruption Creeps into Italian Life", 12 mars 2010.

[7] Anuradha Mittal,  "G8 Summit : Feed the Hungry or Fuel Hunger?" Foreign Policy in Focus, 8 juillet 2009.

[8] Voir : OCDE, Italie : Comité d'assistance pour le développement (CAD) Révision par les pairs 2009. Disponible sur : <www.oecd.org/dataoecd/54/59/44403908.pdf>.

[9] OCDE, "Italy (2009) DAC Peer Review - Main Findings and Recommendations" (2009).

[10] Lors de la Conférence sur la crise financière et économique mondiale en juin 2009, où beaucoup de pays ont été représentés à un niveau ministériel ou supérieur, la délégation italienne a été présidée par un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères.

[12] Amnesty International, Nigeria : Petroleum, pollution and poverty in the Niger Delta, Londres, 2009.

[13] Disponible sur : <www.unece.org/env/water/>.

[14] Disponible sur : <www.ec.europa.eu/environment/water/index_en.htm>.

[15] Grazia Naletto, éd., Rapporto sul razzismo in Italia, Roma :Manifestolibri, 2009.

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Le meilleur élève des néolibéraux et le maillon le plus faible de la crise

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2010
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La Hongrie a été le premier pays d’Europe de l’Est à adopter les recettes du Fonds Monétaire International en 1982. Bien que son niveau ait été bien plus élevé que celui de ses voisins lors de son adhésion à l’économie de marché, c´ est aujourd’hui l’économie la plus faible de la région. Les raisons de ce phénomène sont multiples et les conséquences en sont le va et vient du pays entre des émeutes sociales – si l’on ne change pas d’orientation – et l’effondrement total d’une économie très vulnérable. Le fantôme de l’extrémisme de droite guette dans l’ombre, nourri par le mécontentement populaire.

ATTAC HONGRIE
Matyas Benyik

La Hongrie a été le premier pays d’Europe de l’Est à adopter les recettes du Fonds Monétaire International en 1982. Bien que son niveau ait été bien plus élevé que celui de ses voisins lors de son adhésion à l’économie de marché, c´ est aujourd’hui l’économie la plus faible de la région.  Les raisons de ce phénomène sont multiples et les conséquences en sont le va et vient du pays entre des émeutes sociales – si l’on ne change pas d’orientation – et l’effondrement total d’une économie très vulnérable.  Le fantôme de l’extrémisme de droite guette dans l’ombre, nourri par le mécontentement populaire. 

La Hongrie a un système parlementaire monocaméral dominé par deux partis : le Parti socialiste hongrois et le parti de droite, l’Union civique hongroise.  Les institutions démocratiques semblent solides et il est probable qu’elles continuent à l’être malgré les politiques imprudentes menées par les partis, la rhétorique intolérante, la forte corruption et la radicalisation de la droite politique dont la cible sont les roms, population minoritaire.  L’élite politique s’est consacrée à la calomnie réciproque et elle est prête à mettre en œuvre de nouvelles réformes suivant les impositions du Fonds monétaire international (FMI), mais la population résiste fermement, tel qu’en témoignent d’ailleurs les incidents ayant eu lieu suite à la réforme de l’assurance maladie[1].

Il n’y a pas eu de grandes nouveautés lors de l’intervention du FMI en 2008. Cependant, ce qui diffère par rapport à d’autres crises c’est justement la réponse des Institutions financières internationales (IFI) qui ont soutenu la stabilisation contre l’hystérie sans précédent des finances privées transnationales. Comme l’a signalé l’économiste hongrois László Andor[2], ancien membre du Conseil d’administration de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement : « l’un des objectifs explicites de l’intervention des IFI est celui de prévenir l’escalade de la crise sociale pour protéger les structures des affaires de l’économie hongroise, y compris le rôle significatif que certaines corporations hongroises jouent au niveau régional »[3] 

Vers mi-octobre 2008 on a annoncé un paquet de crédit de EUR 20.000 millions (environ USD 15.400 millions) basé principalement sur des recettes orthodoxes de stabilisation.   À part l’aide à la Hongrie, le paquet était un message pour l’ensemble de la région. Bien que la Hongrie ait été probablement le seul pays à adopter un ajustement procyclique aussi important pendant cette période, le FMI a exigé au début une plus grande réduction du déficit (en octobre 2008). En avril 2009, lors de la prise de fonctions du nouveau Gouvernement, le FMI et l’Union eurpéenne (UE) ont accepté d’augmenter l’objectif du déficit pour 2009 allant de 2,9 % à 3,9 % du PIB, pour atteindre 3,8 % en 2010[4].

Le meilleur élève

À la différence de la plupart des anciennes républiques socialistes qui ont adhéré au FMI et à la Banque mondiale après 1989, la Hongrie a décidé son adhésion en 1982 et, par conséquent, elle a été capable d’avancer sur certaines réformes au niveau du marché n’ayant pas encore été mises en œuvre par ses voisins. De ce fait, le pays est devenu l’élève modèle du néolibéralisme en Europe de l’Est. Malgré cela, la Hongrie n’a pas été capable de se libérer de son énorme dette externe. La Hongrie s’est incorporée au « nouveau système » avec la dette per capita la plus élevée, mais contrairement à la Pologne, le Gouvernement a décidé de ne pas appliquer de schémas potentiels de réduction de la dette. 

Bien que la Hongrie ait été l’état le plus développé parmi les nouveaux membres de l’UE, il reste le pays le plus vulnérable du point de vue financier. Au début de la période de transition, le rapport dette/PIB a augmenté au lieu de diminuer, et le rapport de dette, suivant les critères de Maastricht, s’est réduit (à environ 51 %) grâce à une période extraordinaire d’investissements étrangers directs vers la fin des années 1990[5].

Andor affirme qu’il « existe d’autres raisons pour lesquelles la Hongrie a été le maillon le plus faible de la région lors de la crise financière internationale actuelle ». À partir du moment où le PIB n’a récupéré le niveau de 1989 qu’en 1999, dit-il, les gouvernements successifs ont fait appel à des solutions financières risquées pour améliorer la sensation de bien-être. Un gouvernement a laissé libre cours à d’imprudents schémas de subventions en faveur des constructeurs et des acheteurs de logements ; un autre a augmenté de 50 % les salaires du secteur public. En même temps, un programme ambitieux de construction routière a doté la Hongrie du meilleur réseau routier de la région, générant une forte augmentation de la dette de l’État[6].

La politique monétaire, ainsi que la politique fiscale, a frappé l’économie et a contribué à son inévitable fragilisation. Le paradigme de la cible d’inflation – n’ayant jamais été conçu pour des économies réduites, ouvertes et dépendantes du flux commercial, de l’investissement et des finances externes – a été adopté par la Banque nationale  de Hongrie, la Magyar Nemzeti Bank (MNB) en 2001. La MNB n’a pas abandonné cette orthodoxie même si les banques centrales du monde ont réduit à plusieurs reprises les taux d’intérêt pour essayer d’éviter la récession lors du printemps 2008. Ce n’est qu’en juillet 2009 que la MNB a commencé la réduction des taux d’intérêt. En janvier 2010, le taux d’inflation a atteint 6,4 % alors qu’en 2009 il était de 4,2 %[7].

De même, les mesures nécessaires pour réduire la quantité de prêts en monnaie étrangère aux résidents n’ont pas été prises, malgré l’opinion des observateurs internationaux  qui ont identifié la substitution monétaire excessive comme la source de l’instabilité financière et de l’impossibilité de soutenir le florin. D’après Andor, la Hongrie a été le pays de la région le plus affecté par la dette depuis la deuxième moitié des années 70. Voilà la raison pour laquelle ce pays a été la victime des deux plus grandes crises financières des 30 dernières années. Et c’est aussi pour cette raison que la Hongrie est redevenue la cible de folles spéculations et de retraits de capitaux au début du mois d’octobre 2008, malgré la rigueur appliquée au budget depuis juin 2006 ayant abouti à améliorer considérablement le bilan fiscal (de 10 % environ à près de 3 % du PIB)[8]. Andor affirme que « les mesures d’austérité de la période 2006-2008 qui ont imposé d’énormes sacrifices sociaux et qui ont été insuffisantes pour atténuer les erreurs des cinq années précédentes en termes de possibilités de croissance gâchées, n’ont pas non plus amélioré les conditions générales puisque le niveau de la dette (comparée au PIB) ne s’est pas réduit pendant la période d’application des mesures d’austérité ».[9]

Enjeux

La crise financière représente un enjeu complexe pour la politique économique hongroise et pour la politique en général. Le Gouvernement doit actuellement faire face à certains enjeux importants, et pour les résoudre il doit :

  • À court terme, atténuer la chute de l’économie  et assurer l’expansion de la liquidité.
  • À moyen terme, créer les conditions pour une croissance économique plus dynamique.
  • À long terme, atteindre un consensus pour que le système financier hongrois devienne moins extraverti, de façon à réduire la vulnérabilité de l’économie ainsi que la possibilité de futures crises similaires.

Andor conclut en disant que : « la convergence de la zone Euro sera probablement au centre de ce programme, malgré les exemples de la Grèce et de l’Irlande qui mettent en évidence le fait que l’euro lui-même ne suffit pas à sauver un pays de l’instabilité financière si les déséquilibres fondamentaux ne sont pas éliminés ».[10]

Suivant l’Office central de Statistiques de Hongrie, en 2009 la quantité de personnes au chômage était plus élevée de 28 % par rapport à 2008. Le taux de chômage est passé de 7,9 % à 10,1 % sur un an.  Le Gouvernement doit affronter plusieurs coûts du fait de la perte nette de 98.000 postes de travail : moins de revenus, augmentation des frais pour l’assistance sociale, retraites anticipées et bénéfices du chômage. Outre les coûts supplémentaires pour la société en termes de services de santé, vandalisme et petite criminalité.

Dans ce contexte, certaines mesures d’austérité du Gouvernement – qui vont affecter la plupart des principaux programmes sociaux – vont sans doute aggraver la situation de l’emploi.  Pour ne donner qu’un exemple : les restrictions budgétaires aux programmes d’intégration au marché du travail des personnes handicapées mentalement et psychologiquement vont rendre plus difficile leur formation et, par conséquent, limiter leurs possibilités de trouver un emploi.

Services publics et corruption

La situation ne diffère pas beaucoup pour trois des principales sociétés de transport public, la Société des transports de Budapest, les chemins de fer de l’État et les lignes aériennes hongroises. À leur banqueroute imminente et à leur impossibilité de fonctionner sans l’apport de fonds externes, s’ajoute, dans le cas des deux dernières, la pire des gestions et des administrations corrompues. L’interruption de l’aide financière serait désastreuse.

Au niveau local, les municipalités se trouvent dans des conditions similaires. Certaines se sont déclarées insolvables, d’autres se sont vues forcées de s’endetter pour pouvoir fournir les services de base et d’autres ne peuvent déjà plus fournir les services par manque de fonds.

De plus, malgré les efforts continus du  Parlement pour donner un cadre légal permettant de lutter contre la corruption au plus haut niveau suivant les standards internationaux, rien n’a vraiment changé  dans ce sens[11]. Les enquêtes sur d’anciennes affaires n’ont pas trop avancé et de nouveaux cas apparaissent régulièrement. Le fléau de la corruption est bien plus étendu en Hongrie que dans le reste des pays de l’UE.

L’économie

L’excessive dépendance des exportations est actuellement le principal problème de l’économie. Non seulement aucune mesure visant à changer cette situation n’a été prise mais en plus elle a été favorisée par la valeur inusuelle et injustifiée du florin, le laxisme fiscal et l’existence d’incitations à l’importation, tout ce qui va à l’encontre de la compétitivité de la production nationale.

Les taux d’intérêt excessivement élevés représentent un autre aspect complexe et insondable que le pays a été incapable de surmonter et qui rend difficile, voire impossible, la tâche pour lutter contre la crise économique. Dans ce sens, le FMI joue un rôle central. À chaque fois que le Gouvernement essaie de diminuer les taux d’intérêt, le florin s’affaiblit rapidement jusqu’à atteindre des niveaux alarmants qui obligent la MNB à augmenter une fois de plus les valeurs.  Pour cette raison, l’économie hongroise a fonctionné comme un grand fonds de réserve pour les investisseurs étrangers qui veulent obtenir de grands bénéfices, ce qui n’est plus le cas dans leurs pays.   

La mise en place d’un certain contrôle sur les flux d’entrée et de sortie des capitaux étrangers permet au Gouvernement d’éviter la spéculation monétaire ainsi que l’augmentation excessive des taux d’intérêt. Cependant, ces mesures restrictives de la liberté économique ont été traditionnellement interdites par le FMI auquel le pays a du faire appel pour surmonter sa banqueroute[12]. La menace d’une soudaine dévaluation de la monnaie – dont les conséquences seraient désastreuses pour l’épargne et pour les valeurs immobilières et qui augmenterait la pauvreté de manière dramatique – a mené le pays à une impasse.

La stabilité des prix, essentielle pour une économie performante, n’existe pas en  Hongrie.  Comme conséquence de l’inquiétante augmentation des tarifs d’électricité, de gaz naturel et de la baisse des revenus, beaucoup de familles ne sont plus en mesure de payer ces services malgré les facilités de crédits offertes par les entreprises de services publics qui essaient de continuer à fournir le service.

Le risque du mécontentement

L’énorme impopularité du Gouvernement socialiste actuel et la croissance rapide du sentiment anti-multinational entre la population sont deux des conséquences les plus évidentes de cette situation[13]. Un éclatement social semble imminent à cause de la pression croissante dans chacun des secteurs de la société. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il y aura une mobilisation soudaine de la population pour obliger le Gouvernement à abandonner les directives du FMI et à introduire des réformes d’encouragement économique (les pays ayant imposé les recettes du FMI malgré les protestations, voire les soulèvements populaires, sont nombreux).

Parmi les hongrois, l’insécurité économique a mené d’une part, à l’apathie, et d’autre part à l’extrémisme, tel qu’en témoigne, par exemple, la croissance du parti de l’extrême droite Jobbik. Actuellement, la Hongrie assiste à l’apparition de groupes d’extrême droite et à une forte tendance au révisionnisme historique qui rappelle avec nostalgie l’époque  des mouvements fascistes et leurs symboles. 

L’intolérance des groupes minoritaires et les tendances radicales de la droite se sont intensifiés depuis 2006. Il y a eu des agressions contre les roms, y compris la mort de six personnes et plusieurs attaques armées. La Garde Hongroise – un mouvement nettement xénophobe, antisémite et anti-rom, avec des liens étroits avec le Jobbik – recrute toujours des membres et renforce son système d’autodéfense contre ce qu’ils appellent la « criminalité rom »   malgré sa dissolution et son interdiction décidée par la Cour métropolitaine de Budapest en 2008. 

 

[1] Ce rapport a été préparé en février 2010. Lors des élections parlementaires ayant eu lieu en avril, le Gouvernement socialiste a été vaincu, le parti d’extrême droite Jobbik est devenu plus fort et l’Union Civique Hongroise (Fidesz) a obtenu une victoire écrasante.  Le nouveau Gouvernement a promis beaucoup de changements mais, une fois au pouvoir, il a continué l’agenda néolibéral et les instructions du FMI et de l’UE.

[2] En février 2010, László Andor est devenu le nouveau Commissaire de l’UE responsable de l’Emploi, des Affaires sociales et de l’inclusion.

[3] Lázló Andor, “Hungary in the Financial Crisis: A (Basket) Case Study,” Debatte: Journal of Contemporary Central and Eastern Europe 17, Nº 3 (2009). Disponible sur : <www.informaworld.com/smpp/content~content=a917910016?bios=true&db=all#b917910016>.

[4] Ibid.

[5] La dette suivant les critères de Maastricht est déterminée par des procédures de déficit excessif. Son rapport avec le PIB est l’un des critères pour lesquels les finances publiques des États membres de l’UE sont évaluées.  Consulter : L. Andor,  “Hungary’s boomerang effect,” The Guardian,  29 octobre 2008. Disponible sur : <www.guardian.co.uk/commentisfree/2008/oct/29/creditcrunch-eu>.

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] Andor, “Hungary in the Financial Crisis: A (Basket) Case Study,” op. cit.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] L’un des cas les plus notoires a impliqué le directeur de la MNB, et le Premier ministre actuel, Gordon Bajnai, qui ont transféré une grande partie de leurs fortunes dans des paradis fiscaux.

[12] Récemment, le FMI a reconnu les avantages d’un certain contrôle du capital, mais cela ne va pas favoriser la Hongrie.

[13] Tout ne doit pas rester en mains privées. Voilà ce concept exprimé clairement dans la ville de Pecs située dans le sud, où la municipalité a pris le contrôle des stations d’épuration des eaux, en fermant la porte à la société française Suez. 

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Le mirage de la croissance économique

Publication_year: 
2010
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La situation économique et sociale semble s’améliorer dans les territoires palestiniens occupés grâce à une injection de fonds de donateurs en Cisjordanie, mais la situation générale continue d’être fragile. Ceci est particulièrement vrai pour la bande de Gaza où le siège et le blocus d’Israël se poursuivent, ce qui entrave les possibilités de développement et perpétue une crise humanitaire de plus en plus profonde.

Palestinian NGO Network
Allam Jarrar

La situation économique et sociale semble s’améliorer dans les territoires palestiniens occupés grâce à une injection de fonds de donateurs en Cisjordanie, mais la situation générale continue d’être fragile. Ceci est particulièrement vrai pour la bande de Gaza où le siège et le blocus d’Israël se poursuivent, ce qui entrave les possibilités de développement et perpétue une crise humanitaire de plus en plus profonde.

En dépit du renouvellement de l’aide pour la Cisjordanie de la part des donateurs, qui a produit une augmentation apparente de la croissance économique, le Produit intérieur brut (PIB) réel des territoires palestiniens occupés (TPO) ne s’est pas modifié et la situation économique et sociale reste fragile. Cela est spécialement vrai pour la bande de Gaza où la continuité du siège et du blocus israéliens entravent les possibilités d’emploi et de développement. Depuis que le siège a été imposé en juin 2007, le nombre de réfugiés qui vivent dans l’extrême pauvreté a triplé [1] . Selon l’ONU, 60,5 % des foyers de la bande de Gaza manquent actuellement de sécurité alimentaire[2] .

Au troisième trimestre 2009, le taux de chômage dans les territoires palestiniens occupés est descendu à 31,4 %, une légère baisse par rapport à la même période en 2008. Cependant, parmi les jeunes le chômage atteignait 67 %[3] . Seulement une femme sur sept avait un emploi. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en mai 2008, au moins 70 % des familles vivait avec moins d´un dollar par jour. Au troisième trimestre 2008, 51 % des palestiniens vivait en dessous du seuil de pauvreté (56 % de la population de la bande de Gaza et 48 % en Cisjordanie), dont 19 % dans l’extrême pauvreté.

L’Organisation Internationale du Travail (OIT) attribue cette amélioration à un taux de croissance accéléré et à un taux d’emploi à peine plus élevé, bien qu’il continue d’être exceptionnellement bas selon les normes internationales : environ 15 % tant à Gaza qu’en Cisjordanie[4] . Selon le Bureau central de statistique de Palestine, le taux de chômage en Cisjordanie est de 23 % et de plus de 50 % dans la bande de Gaza[5] . Le taux de chômage à Gaza est l’un des plus élevés au monde.

La bande de Gaza est aussi considérée comme la zone du monde qui dépend le plus de l’assistance ; selon le Programme alimentaire mondial (PAM), plus de 80 % de la population dépend de l’aide alimentaire[6] . Pendant la deuxième moitié de 2008, 33 % des foyers de Cisjordanie et 71 % de ceux de Gaza ont reçu de l’aide alimentaire et les aliments ont représenté environ la moitié de toutes les dépenses des foyers. En mai 2008, l’ONU a calculé que 56 % des habitants de Gaza et 25 % des cisjordaniens manquaient de sécurité alimentaire[7] . En même temps, à Gaza la dénutrition chronique a augmenté durant ces dernières années, atteignant 10,2 %[8] .

Gaza et Cisjordanie : deux réalités

Le blocus israélien de la bande de Gaza, où vivent 1,5 million de personnes, a provoqué depuis 2007 la fermeture de 98 % des opérations industrielles ainsi qu’un grave manque de carburant, d’argent en espèces, de gaz de cuisine et d’autres fournitures essentielles.

L’interdiction d’importer du matériel de construction a rendu impossible la reconstruction de quelque 6400 logements détruits ou sévèrement endommagés lors de l’opération militaire israélienne à Gaza en 2008-09[9] ainsi que la construction d’environ 7500 nouveaux logements dont la population toujours croissante a besoin. Quelque 3500 familles sont encore déplacées[10] .

Le blocus et l’opération militaire israélienne ont détruit l’infrastructure d’acheminement d’eau et d’assainissement : des barrages, des puits et des milliers de kilomètres de tuyaux, entre autres. Les problèmes de santé liés à l’eau sont monnaie courante. Gaza subit aussi une sévère crise électrique. Le réseau ne peut fournir que 70 % de la demande à cause du manque de fonds nécessaires à l’achat de carburant pour l’usine électrique et du manque de pièces de rechange, provoquant de multiples défaillances techniques[11] .

D’autre part, l’économie de la Cisjordanie semble être en train de se développer depuis le début de l’année 2009, en partie grâce à l’affluence de fonds de donateurs mais aussi grâce à l’allègement des restrictions de mouvement et l’atmosphère plus sécuritaire a augmenté la confiance des investisseurs et stimulé l’activité économique. Le Fonds monétaire international a fixé la croissance à 7 %  en 2009[12] .

Gaza : un blocus contre la santé des gens

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’économie instable, le chômage en hausse et le délabrement des services d’énergie, d’assainissement et de santé conduisent à une plus grand détériorarion des conditions de vie et de santé de la population de Gaza.

Dans un communiqué de presse du 1er juin 2010, l’OMS a réitéré sa demande pour qu’Israël permette le libre accès dans la bande de Gaza à l’approvisionnement médical essentiel, tels que les équipements et médicaments, ainsi que davantage de liberté d’entrée et de sortie du territoire pour les personnes qui reçoivent une formation médicale et pour les appareils médicaux devant être réparés[16].

Selon Tony Laurance, directeur du bureau de l’OMS de Gaza et de Cisjordanie, une centaine d’articles d’équipements obtenus par l’OMS et d’autres organisations humanitaires attendent depuis plus d’un an le permis d’entrée à Gaza, parmi eux des appareils de tomographie, de radiographie, de fluoroscopie, des bombes d’infusion, des gaz pour la stérilisation des équipements médicaux, des batteries d’alimentation ininterrompue et des pièces de rechange pour les systèmes de soutien tels que les ascenseurs.

« Il est impossible de maintenir un système d’assistance médicale sûr et efficace dans les conditions de siège existantes depuis juin 2007 » a protesté Laurance.
« Il ne suffit pas simplement d’assurer des fournitures telles que les médicaments et le matériel consommable. Il est nécessaire de disposer d’équipements médicaux et de pièces de rechange et de les maintenir en bon état ».

Le blocus de Gaza affaiblit le système de santé, limite les fournitures médicales et la formation du personnel de santé et empêche que les personnes atteintes de graves problèmes de santé puissent circuler hors de la bande de Gaza pour recevoir des traitements spécialisés.

L’opération militaire israélienne de 2008 - 2009 a endommagé 15 des 27 hôpitaux situés à Gaza et a endommagé ou détruit 43 centres de soins de santé sur les 110 existants. Aucun d’eux n’a été réparé ou reconstruit parce que le blocus comporte l’interdiction d’importer du matériel de construction[17] . Il existe habituellement des difficultés d’approvisionnement pour les médicaments essentiels de l’ordre de 15 à 20 % ; les pièces de rechange essentielles pour de nombreux appareils médicaux sont souvent introuvables[18] .

L’asphyxie du système de santé a interrompu la diminution continue du taux de mortalité infantile enregistrée pendant les dernières années. Il est même possible que le taux ait augmenté à Gaza, où il est 30 % plus élevé qu’en Cisjordanie[19] . Parmi les maladies infectieuses à déclaration obligatoire, les diarrhées liquides aiguës avec émission de sang et l’hépatite virale sont les causes les plus importantes de morbidité à Gaza.

« Les journalistes me demandent souvent si je définis la crise à Gaza comme humanitaire et je réponds qu’elle est bien plus qu’humanitaire. Elle est beaucoup plus grave » , a déclaré Filippo Grandi, commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) [20] . « On peut faire face à une crise humanitaire avec des médicaments et des aliments ; ici la situation est beaucoup plus grave. Il s’agit d’abord d’une crise de l’économie : les gens sont très pauvres. C’est une crise des institutions et des infrastructures. Remettre cela en ordre prendra des années ».

Les services de santé en Cisjordanie se sont aussi améliorés au cours de l’année précédente, grâce à la diminution des restrictions de mouvement ainsi qu’aux efforts du ministère de la Santé palestinien et au soutien de donateurs et autres parties prenantes. Cependant, l’impact du «  mur de séparation » israélien et l’accès limité aux hôpitaux de Jérusalem-Est, vers lesquels le ministère de la Santé a dirigé 50% des cas en 2009, continuent d’inquiéter (voir encadré) [13] .

Mouvement et isolement

La restriction d’accès continue d’être le facteur qui limite le plus la croissance économique. En Cisjordanie, les fermetures sporadiques des postes-frontières et les conditions politiques instables entravent toujours le travail et réduisent la productivité.

Les restrictions d’accès et de déplacements en Cisjordanie, même à Jérusalem-Est, comprennent entre autres, le mur de séparation, les postes de contrôle et d’autres obstacles physiques ainsi qu’un système de plus en plus sophistiqué de permis. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) de l’ONU, le nombre de postes de contrôle et d´ obstacles physiques a dépassé le chiffre de 620 au cours de l’année 2009. Ces empêchements continuent d’asphyxier l’activité économique et d’endommager les réseaux sociaux ainsi que le bien-être de la population.

Les actions des israéliens pour réduire le nombre de palestiniens qui vivent et travaillent à Jérusalem-Est l’isolent chaque fois plus du reste de la Cisjordanie. Les habitants arabes de Jérusalem-Est doivent faire face à beaucoup de formes de discrimination. En Israël le chômage est beaucoup plus important parmi les citoyens arabes et le mécontentement augmente. Une enquête récente de l’université d’Haïfa a montré que 48 % des citoyens arabes d’Israël n’étaient pas satisfaits de leur vie dans l’État d’Israël, par rapport à 35 % en 2003[14]. L’une des raisons est l’annonce de l’intention du Gouvernement israélien de continuer d’étendre les colonies à Jérusalem-Est, en dépit des protestations des organisations de la société civile[15] .

Les enjeux futurs

La grave situation économique, sociale et humanitaire dans les territoires palestiniens occupés lèse les droits des citoyens jour après jour et anéantit toutes les chances de progrès économique.

Tandis que l’aide au développement économique et social est toujours indispensable, l´enjeu principal auquel la Palestine doit encore faire face est l’occupation israélienne. C’est pour cette raison que l’objectif de n’importe quel soutien aux palestiniens, mise à part l’aide humanitaire, devrait être d’aider la communauté palestinienne à réussir un développement national. L´enjeu est de commencer le processus en comptant sur des mécanismes qui assurent l’inclusion et la participation des palestiniens dans l’élaboration de l’agenda de développement. La coopération entre les acteurs locaux et internationaux prendrait un nouvel angle rapprochant ainsi davantage leurs politiques des aspirations et des besoins des gens.

Le processus de développement devrait comprendre des politiques économiques et sociales plus inclusives et en même temps encourager le dialogue et la compréhension entre les peuples de la région. Un développement économique et social qui garantisse le bien-être du peuple palestinien exige une solution politique du conflit fondée sur la création d’un État palestinien indépendant, démocratique et durable, qui coexiste en paix et en sécurité avec tous les pays voisins.

 

[1] Amnesty International, "Gaza asphyxiée : les conséquences du blocus israélien pour les palestiniens", le 1er juin 2010. Disponible sur : http://www.amnesty.org/fr/news-and-updates/suffocating-gaza-israeli-bloc....

[2] FAO/PAM Socio-Economic and Food Security Survey Report 2 – Gaza Strip, novembre 2009. Disponible sur : <www.unispal.un.org/UNISPAL.NSF/0/3C235308657198298525771A00688E0F>.

[3] IRIN News, "OPT: West Bank health and economy up a bit, Gaza down", le 18 mai 2010. Disponible sur : <www.irinnews.org/Report.aspx?ReportId=89169>.

[4] Nouveau rapport de l’OIT sur la situation des travailleurs dans les territoires arabes occupés, le 10 juin 2010. Disponible sur: <www.ilo.int/global/About_the_ILO/Media_and_public_information/Press_releases/lang--es/WCMS_141540/index.htm>.

[5]  Voir : <www.pcbs.gov.ps>.

[6]  "International aid agency: 80 percent of Gazans now rely on food aid", Haaretz, le 3 avril 2007.

[7]  PAM, FAO et UNRWA, Joint rapid food security survey in the Occupied Palestinian Territory, mai 2008. Disponible sur : <www.unispal.un.org/pdfs/RapidAssessmentReport_May08.pdf>.

[8] FAO et PAM, Occupied Palestinian Territory - Food security and vulnerability analysis report, décembre 2009. Disponible sur : <unispal.un.org/UNISPAL.NSF/0/FC44A5D7F00AA567852576960059BEB4>.

[9] Voir : "Pauvres et emprisonnés", Rapport social Watch 2009 : Les gens d’abord. Disponible sur : <www.socialwatch.org/es/node/458>

[10]  IRIN News, op. cit.

[11]  Ibid.

[12]  “Signs of Hope Emerge in the West Bank”, New York Times, le 16 Juillet 2009. Disponible sur : <www.nytimes.com/2009/07/17/world/middleeast/17westbank.html>.

[13]  IRIN News, op. cit.

[14]  Sawsan Ramahi, "Israel's discrimination against its Arab citizens", Middle East Monitor, juin 2010. Disponible sur : <www.middleeastmonitor.org.uk/resources/briefing-papers/1230-israels-discrimination-against-its-arab-citizens>.

[15]  “Netanyahu : "Israel will keep building in Jerusalem" Haaretz, le 15 mars 2010. Disponible sur : <www.haaretz.com/news/netanyahu-israel-will-keep-building-in-jerusalem-1.264791>.

[16] OMS, "Unimpeded access of medical supplies needed for Gaza,” Communiqué de presse du 1er juin 2010. Disponible sur : <www.emro.who.int/palestine/reports/advocacy_HR/advocacy/WHO%20-Press%20statement-June2010.pdf>.

[17] IRIN News, "OPT: West Bank health and economy up a bit, Gaza down", le 18 mai 2010. Disponible sur : <www.irinnews.org/Report.aspx?ReportId=89169>.

[18] Ibid.

[19] Ibid.

[20] Ibid. Pour plus d’information sur le travail de l’UNRWA (OOPS) voir : <www.unrwa.org>.

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Le pétrole ne suffit pas

Publication_year: 
2010
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Si le Yémen, l’un des pays les plus pauvres du monde, ne révise pas sa politique, il n’atteindra pas les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en 2015. La dépendance excessive de l’exportation du pétrole et la faiblesse du reste de son système de production a donné lieu à une économie incapable de répondre de façon adéquate même aux besoins alimentaires de la population. Il est indispensable de diversifier la production agricole, en tenant compte des effets sur l’environnement – surtout de l’épuisement des réserves d’eau – et de protéger et rendre plus compétitifs les produits nationaux. Sur le plan politique, des politiques plus soutenues sur la dimension de genre permettant l’intégration réelle des femmes dans la société doivent être approuvées.

Human Rights Information and Empowerment Centre
Arafat Abdallatif Arrafid

Si le Yémen, l’un des pays les plus pauvres du monde,  ne révise pas sa politique, il n’atteindra pas les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en 2015. La dépendance excessive de l’exportation du pétrole et la faiblesse du reste de son système de production a donné lieu à une économie incapable de répondre de façon adéquate même aux besoins alimentaires de la population. Il est indispensable de diversifier la production agricole, en tenant compte des effets sur l’environnement – surtout de l’épuisement des réserves d’eau – et de protéger et rendre plus compétitifs les produits nationaux. Sur le plan politique, des politiques plus soutenues sur la dimension de genre permettant l’intégration réelle des femmes dans la société doivent être approuvées.

Le Yémen occupe le 140ème rang sur 182 selon l’indicateur  du développement humain créé (IDH) par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Presque 45 % de la population vit avec moins de USD 2 par jour[1]. L’augmentation du chômage a entraîné la stagnation du niveau du revenu par habitant. Son économie se fonde principalement sur le pétrole, alors que les autres secteurs n’ont connu qu’un développement modeste.

Le pays doit faire face à de sérieuses difficultés à cause d’une diminution importante dans la production de pétrole. La participation de cette production dans le budget général de l’Etat est exceptionnellement élevée. Au regard de cette situation, si les autorités du Yémen ne prennent pas les mesures nécessaires pour stopper rapidement la chute de l’économie, l’État sera incapable de faire face à ses obligations dans les prochaines années.

Panorama de la situation actuelle

Le carburant de la dépendance

Selon les statistiques officielles, le pétrole représente 35 % de la production intérieure totale, 70 % du budget de l’État et 90 % de toutes les exportations du Yémen[2]. La participation des autres secteurs productifs comme la pêche, le tourisme et les industries manufacturières ne représente pas plus de 10 % des exportations. Les données officielles montrent que les exportations de pétrole ont baissé, entre 2007 et 2008, de 17,42 millions à 9,46 millions de barils de pétrole, ce qui signifie en termes économiques, USD 522 millions en moins de revenus pour ce secteur. 

 

Selon un rapport de la Banque centrale du Yémen, les revenus de l’exportation de pétrole brut du pays ont enregistré, en 2009, une chute record de USD 803 millions. Ceci a coïncidé, d’après la Banque, avec la diminution  de la partie du Gouvernement dans la production de pétrole brut pendant la période janvier - juillet : 15 millions de barils en 2009 face à 27,3 millions de barils dans la même période de 2008. Le rapport met aussi en relation cette diminution avec l’importante chute des prix internationaux à cause de la crise internationale : de USD 114,6 le baril en 2008 à USD 53,7 en 2009.

 

Autres secteurs

Les secteurs économiques alternatifs au pétrole, comme l’agriculture et l’industrie, ont diminué leur part du Produit intérieur brut, de 43 % en 1990 à moins de 18 % en 2005[3]. Le taux de chômage est passé de 16,7 % en 2007 à 35 % en 2008.

 

Les données officielles montrent que la force de travail du secteur agricole est aux alentours de 54 %, mais la dégradation des sols et la progression de la désertification menacent de détériorer les conditions de vie des travailleurs[4]. La culture du qat – une plante stimulante qui demande plus de vingt millions d’heures de travail par jour et consomme un quart de la force de travail – occupe plus de la moitié de la surface cultivée et absorbe d’énormes quantités d’eau souterraine, dans un des pays qui manque le plus d’eau dans le monde (voir plus bas).

 

La situation de la femme

Bien que les femmes aient réussi à se faire une place en tant que décisionnaires dans les différents organismes du Gouvernement et des partis, elles continuent à être reléguées au second plan et les décisions continuent à être prises par les hommes, comme le montrent les données suivantes[5] :

 

  • En 1990 le droit des femmes à voter, à être candidates et à assumer la fonction publique a été reconnu pour la première fois.
  • En 2001, 2003 et 2006 il n’y a pas eu de femmes membres de la Commission supérieure électorale.
  •  Le taux de femmes inscrites sur le registre électoral a augmenté de 15 % en 1993 à 37 % en 1997 et à 46 % en 2006.
  • Le nombre de candidates aux élections parlementaires est descendu de 42 en 1993 à 21 en 1997 et à 11 en 2003.
  • Lors des plébiscites pour la réforme de la Constitution en 2001 la participation des femmes a été de 30 %.
  • Lors des élections des Conseils de gouvernement de 2001 il y a eu 120 candidates  contre 23.892 candidats. Pour les Conseils des directions 108 femmes se sont présentées alors que le nombre d’hommes a été de  21.924.
  • Il n’y a eu que deux femmes élues pour les législatures de 1993 et 1997 (0,7 % ) et une seule pour celle de 2003 (0,3 % ) .
  • Parmi les 111 membres du Conseil consultatif  seulement deux femmes ont été désignées.

Conflits armés

En plus de nombreuses pertes de vies humaines et d’infrastructure, ces affrontements ont provoqué - d’après des données officielles - le déplacement d’environ 200.000 personnes. En dépit de l’accord entre le Gouvernement et le groupe Al Huti du 11 février 2010 qui a mis fin à six mois de guerre au Sa’dah, les combats ont continué de façon sporadique.  La paix sociale est constamment menacée par les désordres causés par le groupe sécessionniste Mouvement du Sud  dans les provinces du sud, par les affrontements pour les ressources naturelles, par les conflits tribaux et par l’expansion de l’organisation Al-Qaeda.

Le Yémen et les OMD

Education

Le pays possède un taux d’analphabétisme de 58,9 % et un taux de scolarisation dans le primaire et le secondaire d’à peine 56,6 %. C’est à dire que 2,9 millions d’enfants et de jeunes se trouvent exclus du système éducatif parmi lesquels 1,9 million sont des filles[6]. Les statistiques officielles montrent que le nombre d’écoles est de 14.632 mais 20 % d’entre elles ont été fermées ou sont des constructions précaires. Il y a plus de 100 élèves par classe. 

Les travailleurs de l’éducation représentent 54 % de l’appareil administratif de l’État ; cependant, les rapports statistiques montrent que 78,8 % des directeurs d’écoles ne possèdent pas de formation universitaire et que 4,4 % ne possède aucune qualification scolaire. Selon le recensement éducatif de 2003, les femmes représentent 17,5 % du total des enseignants dans le primaire. Le revenu d’un enseignant  avec formation universitaire ne dépasse pas  USD 150 par mois, l’obligeant à rechercher d’autres emplois pour améliorer son niveau de vie.  

Le Gouvernement affirme qu’il destine 17 % du budget général au secteur de l’éducation, alors que les dépenses dans le secteur de la défense et la sécurité dépassent 26 %.

Santé

D’après un rapport officiel du ministère de la Santé, l’accomplissement des buts fixés dans les OMD en ce qui concerne la santé parait très lointain.

Le rapport signale que le budget destiné au secteur de la santé diminue, ce qui entraîne une diminution de la couverture en matière de santé pour les populations les plus vulnérables. Selon le document, il n’y a pas de critères spécifiques en ce qui concerne l’infrastructure, les fonctionnaires, les services, les médicaments, les équipements et les dépenses de fonctionnement. Le nombre de lits dans les hôpitaux et les centres de santé ne dépasse pas 14.000, c’est à dire un lit pour 1600 personnes. Il y a 7300 médecins,  à peine 1 pour 3000 habitants. Les bénéficiaires des services de santé ne sont pas satisfaits du service et les prestataires de service ne sont pas satisfaits du ministère en raison  des bas salaires, du manque de stimulation et des mauvaises conditions de travail. 

Par ailleurs le Yémen se trouve parmi les pays souffrant de la plus grande pénurie d’eau du monde – avec seulement 125 mètres cubes disponibles  par habitant par an – et ses réserves souterraines s’épuisent rapidement. Selon des rapports parlementaires,  la contamination de l’eau est la source principale de maladies et d’épidémies qui touchent 75 % de la population. Une étude de la Banque mondiale montre que les problèmes d’eau s’aggravent dans le milieu rural où vit 81 % de la population[7]. Trente quatre pour cent  des habitants du Yémen boivent de l’eau sans traitement, de puits et de sources sans protection, de petites citernes, de réservoirs mobiles et des eaux superficielles. Soixante pour cent de la population vit dans des zones infestées par le paludisme.

Travail et protection sociale

La constitution et les lois du travail et du service civil s’alignent sur les conventions internationales garantissant à chaque citoyen le droit naturel au travail et le droit à un niveau de vie digne grâce à un salaire juste. Cependant,  pendant les dernières années,  les politiques publiques se sont éloignées de ce principe.  La sécurité sociale couvre tous les fonctionnaires gouvernementaux mais seulement 70.000 travailleurs du secteur privé en conséquence de quoi plus de 4 millions de personnes de la population économiquement active se trouvent sans couverture sociale. Jusqu’à présent il n’existe pas d’assurance maladie.  

L’augmentation de la pauvreté  a déterminé que plus de 500.000 enfants de 6 à 14 ans désertent le secteur scolaire et que la plupart d’entre eux aident leurs parents dans les tâches d’agriculture et de pâturage. D’autres vivent de la mendicité ou sont transportés illégalement dans les pays voisins pour les faire mendier ou les employer comme domestiques.

Effets des accords commerciaux

En 1985 le Yémen a complètement libéralisé son commerce suivant les indications du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.   Le Yémen a alors diminué ses tarifs douaniers – à un  minimum de 5 % et un maximum de 25 % – lésant la compétitivité des produits nationaux face aux importations. Le commerce agricole est en déficit permanent, en conséquence de quoi le pays doit recourir aux importations pour couvrir les besoins alimentaires de la population. Les importations d’aliments représentent 33 % du total des importations et sont une lourde charge pour la balance commerciale et la balance de paiements. 

Le secteur industriel qui se caractérise par sa grande faiblesse et par le manque de fermeté dans l’intégration aux deux niveaux, vertical et horizontal, continue d’avoir une participation marginale dans la formation de la production nationale et dans l’occupation de la main d’œuvre. L’industrie du Yémen fonde sa production industrielle sur l’importation de matière première et intermédiaire. Malgré cette situation, le pays aspire à entrer dans l’Organisation mondiale du commerce fin 2010, en dépit d’être considéré par l’organisation comme non qualifié pour le faire. 

Le rôle des organisations de la société civile

Selon les données du ministère des Affaires sociales et du travail, il y a presque 7000 organisations civiles : plus de 75 % d’elles se consacrent à la charité, distribuent de l’aide  et pourvoient différents services aux familles pauvres. Le nombre d’organisations consacrées aux droits de l’Homme est faible et, de plus, elles travaillent en relation avec les droits de l’Homme en général. C’est ainsi que la même organisation plaide pour les droits de la femme, des enfants, pour les droits civils, politiques et économiques.

En dépit de cela, de nombreux cycles de formation ont été organisés sous forme de  stages, conférences, activités et discussions sur différents problèmes dans le domaine des droits de l’homme. Les organisations de la société civile ont aussi établi des alliances et des réseaux dans le but d’encourager et de faire pression afin d’améliorer certains aspects de la vie politique, civile, sociale, économique et intellectuelle du pays.

Bien que leurs actions n’aient pas eu une grande répercussion publique  – étant circonscrites aux secteurs intellectuels – elles ont influé sur les centres de décision de l’État, tels que le parlement et le Gouvernement central qui ont commencé à exposer et discuter certains problèmes dénoncés par la société civile. De grands changements ne se sont pas produits, mais certains pas ont été faits en ce qui concerne les femmes et les enfants, les personnes handicapées et la promulgation de lois sur la transparence et le combat contre la corruption.

Conclusions

Le Yémen devrait prendre des mesures urgentes visant à modifier radicalement sa forme de production et de distribution de la richesse s’il veut atteindre un développement durable et commencer à s’approcher des buts fixés par les OMD. Pour cela le rôle de l’État est fondamental. Certains experts économiques ont conseillé aux autorités du Yémen, d’une part de réduire progressivement la dépendance du pays des revenus pétroliers – entre 10 % et 12 % – et d’autre part de diversifier les sources de revenus vers d’autres secteurs, avec une participation non inférieure à 10 %. 

Il est donc essentiel de diversifier la production agricole en évaluant et contrôlant les effets sur l’environnement, le plus important d’entre eux étant l’épuisement des faibles réserves d’eau douce. Cette stimulation de l’agriculture n’est pas réalisable si on ne protège pas d’abord, par des mesures fiscales, les producteurs nationaux pour qu’ils puissent être compétitifs dans les mêmes conditions en relation aux importations.

Parallèlement, il faut appliquer des politiques  de genre plus soutenues visant à une intégration réelle des femmes dans les secteurs de l’éducation, de la politique et de l’économie du pays.

[1] Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapports sur le développement humain 2009. Disponible sur : http://hdr.undp.org/en/media/HDR_2009_FR_Complete.pdf

[2] Rapports gouvernementaux et parlementaires de l’année 2007-2008.

[3] Ibid.

[4] Organisme central du recensement, Rapport du recensement 2008.

[5]Commission nationale de la femme du Yémen, Rapport sur la situation de la femme au Yémen 2008.

[6] Organisme central du recensement, op. cit.

[7] « La Guerre de l’eau au Yémen », Yemen Times, le 12 aout 2009. Disponible sur : <www.yementimes.com/DefaultDET.aspx?i=932&p=health&a=1>.

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Le temps (limité) du « bonus démographique »

Publication_year: 
2010
Summary: 
Le Gouvernement ne profite pas de l’opportunité historique de développement que le dénommé « bonus démographique » lui offre pour les deux prochaines décennies. Étant donné que les enfants et les adolescents constitueront un pourcentage de plus en plus important de la population totale, c’est le moment d’investir dans l’éducation des prochaines générations, ce qui permettrait d’augmenter les niveaux de revenus per capita. Les plans pour le développement doivent prioriser la dépense dans l’enseignement public et destiner à ce secteur au moins 7 % du Produit Intérieur Brut (PIB) durant les 10 prochaines années pour pouvoir atteindre les objectifs essentiels. Si le Nicaragua n’investit pas dans l’éducation maintenant, après il sera trop tard.

Coordinadora Civil[1]
Adolfo Acevedo

Le Gouvernement ne profite pas de l’opportunité historique de développement que le dénommé « bonus démographique » lui offre pour les deux prochaines décennies. Étant donné que les enfants et les adolescents constitueront un pourcentage de plus en plus important de la population totale, c’est le moment d’investir dans l’éducation des prochaines générations, ce qui permettrait d’augmenter les niveaux de revenus per capita. Les plans pour le développement doivent prioriser la dépense dans  l’enseignement public  et destiner à ce secteur au moins 7 % du Produit Intérieur Brut (PIB) durant les 10 prochaines  années pour pouvoir atteindre les objectifs essentiels. Si le Nicaragua n’investit pas dans l’éducation maintenant, après il sera trop tard. 

Le Nicaragua souffre d’énormes retards en ce qui concerne le niveau d’enseignement de sa population aussi bien en termes de couverture scolaire que de qualité. De tous les enfants en âge scolaire, seul 86 % sont inscrits dans l’enseignement primaire, et à peine 40 % des enfants inscrit en 1ère année du primaire arrive à la dernière année de ce cycle[2]. Uniquement 45 % des jeunes en âge d’assister au cycle secondaire s’y inscrivent et à peine 44 % des inscrits finissent leurs études[3]. Si l’on considère que le niveau minimal pour dépasser le seuil de pauvreté est le cycle secondaire complet, il n’y a qu’une conclusion possible : le Nicaragua ne prépare pas correctement sa population pour la vie qu’elle devrait avoir.

Cela implique des conséquences très négatives pour le développement du pays en prenant compte particulièrement de la problématique démographique actuelle. D’après le Recensement de la population de 2005[4] la population en âge de travailler (de 15 à 59 ans) est en train d’augmenter rapidement. Entre 1995 et 2005,  ce groupe de population a augmenté de manière inédite de 29,2 % et a maintenu une croissance annuelle de 2,6 %, sensiblement au dessus du 1,78 % de la moyenne de la population totale. En 1990, 46 % des nicaraguayens avaient moins de 15 ans, 49,3 % avaient l’âge de travailler et seulement 4,8 % avaient atteint l’âge de la retraite. Il y avait 1,1 personne en âge de travailler par enfant de moins de 15 ans.

Cependant, aujourd’hui le pourcentage des moins de 15 ans s’est réduit par rapport à la population totale, constituant une chute en termes absolus. En 2005 cela représentait seulement 34,6 %, la population. La population en âge de travailler avait atteint un pourcentage de 56,5 % et les personnes de plus de 60 ans, 5,6 % du total de la population. Cela veut dire qu’en  2005, pour chaque enfant de moins de 15 ans, il y avait 1,53 personne en âge de travailler.

Le plus marquant dans ce processus de changement démographique est la simultanéité de la diminution de la population infantile et de l'énorme augmentation des personnes en âge de s’intégrer au marché du travail.

Le « bonus démographique  » et la réduction de la pauvreté

On estime qu’en moyenne chaque année 118.000 jeunes atteignent l’âge de travailler, ce qui représente la croissance la plus élevée de la population en âge de travailler dans l’histoire du Nicaragua. Ce processus, connu comme « bonus »ou « dividende démographique » est observable aussi bien dans les zones urbaines que rurales, bien que dans ces dernières le processus soit un peu moins marqué.

En termes macroéconomiques, si cette force de travail bourgeonnante trouvait des emplois hautement productifs, il pourrait se produire une accélération du rythme de la croissance économique. Avec la croissance économique et la diminution du taux de croissance de la population, le revenu moyen ou per capita augmenterait en générant – puisqu’il y aurait de moins en moins d’enfants –  la possibilité d’augmenter l’investissement en enseignement par enfant. Ainsi, on combinerait la possibilité de stimuler la croissance économique et de réduire de manière significative la pauvreté.

Un exemple où cette politique a été appliquée avec succès est la Corée du sud. En 1950, ce pays était plus pauvre que la majorité des pays d´ Amérique latine, mais en quelques décennies il a pratiquement éradiqué la pauvreté.

Cependant, pour profiter du « bonus démographique » il ne suffit pas seulement d’avoir une forte croissance de la population en âge de travailler : il faut aussi qu’un important pourcentage de celle-ci s’incorpore effectivement au marché du travail. Une des plus importantes restrictions pour cela est la faible intégration des femmes sur le marché du travail, car elles se voient obligées à s’occuper de leur foyer et particulièrement des enfants. Seulement 36,7 % des femmes en âge de travailler s’intégrer sur le marché du travail[5]. Cela signifie que les 63 % qui restent ne possèdent aucune source de revenu, ce qui limite leur autonomie et la faculté d’influencer l’économie familiale.

Mais ce « bonus démographique » dont les pays du sud-est asiatique ont su profiter pour réduire leur pauvreté sur un laps de temps relativement court et qui leur a permis de se convertir en des pays avec des revenus per capita élevés, implique que les personnes en âge de travailler reçoivent une formation adéquate pour pouvoir occuper des postes de travail formels de haute productivité et bien rémunérés. Et d’un autre côté, que le marché de l’emploi leur offre effectivement ces emplois. 

Bonus ou catastrophe sociale ?

Au Nicaragua, les personnes qui se trouvent déjà actuellement sur le marché du travail ou qui sont en passe de l’intégrer, ont reçu, dans la plupart des cas, un niveau de formation extrêmement faible et déficient. Ceci est observable par la quantité moyenne d’années de scolarisation de la population au delà de 15 ans, qui oscille entre 3,2 y 5,1 années pour les couches sociales ayant les revenus les plus bas[6].

Soixante pour cent des foyers les plus pauvres accueillent 76 % des moins de 18 ans, c.-à-d., la plupart des jeunes du pays. Cela signifie que la plupart des jeunes qui habitent dans les foyers à moindre revenu ont des niveaux de scolarité extrêmement bas. Si nous prenons en compte la forte corrélation existante entre le niveau moyen d’études et le revenu professionnel, la majorité de ces personnes travailleront dans des emplois précaires et informels tout au long des 50 ans de leur vie d’adulte, ce qui les  maintiendra sous le seuil de pauvreté.

Selon le dernier « Rapport sur la pauvreté » de la Banque mondiale pour le Nicaragua, les personnes qui n’ont pas terminé le cycle secondaire, c.-à-d., qui ont moins de 11 ans de scolarisation, sont très certainement condamnées à vivre sous le seuil de pauvreté[7]. C’est lorsqu’elles atteignent 11 ans de scolarité, avec le cycle secondaire complet, que leur salaire dépasse (à peine) le seuil de pauvreté.

L’analyse de la structure du marché du travail montre que 70 % des emplois sont précaires dans le secteur informel. Aujourd’hui, les indépendants ou les personnes travaillant dans des petites unités économiques individuelles ou familiales, urbaines ou rurales, sans aucun accès aux ressources, constituent 65 % des emplois. Ces petites structures occupent 1 à 5 personnes et elles reflètent fréquemment le besoin d’une grande partie des foyers à entreprendre avec leurs moyens, un type d’activité économique pour survivre.

Cette situation est le résultat d’un modèle de développement basé sur les
« avantages comparatifs » qui a prévalu dans le pays depuis deux décennies, dans lequel, même si la force de travail est comparativement abondante, elle est aussi très faiblement qualifiée, ce qui se traduit par des salaires très bas. Voici donc le mécanisme fondamental à travers lequel opère la reproduction intergénérationnelle de la pauvreté et des inégalités.

La plus importante croissance de la population en âge de travailler de l’histoire du Nicaragua constitue l’opportunité démographique qui pourrait lui permettre de surmonter la pauvreté dans une période relativement courte. Mais cette opportunité n’est pas exploitée, en premier lieu, parce que la plupart des jeunes rentrent sur le marché du travail avec des niveaux de formation très bas, ce qui les condamne à avoir de mauvais jobs. En second lieu, parce que seulement 53 % de la population active intègre le marché du travail. Le facteur déterminant de cela est la faible incorporation des femmes. 

Les répercussions de cette négligence vis-à-vis du bonus démographique vont au-delà des conséquences immédiates ou à moyen terme. Le Nicaragua n’est pas seulement en train de gâcher cette opportunité, mais aussi en train de semer une future catastrophe sociodémographique.

Du bonus au désavantage démographique

Au Nicaragua, seulement 20 % de la force de travail est inscrite à la Sécurité Sociale. Ainsi, 80 % des personnes actives qui arrive à l’âge de la retraite, ne dispose d’aucune épargne. Ces personnes âgées dépendront pour survivre de l’assistance de leur famille ou de l’État. Cette dépendance pourrait s’accroître à cause du système de répartition appliqué par l’Institut Nicaraguayen de Sécurité Sociale (INSS), où le paiement des pensions est financé essentiellement par les apports des affiliés actifs. Cependant, dans les prochaines années, le nombre de retraités et le montant des pensions va augmenter jusqu’au point où les cotisations des affiliés actifs ne pourront plus les couvrir.

Selon les informations disponibles (limitées), à partir de 2016 environ, l’INSS ne sera plus capable de faire face à ses obligations de paiement avec ses revenus actuels, ce qui causera un déficit des paiements qui ne fera qu’augmenter progressivement. L’INSS devra alors avoir recours aux réserves techniques accumulées pour faire face à ses engagements, mais on estime que ces réserves seront épuisées au début des années 2020. Il a été proposé de « réformer les paramètres » mais dans le meilleur des cas ceci permettra à l’INSS d’assumer ses obligations durant encore deux décennies.

Dès lors, si la situation ne change pas, dans 25 ou 30 ans, quand la phase de vieillissement de la population aura commencé, les personnes qui seront en âge de prendre leur retraite vont dépendre de plus en plus des personnes actives – dont la quantité aura commencé à diminuer – pour survivre et couvrir leurs besoins.  

En même temps, la plupart des personnes en âge de travailler le feront, très probablement, dans des emplois informels et précaires et seront donc condamnés à vivre dans la pauvreté. Dans ce cas, le « bonus démographique » se sera épuisé puisque le pourcentage des personnes actives, non seulement, ne continuera pas à augmenter par rapport aux non actives, mais le processus commencera à s’inverser : le nombre de non actifs (principalement les personnes âgées) va augmenter de plus en plus par rapport au nombre d’actifs. Cela provoquera une diminution progressive des revenus du travail par personne non active, ou ce qui revient au même, une diminution des revenus per capita des foyers, en raison de l’augmentation de la relation de dépendance, et la période de « bonus démographique » ouvrera la porte à une période de fort « désavantage démographique »

C´est le moment de changer l’avenir

En citant Jorge Campos, fonctionnaire du Fonds de la population des Nations Unies au Nicaragua: « L’opportunité démographique qui s’offre aujourd’hui à nous, sera unique et aura une durée limitée. Pour en profiter, il est impératif d’avoir dès maintenant, des flux d’investissement suffisants et bien dirigés. Il est également impératif d’établir des politiques publiques adéquates pour garantir que les jeunes puissent entrer sur le marché du travail et qu’ils le fassent avec un bon niveau d’enseignement, de formation et de santé. Si cela ne se fait pas à temps, c.-à- d. maintenant, l’opportunité se convertira en catastrophe sociale en raison des taux élevés de chômage, d’insécurité urbaine et d’émigration massive qui vont certainement s’intensifier »[8].

Il est nécessaire d’investir au moins l’équivalent de 7 % du Produit interne brut (PIB) dans le système d’éducation publique[9], de manière à atteindre une série de buts fondamentaux dans le domaine de l’enseignement :

  • 100% d’inscriptions en primaire.
  • Au moins 80 % de réussite du cycle primaire complet.
  • Au moins 75 % d’inscriptions pour le cycle secondaire.
  • Atteindre un niveau moyen de scolarisation d’au moins 9 ans.

 

Pour atteindre un investissement public pour l’éducation à hauteur de 7 % du PIB, il est nécessaire de doubler l’actuel budget du ministère de l’Éducation, ou bien d’arriver à 6 % du PIB au minimum. Mais les projections budgétaires officielles indiquent que le budget de ce ministère, qui a atteint 4 % du PIB en 2009[10] , ne va pas augmenter mais plutôt se réduire dans les années qui viennent, pour atteindre 3,55 % du PIB en 2013. Cette situation lamentable se produira à peine deux ans avant le délai pour l’accomplissement des Objectifs du millénaire pour le Développement (ODM).

Les OMD  prévoyaient qu’en 2015 tous les enfants arriveraient à terminer le cycle complet de l’éducation primaire. A présent, ce délai est discutable mais il faut faire un gros effort d’investissement dans l’enseignement pour changer ce sort. Malheureusement, cette situation semble presque inévitable vu que le pays ne fait pas le nécessaire pour la changer.

Etant donné que la proportion de jeunes est en train de diminuer, il n’y aura plus autant d’enfants et d’adolescents en lesquels investir pour qu´ils puissent sortir le pays de la pauvreté. Le moment d’investir dans la jeunesse et de changer les perspectives de futur est là, sinon il sera trop tard.

 

[1] La Coordinadora Civil (Coordination Civile) réunit près de 600 Organisations non gouvernementales (ONG), réseaux et individus dans tout le Nicaragua.

[2] IPS, "A la caza del último analfabeto" (À la chasse au dernier analphabète), 20 juillet 2007. Disponible sur : <www.ipsnoticias.net/nota.asp?idnews=41582>.

[3] La Prensa, "Nicaragua con bajo acceso a educación secundaria" ("Le Nicaragua avec un faible accès à l’enseignement secondaire"), 14 mars 2010. Disponible sur : <www.laprensa.com.ni/2010/03/14/economia/19086>.

[4] Institut national de statistiques et recensements (INEC), VIII Censo de Población y IV de Vivienda ( "VIII Recensement de la population et IV du logement" ), mai 2006. Disponible.

[5] La Prensa, "Nicaragua desperdicia sus mejores años" ("Le Nicaragua gâche ses meilleures années" ), 16 juillet 2010. Disponible sur : <www.laprensa.com.ni/2010/07/16/nacionales/31702>.

[6] Adital, "Nicaragua en la encrucijada de la ‘transición demográfica" ("Le Nicaragua à la croisée de la ‘transition démographique"), 3 novembre 2009. Disponible sur : <www.adital.com.br/site/noticia.asp?lang=ES&cod=42527>.

[7] El Nuevo Diario, "7% del PIB a Educación nos sacará de la pobreza" ("Un 7 % du PIB pour l’éducation nous sortira de la pauvreté" ), 12 mars 2010. Disponible sur: <www.impreso.elnuevodiario.com.ni/2010/03/12/nacionales/120649>.

[8] Adital, op. cit.

[9] El Observador Económico, "Sociedad Civil demanda 7% del PIB para Educación" ("La société civile demande 7 % du PIB pour l’Education"), 4 septembre 2009. Disponible sur : <www.elobservadoreconomico.com/articulo/846>.

[10] Ibid.

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Le tigre boîteux

Publication_year: 
2010
Summary: 
Le taux de chômage de la Slovaquie a atteint 12,9 % en janvier 2010 en raison des impacts négatifs tant de la crise financière mondiale que des mesures inefficaces adoptées en réponse par le Gouvernement. Bien que le pays ait obtenu de bons résultats par rapport à quelques Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), quelques disparités et questions en suspens subsistent, telles que l’égalité des sexes et l’aide au développement. En même temps le climat social et politique est plongé dans la corruption, la subornation et le copinage. La coalition gouvernementale applique la « tyrannie de la majorité » en réprimant l’opposition politique et en incitant à la discrimination et à l’intolérance.

Slovak Political Institute
Faculty of Economics, Technical University of Košice
Daniel Klimovský

Le taux de chômage de la Slovaquie a atteint 12,9 % en janvier 2010 en raison des impacts négatifs tant de la crise financière mondiale que des mesures inefficaces adoptées en réponse par le Gouvernement. Bien que le pays ait obtenu de bons résultats par rapport à quelques Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), quelques disparités et questions en suspens subsistent, telles que l’égalité des sexes et l’aide au développement. En même temps le climat social et politique est plongé dans la corruption, la subornation et le copinage. La coalition gouvernementale applique la « tyrannie de la majorité » en réprimant l’opposition politique et en incitant à la discrimination et à l’intolérance.

En juillet 2009 dans un article paru dans le Financial Times on lisait : « Le royaume de la Slovaquie comme étant le plus grand tigre économique de l’Europe centrale  est terminé car les exportations ont brusquement chuté, le chômage a augmenté et le déficit s’est accru, obligeant le pays à jouer de nouveau un rôle qu’il croyait avoir abandonné : celui d’un des retardataires de l’Europe centrale[1] ».

En août 2008 le taux de chômage était de  9,9 % mais il a sauté à 12,9 %  en janvier 2010 en raison des impacts négatifs aussi bien de la crise financière mondiale que de l’inefficacité des mesures adoptées par le Gouvernement. Au début de l’année, le nombre des chômeurs inscrits était de 346.379, ce qui signifie une augmentation de plus de 100.000 personnes par rapport à janvier 2009[2]. D’autre part le marché du travail lutte encore contre le chômage de longue durée, problème existant depuis le début des années 90.

Le déficit budgétaire de l’État a été faible les années précédentes  (1,9 % du PIB en 2007 et 2,2 % en 2008) mais le ministère des Finances a déclaré qu’il estimait que le déficit actuel arriverait à 5.5 % du PIB en 2010.

La crise financière mondiale a mis en relief la dépendance de l’économie slovaque envers l’industrie automobile. Tout comme les autres gouvernements de l’Union Européenne (UE), le Gouvernement a annoncé des « primes à la casse »  en mars et avril 2009 afin de réactiver l’industrie automobile locale et de rajeunir  le parc de voitures particulières en Slovaquie.  On a destiné plus de  EUR 55 millions à ce projet subventionnant l’achat de 44.200 nouvelles voitures. Pendant le premier semestre  2009 les ventes ont augmenté de 18,4 % par rapport à la même période en 2008. Selon quelques experts, le projet n’a eu cependant qu’un petit impact sur l’industrie automobile locale[3] (et près de 5.000 primes n’ont pas été utilisées).

L’économie slovaque dépend du commerce international, raison pour laquelle elle ne pourra être relancée que lorsque l’Europe Occidentale, et en particulier l’Allemagne, reprendra sa croissance[4].

ODM : disparités et questions en suspens

La Slovaquie est membre de l’UE et de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), et  d’après quelques indicateurs elle se trouve parmi les pays très développés par rapport aux ODM. Les taux de mortalité maternelle  (6 sur 100.000 naissances) et de mortalité des moins de cinq ans (8 sur 1.000) sont très faibles[5] , le pays a une faible incidence du VIH et du SIDA (110 cas selon AIDSGame)[6] , et l’éducation de base est obligatoire jusqu’à l’âge de dix ans. Cependant  il y a encore trois objectifs à atteindre : promouvoir ­­­­­­­­­­­­­­­­l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes (objectif numéro 3), garantir la préservation de l’environnement (objectif numéro 7), et encourager un partenariat mondial pour le développement (objectif numéro 8).

Quant à l’objectif numéro 3, la constitution interdit toute forme de discrimination entre les sexes. Il y a 29 femmes au parlement, sur un total de 150 sièges[7], 36 entre les 70 magistrats de la Cour de cassation et 2 dans un cabinet de 16 membres. Environ 20 % des maires sont des femmes bien que les huit directeurs des unités territoriales supérieures soient des hommes. Plusieurs ONG et des programmes financés par le Gouvernement offrent des refuges et des services-conseils aux victimes de viol. La prostitution, sur laquelle il n’y a pas de données fiables, est légale, mais l’installation de maisons closes est  interdite, tout comme la propagation intentionnelle des Maladies sexuellement transmissibles (MST) et la traite des blanches[8].

Cependant, la violence domestique contre les femmes constitue un problème grave. Elle est condamnée par la loi, mais des études récentes montrent qu’une femme sur cinq a subi quelque type de violence domestique (bien que davantage de données fiables soient nécessaires à ce sujet). Un autre problème est constitué par l’inégalité sur le lieu de travail : les salaires des femmes sont souvent 25 % plus faibles que ceux de leurs collègues hommes.

Quant à l’objectif numéro 7, début 2010 le Gouvernement a approuvé la clôture du ministère de l’Environnement comme  mesure pour épargner des ressources économiques. Plusieurs experts ont critiqué cette décision parce qu’elle avait été mal planifiée et  par les dommages potentiels qu’elle comporte envers la protection environnementale. Actuellement il y a des preuves évidentes de problèmes potentiels dans un proche avenir (tels que des inondations fréquentes dans les campagnes,  diminution de forêts – planifiées ou accidentelles  – pertes et contamination des nappes phréatiques).

Concernant l’objectif numéro 8, le 4 mars 2009 le Gouvernement a approuvé la Stratégie à moyen terme pour l’aide officielle au développement 2009 - 2013[9]. Les nouveaux pays où des programmes sont mis en œuvre sont l’Afghanistan, le Kenya et la Serbie, alors que les pays n’en étant qu’au stade de projet sont l’Albanie,  la Biélorussie, la Bosnie-Herzégovine, l’Éthiopie, la Géorgie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Macédoine, la Moldavie,  la Mongolie, le Soudan, le Tadjikistan, l’Ukraine, l’Ouzbékistan et le Vietnam. Le document définit avec une plus grande précision cette aide comme un apport à la réduction de la pauvreté et de la faim dans les pays en  développement par le biais de l’aide humanitaire et au développement, aide qui doit être correctement ciblée et efficace.

Lors de sa réunion du 25 août 2009, le comité du projet Slovak Aid a approuvé 26 projets, à savoir : quatre destinés au Kenya et à la Serbie ; trois à l’Afghanistan, le Soudan et l’Ukraine ; deux à la Géorgie, la Mongolie et le Vietnam ; et un à la Biélorussie, le Kirghizstan et la Moldavie.  Un budget total de EUR 4,33 millions a été destiné à ces projets, chiffre inférieur à celui approuvé par le gouvernement dans le plan de mai 2009[10],.

Corruption, subornation et copinage

L’Indicateur de perception de la corruption (IPC) s’est lentement amélioré mais durablement depuis 2000. Pourtant en 2009 les soupçons de liens entre les structures actuelles du gouvernement et les cas de corruption et de copinage se sont généralisé, et la Slovaquie est tombée du 52ème rang au 56ème rang  parmi les pays classés selon cet indicateur[11]. Le premier ministre Róbert Fico et le ministre de l’Intérieur Robert Kaliňák ont allégué que la directrice de Transparency International Slovensko, Emília Beblavá, était l’épouse d’un membre du parti de l’opposition (en même temps sous-secrétaire du Ministère du Travail, des affaires sociales et de la famille du Gouvernement précédent) et que les données n’étaient donc pas fiables.

Pour sa part Transparency International Slovakia a invoqué cinq raisons pour expliquer cette chute : deux partis sur les trois qui forment la coalition de Gouvernement sont dirigés par des politiciens qui ne peuvent  justifier ni leur situation économique ni leur patrimoine ; les contrats publics (aussi bien régionaux que nationaux) sont signés en général de manière non transparente ; les mécanismes de  contrôle autonomes sont insuffisants ; il y a des pôles dans le système judiciaire ; des attaques politiques ont été faites (spécialement de la part des plus hauts représentants de la coalition de gouvernement) contre des militants sociaux et des journalistes, suivies d’obstacles pour avoir accès aux informations[12].

Il y a eu en outre une vague de scandales de corruption[13] depuis 2009. Par exemple, le scandale du « tableau d’affichage » : un appel à des candidats pour signer un contrat de plus de EUR 100 millions qui n’a été publié que sur un tableau d’affichage placé à l’intérieur du ministère du Bâtiment et du développement régional, dans une zone à laquelle normalement le public n’a pas accès. Un scandale a éclaté plus tard  compromettant le ministère de l’Environnement. Il s’agissait de la vente d’autorisations d’émission de carbone à une entreprise étrangère inconnue, créée juste quelques mois avant l’appel d’offre public  et dont le domicile social se situait dans un garage fermé[14].  Il y a eu aussi un cas de financement d’origine incertaine  destiné au parti d’opposition, l’Union démocratique et chrétienne slovaque (SDKÚ), qui a conduit à la démission du dirigeant de l’opposition et ancien Premier ministre Mikuláš Dzurinda[15].

Des doutes ont également surgi par rapport à l’indépendance du système judiciaire quand, l´année dernière, 15 juges ont publié une lettre dans laquelle ils dénonçaient  un abus des procédés disciplinaires contre certains juges qui avaient critiqué l’ancien ministre de la Justice et actuel président de la Cour de cassation, Štefan Harabín[16]. En outre, 105 juges avaient signé auparavant une pétition comportant cinq points pour entamer un débat profond sur l’état des affaires du système judiciaire dans le pays.

Ces  évènements ont donné lieu à de grands débats au sein de la population slovaque et dans les média, alors que la coalition de gouvernement continue d’agir avec la même « tyrannie de la majorité » appliquée en 2007 et 2008[17]   pour opprimer l’opposition et les dissidents en comptant sur les moyens de l’État[18].

Autoritarisme, discrimination et xénophobie

L’un des groupes d’experts les plus respectés en Slovaquie, l’ Inštitút pre Verejné Otázky (Institut pour les affaires publiques) a déclaré que la qualité de la démocratie slovaque était tombée de 2,9 points (sa qualification moyenne en 2008) à 3,3 points  (sa qualification moyenne en 2009). La meilleure qualification serait  de 1,0 et la pire de 5,0. La plus grande détérioration  a été décelée concernant  l’indépendance des média et des institutions démocratiques[19].

La loi de la presse, sanctionnée en 2008 et conçue pour freiner la liberté de la presse,  a provoqué une grande controverse.  Cette loi, condamnée aussi bien par Reporters sans frontières que par l’Organisation pour la Sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ignore la division des pouvoirs. L’article numéro 6 donne au Gouvernement un contrôle direct sur les médias à propos d’une série d’affaires délicates. Le droit de réponse automatique pour quiconque croirait à tort ou à raison, que quelqu’un l’a  diffamé ou insulté, et de grosses amendes pour ne pas avoir publié ces réponses ont déjà limité la liberté de la presse. Plusieurs politiciens de première ligne se sont déjà servis de cet instrument ces derniers mois, raison pour laquelle on le considère un obstacle important pour le journalisme d’investigation.[20]

La discrimination contre les minorités est une autre tendance qui inquiète. Selon le dernier recensement (2001) il y a près de 90.000 roms en Slovaquie, bien que les experts estiment que le chiffre réel se trouve entre 350.000 et 500.000. Le Rapport sur les Droits de l’homme 2009 du Département d’État des États-Unis signale que la discrimination généralisée contre les roms a été constatée dans les secteurs de l’emploi, l’éducation, les services de la santé, le logement et les emprunts.  Beaucoup de leurs campements manquent d’infrastructure formelle, d’accès à l’eau potable et à des systèmes d’assainissement adéquats[21]. Les enfants roms sont inscrits de façon disproportionnée dans les écoles « spéciales » pour handicapés mentaux, malgré des  tests qui diagnostiquent souvent qu’ils rentrent dans les rangs de capacité intellectuelle standard. Même si la prostitution enfantine est interdite, elle continue de constituer un problème dans les campements, où les roms  vivent dans les pires conditions.

Simultanément la violence xénophobe des skinheads et des groupes néo-nazis contre les roms, les membres d’autres minorités et les étrangers continue.  Quelques dirigeants politiques soutiennent indirectement ces actions. Ján Slota, co-fondateur et président du Parti national slovaque – qui fait partie de la coalition de Gouvernement -  attaque à plusieurs reprises les roms[22] ainsi que les gays et les lesbiennes (il les appelle  « malades et scandaleux » ) ;  il a récemment catalogué d’ « imbéciles » des étudiants qui protestaient contre une modification à la loi de l’éducation.

De même en 2009, plusieurs groupes et associations ultra nationalistes (par exemple Slovenská pospolisost´[Fraternité Slovaque]) ont organisé maintes manifestations, réunions et défilés dans tout le pays (spécialement dans l’est, où vit une grande partie des roms) pour diffuser leurs messages d’intolérance contre plusieurs minorités ethniques, religieuses et sexuelles. Pourtant, c´est la coalition de gouvernement qui encourage sans cesse cette atmosphère  nationaliste. Par exemple elle a sanctionné au parlement une polémique modification à la Loi de la  langue de l’État (qui a donné lieu à l’intervention du Haut commissaire pour les minorités nationales de l’OSCE). Le Gouvernement a également sanctionné une modification à la Loi de l’éducation qui établit entre autres qu’il est obligatoire de jouer l’hymne national slovaque une fois par semaine dans tous les instituts d’enseignement publics.

[1] Jan Cienski, “A victim of its own success”, Financial Times, 28 juilliet 2009. Disponible sur: <media.ft.com/cms/df4c1042-7b80-11de-9772-00144feabdc0.pdf>.

[2] Zuzana Vilikovská, “Slovak unemployment rate grows to 12.89 percent in January”, The Slovak Spectator, le 18 février 2010.

[3] Jana Liptáková, “Car-scrapping bonus boosts car sales in Slovakia”, The Slovak Spectator, le 13 juillet 2009. Disponible  sur : <www.iness.sk/modules.php?name=News&file=article&sid=2300> (vu le 12 mars 2010).

[4]Jan Cienski, op. cit

[5] UNICEF, “At a glance: Slovakia”. Disponible sur : <www.unicef.org/infobycountry/slovakia_statistics.html>.

[6] Voir : <www.aidsgame.com/statistics.aspx?statistics=HIV%20COUNT%20BY%20COUNTRY>.

[7] Ce rapport a été terminé le 15 mars, c'est-à-dire quelques mois avant les élections parlementaires de 2010.

[8] Département d’État des États-Unis, 2004 : Bureau of Democracy, Human Rights, and Labor, “2009 Human Rights Report: Slovakia”, en 2009 Country Reports on Human Rights Practices. Disponible sur : <www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2009/eur/136057.htm> (consulté le 13 mars 2010).

[9] Slovak Aid, “Medium-Term Strategy for Official Development Assistance of the Slovak Republic for the years 2009-2013”. Disponible sur : <www.slovakaid.mfa.sk/en/index.php/article/articleview/102/1/2>.

[10] Slovak Aid, “National Program for Slovak Official Development Assistance for 2009”. Disponible sur : <www.slovakaid.mfa.sk/en/index.php/article/articleview/103/1/1>.

[11] Transparency International, “CPI 2009 Table”, en Corruption Perceptions Index 2009. Disponible  sur :<www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi/2009/cpi_2009_table> (vu le 13 mars 2010)

[12] Transparency International Slovensko, “Index vnímania korupcie 2009: Rekordný pád Slovenska v najcitovanejšom svetovom rebríčku o korupcii”. Disponible sur : <transparency.sk/vystupy/rebricky/> (vu le 13 mars 2010).

[13]Beata Balogová, “A year of crisis and scandal”, The Slovak Spectator, le 21 décembre 2009. Disponible sur : <www.spectator.sme.sk/articles/view/37477/11/a_year_of_crisis_and_scandal.html>.

[14] Ibíd.

[15] Beata Balogová, “Old scandal spells new trouble for SDKÚ”, The Slovak Spectator, le 1er février 2010. Disponible sur : <www.spectator.sme.sk/articles/view/37774/2/old_scandal_spells_new_trouble_for_sdku.html>.

[16] Beata Balogová, “Harabin cries foul”, The Slovak Spectator, le 12avril 2010. Disponible sur : <spectator.sme.sk/articles/view/38493/2/harabin_cries_foul.html>.

[17] Daniel Klimovský, “Slovakia: More development aid, though discrimination remains”, Social Watch Informe 2008, 182–3; et “Slovakia: Revising the plans”, Social Watch Rapport 2009, 148–49.

[18] Miroslav Kollár, “Volebná kampaň: Nástup nových médií,” en G. Mesežnikov, O. Európske a prezidentské voľby 2009 (Bratislava: Inštitút pre verejné otázky, 2009), 195–206.

[19] Inštitút pre verejné otázky, “IVO Barometer : Kvalita demokracie v štvrtom štvrťroku 2009: mierny pokles na 3,4”. Disponible (vu le 10 2010).

[20] Reporters sans frontières, “World Report 2009 – Slovakia, 1 May 2009”. Disponible sur : <www.unhcr.org/refworld/docid/49fea99a3d.html> (vu le 5 juillet 2009).

[21] Tomáš Želinský, “Porovnanie alternatívnych prístupov k odhadu individuálneho blahobytu domácností ohrozených rizikom chudoby”, Ekonomický časopis, vol. 58, no. 3, 251-270.

[22]  Roma Press Agency, “Slovak MP Ján Slota insulted Roma people on the International day of the Romas”, communiqué de presse, le 8 avril 2010. Disponible sur : <www.mecem.sk/rpa/?id=press&lang=english&show=18714>.

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Les ODM demeurent inaccessibles

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2010
Summary: 
Depuis trente ans, le Ghana dépend de l’aide étrangère et des institutions financières internationales ce qui a conduit le pays au chômage généralisé, à d’énormes déficits de la balance des paiements et à une faible production industrielle et agricole. La Constitution de 1992 ainsi que d’autres instruments nationaux, régionaux et internationaux offrent un cadre légal et des politiques spécifiques pour améliorer le bien-être et la protection de femmes et des enfants. Cependant, le faible investissement de l´ État en éducation, santé, ressources aquatiques et développement rural montre la faible priorité de ces objectifs. Les possibilités d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) pour 2015 semblent lointaines.

Coalition Social Watch-Ghana

Depuis trente ans, le Ghana dépend de l’aide étrangère et des institutions financières internationales ce qui a conduit le pays au chômage généralisé, à d’énormes déficits de la balance des paiements et à une faible production industrielle et agricole. La Constitution de 1992 ainsi que d’autres instruments nationaux, régionaux et internationaux offrent un cadre légal et des politiques spécifiques pour améliorer le bien-être et la protection de femmes et des enfants. Cependant, le faible investissement de l´ État en éducation, santé, ressources aquatiques et développement rural montre la faible priorité de ces objectifs. Les possibilités d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) pour 2015 semblent lointaines.

L’économie du Ghana dépend totalement de l’aide de la Banque mondiale, du FMI et d’autres donateurs. La majorité de cette aide est liée aux projets choisis par les donateurs, ce qui réaffirme la dépendance et empêche le pays d’investir dans les secteurs les plus critiques qui pourraient améliorer la vie de ses citoyens.

La Stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté (sigle en anglais, GPRS II), le principal outil de développement, établissait les objectifs et les stratégies macroéconomiques pour la période 2006-2009[1]. Son objectif primaire était de faire parvenir le Ghana au statut de pays à revenu moyen pour 2015. Cependant, une étude de l’UNICEF[2] a démontré que les mesures de protection sociale, telles que le Plan national d’assurances pour la santé (sigle en anglais, NHIS), l’Impôt de subvention pour l’éducation ainsi que le programme de transferts monétaire appelé Autonomisation des moyens de subsistance contre la pauvreté (sigle en anglais, LEAP) n’améliorent pas la possibilité des femmes et des enfants d’accéder aux services sanitaires et à l’éducation. Le Ghana occupe la 152ème position de l’indice de développement humain (IDH) de 2009, avec 0,5 point, une réalité qui rend difficile la réalisation des OMD pour 2015.

Recettes et déficit budgétaire

Selon les accords du GPRS I et II, la réussite des OMD constitue une des principales stratégies du Ghana pour essayer de se convertir en un pays à revenus moyens. Cela implique la mobilisation efficace des ressources (revenus de l’État, financement des donateurs et investissements privés). Bien que des fonds de l’initiative des Pays pauvres très endettés (PPTE) et du Compte enjeux du Millénaire (sigle en anglais, MCA) aient été  octroyés à des programmes de protection sociale, le Gouvernement n’a pas mobilisé de manière efficace les ressources et l’éternel déficit budgétaire persiste : 15 % du PIB en 2008, 9,4 % en 2009 et l’on prévoit une réduction à 6,0 % en 2010[3].

Le rapport sur le Budget 2010 signale que « le total des revenus et des subventions a atteint GHS 7,2 milliards  (USD 5,1 milliards) rien que pour l’exercice 2009, ce qui signifie une chute de 3,5 % par rapport au budget prévu initialement », une insuffisance attribuée à la chute de 2,8 % des revenus internes et de 6,5 % de dépenses en subventions. Le budget 2010 prévoit des revenus de USD 6,8 milliards, avec une inflation annuelle de 10,5 %. Ces projections ne se réaliseront probablement pas et le Gouvernement continuera à dépendre des prêts du FMI habituellement accompagnés de
« clauses de dépenses restreintes » pour les programmes sociaux.

En général, Le Financement pour le Développement (FpD) n’arrive pas à répondre aux objectifs fixés en raison des faibles montants des fonds ou du mauvais usage que l’on en fait, dans un contexte macroéconomique instable. La croissance du PIB et l'inflation ont fluctué, notamment en 2008-09. Le potentiel des dépenses publiques pour stimuler la croissance économique par la création d'emplois et l’amélioration des niveaux de vie ne peut pas être surestimée.

Le Ghana a dépassé son objectif de croissance du PIB per capita de  USD 624,36 pour 2008 et a réussi à atteindre USD 712,25[4]. Cependant, l’inflation est passé de 14,8 % en 2005 à 18,1 % en 2008, pourcentage très supérieur au 10 % prévu pour 2008.

L’instabilité économique entrave la consolidation des avancées du développement économique et les pauvres, comme d’habitude, sont les plus affectés par l’augmentation des coûts de la vie. Le Gouvernement, qui allouait des ressources à la réduction de la pauvreté, est allé vers une politique de restriction des dépenses dans plusieurs programmes sociaux. La croissance du PIB est passée de 7,3 % en 2008 à 4,7 % en 2009. Les projections pour 2010 prévoient une décroissance de l’inflation jusqu’à l’intersection de la tendance de croissance du PIB en 2011, ce qui offrira une stabilité macroéconomique et aidera à consolider les réalisations en matière de croissance économique.

Le Gouvernement prévoit la croissance soutenue de ses revenus, passant de USD 5,28 milliards en 2009 à USD 9,3 milliards en 2012, bien que ses estimations soient généralement très optimistes. L’augmentation proviendra des subventions habituelles des donateurs et des revenus du pétrole et du gaz, avec une légère augmentation entre 2011 y 2012. Le rapport budgétaire pour 2010 stipulait la restructuration progressive du régime des impôts, fondamentale pour les plus pauvres qui sont les plus touchés par les impôts indirects.

L’investissement direct étranger

L’Investissement direct étranger (IDE) est devenu une source importante de capital étranger privée et a contribué à développer les ressources humaines. Les flux nets ont augmenté de USD 970 millions en 2007 à USD 2,1 milliards en 2008[5]. Durant le troisième trimestre 2009 il a augmenté de 262 % par rapport au trimestre précédent, ce qui pourrait créer quelque 12 000 postes de travail[6]. L’IDE a envahi tous les secteurs : le secteur minier, la construction et depuis quelques années, l’agriculture sont les secteurs qui ont reçu  les montant les plus importants. L’IDE a créé des emplois, mais son approche commerciale, ses exonérations d’impôts trop généreuses, ses clauses de stabilité et sa dégradation de l’environnement diminuent les bénéfices, particulièrement des plus vulnérables économiquement. Jusque récemment, les compagnies minières payaient un taux de 3 % au titre de droits, taux très inférieur à celui de 10 % pratiqué au niveau international. Les clauses de stabilité ne permettent pas la rentabilité équitable des ressources exploitées. Il est fondamental d’établir des prix justes pour le capital naturel et environnemental.

Les investisseurs sont les plus avantagés par l’IDE. Les analyses comparatives de la période 1960-1990 indiquent que les taux de croissance au sein des pays à faibles ressources ont été de deux à trois fois plus importantes que dans les pays ayant des ressources en abondance[7]. Près de la moitié des 48 pays analysés sont situés dans le tiers inférieur de l’IDH de 2002. Le pétrole a représenté plus de 30 % de leurs exportations entre 1965 et 1995[8].

Les campagnes de mobilisation de la société civile ghanéenne se centrent sur l’adoption de l’Initiative pour la transparence des industries de l’extraction (sigle en anglais, EITI), surtout pour le pétrole et le gaz, et la Loi sur le droit à l’accès à l’information (DAI). Ces deux propositions pourraient améliorer le contrôle du financement pour le développement et veiller sur les pratiques commerciales adéquates et le respect des droits économiques, sociaux et culturels.

L’investissement dans le secteur de la santé

La santé a été principalement financée par des fonds publics, par les cotisations des usagers, les fonds des donateurs et le Plan national de l’assurance santé (sigle en anglais, NHIS). En 2008, le rapport sur la santé a causé une sérieuse préoccupation car les dépenses ont atteint un peu moins que l´objectif de 15 % de la  dépense du Gouvernement convenu lors du Sommet Africain sur le VIH en 2001[9].

Le pays n’a que 1.439 établissements de soins de santé et 1.500 médecins, pour une population de 22 millions d’habitants. La mortalité maternelle continue à augmenter. Les indicateurs de santé reproductive se sont légèrement améliorés ou ont empiré durant les 20 dernières années. Seulement 35 % des accouchements sont assistés par du personnel spécialisé ; 65 % des femmes accouchent chez elles ou cherchent une aide traditionnelle. La mortalité infantile a diminué très légèrement de 64/1 000 nés vivants en 2003 à 50/1 000 nés vivants en 2008[10] alors que la mortalité maternelle a augmenté de 214/100 000 nés vivants en 2003 à 580/100 000 en 2008[11]. Les accouchements en zones urbaines se produisent à 84 % dans des établissements médicaux alors que c’est le cas pour seulement 43 % dans les zones rurales. Dans les régions du nord, le taux de mortalité des femmes enceintes est de 700 pour 100 000 enfants nés vivants. Il est donc chimérique de prétendre que le Ghana puisse réaliser l’OMD 5. Parallèlement, la mortalité infantile se maintient élevée : 120 morts pour 1 000 naissances[12]. D’un autre côté, l’utilisation de méthodes contraceptives modernes est en train de décroître : de 19 % en 2003 à 17 % en 2008[13], ce qui pourrait produire une augmentation des naissances non désirées et des avortements dans de mauvaises conditions, surtout parmi les jeunes femmes.

 Bien que le financement du secteur de la santé ait augmenté de façon graduelle à travers les années, le pourcentage attribué à la délivrance réelle de soin continue à être faible. Environ 90 % est alloué aux salaires et depuis 2006 le montant attribué aux immobilisations a diminué.

Le financement de l’éducation

En 2009, le Gouvernement a révisé le Plan stratégique pour l’éducation 2003-2015 (sigle en anglais, ESP) en réponse à de nouvelles opportunités et de nouveaux enjeux, ainsi qu’à des accords nationaux, régionaux et mondiaux – y compris la Loi sur l’Éducation 2008 (Loi 778), Éducation pour tous (EPT), les Évaluations annuelles du rendement du secteur éducatif (sigle en anglais, ESAPR) et les OMD. Les principes que régissent le nouveau ESP (2010-2020) incluent l’élimination des disparités, celles de genre entre autres, et un système éducatif plus efficient[14].

Des progrès ont été réalisés : en 2007/2008, le Taux brut de scolarisation (TBS) dans l’enseignement primaire a atteint 95,2 %, le taux d’achèvement du cycle primaire a atteint 88 % et la parité de genre a été de 0,96. Le Gouvernement considère que pour 2015 tous les objectifs de l’ESP seront atteints, malgré le fait que ces dernières années les progrès aient ralenti. Par exemple, en dépit d’une augmentation de 8 % du TBS dans l’enseignement primaire entre 2004 et 2008, parvenir à atteindre pour 2012 la Scolarisation primaire universelle (SPU), l’objectif de l’ESP, implique une amélioration annuelle de 3 %, ce qui ne s’est pas produit.

Les progrès en ce qui concerne les objectifs pour les filles ont été particulièrement lents. La parité de genre s’aggrave au fur et à mesure que le niveau augmente. Seulement  32 % des filles sont scolarisées dans l’enseignement secondaire[15]. En 2008, 80 % des garçons ont achevé le cycle primaire contre seulement  76 % de filles. Les facteurs qui déterminent les taux élevés d’abandons chez les filles sont divers, entre autres, le manque d’installations sanitaires appropriées dans 52 % des écoles primaires[16].

Les dépenses en éducation sont passées de 4,7 % du PIB en 2002 à 10,6 % en 2006. Cependant, elles sont redescendues à 8,4 % en 2009. Plus de 92 % du budget est attribué au paiement des salaires, entraînant une grande perte de financement pour d’autres secteurs tels que l’infrastructure, le matériel didactique et d’apprentissage, la formation pour l’emploi et les installations et les programmes spécifiques pour les groupes négligés (les filles pour la plupart). On estime que cet écart s’élève à plus de USD 500 millions[17].

La réponse du Gouvernement à la crise économique mondiale se base sur la réduction des dépenses. Bien que l’éducation ne constitue pas un objectif direct, l’ESP souhaite promouvoir l’efficience dans le système éducatif à travers la suppression de la « culture de la subvention ». Ces stratégies de réduction des coûts imposeront une charge supplémentaire à la population, surtout la plus pauvre, qui est déjà suffisamment frappée par la crise.

Le changement climatique

Tout comme les autres pays d’Afrique subsaharienne, le Ghana a souffert une croissante instabilité climatique, avec des inondations et des sécheresses continues, ainsi que l’augmentation des températures et la concomitante réduction des pluies dans les zones agroécologiques. L’augmentation du niveau de la mer a érodé la côte de trois mètres par an, surtout dans la zone de Keta. Le changement climatique menace le progrès du développement durable, les moyens de vie et la réduction de la pauvreté, tenant compte de l’importance économique de l’agriculture. 

L’agriculture est le secteur qui contribue le plus au PIB (35,7 %) et qui emploie près de 60 % de la main d’œuvre. Près de 52 % des travailleurs agricoles sont des femmes, qui produisent environ 87 % des cultures vivrières. Elles se trouvent parmi les groupes les plus pauvres et vulnérables,  à cause de leur faible taux d’alphabétisation et des restrictions à l’accès et au contrôle des ressources productives. Elles sont hautement dépendantes de l’écosystème  qui leur fournit les aliments, l’énergie, l’eau et les médicaments.

Depuis 2007, certaines organisations de la société civile (GrassRootsAfrica, CARE, ActionAid Ghana, Abantu for Development, FoodSpan Network, SEND Ghana) ont aidé les femmes en zones rurales et les agriculteurs à travers des projets visant à intégrer les stratégies traditionnelles et les connaissances sur le changement climatique aux plans locaux de développement [18].

Recommandations

Dans le but d’accélérer les progrès pour atteindre les OMD, le Gouvernement devra :

  • Se focaliser sur le renforcement de l’économie locale en mettant l’accent sur les investissements dans le secteur social pour promouvoir le respect des droits des femmes et des enfants.
  • Obtenir une proportion plus élevée de ses revenus de manière interne, mais éviter les impôts retombant sur les personnes à faible revenu ; attribuer un pourcentage des revenus du pétrole à l’éducation.
  • Offrir à l’unité pour l’éducation des filles les ressources humaines et financières nécessaires pour réaliser des campagnes efficaces et élaborer des stratégies intégrales et localisées pour améliorer la rétention, les progrès et l’achèvement des études des filles. 
  • Élaborer des indicateurs de changement climatique qui prennent en compte les disparités de genre dans les secteurs du travail formel et informel, l’apport de soins, la propriété de la terre et l’utilisation de l’énergie.
  • Intégrer le changement climatique à la planification pour le développement, en tenant compte des impacts différenciés selon le genre.
  • Combiner l’adaptation nationale ainsi que les mesures de réponses aux moyens de vie et aux enjeux tels que le VIH/SIDA, la dégradation de la terre, la déforestation et la perte de diversité biologique.

 

Cependant, pour que ces actions soient efficaces, d’autres changements doivent s’effectuer. En ce qui concerne le domaine international, il faut intégrer la perspective de genre à la nouvelle structure financière et économique basée sur l’équilibre entre le système productif et les activités sans but lucratif qui sauvegardent l’environnement. De la même manière, la ronde de négociation de l’OMC doit être plus transparente et démocratique, en tenant compte des traitements spéciaux et différenciés, les moyens de vie des personnes, l’égalité des sexes et la durabilité environnementale. 

Les organisations de la société civile doivent continuer à veiller sur la reddition de comptes par le Gouvernement en ce qui concerne le respect des engagements et la transparence dans l’administration financière. De plus, ils doivent travailler conjointement avec les gouvernements et partager les meilleures pratiques pour garantir l’obtention des objectifs.

[1]Commission nationale pour la planification du développement, Implementation of the Growth and Poverty Reduction Strategy 2006-2009; Annual Progress Report 2008 (La mise en œuvre de la Stratégie de croissance et réduction de la pauvreté 2006-2009 ; rapport de la progression annuelle 2008).

[2] Social protection to tackle child poverty in Ghana, (La protection sociale pour lutter contre la pauvreté des enfants au Ghana), Document informatif, UNICEF, février 2009. Disponible.

[3] Ministère de l’Économie et de la planification, Budget Statement and Economic Policy of the Republic of Ghana, Fiscal Year 2010 (Communiqué sur le Budget et  la politique économique de la République du Ghana, Année fiscale 2010).

[4] Commission nationale pour la planification du développement, GPRS II (2006 – 09 ( Stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté – GPRS II, 2006-09). Disponible.

[5] Ibid.

[6] Centre pour la promotion de l’investissement au Ghana, Third Quarter 2009 Investment Report, décembre de 2009. Disponible sur : <www.gipc.org.gh/UploadFiles/Publications/Q3Report2009231209f100202174453.pdf>.

[7]Ministère de l’Économie et de la planification, Oil and Gas Revenue Management International Experience: A Source Book In View of the Broad National Consultation (Expérience internationale sur la gestion du revenu du pétrole et du gaz : un livre source en vue d’une large consultation nationale). GEITI, 2008.

[8] PNUD, Rapport sur le Développement Humain du Ghana, 2002.

[9] Voir : <www.un.org/ga/aids/pdf/abuja_declaration.pdf>.

[10] Enquête démographique et de la santé au Ghana (sigle en anglais, GDHS), 2008.

[11] Enquête sur la santé maternelle 2007, op. cit.

[12] "With six more years to 2015, will MDGs be a dream or reality?" (Encore six ans pour 2015, les OMD seront –ils un rêve ou une réalité ?), Public Agenda, 18 décembre 2009.

[13] GDHS 2003/2008.

[14] Plan Stratégique pour l’Éducation 2010-20 – Vol. 1, Policies Targets and Strategies.

[15] Overcoming Inequalities: why governance matters, (Éliminer les inégalités : l’importance de la gouvernance), EFA Global Monitoring Report, 2009.

[16] Coalition de la Campagne en faveur de l’Éducation nationale du Ghana (sigle en anglais, GNECC), The impact of rural urban divide on quality basic education in Ghana, (L'impact de la fracture urbaine-rurale sur la qualité de l'éducation de base au Ghana), 2009.

[17] GNECC, Ghana Education Financing Brief, (Dossier sur le financement de l’Éducation au Ghana), Octobre 2009.

[18] Rudolf S. Kuuzegh, Ghana’s Experience at Integrating Climate Change Adaptation into National Planning, (L'expérience du Ghana à intégrer l'adaptation au changement climatique dans la planification nationale), 12 novembre 2007.

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Les OMD : un objectif très lointain

Publication_year: 
2010
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The global crisis has demonstrated that if Slovenia is to survive in the new international environment it has to experience social, political and economic paradigm shifts. Regarding development assistance, the country has neither a strategy for development cooperation nor a system to evaluate aid efficiency. Its commitments will be difficult to uphold in the current context where there are national budget cuts in almost every sector. At the same time, and despite the documented success of their grassroots projects, civil society organizations are still considered minor players in the development arena.

Društvo Humanitas
René Susa

La crise mondiale a montré que si la Slovénie veut survivre sur la nouvelle scène internationale, il faut qu’elle fasse des changements dans les paradigmes sociaux, politiques et économiques. En ce qui concerne l'aide au développement, le pays ne possède pas de stratégie de coopération pour le développement ni de système pour évaluer l'efficacité de l'aide. Il sera difficile que la Slovénie puisse maintenir ses engagements dans le contexte actuel où les compressions budgétaires se produisent dans presque tous les secteurs. En même temps, malgré le succès documenté de leurs projets communautaires, les organisations de la société civile sont encore considérées comme des acteurs mineurs dans l'arène du développement.

En 2007, l’élection à la présidence de l'ancien Secrétaire général adjoint aux affaires politiques des Nations Unies, M. Danilo Türk, semblait indiquer que la Slovénie commençait à comprendre l'importance de la dimension internationale, notamment de la coopération internationale, pour avoir atteint certains des objectifs les plus ambitieux de l’actualité. Pourtant, trois ans plus tard, cet espoir est virtuellement épuisé. Les problèmes mondiaux occupent une position extrêmement secondaire dans l'agenda politique, la Slovénie ne respecte pas ses engagements internationaux et le manque de sensibilisation du public sur ces questions, y compris sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), est alarmant, surtout chez les jeunes.

La période de « crise » a prouvé que s’il veut survivre dans le nouvelle scène mondiale, le pays doit réaliser des changements radicaux de paradigmes sociaux, politiques et économiques. Une équipe d'experts dans de différentes disciplines (notamment, l'économie, la philosophie et la protection de l'environnement), en collaboration avec l’ancien médiateur de la république et membre du Cabinet, a préparé un document au titre provocateur : « Où va-t-on après la crise ? » [1], qui réclamait précisément un changement de ce type. Alors que l'article a attiré tout l'intérêt des médias et obtenu l'approbation du Premier ministre et d’une proportion considérable de la population, il a été quasi complètement ignoré lors de la préparation d’une nouvelle stratégie de développement pour la période 2010-2013.

Les paroles et les actions provenant d’une même source fonctionnent rarement en tandem dans la sphère politique de Slovénie, et c’est précisément pour cela que la concrétisation des OMD est si difficile à imaginer. Il semble que le pays n'a tout simplement pas compris qu’il fait partie d’un monde plus vaste et interconnecté.

Coopération pour le développement : pas de stratégie

En 2004, la Slovénie s’est engagée à fournir une assistance internationale. Le fait d’avoir été promue à la catégorie de bailleurs de fonds par la Banque mondiale et son incorporation à l'UE ont eu un impact durable sur la politique d'aide étrangère de la Slovénie. Même si les chiffres ne sont toujours pas très encourageants - en 2009, le pays a consacré 0,15 % du Produit intérieur brut (PIB) à l'Aide publique au développement (APD)[2] – on perçoit clairement une tendance positive au cours de ces dernières années (Figure 1).

Par rapport à 2003, le montant de l'APD en 2008 a augmenté et représente plus du double. Il est à noter qu'une partie considérable de l'APD est constituée de contributions au budget de l'UE : 18,57 millions d'euros en 2007[5]

Vraisemblablement, la Slovénie atteindra l'objectif ciblé de 0,17% du PIB en 2010 et de 0,33% du PIB en 2015, selon les engagements pris dans le cadre du Consensus de Monterrey et du Consensus européen pour le développement. Ces objectifs sont également inclus dans la Résolution sur la coopération internationale pour le développement jusqu’à 2015 (adoptée par l'Assemblée nationale le 11 Juillet 2008) et la Loi de Coopération internationale pour le développement[6]. Toutefois, cet engagement sera difficile à maintenir dans le contexte actuel, vu les compressions budgétaires effectuées dans pratiquement tous les secteurs.

Le montant des aides est aussi important que sa qualité. Des experts d’AidWatch et de l’Inštitut Ekvilib estiment qu’entre 13 et 20% de l'APD est artificiellement gonflé[7]. Les principales critiques sur la qualité de l'APD se référent au manque de transparence dans les processus de prise de décisions, au faible niveau d'inclusion des acteurs de la société civile dans les pays bénéficiaires et à l'absence de projets à long terme, notamment en ce qui concerne les ONG (réaliser des projets sur deux ans n'a été possible qu’en 2010). En outre, le mécanisme destiné à surveiller l'impact de l'APD est insuffisant et la Slovénie ne possède pas encore de plan stratégique pour la coopération au développement. À l'exception de certaines affiliations politiques et historiques, les critères de sélection des pays et des groupes cibles sont pratiquement inexistants.

Eva Marn, présidente de SLOGA (plate-forme de l’ONG slovène), met en exergue plusieurs lacunes importantes dans la coopération pour le développement en Slovénie. Elle signale que ce domaine est relativement nouveau dans la politique slovène et que depuis le début il a été abordé selon une perspective peu professionnelle. Il n'existe aucune agence de coopération au développement, et ce sont des diplomates au ministère des Affaires étrangères (MAE) et non pas des spécialistes du développement qui se consacrent à ce sujet [8]. Pendant ce temps, les diplomates se succèdent et aucun système n’est établi pour mesurer l'efficacité de l’aide.

Alors que l'aide multilatérale a lieu principalement à travers l'UE et les institutions des Nations Unies, l'aide bilatérale est essentiellement axée sur les pays des Balkans et le sud-est de l'Europe. La Slovénie a négocié des accords avec l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, la Moldavie, le Monténégro, la Serbie et l’Ukraine et actuellement elle est en train d’élaborer un accord avec la République du Kosovo[9].

Projets de développement et société civile

En 2008 la Slovénie a été témoin du premier appel public pour présenter des propositions de projets de développement gérés par des ONG. Huit projets ont été sélectionnés pour une valeur totale de EUR 100.000.
On a procédé à un appel similaire en 2009 avec 14 projets approuvés pour un total de EUR 265.000 [10]. Pour la période 2010-2011, EUR 789.868  ont été versés pour 33 projets d’ONG. La plupart des activités (12 d'entre elles) auront lieu en Afrique sub-saharienne, neuf projets auront lieu dans la région occidentale des Balkans, trois en Ukraine et en Moldavie et deux dans d'autres régions du monde. Le MAE a également prêté son soutien à six projets d'éducation globale en Slovénie[11]. C’est la première fois qu'un appel de ce type a été lancé dans des régions hors d'Europe.

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, en 2006, une Loi sur la coopération pour le développement et une résolution ultérieure ont été adoptées, mais n’ont pas encore été mises en œuvre. Bien que la société civile, représentée par SLOGA, était d’abord partiellement impliquée dans le processus, à l’heure actuelle ce n'est plus le cas. Une des conséquences de cette situation est que la situation des ONG n'est pas précisément définie, comme ne l’est pas non plus l’éligibilité pour le financement, qui souvent n’est pas encore appliquée de façon transparente, sujet qui a également été soulevé par les experts de l'Organisation pour la coopération et le développement économique[12]. En outre, le financement pour le développement n’est pas placé sous la même autorité et il n’y a pas de trésorerie disponible pour arriver aux chiffres promis. Les ONG slovènes travaillant sur les questions de développement se sont également plaintes et ont signalé que le MAE ne tient pas ses engagements quand il s'agit de lancer des appels pour présenter des propositions, signer des accords et verser des fonds à temps. Cette absence de réponse entrave un grand nombre de projets.

Les projets des ONG soutenus par le MAE représentent moins de 2% de toute l’APD slovène, ce qui montre que les ONG sont encore considérées comme des acteurs secondaires dans les questions de développement, malgré le succès documenté de leurs projets communautaires.

OMD: une perception très limitée

La Slovénie n'a pas de stratégie claire dans le domaine de l'éducation pour le développement et les questions internationales ne sont pas bien intégrées dans les programmes et dans le calendrier scolaire. Tandis que les ONG et d’autres acteurs clés (les enseignants, les directeurs et les experts) participent activement dans ce domaine, leurs efforts ne sont pas coordonnés. Il est difficile de réussir à inclure ces questions lorsque l’attention est centrée sur des sujets académiques et que l’on ne peut pas compter sur le soutien des institutions compétentes, notamment le ministère de l'Education et des sports[13]

En 1994, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement a recommandé qu'au moins 3 % de l'APD soit consacré à l'éducation sur les questions globales. La Slovénie est loin derrière, avec environ 0,13 % (EUR 60.000) consacré à cet objectif, ce qui est particulièrement préoccupant en raison des récentes conclusions d'une enquête auprès des jeunes (15-24 ans) menée par les ONG Društvo Humanitas et Zavod Voluntariat sur les OMD[14]. Les résultats ont montré que 83 % des jeunes n’ont jamais entendu parler des OMD, ce qui situe la Slovénie très près de la moyenne européenne de 82%. Ces résultats sont très décevants parce qu’il s’agit d’une population qui est encore à l’intérieur du processus éducatif. Plus des deux tiers des participants au sondage ont également répondu négativement lorsqu’on leur a demandé si les OMD seraient atteints en 2015[15].

Les chercheurs ont souligné le manque considérable de communication entre les jeunes, les ONG et le Gouvernement. L'intérêt potentiel des jeunes à coopérer avec les ONG sur les questions de développement communes demeure inexploité. Les faibles taux d'inclusion des jeunes dans les projets et le travail des ONG représentent des obstacles importants à la généralisation de l'intérêt et à la contribution populaire à la concrétisation des OMD.

Selon l'expert en éducation au développement Franci Iskra  - de Društvo Humanitas - une meilleure communication entre tous les niveaux (gouvernement, ONG et la population jeune) pourrait promouvoir un progrès significatif au moins en ce qui concerne la connaissance basique des OMD[16]. Les fonds des ONG slovènes sont limités et leur personnel est insuffisant pour faire face à ce problème de manière efficace. Un autre facteur limitant est la fragmentation des ONG, qui se spécialisent généralement dans un ou deux domaines. Leurs activités sont très diverses et dans de nombreux cas ne contribuent qu’indirectement à la réalisation des OMD. Le Gouvernement a aussi des problèmes semblables à ceux du secteur des ONG dans la mesure où chaque section travaille dans son domaine sans adopter une approche intégrée.

Une autre question essentielle qui se pose est la cohérence des politiques. Cette dernière laisse beaucoup à désirer, pas seulement au niveau de l'UE, où le terme est devenu un mot à la mode, mais aussi à l'échelle nationale. Cela est particulièrement évident si l'on considère la réalisation de l'objectif 7 : assurer la durabilité environnementale. Selon le Dr Dušan Plut, un expert en protection de l'environnement, les niveaux actuels d'émission de gaz à effet de serre et d'épuisement des ressources naturelles[17] en Slovénie sont entre deux et quatre fois supérieurs à ceux considérés comme acceptables au niveau international. En général, le pays continue à accroître sa pression sur l'environnement et son développement économique est partiellement basé sur l'épuisement du capital environnemental. Cependant, malgré les avertissements répétés des principaux spécialistes de l'environnement, des ONG et des évaluateurs externes, le pays continue à opter pour des technologies obsolètes qui sont coûteuses et d’un point de vue énergétique, inefficaces.

Par exemple, une nouvelle centrale thermique fonctionnant au charbon est actuellement prioritaire sur l'agenda politique comme un des piliers des nouvelles sources d'énergie en Slovénie ; ce projet controversé est présenté comme une solution « amicale envers l’environnement ». Ceci est très préoccupant étant donné que le pays a déjà reçu de sérieux avertissements et des sanctions économiques en raison de l'augmentation des émissions de CO2 et du manquement aux accords de Kyoto. Le coût total des sanctions est estimé à EUR 80 millions, c'est-à-dire environ le double du montant de l'APD slovène[18].

 

[1] Matjaž Hanžek et al, Kam po krizi (Liubliana, 7 décembre 2009).Disponible (saisi le 3 mai 2010).

[2]2 Aleš Verdir, “Challenges of international development policies”, (Enjeux des politiques internationales de développement) présenté dans un débat public, ministère des Affaires étrangères (MAE), Liubliana, 16 avril 2010.

[3] MAE, Mednarodno razvojno sodelovanje Republike Slovenije 2002–2004, Liubliana, 2005. Disponible (saisi le 26 avril 2010); MAE, Mednarodno razvojno sodelovanje in humanitarna pomoč, 2009. Disponible (saisi le 26 avril 2010).

[4] Robin Dewa, Priročnik o uradni razvojni pomoči (Liubliana: SLOGA, 2009. Disponible (saisi le 26 avril 2010).

[5] MAE, Proračun EU za programme razvojne pomoči Disponible : <www.mzz.gov.si/si/zunanja_politika/mednarodno_razvojno_sodelovanje_in_humanitar

[6]na_pomoc/proracun_eu_za_programe_razvojne_pomoci/> (entré le 26 avril 2010).

[7]6 Uradni list št.73, Resolucija o mednarodnem razvojnem sodelovanju do 2015 (18 juillet 2008). Disponible sur :  <www.uradni-list.si/_pdf/2008/Ur/u2008073.pdf> (saisi le 26 avril 2010).
Ekvilib Inštitut, Slovenija – AidWatch poročilo in priporočila 2009: Uradna razvojna pomoč Slovenije, Liubliana, 2009. Disponible sur : <www.ekvilib.org/clovekove-pravice-in-razvojno/slovenija-2> (saisi le 26 avril 2010).

[8] Eva Marn, communication personnelle, 2 mai 2010.

[9] MAE, Mednarodno razvojno sodelovanje in humanitarna pomoč ,2009, op cit.

[10] MAE, Izjava za javnost o rezultatih javnega razpisa za sofinanciranje mednarodnih razvojnih in humanitarnih projektov nevladnih organizacij v 2010 in 2011 (2010). Disponible sur : <www.mzz.gov.si/nc/si/splosno/cns/novica/article/141/26654/> (saisi le 27 avril 2010).

[11] MAE, “Rezultati javnega razpisa za sofinanciranje mednarodnih razvojnih in humanitarnih projektov nevladnih organizacij v 2010 in 2011”, 2010. Disponible (saisi le 27 avril 2010).

[12] Ekvilib Inštitut, op. cit.

[13]Johannes Krause, “DE Watch, Annex I – Country profiles,” document inédit, 2010.

[14] Maja Dolinar in Franci Iskra, “A.W.A.R.E. Grid Local report Slovenia,” document inédit, 2010.

[15] Ibid.

[16] Franci Iskra, communication personnelle, 2 mai 2010.

[17] Dušan Plut, Trajnostni razvoj med mavrico teorij in skromno prakso (2010). Disponible sur : <www.planbzaslovenijo.si/upload/trajnostni-razvoj/plut-besedilo.pdf> (saisi le 2 mai 2010).

[18] Keith Miles, “Osemdeset milijonov je evrov težka obdavčitev Slovenije ni pravična”, Finance 150, 2009. Disponible sur.

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Les grands enjeux du futur

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2010
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Aujourd’hui le pays dépend en grande partie de l'assistance extérieure par le biais des relations d'aide bilatérales ou des institutions multilatérales de financement. S’il y a eu une croissance économique au cours de la dernière décennie, cette croissance a eu des effets contraires pour le développement car les inégalités se sont accentuées dans une société déjà vulnérable. Avec un index de pauvreté supérieur à 60 %, le pays est confronté à des problèmes tels que : le logement, l'accès aux soins, l'éducation, les inégalités des sexes. Pour atteindre une croissance et un développement durables, le pays doit arriver à un équilibre entre les intérêts des groupes ethniques et ceux de toute la nation.

Institut pour les Finances Publiques
Dr. Satja Jabar

Aujourd’hui le pays dépend en grande partie de l'assistance extérieure par le biais des relations d'aide bilatérales ou des institutions multilatérales de financement. S’il y a eu une croissance économique au cours de la dernière décennie, cette croissance a eu des effets contraires pour le développement car les inégalités se sont accentuées dans une société déjà vulnérable. Avec un index de pauvreté supérieur à 60 %, le pays est confronté à des problèmes tels que : le logement, l'accès aux soins, l'éducation, les inégalités des sexes. Pour atteindre une croissance et un développement durables, le pays doit arriver à un équilibre entre les intérêts des groupes ethniques et ceux de toute la nation. 

Le Suriname, une petite économie avec 517.000 habitants et une superficie de 164.000 km2[1], a gardé depuis l'époque coloniale une double structure de production  : d'un côté, des produits agricoles de faible valeur et des matières premières produites par les entreprises locales, et de l'autre, des produits de haute valeur provenant de l'industrie minière, tels que la bauxite, l'or et récemment le pétrole, gérés par des multinationales étrangères. Le Gouvernement a donc peu d’influence sur le 85 % des revenus issus des exportations. Le pétrole a été et continue d'être la seule expérience nationale économiquement réussie, même si les télécommunications et le tourisme ont récemment apporté une contribution de plus en plus importante au revenu national.

Depuis son indépendance en 1975, le Suriname a reçu ou emprunté des millions de dollars américains par le biais des relations d'aide bilatérales ou les institutions financières multilatérales comme la Banque interaméricaine de développement (BID). L'aide hollandaise a par exemple représenté près de USD100 millions  par an depuis l'indépendance, sauf pendant les périodes de gouvernement militaire, et le total de l'assistance de la Commission européenne (CE) depuis 1975 est estimé à USD 203 millions. Cet argent, auquel s'ajoutent les dépenses du budget national, s’est traduit par une forte croissance économique pendant les cinq dernières années.

Cette croissance a eu toutefois des effets contraires sur le développement, étant donné qu'elle a accentué les inégalités au sein d'une société qui était déjà vulnérable. Le Suriname se trouve au 97ème rang sur 182 pays selon l'Indice de développement humain (IDH) 2009 du PNUD, avec un IDH de 0,769. Il occupe en outre le 46ème rang sur 135 pays selon l'Indicateur de pauvreté humaine (IPH), avec une valeur de 10,1 %. Son rapport sur l'évolution des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) 2005 signale qu'en 1999-2000 plus de 60 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté[2]

Le Gouvernement emploie environ 40 % de la population active, devenant l'employeur le plus important du pays. Ceci exerce une énorme pression sur ses finances, étant donné que les salaires représentent une moyenne de 80 % des dépenses ordinaires, laissant peu de marge pour d'autres dépenses comme les télécommunications, la formation et les transports[3]. Il existe un legs historique de l'État qui nomme des fonctionnaires publics afin d'établir sa légitimité et son pouvoir, et la restructuration du Gouvernement a été une priorité politique pendant des décennies. Le secteur privé est en général  petit et faible ; il est composé à 90 % de petites entreprises familiales qui emploient entre une et dix personnes[4].

Des enjeux sociaux partout

Le Suriname est confronté à de nombreux problèmes sociaux, dont l'accès inégal à l'éducation, surtout dans les zones les plus pauvres. La faible préparation des maîtres et la mauvaise qualité des écoles et des ressources d'apprentissage ne contribuent pas à combattre l'inefficacité du système d'enseignement primaire, où plus de 40 % des élèves prennent sept ans ou plus pour achever un cycle de six ans et où seulement 50 % d’entre eux réussissent l'examen final. Ceci en dépit du fait qu’environ 6,5 % du PIB et 15 % des dépenses ordinaires du Gouvernement sont consacrés à l'éducation[5]. Cette inefficacité est due au manque d’aides pour un apprentissage de qualité, à des plans d'études caducs, avec une faible formation professionnelle des maîtres, des professeurs peu compétents et une mauvaise qualité des systèmes d'examen et de sélection[6].

Le secteur de la santé au Suriname doit faire face aujourd’hui à de graves difficultés. Plus de 30 % de la population n'a pas d'assurance maladie ou de couverture médicale[7]. Ceci a obligé le ministère de la Santé à concevoir un plan d’assurance maladie général qui est encore en discussion. L'accès à l’eau et à l'assainissement est aussi inégalitaire. La pollution par le mercure liée aux activités d'extraction d'or à petite échelle dans l'intérieur du pays, l'emploi excessif de pesticides sur les terres agricoles des zones rurales côtières et la pratique généralisée du rejet des eaux usées dans les rues et les canaux représentent une grave menace pour la qualité de l'eau potable.

Le logement est un autre enjeu majeur. Certaines situations sont comparables aux bidonvilles d'Amérique latine, avec des gens habitant des logements illégaux situés sur des terres qui ne leur appartiennent pas. Dans ces zones il n'y a pas d'eau courante ni d'installations sanitaires ou électriques, et le manque d'opportunités d'emploi entraîne un taux élevé de criminalité. Les estimations pour l’année 2008 montrent un déficit de 30.000 logements sur un total estimé de 120.000 foyers au niveau national[8]. Cela signifie que 25 % des foyers manquent d'un logement approprié.

Une dépendance vis-à-vis de l'aide extérieure au développement

La BID gère deux programmes de prêts dans le pays (20 % de prêts, 80 % de dons) pour augmenter l'offre de logements. Avec le premier programme, le Programme de logement pour les familles à faibles revenus, environ 1.155 logements neufs et 2.512 rénovations ont été financés, y compris une subvention pour les prestataires. Ce programme favorisait les femmes car environ 60 % des foyers de Paramaribo, capitale du pays, sont à la charge de femmes[9]. Il y avait cependant un facteur contraignant : beaucoup de gens ne disposaient pas d’un titre de propriété du terrain sur lequel allaient être construits les nouveaux logements. La BID a aussi mis au point avec le Gouvernement un programme à long terme pour améliorer l'éducation.

Le pays donateur le plus important, les Pays -Bas, a financé un programme de microcrédits. Son but est de stimuler l'initiative micro-entrepreneuriale et d'inciter les femmes à présenter des demandes. Plus de USD 123 millions sont également investis en infrastructures physiques, comme l'amélioration des routes, l'éducation, le renforcement de la capacité entrepreneuriale, l'information et le registre du cadastre.

Comme cela apparaît ci-dessous, on attendait que l'assistance des donateurs joue un rôle important (19 %) dans le total des revenus du Gouvernement en 2009. Le Plan pluriannuel de développement 2006-2011 du Suriname prévoit que 50% de son financement proviendra de l’Investissement direct étranger (IDE)[10]. Les revenus du pays devront toutefois augmenter pour que l'on puisse accéder à un développement et à une croissance indépendants. L'assiette fiscale doit être élargie par l'introduction, par exemple, d'un impôt sur le patrimoine, ce qui n’a pas été fait pour des raisons politiques.

Égalité des sexes

La question de l'égalité des sexes mériterait plus d'attention de la part du Gouvernement mais il n'existe aucune politique nationale d'action dans le domaine. Dans une déclaration auprès de la Commission de la condition de la femme de l'ONU, le ministre de l'Intérieur Maurits Hassankhan a reconnu qu'il existait encore beaucoup de défis  à relever concernant l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes : « Outre l'insuffisance des ressources financières, nous devons aussi faire face à des enjeux concernant l’incapacité des fonctionnaires du Gouvernement et de la société civile, y compris les ONG. Le manque de données détaillées et d'analyses limite la conception et la mise en place de politiques orientées vers l'amélioration de la situation et des droits des femmes, et limite en outre notre propre capacité à mesurer les progrès faits dans l'assignation des ressources du pays »[11].

Les enjeux du futur

Le Suriname est confronté à quatre enjeux majeurs. Le premier est sa dépendance vis-à-vis des donateurs pour les projets de développement car l'assistance officielle pour le développement ne continuera pas éternellement. Le second relève du fait qu’environ 80 % du revenu des exportations provient des produits miniers (pétrole, or, bauxite et alumine), qui sont des ressources non renouvelables. La planification pour le futur devra donc inclure le développement de produits durables.

Le troisième enjeu est le renforcement institutionnel. Au sein du Gouvernement il y a toujours eu plusieurs institutions faibles ou inexistantes. Sous la pression des relations internationales, des institutions multilatérales comme le FMI et la BID et de son principal donateur, les Pays-Bas, le Suriname s'est vu contraint d'adopter l’approche du « marché libre»  pour la croissance et le développement. Cela exige la mise en place de plusieurs mécanismes et institutions pour la création et le contrôle du marché et pour le règlement de la concurrence qui, ou bien ne sont pas en place aujourd’hui, ou bien sont très faibles.

Le quatrième enjeu, enfin, est de trouver un équilibre entre les intérêts des groupes ethniques et ceux de la nation prise dans son ensemble. À peu d'exceptions près, les partis politiques se sont longtemps fondés sur l'ethnicité, et la politique a été utilisée pour fournir aux membres d’un groupe ethnique en particulier des emplois, des revenus, des terres, des cartes d’assurance maladie et l’accès à d'autres facteurs de production. Cette concurrence ethnique est un obstacle dans le chemin vers une gestion efficace et effective du Gouvernement et de la gouvernance. 

 

[1] Bureau général des statistiques, Annuaire statistique 2008.

[2] Gouvernement du Suriname et Équipe de l'ONU dans le pays, Suriname MDG Baseline Report 2005. Disponible sur : <www.undg.org/archive_docs/6945-Surinam_MDG_Baseline_Report.pdf>.

[3] Ministère des Finances, Notes financières, diverses années.

[4] Iwan Poerschke, “Quick Scan of Small Entrepreneurs in Surinam”, décembre 2009.

[5] Ministère des Finances, Bureau central de comptabilité, divers rapports budgétaires.

[6] VVOB (Association flamande pour la coopération au développement et à l'assistance), Une éducation pour le Développement, “Surinam : Building the Ship of Educational Reform.” Disponible sur : <www.vvob.be/vvob/files/annual_report_vvob_2008_LR_only_Surinam.pdf>.

[7] Organisation panaméricaine de la santé (OPS), Health in the Americas 2007, Volume II–countries, Washington DC, 2007.

[8] Felipe Morris, “Surinam Housing Market Study,” BID, le 14 août 2008.

[9] Bureau général des statistiques, Enquêtes sur le budget des foyers.

[10] Département d'État des États-Unis, “2009 Investment Climate Statement – Surinam”. Disponible sur : <www.state.gov/e/eeb/rls/othr/ics/2009/117147.htm>.

[11] New York, le 27 février 2008.

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Loin des OMD mais bien près d’un fort mouvement populaire

Publication_year: 
2010
Summary: 
Le pays devra faire face non seulement au recul que suppose en toute chose un coup d’État, notamment en matière de violations des droits humains, mais il devra aussi affronter la répression exercée sur les femmes par les forces du Gouvernement de facto. Même si les réactions du mouvement populaire n’ont pas tardé à se manifester et qu’un Front national contre le coup d’État se soit constitué, il n’existe pas de volonté politique d’atteindre le but proposé par les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Étant donné ces circonstances, le pays a besoin d’un remaniement complet et non d’une simple action de réformisme.

Centro de Estudios de la Mujer Honduras
Suyapa Martínez
Ana Ferrera

Le pays devra faire face non seulement au recul que suppose en toute chose un coup d’État, notamment en matière de violations des droits humains, mais il devra aussi affronter la répression exercée sur les femmes par les forces du Gouvernement de facto. Même si les réactions du mouvement populaire n’ont pas tardé à se manifester et qu’un Front national contre le coup d’État se soit constitué, il n’existe pas de volonté politique d’atteindre le but proposé par les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Étant donné ces circonstances, le pays a besoin d’un remaniement complet et non d’une simple action de réformisme.

Suite au coup d’État du 28 juin 2009 – perpétré par l’oligarchie hondurienne avec l’appui des secteurs de l’extrême droite la plus radicale d’Amérique latine et des États-Unis d’Amérique, qui a renversé par les armes le président constitutionnel de la République légitimement élu, Manuel Zelaya Rosales –, les Honduriens et Honduriennes poursuivent leur résistance dans les rues. Zelaya avait entrepris d’encourager une série de mesures auxquelles les entreprises privées se résistaient vivement, telles que l’augmentation du salaire minimum, qui est passé de 176 USD à 285 USD[1], et la signature d’adhésion à l’Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA), qui avaient éveillé de grandes expectatives dans les secteurs populaires principalement, car elle prévoyait l’assistance médicale, une aide éducative, des dons de machines agricoles et  de matériel.

L’adoption de l’initiative Petrocaribe est une des mesures mises en œuvre par le gouvernement de Zelaya. Elle a permis l’achat de pétrole financé à long terme à des taux d’intérêt très bas. L’épargne obtenue grâce à cette initiative a permis d’ouvrir un fonds de fiducie destiné à financer des projets de développement social. Ces lignes d’actions ont rapproché chaque fois plus Zelaya des secteurs populaires du pays, et l’alliance entre eux se scella lorsqu’il fut décidé de convoquer  une consultation populaire appelée la "quatrième urne".

Dans le cadre de ce rapprochement, le président décida de proposer une réforme de la Constitution, car certains de ses articles dénommés "artículos pétreos" ne permettent pas aux citoyens de participer de façon effective aux prises de décisions ni à l’adoption de solution pour les problèmes locaux et nationaux. Il se réunit pour cela avec les différents secteurs et même avec les partis politiques. De ces sondages surgit l’idée de créer une Assemblée nationale constituante et de placer une "quatrième urne" lors des élections du 29 novembre pour demander au peuple hondurien s’il désirait la convocation d’une Assemblée nationale constituante pour rédiger une nouvelle Constitution[2]. La consultation populaire se transforma en un sondage d’opinion qui devait avoir lieu le 28 de juin, jour où le coup d’État eut lieu.

Les réactions du mouvement populaire ne se firent pas attendre. Le jour même du coup d’État, le peuple descendait dans la rue et des manifestations furent menées en permanence pendant plus de 200 jours. Le Front national contre le coup d’État a été créé, on le connaît aujourd’hui sous le nom de Front national de résistance populaire (FNRP).

En novembre 2009, à l’issue des élections très controversées qui se sont déroulées au milieu de violations constantes des droits humains et avec un niveau de militarisation élevé – comme en Iraq –, le candidat du Parti national, Porfirio Lobo Sosa, a été élu. Il a été, de même que les dirigeants du Parti Libéral, un acteur intellectuel et matériel du putsch.

La gestion du gouvernement du président Lobo s’est caractérisée par la recherche de la reconnaissance internationale, sans parvenir cependant à s’incorporer dans les institutions régionales stratégiques telles que le SICA et l’OEA. Si dans le discours du président prône le désir de réconciliation et de dialogue, les faits démontrent le contraire : il fait adopter sans consultation préalable la Loi de Vision de pays et le Plan de la nation, l’intégration de la Commission de la vérité de façon unilatérale et il ne reconnaît pas la légitimité du FNRP.

Face à cette situation, la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) a manifesté sa préoccupation quant au fait que le haut commandement de l’armée ou des ex-membres contre lesquels des plaintes ont été déposées pour avoir participé au coup d’État, occupent aujourd’hui la direction d’institutions publiques dans le gouvernement de Porfirio Lobo. Ainsi, le général de division Venancio Cervantes – qui était sous-chef d’État Major général des Armées  au moment du putsch – est aujourd’hui directeur général  du Bureau des migrations et des affaires étrangères ; le général de brigade
Manuel Enrique Cáceres est directeur de l’Aéronautique civile ; l’ex-général Nelson Wily Mejía est à la tête de la Direction de la Marine marchande et l’ex-général Romeo Vásquez Velásquez – comandant en chef des Forces armées au moment du coup d’État – est directeur général de l’Entreprise hondurienne des Télécommunications[3]. D’autres ont conservé leur poste, tel est le cas du procureur de la République et des magistrats de la Cour suprême de justice, qui ont participé matériellement et intellectuellement à la rupture de l’ordre constitutionnel du pays.

Sept mois après le début du gouvernement de Lobo Sosa, la polarisation politique nationale subsiste et des fronts de lutte populaire s’ouvrent dans différents secteurs. Tel est le cas du secteur de l’enseignement primaire –  80 % des enseignants sont des femmes – qui s’est vu obligé à défiler dans les rues pour éviter la privatisation de l’Instituto de Previsión del Magisterio (la caisse de prévoyance et de retraite des instituteurs), et à protester pour que ne soit pas adoptée la loi générale relative à l’éducation qui prétend éliminer de l’école publique les classes maternelles et l’école primaire.

Un autre front est celui qu’ont ouvert les organisations de femmes appartenant au mouvement Feministas en Resistencia (surgi après le coup d’État), qui ont vu leurs progrès en matière de droits de la femme menacés lorsque, par exemple, l’administration putschiste a émis des décrets interdisant les pilules contraceptives d’urgence et a réduit le Plan d’égalité des chances et d’égalité entre les genres.

Au milieu de toute cette convulsion sociale le FNRP gagne en force : il intègre toutes les organisation du mouvement social hondurien dans l’objectif commun de convoquer une Assemblée nationale constituante qui rédige une nouvelle Constitution tenant compte des femmes, des jeunes, de la population d’origine africaine, des indigènes et des autres collectivités qui historiquement avaient été exclues, dans l’espoir de voir le pays progresser vers sa refonte grâce à ces transformations.

Impact économique du Coup d’État

En 2009 l’économie nationale a été doublement secouée. D’une part, elle a été frappée par la crise économique mondiale qui s’est accompagnée d’une réduction des devises versées par les émigrés à leur famille et la perte d’emplois dans le secteur de la maquila (composé d’usines qui importent et manufacturent sans payer d’impôts des produits destinés à être réexportés). D’autre part, elle a reçu l’impact de la crise provoquée par le coup d’État.

En 2009 on estimait qu’avec les mesures prises par le gouvernement de Zelaya dans le cadre du plan anti-crise, l’économie hondurienne aurait une croissance de 2 % ou 3 %[4]. Mais à la suite du coup d’État la communauté internationale a pris des mesures de pression économique et a gelé les fonds de la coopération internationale – environ 500 millions d’USD – bloquant simultanément tout accès au crédit des organismes multilatéraux. L’impact produit par cette mesure sur le budget public a été important, car le financement extérieur représente 16,4 % du budget géré par l’Administration centrale et 56 % des fonds destinés à l’investissement public[5].

Une autre réalité post-putschiste qui a aggravé la situation du pays provient de la fermeture de 60 % des commerces et des entreprises de production, pendant environ deux semaines. Ceci a provoqué, selon l’estimation de la Chambre de commerce et d’industrie de Tegucigalpa, des pertes d’environ USD 52,6 millions. La présence de la résistance dans différents points de la capitale et du nord du pays, a supposé des pertes d’au moins USD 6,6 millions, auxquelles il faut ajouter celles provoquées par la fermeture des frontières, mesure de pression effectuée par une partie des pays d’Amérique centrale, soit un total d’environ USD 3 milliards [6].

Les activités économiques qui ont le plus souffert de la situation sont le bâtiment et le commerce. Ne serait-ce qu’au mois de juillet, l’activité du bâtiment a chuté d’environ 50 % et le commerce de 11 % et au mois de septembre elle est descendue à 17 %[7]. De janvier à novembre la dette interne a augmenté de USD 505,5 millions, dont les deux tiers correspondent à l’administration du gouvernement de facto[8].

Recul en matière des droits humains

Alors que la crise financière internationale a entraîné de sérieuses difficultés pour le pays, les évènements du 28 de juin ont marqué un net recul en ce qui concerne les Droits humains. Plus de 86 personnes ont été assassinées entre le 3 juillet 2009 et le 20 de juin 2010, pour s’être opposées au coup d’État. Parmi elles figuraient 9 femmes et 20 membres de la communauté lesbienne, gay, transsexuelle, travestie, bisexuelle et intersexuelle[9]. Autre mesure de répression : plusieurs moyens de communication ont été fermés.

Des assassinats commis par des tueurs à gage ont lieu tous les jours : « Au cours de l’année 2010, au moins sept journalistes ont été assassinés au Honduras pour des motifs que l’on pourrait associer à l’exercice de leur profession »[10] ; de même, en mai 2010, neuf dirigeants du mouvement populaire avaient été exécutés.

Lors des manifestations réalisées par la résistance hondurienne, les femmes ont été victimes de différents types d’agressions sexuelles – elles ont été attaquées au gaz, frappées à coups de gourdins et même forcées sexuellement dans le but de les humilier pour leur opposition au coup d’État. Sur les 240 cas dénoncés, 23 femmes ont dit avoir été l’objet de différents types d’agression sexuelle – dont sept viols commis par des militaires[11].

Parmi les reculs en matière d’institutionalité on observe ceux des mécanismes pour la promotion et la défense des Droits de la femme qui se sont produits dans le cadre du coup d’État, mais qui ne se sont toujours pas inversés depuis : les coups de ciseaux effectués par l’Administration putschiste dans le deuxième Plan d’action pour l’égalité et l’équité entre les genres sur des aspects importants relatifs aux six axes de droit, notamment ceux qui concernent la santé sexuelle et reproductive, la violence à l’encontre des femmes et de la participation politique, le décret exécutif interdisant la distribution et la vente des pilules contraceptives d’urgence et l’approbation des réformes de la Loi des municipalités, qui transforme les Bureaux municipaux de la Femme en espaces d’attention sociale pour tout public.

Les OMD et les femmes

L’OMD nº 3 contemple la possiblité de promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes pour l’année 2015. Bien que nous puissions observer un net progrès quant à l’alphabétisation des femmes de 15 à 24 ans par rapport aux hommes – passant de 88,4 % en 1990 à 95,3 % en 2009 –, le taux de progression des femmes au cours des trois dernières années n’est pas comparable au rythme favorable du taux  des hommes.

Les femmes sont mieux préparées au niveau éducatif, comme en témoigne les taux de présence, celui des femmes ayant toujours été supérieur à celui des hommes – en 2009, par exemple, le taux de présence des filles dans le secondaire dépassait de 0,28 % celui des garçons et de 0,37 %  dans l’enseignement supérieur[12]. Cependant, si l’on analyse le niveau éducatif par rapport au niveau des revenus on se rend compte qu’il n’existe pas de juste lien entre les deux dans le cas des femmes, car le salaire des hommes reste au-dessus de celui qu’obtiennent les femmes pour un même travail, même si celles-ci ont une meilleure préparation professionnelle.

Bien qu’il existe une loi de quotas dans le pays, les partis politiques n’ont jamais appliqué le minimum de 30% de femmes dans les postes dépendant de l’élection populaire. Le coup d’État n’a fait qu’aggraver cette situation, étant donné que les femmes candidates n’ont pas pu mener de campagne et que plus de 50 femmes ont dû renoncer étant donné le manque de garantie de transparence dans le processus, sans compter l’insécurité que représentent les violations constantes des droits humains et la militarisation du pays. Au niveau local, la représentation féminine dans les mairies est descendue de 9 %, chiffre atteint lors des élections municipales 2005, à 6 % aux élections 2009, et au niveau législatif elle est passée de 25 % à 19,53 %.

Pour conclure, nous pouvons dire que le Honduras est loin de tenir tous ses engagements internationaux, d’une part parce qu’il n’y a pas de volonté politique pour cela – la preuve la plus évidente étant le coup d’État en soi – et d’autre part, la population hondurienne exige un changement complet des règles en faveur d’une refonte du pays et non pas d’un réformisme maquillé, qui en fait continue à couvrir le fait que la richesse soit concentrée aux mains de quelques-uns, le système patriarcal néo-libéral n’ayant pas été modifié.

[1] "Gobierno decreta salario mínimo en 5,500 lempiras" ("Le Gouvernement fixe le salaire minimum à 5.500 lempiras"), La Prensa.hn. Voir sur : <www.laprensa.hn/content/view/full/97312>.

[2] Golpe de Estado en Honduras, Un Análisis Jurídico (Coup d’État au Honduras, Une analyse juridique), Edmundo Orellana, Professeur d’Université, 27 septembre 2009

[3] Commission Interaméricaine des Droits humains, Observations préliminaires du délégué de la Commission lors de sa visite au Honduras du 15 au 18 mai 2010.

[4] Groupe Société Civile, 2009.

[5] Groupe Société Civile, 2009.

[6] Interview à Marvin Ponce, Député du parti Unificación Democrática.

[7] Interview à Sergio Castellano, Député du parti Unificación Democrática.

[8] Interview à  Martin Barahona, Analyste économique.

[9] Extrait des listes du Comité des Familles des détenus disparus au Honduras COFADEH, du Comité des Droits humains CODEH, et des Défenseurs en ligne.

[10] Commission interaméricaine des droits humains, Observations préliminaires du délégué lors de sa visite au Honduras du 15 au 18 mai 2010.

[11] Rapport "Les Violations des Droits des Femmes après le Coup d’État", Feministas en Resistencia, 2009.

[12] Groupe de travail de l’ONU pour le rapport des OMD, 2009.

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L’Investissement direct étranger et le respect des droits fondamentaux

Publication_year: 
2010
Summary: 
Depuis les années 90, l’Investissement direct étranger (IDE) a renforcé son rôle dans l’économie du pays, revitalisant l’industrie du cuivre et encourageant la production et l’exportation de produits et de services non traditionnels. Cependant cet investissement n’a pas été utilisé de manière efficace pour promouvoir le développement ni pour réduire la pauvreté. Bien au contraire, il contribue à l’érosion des droits des personnes, parmi eux les droits au développement, à l’alimentation, à l’éducation, à un environnement propre et à la participation de la femme dans la prise de décisions politiques.

Women for Change
Lucy Muyoyeta

Depuis les années 90, l’Investissement direct étranger (IDE) a renforcé son rôle dans l’économie du pays, revitalisant l’industrie du cuivre et encourageant la production et l’exportation de produits et de services non traditionnels. Cependant cet investissement n’a pas été utilisé de manière efficace pour promouvoir le développement ni pour réduire la pauvreté. Bien au contraire,  il contribue à l’érosion des droits des personnes, parmi eux les droits au développement, à l’alimentation, à l’éducation, à un environnement propre et à la participation de la femme dans la prise de décisions politiques.

Actuellement 63 % de la population vit dans des  zones rurales ; les gens gagnent majoritairement leur vie grâce à l’agriculture. La pauvreté est bien plus grande dans les zones rurales : 83 % des habitants (5,9 millions de personnes) sont pauvres et 71 % sont extrêmement pauvres[1]. Beaucoup de personnes parmi les plus pauvres vivent dans des ménages dirigés par une femme. En 2000 19,5 % des ménages ruraux (1.241.500) avaient une femme comme chef de famille[2].

Malgré le besoin urgent d’aborder ces questions, on a négligé le secteur agricole. En réalité l’introduction des politiques économiques libérales a obligé les petits agriculteurs à retourner à l’agriculture de subsistance ;  beaucoup d’entre eux doivent faire  un grand effort pour satisfaire leurs besoins alimentaires. Ils font face à d’énormes problèmes de production et de commercialisation. D’autre part, l’introduction de politiques de marché dans l’acquisition de terres met en danger leur capacité à  garder leurs parcelles.  Les grandes entreprises achètent d’immenses étendues de terre pour produire des biocarburants ainsi que pour l’exploitation  minière et pour l’agriculture. Les pays riches ayant peu de ressources agricoles ou un plus grand besoin d’importer, comme l’Arabie Saoudite et la Chine, achètent d’énormes étendues de terre dans d’autres pays pour garantir l’approvisionnement alimentaire dans une période de marchés volatils. Le Rapporteur spécial de l’ONU sur le Droit à l’alimentation a identifié les investissements transnationaux  à grande échelle comme l’une des nouvelles tendances issue de la crise alimentaire mondiale en 2008 et qui n’a pas été abordée de façon adéquate par la communauté internationale ; il a également mentionné la Zambie comme l’un des pays devant faire l’objet d’une grande attention. Par conséquent pour la plupart des zambiens pauvres, le régime foncier est en danger.

Insécurité alimentaire

Depuis les années 90 la négligence à l’égard de l’agriculture a mené également à la propagation des maladies du bétail. Auparavant, le Gouvernement garantissait la prise de mesures de prévention telles que les bains antiparasitaires pour protéger le bétail contre les maladies. Lorsque l’économie s’est libéralisée, pendant les années 90, ces services ont été suspendus et des maladies apparues dans des pays voisins ont traversé les frontières et se sont propagées dans de grandes zones du pays, causant la mort de presque la moitié du  bétail. Cela a touché les petits producteurs agricoles autant que ceux qui possédaient des troupeaux, car beaucoup de fermiers dépendent des animaux de trait pour préparer le sol aux cultures et de leur fumier comme engrais. Beaucoup d’entre eux souffrent donc d’insécurité alimentaire chronique.

C’est ainsi que la hausse du prix du maïs et d’autres produits de base en 2007 et 2008 a porté un coup dur aux zambiens qui souffraient déjà d’insécurité alimentaire, aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales isolées connaissant la pénurie d’aliments. En juin 2008 le taux annuel d’inflation des aliments est monté à 15,6 %, ce qui révèle un contraste frappant par rapport à l’année précédente, lorsque le taux avait été de 4,8 %. En 2010 le taux d’inflation a montré une décélération de 10,2 % au  mois de mars à 9,2 % au mois d’avril, d’après le Bureau Central des Statistiques[3].

Une série de facteurs contribue à l’insécurité alimentaire des ménages, parmi lesquels  se trouvent le niveau de leurs revenus, l’âge, l’éducation, le sexe, la taille et la structure du foyer, les contraintes de travail pour cause de mauvaise santé et les effets du VIH et du Sida, les niveaux de production, les prix des aliments et la distance des marchés.

L’insécurité alimentaire constitue un précurseur important de la malnutrition. Un indicateur clé du manque d’accès à une nutrition adéquate est la prévalence d’enfants (de moins de cinq ans) ayant un poids inférieur au poids normal. En 1991 le taux de prévalence était de 22 % ; en 2007 il était tombé à 14,5 %.  Cependant entre 2003 et 2008, 45  % des enfants de moins de cinq ans souffrait d’un retard  léger ou grave dans la croissance. La malnutrition des enfants a des effets à long terme et elle affecte souvent la capacité d’apprentissage de l’enfant.

Chances inégales pour les filles et les femmes

L’inscription des petites filles et des garçons à l’école primaire s’est améliorée, car en 2002 l’enseignement de base gratuit a été institué. Depuis lors le taux de décrochage scolaire est demeuré stable et proche de 1,0 %. Cependant celui de l’enseignement secondaire a chuté entre 2003 et 2006[4]. Les mesures de promotion  des femmes dans quelques universités et écoles normales ont contribué à augmenter le chiffre d´inscriptions dans l’enseignement supérieur. Pourtant  dans tous les niveaux du système éducatif le taux de décrochage des femmes est toujours plus élevé que celui des hommes. Dans les cours, entre les niveaux 1 et 9, le taux de décrochage est de 3 %  contre 2,1 % pour celui des hommes.  Entre le dixième et le douzième, il est de 1,98 % contre 1,25 % pour les hommes[5].

Ce que ces chiffres ne montrent pas,  c’est le nombre d’enfants qui restent hors du système scolaire, estimés à 1,2 million fin 2010. Il y a beaucoup d’enfants qui, sans être orphelins, appartiennent à des familles touchées par le VIH et par le Sida et ne peuvent pas aller à l’école. Les chiffres ne laissent pas voir non plus la qualité de l’enseignement que les enfants inscrits reçoivent. En Zambie le VIH et le Sida ont eu de graves conséquences sur l’éducation. Le nombre d’orphelins est monté en flèche au cours de la dernière décennie. En 1966 on a estimé à 400.000 le nombre d’orphelins en âge scolaire qui n’allaient pas à l’école. En 1988 ce chiffre avait doublé. Ces enfants ne pouvaient pas se permettre d’aller à l’école en raison de leur pauvreté ou du besoin de soigner leurs parents ou leurs tuteurs malades, ou parce qu’ils devaient remplir des activités leur assurant des revenus ou encore en raison d’un mariage précoce (notamment pour les jeunes filles).

La qualité de l’éducation en Zambie a été compromise à cause de la pénurie d’enseignants, spécialement dans les zones rurales, et de  l’existence d´une infrastructure, d´un équipement et de matériel éducatif peu adéquats, ainsi que du harcèlement sexuel et de la violence contre les filles dans les écoles.

Sur le plan politique, les attitudes patriarcales qui continuent de bafouer les droits des femmes dans tous les domaines ont empêché que la Zambie réussisse à s’approcher du but établi dans les protocoles de la Communauté de développement de l’Afrique australe et de l’Union africaine : la représentation paritaire des femmes dans la prise des décisions. Le pourcentage des femmes qui exercent une poste électif dans le Parlement national et dans le Gouvernement local a augmenté, mais très lentement. En 1991 seulement 6 % des représentants législatifs étaient des femmes. Le pourcentage est monté à 12 % en 1996. Il est resté à ce niveau en 2001 et a légèrement augmenté à 14 % en 2006 après les dernières élections. Le pourcentage des femmes élues conseillères est toujours de 7 % seulement.

L’Investissement direct étranger

Le Gouvernement augmente les revenus pour financer le développement de trois sources générales : les revenus nationaux, l’Aide publique au développement (APD) et les emprunts nationaux et internationaux. Les revenus nationaux proviennent de diverses taxes telles que la taxe sur les revenus des entreprises, la taxe de redevance sur l’exploitation minière, les taxes douanières et sur les activités économiques qui découlent de l’Investissement direct étranger (IDE). Depuis 2004, excepté 2006, plus de 70 % des recettes du Gouvernement provenaient des revenus nationaux. Cela coïncide avec la période pendant laquelle le flux d’investissements en Zambie s’est notamment  accru.

On considère que l’IDE est une contribution importante au développement apportant capital, technologie, connaissances en gestion, postes de travail et accès à de nouveaux marchés. Bien des gouvernements, dont celui de la Zambie, ont développé des politiques pour inciter l’IDE.

 

En 2002 les nouveaux investissements arrivés en Zambie ont atteint USD 121,7 millions. Par la suite leur flux a  considérablement augmenté atteignant USD 334 millions en 2004[6]. La plupart de cet argent est acheminé vers le tourisme, le secteur manufacturier, le bâtiment, les télécommunications et l’exploitation minière. La Chine est l’investisseur à plus forte croissance[7] mais les capitaux provenant du Canada et du Royaume Uni restent les plus importants.

La Zambie offre un milieu très libéral pour les investissements. Actuellement la loi de l’Agence pour le développement de la Zambie de 2006 règlemente l’IDE et n’établit pas d’exigences de contenu local, de transfert de technologie, d’équité, d’emploi ni d’usage de sous-traitance, bien qu’on encourage les investisseurs étrangers à s’engager avec un certain degré de participation locale. La loi permet aux investisseurs le libre retour dans leur pays d’origine de tout investissement de capital, gain, dividendes, intérêts et émoluments. Elle permet également que les citoyens étrangers renvoient à l’étranger les salaires gagnés dans le pays.

A partir des années 90 l’IDE a joué un rôle de plus en plus important dans l’économie zambienne en contribuant à une plus grande arrivée de capitaux et d’investissements tout en revitalisant l’industrie du cuivre et en augmentant  la production et l’exportation de produits et de services non traditionnels. Cependant la Zambie ne s’est pas servie de l’IDE de manière efficace pour promouvoir le développement et réduire la pauvreté[8]. L’un des objectifs du Gouvernement en incitant l’IDE a été la diversification de l’économie pour réduire la grande dépendance des exportations de cuivre. Pourtant le cuivre domine toujours, en partie à cause de la majoration considérable du prix du minerai sur le marché mondial depuis 2004. Pour l’instant l’IDE n’a pas eu non plus d’effets sensibles sur la pauvreté. L’incidence de ceux qui vivent dans l´extrême pauvreté est à peine descendue de 58 % en 1991 à 51 % en 2006. Ces chiffres ont connu des fluctuations considérables pendant les années intermédiaires.

Le progrès économique s’est vu limité par l’échec du Gouvernement à se centrer sur la capacité du secteur privé national et sur les facteurs freinant son développement. Ceci a conduit à la désindustrialisation de certains secteurs de l’économie, ce qui a réduit les possibilités des entreprises nationales de se mettre en rapport avec des investisseurs étrangers. En outre, les politiques libérales d’investissement n’exigent pas que les entreprises étrangères se mettent en rapport avec des producteurs ou des fournisseurs locaux et ne les incitent pas non plus à le faire.

L’IDE n’a pas eu l’effet multiplicateur  souhaité chez les acteurs nationaux. De plus, les incitations fiscales aux investisseurs étrangers gênent la gestion des acteurs nationaux. La faiblesse du secteur privé national réduit considérablement les bénéfices éventuels de l’IDE  par les connexions et les retombées. Un secteur privé national fort attirerait davantage  l’IDE faisant voir l’existence d’un milieu économique favorisant l’investissement.

Loi Économique des citoyens

En 2006 le Gouvernement a approuvé la Loi Economique des citoyens et a établi par la suite un Comité d’Autonomisation économique des citoyens  (CEEC en anglais) ayant la faculté d’encourager une participation large, significative et effective des citoyens dans l’économie contribuant ainsi à une économie durable. Il reste encore à voir quels sont la performance et l’impact de cet effort pour renforcer les capacités du secteur privé national.

Quelques études sur l’exploitation minière du cuivre (le principal bénéficiaire de l’IDE) dévoilent les raisons pour lesquelles l’augmentation de l’IDE n’a pas été un outil plus important dans le développement ou dans la réduction de la pauvreté.  Entre autres[9] :

  • La signature d’Accords de développement unilatéraux. Gardés secrets en général, ces accords libèrent les entreprises qui investissent de différentes obligations parmi lesquelles le paiement de la plupart des taxes et l’application de nombreuses lois nationales, par exemple celles portant sur la pollution. Ils assurent également la protection de la prochaine période législative jusqu’à la fin de la « Période de stabilité  » de 15 à 20 ans.
  • Précarisation de la main d’œuvre. On a créé de nouveaux postes de travail, mais leur qualité s’est considérablement détériorée. On estime que 45 % de la main d’œuvre existant dans les mines n’a pas pu obtenir d’emploi permanent générant le droit à la retraite. La plupart des travailleurs ont des contrats à durée déterminée dans des conditions bien moins avantageuses que celles des emplois réguliers.
  • Pollution. Quelques investisseurs n’ont pas suivi les lois nationales qui leur sont encore appliquées. Les périodes de mauvaise gestion de l’environnement ont nui à la santé de la population locale. Les trois problèmes les plus fréquents et les plus graves sont les émissions de dioxyde de soufre provenant des fonderies, les effluents contenant des métaux lourds qui sont déversés dans l’eau potable, et l’obstruction des rivières par des sédiments.

Conclusions

L’une des principales raisons pour lesquelles l’IDE ne contribue pas autant qu’il le devrait au développement durable est le caractère réduit des recettes fiscales du Gouvernement. Un détail du budget pour 2010 montre que les plus grandes contributions sur le revenu sont le Pay as you earn (taxe sur les salaires) de 19 % et la Taxe sur la valeur ajoutée de 18 %[10]. La taxe sur les revenus des entreprises contribue avec 8 % et la taxe de redevance sur l’exploitation minière, avec 2 %. Lorsque les prix des métaux sont montés en flèche après 2004, on a établi une taxe sur les bénéfices extraordinaires en 2007 ; cependant, après de fortes pressions des propriétaires d’exploitations minières, cette taxe a été abrogée en 2009.  Elle aurait pu  rapporter bien plus au fisc.

Les incitations pour attirer  l’IDE se centrent de manière exagérée sur l’économie. Le Gouvernement n’investit pas en formation de la main d’œuvre en soutenant des secteurs tels que l’éducation et la santé, ce qui réduirait bien davantage la pauvreté. D’autre part, selon les politiques actuelles,  l’IDE diminue dans les faits les droits des gens, par exemple le droit à l’alimentation et à un environnement propre  et sans les efforts conjoints des garants de ces droits, il fera peu ou rien du tout en faveur des droits des femmes.

 

[1] IFAD, Rural poverty in Zambia. Disponible sur : <www.ruralpovertyportal.org/web/guest/country/home/tags/zambia>.

[2] Central Statistical Office, Zambia: 2000 Census of Population and Household, novembre 2003.

[3] Chiwoyu Sinyangwe, “Zambia’s inflation falls by 1%”, The Post Online, 30 avril 2010.

[4] UNDP, Zambia – Millennium Development Goals Progress Report 2008Disponible.

[5] Ibid.

[6] Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (UNCTAD), Investment Policy Review – Zambia, New York et Genève, 2006. Disponible sur : <www.unctad.org/en/docs/iteipc200614_en.pdf>.

[7] Peter Kragelund, “Opening the black box of China-Africa relations: the magnitude and composition of Chinese investments in Zambia,” Danish Institute of International Studies, 2008.

[8] UNCTAD, Investment Policy Review – Zambia, 2006, op cit.

[9] Alistair Fraser  and John Lungu, “For whom the windfalls? Winners and losers in the privatization of Zambia’s Copper Mines”. Disponible sur : <www.minewatchzambia.com/reports/report.pdf>.

[10] Deloitte and Touche, 2009, Zambia Budget 2010 - Keeping the right balance.

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L’aide doit être plus efficace

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2010
Summary: 
Although Cameroon will not achieve the MDGs by 2015, it may become an emerging country before the 2035 deadline set in its 2007 Strategic Document for Growth and Employment. For this to happen, the State must completely overhaul its economic and financial governance, among other things, and put an equal value on the skills of its women, men, young people and adults. In order for the management of international aid to become more efficient, civil society organizations have issued a call for gender to be taken into account and for better coordination with donors.

Social Watch Cameroun[1]
Collectif des ONG pour la sécurité alimentaire et le développement rural (COSADER)
Christine Andela
Centre régional africain pour le développement endogène et communautaire (CRADEC)
Jean Mballa Mballa
Governance & Entrepreneurship Consulting Group (GECOG)
Samuel Biroki

Alors que le Cameroun peut devenir un pays émergent avant le délai prévu dans le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi, souscrit en 2007, il lui sera difficile d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) pour 2015. Pour y parvenir, il devra entre autres modifier profondément sa gouvernance économique et financière et mettre l’accent sur la valorisation des compétences des hommes, des femmes, des jeunes et des adultes. Afin de rendre la gestion de l’aide internationale plus efficace, la société civile du Cameroun exige que les questions d’égalité des sexes soient prises en compte et que la coordination avec les donateurs s’améliore.

Pendant la période 2004-2009 le pays est parvenu à maintenir la stabilité politique, exception faite de la vague de contestations contre l’augmentation du coût de la vie qui s’est produite en 2008[2]. En ce qui concerne les affaires internes du pays, un processus de décentralisation politique a été amorcé ; pour ce qui touche aux relations extérieures, le transfert de la souveraineté sur la péninsule de Bakassi[3]par le Nigeria s’est déroulé de façon pacifique. De plus, les résultats obtenus en matière macroéconomique ont permis au Cameroun d’atteindre les points de décision et d’achèvement dans l’initiative de la Banque mondiale pour les Pays pauvres très endettés et, par voie de conséquence, d’accéder aux plans d’allègement de la  dette et aux nouvelles lignes de financement destinées aux programmes de développement.

Malgré ces données, le pays continue à afficher des indicateurs qui montrent de sérieux problèmes en matière de développement. Dans l’Indicateur du développement humain 2009 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Cameroun est classé 153e sur les 182 pays considérés. D’après ce rapport plus de 57 % des Camerounais vivent avec moins de USD 2 par jour[4]. Les statistiques de la Banque mondiale montrent que le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans était, en 2008, de 142,6 pour mille nés vivants et que la mortalité des enfants de moins d’un an était de 86,2 pour mille nés vivants. L’analphabétisme atteignait, d’après les chiffres de 2001, 32 % de la population, pratiquement le double chez les femmes (40,2 %) que chez les hommes (23 %)[5]. Selon les chiffres officiels, le chômage en 2007 était de 6,2 % au niveau national et de 14,1 % en zone urbaine. L’indicateur  de sous-emploi était de 75,8 %, le secteur informel étant en même temps et de loin le principal fournisseur d’emplois (90 %)[6].

Croissance et emploi

Dans ce contexte, le Gouvernement s’est imposé des cibles à long terme qui ont été consignées dans le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE, selon son sigle en français). Il s’agit d’un plan qui prévoit la transformation du Cameroun pour 2035, par phases successives de 10 ans, en un pays émergent, démocratique et uni malgré sa diversité[7]. Le cadre de référence choisi repose sur quatre piliers :

  • Réduire la pauvreté à un seuil socialement acceptable.
  • Obtenir le statut de pays à revenu intermédiaire.
  • Se convertir en pays industrialisé.
  • Consolider le processus démocratique et l’unité nationale.

 

Dans son résumé exécutif, le DSCE se définit lui-même comme étant un cadre intégré de développement, de cohérence financière, de coordination de l’action gouvernementale et des appuis extérieurs, de consultation et de concertation avec la société civile, le secteur privé et les partenaires au développement, et d’orientation des travaux analytiques pour éclairer la gestion du développement. Ce document se compose de sept chapitres indépendants qui prévoient : a) l’examen des politiques de développement, b) la vision du développement à long terme, c) la stratégie de croissance, d) la stratégie de l’emploi, e) la gouvernance et la gestion de l’État, f) le cadre macroéconomique et budgétaire, et g) le cadre institutionnel et les mécanismes de mise en œuvre et de suivi du DSCE.

Dans le but d’accélérer la croissance, la formalisation de l’emploi et la réduction de la pauvreté, le Gouvernement a démarré sa mise en oeuvre en se fixant des objectifs concrets:

  • Élever la croissance moyenne annuelle à 5,5 % sur la période 2010-2020.
  • Diminuer le niveau d’informalité de l’emploi d’au moins 50 % pour 2020, moyennant la création de dizaines de milliers d’emplois formels dans les dix prochaines années.
  • Réduire la pauvreté monétaire, de 39,9 % en 2007 à 28,7 % en 2020.

 

Le rôle de l’Aide publique au développement

Selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les montants de l’Aide publique au développement (APD) envoyée au Cameroun – à travers la Banque mondiale, le PNUD et l’OCDE – ont fluctué au cours des cinq dernières années, se situant entre 5 % et 10 % du budget national[8]. On peut dire que le pays n’est pas fortement dépendant de ces ressources, si l’on tient compte du fait que le pourcentage moyen pour les pays récepteurs qui adhèrent à la Déclaration de Paris est de 12 %.

La France et l’Union européenne sont, de loin, les principaux donateurs parmi les 13 qui interviennent au Cameroun. Le Fonds européen de développement de l’UE pour 2008-2013 a été de EUR 239 millions, alors que le volume de l’aide de la France a considérablement augmenté grâce au Contrat de désendettement et de développement (C2D) signé en juin 2006 à Yaoundé pour un montant de EUR 500 millions et qui consiste en un refinancement de la France sous forme de subventions de la totalité de ses crédits de l’APD sur la période 2006-2010.

Après une très longue période pendant laquelle les donateurs et le gouvernement travaillaient chacun de leur côté, les choses ont progressivement changé au Cameroun, en particulier  grâce au programme de mise en oeuvre de la Déclaration de Paris. Pour ce faire, le Gouvernement a établi, en vue d’améliorer l’efficacité de l’aide, un mécanisme de dialogue qui réunit deux fois par an autour du Secrétaire général du ministère de l’Économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, l’ensemble des membres du Comité des donateurs, les parlementaires et la société civile.

C’est dans le cadre de ce mécanisme que le Gouvernement et ses partenaires définissent le rôle de l’aide au développement, l’emploi et la vision du Cameroun 2035. Les débats mentionnent également les réformes que le Gouvernement doit entreprendre pour améliorer l’efficacité de l’aide.

L’OCDE a présenté en 2008 une évaluation de la situation de l’aide au Cameroun a travers une étude qui s’appuie sur les indicateurs de la Déclaration de Paris. Au vu de cette analyse, on constate qu’il faut améliorer le leadership du Gouvernement en matière de développement, alors que les donateurs doivent réussir à ce que les accords passés dans les bureaux de l’OCDE se reflètent dans une gestion plus harmonieuse lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des projets communs et d’assumer la responsabilité mutuelle des résultats.

Quoi qu’il en soit, les projets d’investissement public ont obtenu des résultats visibles, par exemple, la construction d’infrastructures dans les villes de Yaoundé et de Douala et des routes transnationales Cameroun-Gabon-RCA. Selon une étude de l’Agence allemande de coopération technique (GTZ, selon le sigle allemand), le pays limite sa capacité de réception de l’aide bien souvent par manque de coordination et de consensus entre le Gouvernement et ses partenaires techniques et financiers quant à ce qui est des priorités. Qui plus est, des groupes de la société civile accusent les fonctionnaires publics de ne plus être motivés et d’être corrompus, incompétents et incapables de mettre en oeuvre les ambitieux programmes et projets de développement, malgré l’APD reçue.

Les principaux problèmes

L’égalité des sexes

Les indicateurs montrent que la scolarisation des filles s’est améliorée, notamment pour ce qui est de l’éducation primaire, où le rapport filles/garçons est passé de 0,83 à 0,89 entre 2001 et 2007. Simultanément une baisse a été enregistrée dans l’enseignement secondaire sur la même période, où il est passé de 0,93 à 0,86. Comme indiqué plus haut, l’analphabétisme est plus élevé chez les femmes que chez les hommes. D’autre part, l’alphabétisation des femmes de 15 à 24 ans s’est maintenue stable à environ 0,88[9].

Si l’on tient compte du fait que plus de 55 % de la population économiquement active travaille dans le secteur agricole informel[10], un projet de développement durable ne peut pas éviter de considérer les besoins de ce secteur économique qui est en plus celui où la pauvreté est la plus répandue. Cependant, la considération d’égalité hommes/femmes reste encore très dépendante de la féminisation des emplois : la participation féminine dans le secteur non agricole a à peine progressé, passant de 21 % en 2006 à 22 % en 2009[11], une évolution minime qui s’explique par la lenteur du changement de mentalité sur la question de l’égalité des sexes. L’accès aux moyens de production tels que la terre, le crédit et autres technologies est plus difficile pour la femme[12].

La représentation des femmes au sein des instances de décision (entre autres, la haute administration, la représentation nationale et les collectivités territoriales décentralisées) reste  extraordinairement faible. Les femmes occupent à peine 12,5 % des ministères et seulement 13,9 % des sièges parlementaires, soit 24 députées sur 180 pour la législature 2007/2012, un recul par rapport à la législature 1988/1992, où le pourcentage était de 14,4 %[13].

Le Cameroun a atteint 51 points dans l’Indicateur de l’Égalité de genre  2009 de Social Watch, qui mesure l’écart entre les femmes et les hommes sur la base de différents indicateurs dont la valeur maximum (équité complète) est 100, ce qui le situe en deçà de la moyenne régionale subsaharienne qui est de 55 points et révèle une régression sévère depuis 2004[14].

Conformément à ces données, et au-delà des discours du Gouvernement en faveur de l’équité entre hommes et femmes, la société civile exige des actions plus concrètes qui combattent l’inégalité dans les domaines où elle subsiste. Pour ce faire il a proposé une loi qui définisse les dispositifs institutionnels et standard servant à mesurer l’évolution de la situation en matière d’égalité des sexes dans tous les secteurs lors de la mise en oeuvre du DSCE et des autres plans vers 2035. Les éléments principaux de cette proposition sont les suivants :

  • Définition de quotas de parité homme/femme, jeune/adulte et des personnes handicapées ;
  • Identification des institutions, existantes ou bonnes à créer, qui remplissent des fonctions de supervision, de direction, de mise en oeuvre, de contrôle, de suivi et de sanction.

 

Santé

Les statistiques de l’UNICEF pour 2008 situent le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans à 131 pour mille enfants nés vivants[15], ce qui indique une amélioration, très éloignée cependant de la cible prévue pour 2015. Cette amélioration a été possible grâce à une augmentation de la couverture de la vaccination contre la rougeole – 64,8 % à 78,8 % –, la promotion de l’allaitement maternel et la lutte contre les maladies infantiles et les carences alimentaires.

Entre 1998 et 2004 la mortalité maternelle avait augmenté de 430 à 669 pour 100 000 accouchements. Pour satisfaire aux OMD dans cette matière le chiffre ne devrait pas dépasser 350 morts pour 100 000 naissances[16].

Conclusion

Même si la grande majorité des OMD ne pourra pas être atteinte pour 2015, le Cameroun se convertira en un pays émergent avant le délai prévu dans le DSCE. Il devra pour cela, entre autres, modifier profondément sa gouvernance économique et financière et mettre l’accent sur la valorisation des compétences des hommes, des femmes, des jeunes, des adultes et des personnes handicapées sans aucune sorte de discrimination.

Pour que les programmes de développement puissent être mis en marche de façon plus efficace et qu’ils produisent de bons résultats il est indispensable que les fonds soient mieux gérés, ce qui requiert une plus grande coordination entre le Gouvernement et ses partenaires techniques et financiers de l’extérieur. Cela devrait commencer par l’élaboration conjointe d’une liste de priorités.

[1] La coalition nationale de Social Watch Cameroun est un réseau d’environ 15 associations. Elle a ses bases  dans Dynamique Citoyenne, un réseau qui s’étend sur les dix régions du pays.

[2] Cette année-là à Douala, la capitale économique du Cameroun, des grèves et des manifestations dans les rues ont éclaté en signe de protestation contre l’augmentation du coût des combustibles et des denrées alimentaires. Ces émeutes se sont propagées dans tout le pays.

[3] Suite à la décision d’un tribunal international en 2002, le Nigeria a cédé la péninsule en août 2008, mettant ainsi fin à une longue discorde qui avait failli mener les deux pays à la guerre en 1981.

[4] PNUD Rapport sur le développement humain 2009. Disponible sur :
< http://hdrstats.undp.org/en/countries/country_fact_sheets/cty_fs_CMR.html  >.

[5] CIA. The World Factbook. Disponible sur : <www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/cm.html>.

[6] OCDE, African Economic Outlook 2008. Disponible sur : <www.oecd.org/dataoecd/13/42/40577073.pdf>.

[7] Le DSCE s’inscrit dans les Documents de Stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP, selon son sigle en français) de deuxième génération, souvent qualifié par la société civile de restrictif  et peu efficace. Le DSCE est disponible en français sur : <www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Project-and-Operations/Cameroon%20DSCE2009.pdf>.

[8] AFRODAD. Une évaluation critique de la gestion de l’aide et de l’harmonisation des donateurs. Le cas du Cameroun (2007). Disponible sur : <www.afrodad.org/downloads/publications/Aid%20Mgmt%20Cameroon%20Final.pdf>.

[9] DSCE, p. 13. Disponible en français sur : <www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Project-and-Operations/Cameroon%20DSCE2009.pdf>.

[10] Backiny-Yetna, Prosper,  “Secteur informel, fiscalité et équité : l’exemple du Cameroun”, The African Statistical Journal, vol. 9, novembre 2009.

[11] Forum Économique Mondial, Global Gender Gap Report.

[12] DSCE, op. cit.

[13] Union interparlementaire, base de données Women in Parliaments. Disponible sur : <www.ipu.org/wmn-e/classif.htm>.

[14] Disponible sur : <www.socialwatch.org/node/11561>.

[15] UNICEF 2008. Disponible sur: <www.unicef.org/infobycountry/cameroon_statistics.html>.

[16] DSCE, op.cit.

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L’aide et les relations économiques sont encore décalées par rapport au bien-être des personnes

Publication_year: 
2010
Summary: 
Si le Programme de politiques pour le développement a des aspects positifs, l’approche de la Finlande sur le développement social et les droits sociaux s'est affaiblie. Les politiques sur l'égalité des sexes, les droits de la femme et des groupes vulnérables et la lutte contre le VIH / SIDA sont insuffisantes. Les politiques de développement et de coopération durables exigent de la part de ce pays une augmentation de l’aide et l’introduction de mécanismes de financement innovants, entre autres, les impôts sur les transactions financières. Le Gouvernement doit aussi contrôler les impacts sociaux et environnementaux des compagnies finlandaises installées dans les pays en développement.

Timo Lappalainen
KEPA
Social Watch Finlande[1]

Si le Programme de politiques pour le développement a des aspects positifs, l’approche de la Finlande sur le développement social et les droits sociaux s'est affaiblie. Les politiques sur l'égalité des sexes, les droits de la femme et des groupes vulnérables et la lutte contre le VIH / SIDA sont insuffisantes. Les politiques de développement et de coopération durables exigent de la part de ce pays une augmentation de l’aide et l’introduction de mécanismes de financement  innovants,  entre autres, les impôts sur les transactions financières. Le Gouvernement doit aussi contrôler les impacts sociaux et environnementaux des compagnies finlandaises installées dans les pays en développement.

Le Programme de politiques pour le développement du Gouvernement finlandais, introduit en 2007, a modifié les politiques du pays dans ce domaine. Il a élargi son approche sur la réduction de la pauvreté en incluant le développement durable de l'économie, de l'environnement et de la société, et il a mis l'accent sur les politiques climatiques et environnementales aussi bien que sur le rôle du secteur privé.

Les ONG finlandaises voient d'un bon œil l’intérêt du Gouvernement sur la sécurité alimentaire, le développement rural et la durabilité environnementale. Elles sont toutefois inquiètes de constater qu’on accorde une priorité moindre au développement social, aux droits des plus vulnérables et aux conséquences de la pauvreté sur le commerce, les investissements, la migration et les autres politiques en rapport avec ces questions. Les Investissements directs étrangers (IDE) des compagnies finlandaises ont fréquemment des conséquences négatives sur la capitalisation humaine. Les ONG souhaiteraient un examen de tous les secteurs politiques de la part du Gouvernement à la lumière de leur impact sur les pays en voie de développement.

 

APD : étendre ne signifie pas augmenter

La Finlande est l'un des rares pays donateurs ayant réussi à augmenter le pourcentage de l'Aide publique pour le développement (APD) conformément à ses engagements internationaux. Malheureusement la crise financière a obligé le Gouvernement à procéder à des coupes franches dans les augmentations planifiées.

En 2010, une augmentation de EUR 40 millions a été allouée aux programmes de développement au lieu de l'augmentation de EUR 50 millions initialement prévue. Pour 2011, le Gouvernement prévoit que l'APD atteindra un niveau de 0,58 % du PNB. De telles tendances suscitent de l’inquiétude car l’on craint que la Finlande n'atteigne pas l'objectif de 0,7 % pour 2015.

 

Par ailleurs, les ONG craignent que l'APD ne s'étende à des domaines politiques nouveaux – plus de dépenses liées aux réfugiés et au financement climatique. Le ministère de l'Intérieur a essayé de faire en sorte que l'APD n'inclue pas seulement le coût des réfugiés qui possèdent ce statut, mais aussi celui de ceux auxquels on refuse l'asile, mais le Gouvernement n'a pas accédé à cette requête. 

Le financement climatique, lui, sera inclus dans l'APD, au lieu de se voir allouer un montant additionnel,  ce qui va à l'encontre des engagements internationaux en matière d'additionnalité et des recommandations des ONG finlandaises. La question du rapport financement climatique - APD n’a encore pas trouvé de solution.

Malgré les pressions chaque fois plus fortes sur les fonds de l'APD et le fait que la Finlande fasse partie du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement, le Gouvernement ne s'est pas montré intéressé par le fait de proposer ou d'appuyer des sources innovantes de financement ni disposé à soutenir l'introduction d'un impôt sur les transactions financières, malgré le grand soutien de la société civile, de certains partis nationaux et de plusieurs pays européens[2].

La réduction de l'aide sociale

L’aide finlandaise augmente dans les domaines des forêts, de l'eau et du changement climatique ; on allègue que ce sont les « domaines où l'expérience et les connaissances finlandaises sont le mieux utilisées pour soutenir les programmes de développement des pays associés »[3]. L'aide liée à ces domaines augmente dans tous les pays associés à long terme avec la Finlande. D’où la baisse de la proportion de l'aide destinée au secteur social.

L'égalité des sexes, les droits de la femme et des groupes vulnérables et la lutte contre le VIH / SIDA devraient être les axes de la coopération pour le développement. Toutefois, comme le montre une évaluation récente, il n'existe pratiquement pas de mécanismes les intègrant aux programmes d'aide. Le financement pour les droits spécifiques de la femme et les programmes d'égalité des sexes ont été réduits[4].

Le Gouvernement a d’ailleurs modifié son objectif de cibler l'APD sur un petit nombre de pays associés à long terme par une coopération thématique centrée sur des secteurs d'importance spécifique pour la Finlande, généralement sur une base régionale. Le ministère des Affaires étrangères a créé des programmes-cadres régionaux pour l'Afrique, le Caucase du Sud, l'Asie Centrale, les Balkans Occidentaux et la région des Andes.

Enfin, le pourcentage des aides aux programmes est en baisse par rapport à l'aide aux projets, et le Gouvernement a réduit son soutien budgétaire général à 25 % pour les pays associés à long terme. Ces mesures font naître des doutes concernant l'engagement de la Finlande avec la Déclaration de Paris et le Programme d'action d'Accra sur l'efficacité de l'aide. Les ONG craignent que le fait de se centrer sur l'aide thématique et l’aide aux projets ne puisse distraire l'attention de la spécificité et l'harmonisation des contextes.

Les investissements directs étrangers

On ne combat pas la pauvreté uniquement avec de l'aide au développement. Les relations économiques avec les pays en développement sont très importantes, y compris l'IDE. Toutefois, la plus grande partie de l'IDE finlandais est destiné au monde développé. L'IDE finlandais aux pays en voie de développement, en 2009, a seulement représenté 6 % du total, majoritairement en Chine, au Brésil, en Inde et à Singapour. Les investissements en Afrique subsaharienne restent rares et seulement 0,02 % de l'IDE total a été destiné aux Pays les moins avancés (PMA)[5].

Il est cependant difficile de mesurer avec précision les flux d'IDE lorsque les entreprises deviennent des multinationales. Les sociétés finlandaises sont les premières à sous traiter la production à des filiales du monde entier[6]. Les filiales peuvent faire des investissements qui n'entrent pas dans les statistiques finlandaises.

Pour augmenter les investissements dans les pays en développement, le ministère des Affaires étrangères a essayé d'impliquer le secteur des entreprises en créant des groupes de conseil pour les entreprises et les institutions finlandaises pour travailler sur des sujets majeurs. De même, le ministère du Travail et du développement s’est rendu dans des pays pauvres et aux revenus moyens pour promouvoir les entreprises finlandaises et stimuler l'investissement. D’autre part, la Finlande gère un programme d'alliances d’entreprises appelé Finnpartnership, un plan de prêts à des conditions très favorables et des fonds de capitaux privés pour les crédits d'exportation. Le tout avec des fonds de l'APD.

En 2009, les deux tiers des fonds de Finnpartnership ont été destinés à des projets en Asie, et la plupart des affectations entre 2006 et 2009 ont été  distribuées à la Chine, à l’Inde et au Vietnam. On a accordé des financements à des entreprises de toutes tailles[7]. La Finlande allègue que l'IDE doit contribuer à la capitalisation  humaine durable[8] ; cependant, les prêts à des conditions très favorables ou le crédit pour l'exportation ne se mesurent pas toujours selon des critères favorisant les pauvres. Une grande partie des investissements des grandes entreprises dans des pays en développement se centrent sur les matières premières et non pas sur des industries productives, ce qui crée rarement une valeur ajoutée pour le développement.

 

Les impacts sociaux et environnementaux

Des débats publics très vifs sur les impacts environnementaux et sociaux de l'IDE finlandaise se sont ouverts. Des compagnies de cellulose qui investissent en Asie et en Amérique du sud ont fait les gros titres pour avoir violé les droits territoriaux de la population et pour nuire à l'environnement. Par exemple l'entreprise forestière Stora Enso dont l'installation au Brésil a obligé les villageois à quitter leurs foyers[9]. Un autre géant de l'industrie forestière, UPM-Kymmene, a dû quitter l'Indonésie après avoir été accusé de détruire des forêts pluviales et de s’approprier des terres par la force.

Les problèmes causés par la production de biocarburants a aussi fait beaucoup de bruit en Finlande. La société finlandaise Neste Oil importe de l'huile de palme de l’Asie du sud-est et a été accusée par des organisations environnementales de détruire des forêts pluviales et de prendre par la force les terres des populations indigènes. La campagne « Vêtements propres », qui a été lancée en Finlande au printemps 2010, a provoqué des polémiques quant à la production textile. De nombreuses entreprises de confection finlandaises, telles que Stockmann, Seppala, Lindex, Halonen, Moda, Top-Sport et Halti, dépendent de travailleurs qui ne reçoivent pas le salaire vital.

Les ONG finlandaises ont intensifié les débats à propos de l'évasion fiscale, qui constitue un obstacle important pour le développement. De nombreuses entreprises produisent dans des zones franches et leurs bénéfices sont distribués vers des juridictions extraterritoriales, ce qui fait perdre des capitaux et des impôts aux pays en développement. Des compagnies comme Kemira, Kone, Metsä-Botnia, Nautor, Nokia, Outokumpu, Stora Enso et Wärtsilä ont installé des filiales dans des paradis fiscaux. Il est difficile d’obtenir des informations précises sur les impôts payés par les compagnies.Lorsque le réseau d'ONG FinnWatch a tenté de réaliser une étude sur les politiques fiscales des compagnies finlandaises à l'étranger, la plupart d'entre elles se sont refusées à fournir des informations à propos des pays ou de leurs filiales, en arguant qu’il s’agissait d’un secret d’entreprise ou qu’il impliquait des difficultés pratiques[10].

En général, l'IDE n'a pas répondu aux attentes pour générer une croissance économique, réduire la pauvreté et fournir un travail décent. Le Gouvernement est pourtant resté très passif en ce qui  concerne les questions de responsabilité entrepreneuriale et l'évasion fiscale relatives aux pays en développement. Beaucoup des problèmes liés à l'évasion fiscale pourraient être combattus grâce à un soutien énergique à l'élimination des paradis fiscaux et à l'introduction de normes comptables internationales dans les rapports par pays. Le Gouvernement ne contrôle pas non plus efficacement si les entreprises finlandaises respectent les directives à l'intention des corporations multinationales de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). Un Comité de responsabilité sociale et corporative a été créé pour contrôler et informer sur la conduite des entreprises finlandaises, mais ses ressources et son profil ne sont pas à la hauteur des exigences[11].

Les services de base sont en danger en raison des accords commerciaux

Le commerce est un autre aspect du rôle du secteur privé dans la politique pour le développement de la Finlande. Ces deux dernières années, le ministère des Affaires étrangères a soutenu l'Aide au commerce et a promu l'importation de produits venus de pays en développement. La Finlande  est connue pour avoir valorisé dans le passé le lien développement-commerce, y compris lorsqu’elle a présidé l'UE en 2006. Le Gouvernement actuel s'est aussi engagé à avoir une cohérence politique mais dans les faits, il ne respecte pas cet engagement. Par exemple, les effets des accords commerciaux sur les pays associés à long terme n’ont pas été pris en compte.

Les principaux forums pour établir les politiques commerciales en Finlande sont l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et l'UE. Si les États membres ont la possibilité de peser sur les négociations de la Commission européenne, la Finlande a rarement exercé ce droit. Le Parlement n'a pas non plus agi en ce sens. Contrairement à la dernière période électorale, le Grand comité du Parlement n'a pas créé de groupe de travail spécial pour les questions commerciales, malgré l'augmentation permanente du nombre et de l'extension des accords commerciaux. Parallèlement, le rapport annuel sur le commerce et le développement présenté par le Département de politique commerciale du ministère des Affaires étrangères devant le Parlement finlandais a été d'une brièveté inhabituelle.

La plupart des ONG finlandaises considère que la Finlande devrait s'abstenir de commercialiser les services de base et assouplir la marge sur les droits de propriété intellectuelle. Par exemple, à Dar es Salam, en Tanzanie – pays associé à long terme – les services de distribution d'eau ont été privatisés.  Seul 25 % des habitants bénéficie de l'eau courante en raison de l'augmentation des prix et de la restriction de la distribution. Pour la Finlande, l'eau est l'un des sujets centraux du développement durable ; le pays devrait donc s’assurer que ces services de base soient effectivement accessibles aux pauvres. Les médicaments en sont un autre exemple. En raison des droits de propriété intellectuelle, ils sont souvent trop chers pour la plupart des habitants des pays pauvres et de revenus moyens.

 

Comment faire face à ces enjeux ?

Pour que les politiques de développement et la coopération soient réellement durables, l'aide de la Finlande doit augmenter en termes absolus et en pourcentage. L'aide ne doit pas être utilisée pour venir à bout des coûts des réfugiés et du financement climatique. Elle doit être canalisée plus efficacement pour réduire la pauvreté. Au-delà de l'APD, la Finlande doit introduire des mécanismes innovants pour le financement incluant des impôts sur les transactions financières pour faire disparaître certaines des brèches du financement pour le développement.

On doit également reconnaître que les savoirs finlandais ne peuvent pas fournir de la valeur ajoutée quand on porte atteinte à la propriété des pays associés ainsi qu’à leurs politiques sociales. L'état de bien-être social de la Finlande elle-même se fonde sur l'égalité et sur les institutions sociales inclusives en tant que moteurs clés du développement économique et social. De telles expériences devraient constituer un élément crucial de la valeur ajoutée apportée par le pays, ainsi qu'une base solide pour rechercher des moyens plus efficaces pour réduire la pauvreté et favoriser la protection sociale à l'étranger.

Le Gouvernement devrait contrôler également de beaucoup plus près les sociétés qui investissent dans les pays en développement et ne devrait pas participer aux investissements qui ne s'engagent pas à respecter les normes de durabilité sociale et environnementale. Il devrait soutenir l'introduction de normes comptables internationales dans les rapports par pays et l'élimination des paradis fiscaux pour arrêter les flux financiers illégaux en provenance des pays en développement.

Finalement, la Finlande devrait prendre des mesures énergiques pour s'assurer que les accords commerciaux n'entrent pas en conflit avec la capitalisation humaine. Comme le pays s'est engagé à contrôler les effets des politiques commerciales sur les pays pauvres, le Gouvernement devrait être plus proactif lorsqu'il s'agit de guider le travail de la Commission européenne, en se fondant sur ses expériences avec les pays associés à long terme.

 

 

[1] Cet article a été écrit par Eva Nilsson, avec la collaboration de Tytti Nahi et Niina Pitkänen.

[2] Matti Ylönen, Innovatiiviset rahoituslähteet ja Suomi. Lehtereiltä parrasvaloihin? Ajatuspaja E2:n tilaisuus eduskunnan kansalaisinfossa, 10 septembre 2010.

[3] Ministère des Affaires étrangères, Gouvernement de la Finlande, Programme de politiques pour le développement 2007 : vers une communauté mondiale durable et juste, Helsinki, 2007, 17.

[4] Ministère des Affaires étrangères, Gouvernement de la Finlande, Problèmes transversaux de la coopération pour le développement de la Finlande : compte-rendu d'évaluation, Helsinki, 2008, 6.

[5] Calculs provenant des données de la Banque de Finlande par l'économiste Airi Heikkila, 10 mai 2010.

[6] Statistiques sur la Finlande, « Suomalaisyritykset ovat ulkomaille ulkoistamisen etujoukkoa », Tieto&trendit 4–5, 2008.

[7] Finnfund, Toimintaraportti 2009.

[8] Valtioneuvoston kanslia, Kohti kestäviä valintoja. Kansallisesti ja globaalisti kestävä Suomi. Kansallinen kestävän kehityksen strategia. Valtioneuvoston kanslian julkaisusarja, 5, 2006, 25.

[9] Finnwatch, Stora Enso etelän eukalyptusmailla, 2, 2009.

[10] Finnwatch, Köyhiltä rikkaille, Yritysten veronmaksu, kehitysmaat ja vastuullisuus, 1, 2009, 21.

[11] Eurodad, La situation réelle de l'aide, 2010. Voir : <www.realityofaid.org/>.

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L’augmentation et l’amélioration de l’aide au développement sont deux questions indispensables

Publication_year: 
2010
Summary: 
Après plus d’un quart de siècle de guerre et presque une décennie d’intervention de la communauté internationale pour mettre fin au régime des Talibans, l’Afghanistan reste un pays instable. Malgré les dépenses effectuées dans le domaine de la sécurité, celle-ci reste faible dans plusieurs régions. Le Gouvernement dispose de ressources limitées et couvre la plupart des dépenses grâce à des subventions, des prêts et un budget externe. L’aide au développement est insuffisante et a souvent été utilisée de manière inefficace. Les ressources disponibles ne devraient pas être employées à des fins politiques et militaires mais pour créer un espace humanitaire permettant le développement, notamment dans les zones de conflit.

Dr Mudassir Rasuli
Coordination of Humanitarian Assistance (CHA)
Sanayee Development Organization (SDO)[1]

Après plus d’un quart de siècle de guerre et presque une décennie d’intervention de la communauté internationale pour mettre fin au régime des Talibans, l’Afghanistan reste un pays instable. Malgré les dépenses effectuées dans le domaine de la sécurité, celle-ci reste faible dans plusieurs régions. Le Gouvernement dispose de ressources limitées et couvre la plupart des dépenses grâce à des subventions, des prêts et un budget externe. L’aide au développement est insuffisante et a souvent été utilisée de manière inefficace. Les ressources disponibles ne devraient pas être employées à des fins politiques et militaires mais pour créer un espace humanitaire permettant le développement, notamment dans les zones de conflit.

En 2001, les forces de l’Alliance du Nord et de la coalition dirigée par les États-Unis ont renversé le régime taliban. Le pouvoir a été assumé par un Gouvernement intérimaire sur la base de l’Accord de Bonn[2] et en 2004 ce régime a adopté une nouvelle Constitution. Cette même année et un an après l’élection présidentielle, des élections législatives ont eu lieu. Après une brève période de paix relative dans la plupart des régions du pays, la situation a commencé à se détériorer à cause des activités exercées par des groupes recevant des armes des talibans. La Force Internationale d’assistance à la sécurité (ISAF, pour son sigle en anglais) a incorporé une quantité croissante d’effectifs dans le pays et a dispensé une formation à l’armée et à la police nationale mais en dépit de cela, la situation s’est aggravée d’année en année.

Le Gouvernement a dû relever l´enjeu de combattre des groupes d’opposition armés mais il a également dû faire face à d’autres adversités, comme la grande sécheresse de 2008, qui frappent les populations les plus pauvres des zones rurales. En même temps, le Gouvernement est tenu de démontrer sa légitimité à travers l’application de la Constitution, la tenue d’élections et l’organisation de travaux de reconstruction et de développement.

Malgré ces difficultés, des changements positifs ont eu lieu dans le secteur de la santé : selon les indicateurs, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a diminué, passant de 257 à 161 pour 1.000 enfants nés vivants grâce à l’augmentation de l’offre des soins médicaux de base et aux larges campagnes de vaccination mises en œuvre dans le pays. En outre, le taux de mortalité infantile a diminué de 129 à 111 pour 1.000 enfants nés vivants. Le taux d’accouchements assistés par un personnel qualifié est passé de 15 % en 2005 à 24 % en 2008. Aucune information récente sur la mortalité maternelle n’est disponible ; les chiffres les plus récents indiquent une mortalité de 1600 pour 100.000 enfants  nés vivants (l’une des plus élevées au monde)[3].

Pour un pays qui a le niveau de développement humain le plus faible du monde après le Niger[4], il est essentiel d’affronter les problèmes posés par la pauvreté et la mauvaise gouvernance, autant pour des raisons morales que politiques. Dans ce sens, l’aide possède une importance capitale et ces financements doivent être utilisés de la façon la plus responsable et la plus efficace possible.

Sécurité
La reconstruction et le développement sont des processus parallèles, mais le manque de sécurité et la criminalité les mettent gravement en danger. Les groupes d’opposition armés sont en mesure de mettre en œuvre des opérations offensives, et cela même dans la « zone verte » de la capitale[5]. Le nombre de victimes civiles augmente tous les ans, et en 2009 près de 6.000 civils afghans ont été tués ou blessés, ce qui représente plus de 16 victimes par jour[6]. Les statistiques de la Mission d’assistance de l’ONU en Afghanistan (UNAMA) montrent que 2009 a été l’année où le plus grand nombre de civils ont été tués depuis 2001, avec 2.412 victimes civiles (14 % de plus que les 2.118 de 2008). On estime que 67 % (1.630) de ces décès ont été provoqués par des éléments antigouvernementaux et 25 % (596) par des forces progouvernementales. Les 8 % restant (186) n’ont pu être attribués à aucune des parties en conflit car ces personnes ont été victimes de feu croisé ou de munitions n’ayant pas explosé[7].

L’ISAF dirigée par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), l’armée nationale afghane et la police sont incapables de garantir un environnement pacifique et sûr, notamment dans le sud du pays. En outre, la corruption est très répandue. Ces facteurs ont entravé la reconstruction, l’aide d’urgence et les travaux de développement. La destruction de l’infrastructure est un problème récurrent : dans le sud du pays des écoles reconstruites, des bureaux gouvernementaux et d’autres bâtiments publics ont été brûlés. Dans le nord, l’est et le centre du pays la situation est un peu plus calme.

Production et répartition des ressources

Le pays a élaboré son propre document stratégique pour réduire la pauvreté : la Stratégie nationale pour le développement de l’Afghanistan dont l’élaboration était une condition préalable pour l’allégement de la dette. Avec une dette extérieure de USD 8 milliards en 2009, l’Afghanistan est considéré comme un pays pauvre lourdement endetté. Une initiative récente du Club de Paris destinée à alléger la dette a abouti à l’annulation de USD un milliard, ce qui permettra au pays de consacrer davantage de fonds au développement et à la protection sociale.

Le revenu national ne parvient à couvrir qu’une partie du budget actuel de sorte que le budget pour le développement est entièrement financé avec des ressources provenant de l’étranger. Le budget 2010-2011 est de USD 2,3 milliards, c’est à dire, 18 % plus élevé que le budget 2009 -2010. Il est presque entièrement consacré à la sécurité et à des améliorations dans le domaine militaire et seulement 14 % et 7 % du budget a été alloué à l’éducation et la santé, respectivement. Le budget pour le développement a diminué et il équivaut aujourd’hui à USD 1,7 milliard pour la période 2010-2011, ce qui signifie une réduction de 31 % par rapport à la période 2009-2010. Chaque année on assiste à une légère augmentation des recettes publiques, mais les limitations des ressources destinées à l’infrastructure, à l’agriculture et à l’éducation entravent les efforts visant à éliminer la pauvreté et à rendre l’éducation accessible pour tous.

L’importation de matériaux de construction, comme le ciment et l’acier, aggrave le problème de la fuite des capitaux. En raison du manque de travailleurs qualifiés, les grands entrepreneurs qui exécutent les projets publics ont recours à des travailleurs provenant d’autres pays ; la main-d’œuvre locale ne participe que faiblement à ces activités.

L’agriculture est un des secteurs les plus importants de l’économie afghane, notamment la culture du pavot. Au cours des dernières décennies, cette source de revenus a été durement touchée par la sécheresse. En raison de sa technologie obsolète et de son infrastructure d’irrigation très élémentaire, le secteur est obligé de subir la concurrence de produits importés d’autres pays, comme l’Iran, le Pakistan et l’Ouzbékistan, où le développement technologique et plus avancé. En outre, étant donné que les installations pour le stockage et l’élaboration sont insuffisantes, les agriculteurs doivent vendre leurs produits rapidement et à bas prix.

Aide

Après l’effondrement du régime taliban en 2001, différents pays donateurs se sont engagés à fournir de l’aide à un niveau important, ce qui a déterminé la réhabilitation rapide de nombreux centres urbains et de nombreuses routes, ainsi que de petits projets d’infrastructure publique dans les zones rurales. Toutefois, cela n’a pas amélioré le niveau de vie des personnes pauvres vivant en zones rurales. Les seuls investissements importants ont été réalisés dans des secteurs à rendement élevé, comme le bâtiment et les télécommunications, dans lesquels vers la fin de l’année 2008, un total de USD 1,3 milliard a été investi.[8]

L’aide internationale représente environ 90 % des dépenses publiques et joue un rôle important pour la paix et la stabilité du pays. Toutefois, jusqu’à présent l’aide a été insuffisante et a été utilisée sans tenir compte de certains critères économiques et de manière inefficace. On estime également que 40 % de l’aide a été reversée aux pays donateurs sous la forme de profits pour les sociétés et de salaires des consultants. En décembre 2007, le directeur d’une entreprise de construction privée basée à Kaboul déclarait que certaines entreprises privées qui obtiennent des contrats directs avec les principaux entrepreneurs conservent 50 % du budget avant de sous-traiter l’affaire en la confiant à une entreprise locale.[9]

Les montants destinés à la reconstruction sont de beaucoup inférieurs aux dépenses militaires. Le coût du maintien d’un soldat américain en Afghanistan est d’environ USD 1 million par an[10] et, depuis 2001, l’Afghanistan a dépensé près de 57 % des quelque USD 47 milliards d’aide provenant des États-Unis pour former et équiper les forces afghanes[11].

Information sur l’aide fournie à l’Afghanistan

• Il y a un déficit d’aide de USD 10 milliards, ce qui représente 30 fois le budget national de l’éducation; depuis 2001 les pays donateurs se sont engagés à débourser USD 25 milliards en aide, mais jusqu’à présent seulement USD 15 milliards ont été versés.

• On estime que 40 % de l’aide est récupérée par les pays donateurs sous forme de profit pour les sociétés et de salaires de consultants ; cela représente environ USD 6 milliards depuis 2001.

• En grande mesure, en raison du manque de coordination et de communication, le Gouvernement ne sait pas comment un tiers de l’aide reçue depuis 2001 (équivalant à environ USD 5 milliards) a été dépensé.

• L’armée américaine en Afghanistan dépense environ USD 100 millions  par jour, alors que le volume moyen de l’aide allouée par l’ensemble des pays donateurs depuis 2001 équivaut à seulement USD 7 millions par jour.

• Plus de la moitié de l’aide est conditionnée à l’achat de biens et de services provenant du pays donateur.

• Plus des deux tiers de l’aide sont canalisés à l’extérieur du Gouvernement.

• Selon les derniers chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), moins de 40 % de l’assistance technique est coordonnée avec le Gouvernement et seulement un tiers des travaux d’analyse ou d’évaluation des donateurs se fait de façon conjointe.

• Les marges de bénéfice des entreprises internationales et afghanes dans les contrats de reconstruction sont souvent de 20 % et peuvent atteindre 50 %.

• Les consultants étrangers qui travaillent pour les cabinets de conseil privés à temps plein coûtent entre USD 250.000 et USD 500.000 par an.

Source : Matt Waldman, Falling Short: Aid Effectiveness in Afghanistan, ACBAR Advocacy Series (Kaboul : Agence de coordination pour l’aide humanitaire afghane, 2008).

 

Peu de progrès

Depuis 2001, l’Afghanistan a réalisé des progrès importants, tels que la mise en place d’institutions démocratiques et de ministères, l’amélioration des soins médicaux et de la vaccination, l’expansion de la scolarité primaire, la construction de routes et d’infrastructures de transport, la croissance économique et la formation des forces de sécurité nationales. En outre, on constate de nombreux cas d’assistance correctement administrée : par exemple, dans le secteur de l’éducation ou dans des projets de développement rural basés sur les communautés (dans le cadre du Programme national de solidarité qui a énormément changé la vie des Afghans).

Cependant, la plupart des Afghans endurent encore des privations et des millions d’habitants vivent dans une extrême pauvreté. Une grande partie de l’assistance a été subordonnée aux priorités des pays donateurs plutôt que d’être adaptée aux besoins des Afghans. Beaucoup trop de projets sont conçus pour obtenir des résultats rapides et visibles et non pas pour parvenir à la réduction durable de la pauvreté ou au développement de compétences.

La quatrième partie de l’aide à l’Afghanistan a été affectée à l’assistance technique dans le but de renforcer les compétences des membres du Gouvernement, mais une bonne partie de cette assistance a été gaspillée ou a eu un impact limité. Trop souvent, la conception et l’exécution des plans négligent l’importance du renforcement de compétences et de la situation et les droits des femmes. Le gros de l’aide se dirige vers Kaboul et vers d’autres centres urbains plutôt que vers les zones rurales où vivent plus des trois quarts des Afghans et où elle serait pourtant  plus nécessaire. Certains secteurs, comme l’agriculture, ont reçu un soutien insuffisant, car ils n’ont pas été considérés comme prioritaires.

En outre, selon l’Enquête de suivi de la Déclaration de Paris, plus de la moitié de l’assistance fournie à l’Afghanistan est conditionnée. Les pays donateurs exigent que l’Afghanistan leur achète des services ou des ressources, privant ainsi l’économie afghane d’une aide précieuse et augmentant le coût des projets. Les pays donateurs ne rédigent que rarement - voire jamais - de rapports publics établissant leurs objectifs et il y a peu de preuves de leurs réalisations[12].

L’espace humanitaire

En Afghanistan, les travailleurs humanitaires ne possèdent pas d’espace où ils puissent apporter de l’aide, notamment dans les zones contrôlées par les groupes d’opposition armés.

Après la chute du régime taliban, la plupart des donateurs a estimé que le conflit en Afghanistan était terminé et le Bureau des Nations Unies pour la coordination de l’assistance humanitaire (UNOCHA) a été officiellement fermé. L’UNAMA a pris en charge les activités humanitaires jusqu’à ce que récemment le contrôle ait été repris par l’UNOCHA. La plupart des pays donateurs et des organisations humanitaires (à l’exception du Comité international de la Croix-Rouge) n’ont pas les moyens de négocier l’accès avec l’autre partie en conflit.

Les talibans considèrent les organismes d’aide comme des organismes progouvernementaux, ce qui fait que les ONG ont du mal à accéder aux zones qui ne sont pas contrôlées par le Gouvernement. Il n’y a pas de consensus entre les pays donateurs, les ONG et la société en général sur les besoins véritables en matière d’aide humanitaire. Dans de nombreux cas, l’insistance des forces militaires pour travailler en collaboration avec les ONG a déterminé la militarisation, réelle ou perçue comme telle, de l’assistance[13]. La quasi-totalité des donateurs est formée par des parties belligérantes ; il n’y a pas de place pour l’humanitarisme et l’OTAN lui-même décrit les ONG comme des organismes ayant un « pouvoir faible » et comme des agents progouvernementaux.

[1] Ce rapport a été également révisé par Abdul Aziz Naderi, Directeur du Programme de SDO.

[2] "Accord sur des dispositions provisionnelles pour l’Afghanistan en attendant le rétablissement des institutions permanentes de gouvernement". Voir : <www.afghangovernment.com/AfghanAgreementBonn.htm>.

[3] Central Statistics Organization, "National Risk and Vulnerability Assessment", 2008. Disponible sur : <nrva.cso.gov.af/>.

[4] PNUD, Rapport de Développement humain 2009. Overcoming Barriers: Human Mobility and Development, New York, 2009.

[5] Une bonne partie du centre de la ville de Kaboul a été isolée avec des barricades pour protéger les bases militaires, les ambassades, les bureaux gouvernementaux et les tribunaux, ce qui ressemble à la « Zone verte » de Bagdad.

[6] "UNAMA calls for safety first, as civilian casualties rise by 14% in 2009", communiqué de presse. Disponible sur : <unama.unmissions.org/Default.aspx?tabid=1760&ctl=Details&mid=2002&ItemID=7265>.

[7] Ibid.

[8] Ibid.

[9] Cité dans Matt Waldman, Falling Short: Aid Effectiveness in Afghanistan, ACBAR Advocacy Series (Kaboul : Agence de coordination pour l'aide humanitaire afghane, 2008), 29. Disponible sur : <www.acbar.org/ACBAR%20Publications/ACBAR%20Aid%20Effectiveness%20(25%20Mar%2008).pdf>.

[10] Christopher Drew, "High Costs Weigh on Troop Debate for Afghan War", The New York Times, 14 novembre 2009.

[11] Curt Tarnoff, "Afghanistan: U.S. Foreign Assistance", CRS Report for Congress, 25 juin 2010.

[12] Matt Waldman, op. cit., 9.

[13] Sippi Azarbaijani-Moghaddam, Mirwais Wardak, Idrees Zaman et Annabel Taylor, Afghan Hearts, Afghan Minds: Exploring Afghan Perceptions of Civil-Military Relations (British and Irish Agencies Afghanistan Group, 2008). Disponible sur : <www.baag.org.uk/publications/item/reports/afghan-hearts-afghan-minds>.

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Mesures audacieuses pour privilégier les gens

Publication_year: 
2010
Summary: 
Les États-Unis jouent toujours un rôle de leadership unique dans l’établissement des priorités globales, mais la récession économique et les nouvelles menaces du changement climatique ont augmenté radicalement les besoins internes et ont imposé de nouvelles limites budgétaires aux dépenses d’aide à l’extérieur. La pire crise économique depuis 1929 a accéléré l’érosion des progrès si difficilement acquis dans les domaines des droits de l’homme, de l’opportunité économique et de la justice sociale pendant des décennies. Dans le même temps, des groupes de citoyens, des organisateurs communautaires et des entrepreneurs sociaux ont proposé des solutions audaces et novatrices pour les problèmes les plus pressants auxquels le pays doit faire face.

Tanya Dawkins, Global-Local Links Project
Aldo Caliari, Center of Concern 
Karen Hansen-Kuhn et Alexandra Spieldoch, Institute for Agriculture and Trade Policy
Lane Vanderslice, Hunger Notes

Les États-Unis jouent toujours un rôle de leadership unique dans l’établissement des  priorités globales, mais la récession économique et les nouvelles menaces du changement climatique ont augmenté radicalement les besoins internes et ont imposé de nouvelles limites budgétaires aux dépenses d’aide à l’extérieur. La pire crise économique depuis 1929 a accéléré l’érosion des progrès si difficilement acquis dans les domaines des droits de l’homme, de l’opportunité économique et de la justice sociale pendant des décennies. Dans le même temps, des groupes de citoyens, des organisateurs communautaires et des entrepreneurs sociaux ont proposé des solutions audaces et novatrices pour les problèmes les plus pressants auxquels le pays doit faire face.

Les États-Unis ont été l’un des 189 pays qui se sont engagés envers les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) lors de l’historique Sommet du Millénaire de l'ONU en l'an 2000. Le Sommet de révision des OMD de 2010 montrera sans doute les préoccupations de millions de personnes, aux États-Unis et dans le monde entier, dont les intérêts sont toujours sapés par une architecture économique et financière incapable de privilégier leurs intérêts. Ce sera également l’occasion d’encourager les engagements du Gouvernement et de la société civile avec l’esprit de la Déclaration du Millénaire : un monde sans pauvreté.

En 2009, le président Barack Obama a affirmé que les OMD sont des « objectifs des États-Unis ».  L’action et l’investissement requis pour aborder les domaines mentionnés dans les OMD sont indispensables aux États-Unis et dans le monde entier. 

La pire crise économique depuis longtemps a accéléré l’érosion des victoires durement gagnées en matière de droits de l’homme, de l’opportunité économique et de la justice sociale pendant des décennies. Des années de politiques publiques officielles ayant priorisé les marchés au détriment de l’investissement destiné aux personnes et aux communautés ont creusé et intensifié l’impact de la crise.

Le besoin d’avoir des points de référence au niveau local, étatique et national, et de présenter la reddition des comptes pour le bien-être humain et de la communauté est devenu plus évident que jamais.  En septembre 2009, le Bureau de recensement des États-Unis a annoncé une importante augmentation du taux de pauvreté allant de 12,5 % en 2007 à 13,2 % en 2008[1]. On s’attend a ce que les chiffres des années 2009 et 2010 poursuivent cette tendance. Le chiffre de 1 % des foyers absorbe les deux tiers du total des bénéfices entre 2002 et 2007, le plus haut niveau de concentration des revenus depuis 1928[2].

On ne s’attend pas à ce que les niveaux d’emploi dans les pays les plus développés économiquement, y compris les États-Unis, puissent revenir aux taux qui ont précédé la crise avant la moitié de l’an 2013, alors que d’autres indicateurs d’emploi subiront un ralentissement jusqu’en 2014[3].  Dès janvier 2009, le chômage a atteint 18,9 % pour les travailleurs de 16 à 24 ans, 8,6 % pour ceux d’entre 25 et 54 ans, et 6,8 % pour les plus de 55 ans, ce qui représente des augmentations de 7,1 %, 4,5 % et 3,6 %, respectivement, depuis 2007. Le taux de chômage officiel par ethnie a été de 16,5 % parmi les travailleurs noirs, 12,6 % parmi les hispaniques et 8,7 % parmi les travailleurs blancs, ce qui représente une augmentation de 7,5 %, 6,3 % et 4,3 %, respectivement[4]. Actuellement, le manque de travail chez les noirs est presque aussi élevé que pendant les années 30 et pour les adolescents noirs, on a atteint un taux impressionnant de 38 %[5].

Alors que l’augmentation du chômage et du sous-emploi a été bien documentée aux États-Unis et dans le monde, on a fait moins attention à une tendance peut-être plus dangereuse d’avant la crise : la croissance économique sans emploi.  Entre 1999 et 2009, malgré les indicateurs macro-économiques positifs,  l’emploi n’a pas du tout augmenté[6]. Ceci montre le besoin de faire des efforts plus prononcés et novateurs pour la création d’emplois, en modernisant l’assurance-chômage et en repensant le contrat social.   À l´heure actuelle, même les efforts de stimulation les plus progressistes n’ont pas été capables d’aborder les conséquences de ce nouvel environnement économique à long terme.

Le rapport 2009 du Rapporteur spécial de l’ONU sur le logement a célébré l’engagement du Gouvernement pour augmenter les fonds du logement, la modification des hypothèques, l’amélioration des quartiers et les initiatives de récupération des urgences au travers de la Loi Américaine de récupération et de réinvestissement. Le rapport montre aussi une tendance alarmante : des millions d’américains pauvres appartenant à la classe ouvrière doivent faire face à des obstacles croissants pour obtenir un logement accessible et approprié, la preuve en est le nombre croissant de familles et d’individus qui vivent dans des refuges ou qui sont forcés de vivre dans d’autres situations tout aussi inadéquates[7]. Environ 30 % des 50 millions de propriétaires de logements possèdent une maison ayant actuellement une valeur inférieure au solde de l’hypothèque ; ce chiffre pourrait augmenter à  50 % vers la fin de l’an 2011[8].

En 2010, après une dure bataille législative, le président a signé la Loi historique sur l’Assurance maladie accessible. Beaucoup sont ceux qui se sont sentis déçus par l’impossibilité d’inclure l’option de mettre en place un plan d’achat de la part du Gouvernement fédéral, également connue sous le nom d’Option Publique.  Cette nouvelle loi, de grande portée, comprend des mesures visant à augmenter la reddition des comptes des compagnies d’assurance, à réduire les coûts de l’assurance maladie et à augmenter les options d’assurance maladie pour tous les américains[9].

Question de priorités : suivre l’argent

Les efforts du Gouvernement pour aborder des questions domestiques, allant de l’éducation et l’indépendance énergétique au développement des petites entreprises, à  la pauvreté et la faim, sont limités par les priorités du budget fédéral.  À l´heure actuelle, USD 1,05 milliard  a été utilisé pour financer les guerres en Irak et en Afghanistan, y compris USD 136.800 millions  affectés à l’exercice fiscal 2010[10]. Le budget militaire proposé pour 2011 représente 13 fois le total de tous les frais non militaires destinés aux relations internationales, y compris le Département d'État, qui ont atteint environ USD 54.000 millions  en 2009. Si ce budget était approuvé, cela représenterait un investissement de USD 16 destinés à la force militaire pour chaque dollar dépensé en sécurité nationale, et de USD 7 pour chaque dollar dépensé dans les secteurs des affaires internationales et de la sécurité nationale.

Bien que la crise financière ait aggravé le gros déficit budgétaire hérité de l’administration précédente, la militarisation croissante des dépenses fédérales est au coeur du problème pour affronter le déficit. Le président Obama et le secrétaire d’État à la Défense, Robert Gates, ont manifesté leur intention de réduire les frais militaires[11]. La promesse d’un « changement radical » faite par Obama lors de la campagne présidentielle exigerait d’arrêter – au lieu de freiner simplement – l’augmentation des allocations militaires de l’ère Bush, outre l’Irak et l’Afghanistan qui, de nos jours, dévorent une proportion du PIB plus importante que jamais depuis la Seconde Guerre Mondiale[12]

Les citoyens,  y compris plusieurs membres riches et éminents, encouragent des projets plaidant pour une série de propositions de budget responsable, depuis la réforme de l’impôt sur le patrimoine pour aboutir à la cessation de la réduction fiscale de l’époque Bush pour les foyers ayant des revenus annuels dépassant USD 250.000.  Le président Obama a créé une Commission nationale pour la responsabilité et la réforme fiscale, chargée d’équilibrer le budget pour l’an 2015 et d’améliorer la santé fiscale du pays à long terme.  La Commission prendra en considération de nombreuses propositions dans les mois qui viennent, entre autres la réduction des dépenses militaires  et un impôt sur la spéculation financière .

Reconstruction de la crédibilité

Le président Obama a dû faire face à de nombreux obstacles pour respecter sa promesse de doubler l’aide externe.  La récession économique, l’augmentation de la faim au niveau mondial et les nouvelles menaces du changement climatique ont augmenté radicalement les besoins mondiaux et ont établi également de nouvelles limitations du budget national vis-à-vis des dépenses d’aide externe.  Le budget demandé par Obama pour l’exercice fiscal 2011 comprend USD 56.000 millions pour l’assistance à l’étranger, une augmentation significative par rapport aux demandes de 2010 mais bien moins d’un dixième du budget militaire.  Le budget comprend USD 18.000 millions pour l’aide à la pauvreté et au développement, USD 1.900 millions pour l’aide alimentaire et USD 16.000 millions pour l’aide à la sécurité (y compris l’aide militaire étrangère et les programmes anti-drogue) [14].

Il s'avère toujours nécessaire d’avancer pour aborder les problèmes structuraux de l’assistance étrangère.  Actuellement, elle est gérée par 24 agences gouvernementales et 50 programmes, dont beaucoup sont doublés et d’autres se contredisent.  Une Directive présidentielle d’étude sur la politique de développement mondial a été créée pour réviser le système actuel et recommander des modifications.  Le Congrès travaille aussi sur des lois visant à réformer les programmes d’aide externe qui ont été retardés par la longue bataille en faveur des réformes financière et de la santé.

Parmi les propositions prometteuses on identifie une nouvelle et importante initiative sur la crise alimentaire mondiale favorisant de nouveaux investissements dans le secteur de l’agriculture durable et donnant la priorité aux programmes pour les petits agriculteurs et pour les femmes.  D’autre part, le Gouvernement plaide toujours en faveur de la libéralisation du commerce comme solution à la faim mondiale, malgré les preuves indiscutables montrant que le libre commerce a sapé les producteurs alimentaires au niveau mondial.  De la même manière, le Gouvernement favorise les initiatives de la biotechnologie au détriment d’autres technologies, malgré les preuves suffisantes démontrant que ces programmes n’augmentent pas la disponibilité d’aliments. 

Les États-Unis jouent toujours un rôle de leadership unique pour établir les priorités mondiales, notamment  pour ce qui est des efforts continus visant à revoir la conception de l’architecture financière mondiale.  À la fois, le G20, BRICS[15] et d’autres nouvelles configurations géopolitiques sont en train de modeler et de changer les relations des pouvoirs économique et politique au niveau mondial.  Bien des fois, on affirme que le Gouvernement des États-Unis a une responsabilité particulière dans la crise économique et financière mondiale de 2008 à cause de la régulation laxiste du système financier national et de sa promotion historique de la dérégulation mondiale et de la libéralisation commerciale et financière. Ces politiques, encouragées systématiquement depuis les années 80 à travers la Banque mondiale et le FMI, ont augmenté la vulnérabilité des économies des pays en développement face à des facteurs externes, une tendance intensifiée par la crise.

L’administration a été durement critiquée au Congrès et à l’étranger du fait de son soutien  à une injection sans précédents de USD 750.000 millions pour le FMI lors du Sommet du G20 à Londres.  Le FMI s’est trouvé à la limite de la non-pertinence en raison de la gestion des crises précédentes et d’autres problèmes.  Cette injection de fonds a permis au FMI de jouer un rôle central quant à la réponse à la crise sans avoir réalisé les réformes internes et externes dont il avait tellement besoin pour réviser notamment les politiques imposées pendant si longtemps aux pays en développement, y compris les limitations de politique fiscale qui diminuent la croissance et intensifient les récessions économiques.  L’impact négatif de ces dispositions devient plus visible face aux politiques adoptées par certains actionnaires du Fonds, y compris les États-Unis, qui sont totalement contraires à celles imposées aux pays en développement.

Le manque de réformes fondamentales au sein du FMI affaiblit même les propositions les plus novatrices. Voici le cas, par exemple, de l’injection de USD 283.000 millions en Droits de tirage spéciaux (DTS), qui sont des actifs pouvant être utilisés par les récepteurs soit comme des réserves libres d’intérêt soit pour faciliter les prêts de devises à un taux d’intérêt préférentiel.   Du fait que les DTS sont distribués sur la base de quotas dans les pays membres du FMI, il n’a pas été possible d’introduire des innovations importantes ayant pu améliorer l’impact favorable dans les pays en développement.  La détérioration rapide de la situation de la dette dans beaucoup de pays supportant des déficits fiscaux en augmentation et de moins en moins de revenus de l’exportation aurait pu être mitigée par le biais d’une plus grande flexibilité politique et par des séries de remise ou de moratoire de la dette au lieu d'une dette additionnelle.

Vers l’avenir : il faut agir avec audace

Les résultats du recensement 2010 fourniront des informations importantes concernant les nouvelles opportunités ayant besoin du leadership des citoyens et d’un esprit entrepreneur, notamment si l’on pense à retisser le réseau effiloché de la sécurité du pays, l’infrastructure physique et le développement communautaire.  Ces efforts doivent aller plus loin que l’importante intervention à court terme fournie par les initiatives d’encouragement.

Le président et le public ont appris quelques dures leçons sur le sens d’un « changement » réel dans un environnement politique de plus en plus toxique.  La société civile doit continuer à exiger un véritable leadership pour aborder les questions qui  préoccupent davantage les gens dans leur vie quotidienne.  Les groupes de citoyens, d’organisateurs communautaires et d’entrepreneurs sociaux sont en train d’imaginer dans tout le pays, des solutions audacieuses aux problèmes les plus pressants qui sont bien nombreux.  Au niveau national, les propositions incluent la création d’une nouvelle entité nationale des droits de l’Homme reconnaissant les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les droits civils et politiques, et les appels à l’action pour ratifier la stagnante Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW pour le sigle en anglais). Tous ces efforts exigent des associations stratégiques avec des alliés du Gouvernement.

Les États-Unis ont une opportunité sans précédents pour offrir un leadership basé sur des principes solides concernant la nouvelle conception retardée de l’architecture économique et financière nationale et mondiale.  En 1944, le président Franklin D. Roosevelt a réclamé une « déclaration des droits économiques » radicale.  Sa vision rassemblait le droit à la santé, à l’éducation et à un « emploi avec un salaire digne », suffisant pour payer une alimentation adéquate,  les vêtements, les loisirs et un logement digne ainsi qu’un réseau de sécurité protégeant contre l’appauvrissement causé par la vieillesse, la maladie, les accidents et le chômage.  « Nous ne pouvons pas être satisfaits, même si le niveau de vie général est très élevé, si une fraction de notre population (…) est mal alimentée, mal habillée, habite dans un logement précaire ou se trouve dans une situation d’insécurité » [16].

Un pays et un monde sans pauvreté, basés sur les principes de la démocratie, des droits de l’Homme, des opportunités et de la justice économique, sont sans doute possibles. Atteindre ces objectifs demande une vision et des actions audacieuses plaçant les gens au coeur des efforts de la reprise économique.

 

[1]  Gregory Acs, "Poverty in the United States, 2008," The Urban Institute | Research of Record. Disponible sur : <www.urban.org/url.cfm?ID=901284>. 

[2]   Bureau du Vice-Président, "Annual Report of the White House Task Force on the Middle Class", février 2010. Disponible.

[3]   OIT, « Pacte Mondial en faveur de l’emploi : Amérique du Nord ». Disponible en anglais sur : <www.ilo.org/jobspact/country/lang--en/WCMS_124402/index.htm>

[4]   Economic Policy Institute,"Unemployment Drops to 9.7% despite More Job Losses" Disponible en anglais sur : <www.epi.org/publications/entry/jobs_picture_20100205/>.

[5]   Orlando Patterson, "For African-Americans, A Virtual Depression—Why?" The Nation. Disponible sur : <www.thenation.com/article/36882/african-americans-virtual-depression>.

[6]   Barry Lynn and Phillip Longman, "Who Broke America’s Jobs Machine?" Washington Monthly Webcast, 4 mars 2010. Disponible.

[8] Leo Hindery, Jr., "Our Dirty Little Secret: Who's Really Poor in America?” AlterNet, 9 mars 2010. Disponible en anglais sur : <www.alternet.org/story/145950/>.           

[9] Understand the New Law”, HealthCare.gov. Disponible sur : <www.healthcare.gov/law/about/index.html>.      

[10] National Priorities Project, "Cost of War". Disponible sur : <www.nationalpriorities.org/costofwar_home>.

[11] Ewan MacAskill, "US Defence Secretary Announces Large Cuts to Help Curb Spending," The Guardian, 6 avril 2009. Disponible .    

[12] Miriam Pemberton y Suzanne Smith, "Budget Makes No 'Sweeping Shift' in Security Spending Yet" Institute for Policy Studies: Ideas into Action for Peace, Justice, and the Environment, 26 février 2009. Disponible sur : <www.ips-dc.org/articles/1118>.

[13] Committee for a Responsible Federal Budget, “Obama Establishes Deficit Commission," 18 février 2010. Disponible sur : <crfb.org/blogs/obama-establishes-deficit-commission>.    

[14] Ken Forsberg y Viraf Soroushian, "FY2010 Federal Funding for Key Foreign Assistance Accounts," InterAction, 10 janvier 2010. Disponible sur : <www.interaction.org/document/Budget_Appropriations_Chart>.

[15] Le Brésil, la Russie, l´Inde, la Chine et l´Afrique du Sud.   

[16]  Discours de FDR sur l’état de la nation en 1944, Franklin D. Roosevelt Presidential Library and Museum. Disponible sur : <www.fdrlibrary.marist.edu/archives/address_text.html>.

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Nouvelles tendances dans le financement du développement

Publication_year: 
2010
Summary: 
Dans la plupart des pays les ressources des donateurs destinées à financer le développement sont étroitement liées aux progrès effectués dans les engagements pris par les gouvernements nationaux. Cela exclut la notion de participation des citoyens et accentue le rôle du secteur privé. En Inde, la société civile réclame qu’une plus grande attention soit accordée aux questions sociales dans les plans nationaux de développement et dans la planification des budgets. L’Évaluation populaire au cours de la période correspondant au 11e plan quinquennal montre la nécessité d’une plus grande participation de la société civile dans la formulation et la conception des politiques publiques.

Social Watch India
Himanshu Jha

Dans la plupart des pays les ressources des donateurs destinées à financer le développement sont étroitement liées aux progrès effectués dans les engagements pris par les gouvernements nationaux. Cela exclut la notion de participation des citoyens et accentue le rôle du secteur privé. En Inde, la société civile réclame qu’une plus grande attention soit accordée aux questions sociales dans les plans nationaux de développement et dans la planification des budgets. L’Évaluation populaire au cours de la période correspondant au 11e plan quinquennal montre la nécessité d’une plus grande participation de la société civile dans la formulation et la conception des politiques publiques.

Dans son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2008, le Premier ministre de l’Inde, Manmohan Singh, a déclaré que les pays développés devraient honorer leurs engagements pour le développement mondial. Toutefois, les derniers chiffres sur la pauvreté montrent que le Gouvernement indien lui-même ne remplit pas ses engagements. Le Rapport sur la pauvreté publié en novembre 2009 par le Groupe d’experts de la Commission de planification estime que 37 % de la population de l’Inde vit actuellement en dessous du seuil de pauvreté, un pourcentage bien supérieur à celui de 27,5 % estimé par le Gouvernement. La situation est encore pire dans les zones rurales, où 42 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté[1].

En Inde, 1,95 million d’enfants de moins de 5 ans meurent chaque année. Cela représente un des taux les plus élevés au monde[2], et dans les zones rurales il est 60 % plus élevé[3]. On constate également une grande disparité selon le genre, avec 70 décès pour 1.000 hommes et 79 décès pour 1.000 femmes[4]. Selon l’UNICEF, moins de 25 % de la population rurale a accès à des toilettes (W-C) et seulement 4 fillettes sur 10 arrivent à compléter huit ans de scolarité. Ces tendances sont alarmantes à la lumière de l’engagement global envers les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et des engagements du Gouvernement lui même, exprimés dans les Objectifs nationaux de développement. Dans ce contexte, il convient d’analyser quels sont les plans du pays pour financer l’accomplissement des objectifs de développement, en particulier en ce qui concerne les Investissements directs étrangers (IDE), l’Aide publique au développement (APD) et les dépenses publiques dans le secteur social.

Le Financement pour le développement (FpD) par le biais de l’IDE : un mécanisme de croissance et d’équité?

Au cours de ces dernières années, l’accent a été mis sur l’importance d’attirer des IDE en tant que moyen de financement du développement, notamment pour les économies moins développées, en voie de développement et en transition. L’Inde a montré son intérêt à attirer des IDE à travers différentes mesures de libéralisation, l’ouverture des marchés financiers et commerciaux et l´assouplissement des normes de travail et environnementales. Entre autres politiques, le Gouvernement permet que les entreprises possèdent 100% de titularité étrangère par le biais de ce qu’on appelle la  «  voie automatique » élevant le plafond pour les capitaux étrangers, supprimant les restrictions sur certains types d’investissements et permettant que ces IDE s’appliquent aussi au commerce de détail et à l’agriculture[5]. Par conséquent, au cours de ces dernières années les flux de capitaux étrangers ont augmenté de façon constante : en 2009-2010 les entrées de capitaux ont atteint  USD 22,9 milliards, par rapport à USD 4,3 milliards pour la période 2005-2006[6].

Il reste à voir si cette affluence de capitaux est en train de provoquer l’
« effet de ruissellement » désiré. Dans le Rapport sur le climat d’investissement 2009 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), l’Inde est classée comme un pays à « faible performance ». L’importance des blocs commerciaux régionaux comme moyen de promotion des rapports commerciaux dans la région est en train d’augmenter, mais la liste des principaux pays investisseurs (l´Île Maurice, Singapour, les États-Unis, le Royaume-Uni, Chypre, le Japon, l´Allemagne, les Émirats Arabes Unis, les Pays-Bas et la France) montre que l’Inde a été lente à se joindre à la dynamique du commerce régional malgré les alliances nouées avec l’Association des Nations du sud-est asiatique (ASEAN). Au niveau régional, la Zone de libre échange de l’Asie du sud (SAFTA) a complètement échoué. D’autre part, l’Inde a résisté à la crise économique régionale et globale précisément parce que son économie – notamment le secteur financier - n’est pas entièrement ouverte.

Les efforts pour attirer les IDE visent en partie à promouvoir le développement dans les régions du pays qui sont restées en marge du développement socioéconomique. Cependant, actuellement une tendance peu encourageante se profile car les zones déjà développées (notamment Bombay et Delhi) continuent d’attirer plus d’IDE que les zones moins développées, comme les états du nord-est. En effet, ceux-ci restent en dehors de la scène principale malgré les concessions que le Gouvernement a faites aux investisseurs nationaux et étrangers : exemptions d’impôts indirects et d’impôts sur les revenus et subventions d’investissement pour promouvoir les activités industrielles.

Dans le cadre de ses efforts pour libéraliser le marché, le Gouvernement a créé de nombreuses zones économiques spéciales (ZES) dans tout le pays, générant un effet négatif sur des millions d’agriculteurs et sur les communautés marginalisées. Les estimations indiquent que presque 114.000 ménages vivant de l’agriculture et 82.000 autres familles qui dépendent de l’agriculture seront déplacés par les ZES. Cela implique un effondrement total des économies rurales de ces zones, ce qui a provoqué des protestations massives dans le Bengale occidental, en Orissa, au Maharashtra, en Andhra Pradesh et dans d’autres régions.

Une proportion importante des IDE est destinée au secteur des services, aux industries fondées sur la connaissance et à la fabrication de biens de consommation à faible technologie. Les IDE augmentent également le phénomène de « croissance sans emplois » car elles créent des emplois dans le secteur organisé qui ne représente que 7 % de la main d’œuvre totale.

Les efforts entrepris récemment pour attirer les IDE vers le secteur du commerce de détail ont suscité un débat considérable. Cette mesure représente une grave menace pour les détaillants et les commerçants à petite échelle. Ces derniers constituent un total de 15 millions de personnes qui détiennent jusqu’à 98 % du commerce de détail, représentant 10 % du PIB[7]. Cela aura de graves conséquences car ce secteur du commerce de détail emploie également 10 % de la force de travail totale (il occupe la deuxième place après l’agriculture). Du point de vue des consommateurs, cela a aussi de graves conséquences en ce qui concerne l’accessibilité et l’abordabilité, car pour les ménages pauvres ou à faible revenu il est plus facile de s’adresser au commerçant local.

Bien que l’affluence des IDE ait augmenté au fil du temps, on ne sait toujours pas s’ils ont la capacité de fournir un financement servant à promouvoir le développement de façon authentique et inclusive. Pour garantir que les IDE apporte un bénéfice à l’ensemble du pays, y compris les entreprises et les communautés locales, les structures économiques du pays devront promouvoir la création d’un environnement propice favorisant l’effet de ruissellement des IDE, tant en faveur des entreprises que des communautés locales.

Tendances de l’aide extérieure : l’Inde en tant que receveur et donateur

L’Inde est l’un des principaux bénéficiaires de l’Aide publique au développement (APD), et elle reçoit 2 % du total versé dans le monde[8]. L’aide extérieure, y compris les prêts et les subventions, a augmenté de façon exponentielle depuis le début des années 90, correspondant au moment où le pays a adopté la politique d’ajustement structurel promue par les Institutions financières internationales (IFI). La majeure partie de l’aide extérieure reste sous la forme de prêts, ce qui contredit un précédent engagement des donateurs à maintenir leurs prêts à 35 % de l’aide extérieure, tandis que les 65 % restants seraient versés sous la forme de subventions.

La réduction des subventions bilatérales a eu des effets adverses sur les programmes de développement au niveau local, où travaille la plupart des ONG : actuellement on estime qu’environ 1,2 million d’ONG travaillent dans le pays, avec un revenu mensuel de 17.922 crores (USD 16 millions)[9]. Le financement de ces ONG « partenaires du développement » (selon le Gouvernement et, de plus en plus, selon les groupes eux-mêmes) a diminué au fil du temps, et devrait continuer à le faire dans l’avenir.

L’utilisation de l’aide étrangère a toujours été un problème en Inde, notamment en raison de son système de Gouvernement fédéral. Les estimations de l’aide extérieure reçue par le Gouvernement pour la période 2010-2011 montrent que le ministère de la Santé et de la famille et le ministère du Développement urbain ont reçu les montants les plus élevés de cette aide, tandis que le ministère de la Femme et du développement de l’enfant a reçu à peine 0,95 % du total[10]. Les variations régionales sont également importantes : par exemple, pendant la période 2007-2008 certains des états en meilleure situation, comme l’Andhra Pradesh, le Tamil Nadu et le Bengale occidental ont reçu les montants les plus importants assignés par le Gouvernement central pour des projets qui dépendent de l’aide étrangère. D’autres régions, en particulier dans le nord-ouest, ont reçu peu de financement de ce budget, voire aucun.

De récepteur à donneur d’aide

La position de l’Inde en tant que bénéficiaire de l’aide a changé fin 2003, lorsque le Gouvernement en place a décidé de limiter l’aide reçue aux subventions bilatérales de cinq pays (les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, l´Allemagne et la Fédération de Russie) et de l’Union européenne. Les autres pays pouvaient acheminer les fonds directement à travers des agences multilatérales vers les organisations de la société civile, obligeant ces dernières à se plier à davantage de règles, voire à l’obligation d’obtenir des permis pour recevoir des fonds de l’étranger. Beaucoup de ces organisations sont limitées dans leur liberté d’action, souffrent des retards dans la ratification et dans la mise en œuvre de l’assistance à différents niveaux et doivent faire face à une augmentation significative de leurs coûts administratifs.

Les tendances récentes confirment l’Inde comme un pays donateur. En 2010-2011 l’Inde a octroyé INR 23,8 milliards (USD 509 millions) en prêts et subventions à des gouvernements étrangers. Parmi les bénéficiaires, le Bhoutan a reçu le montant le plus élevé (USD149 millions), suivi de l’Afghanistan (USD 53 millions) et de l’Afrique (USD 32 millions)[11].

En outre, l’Inde offre une formation à des universitaires, à des bureaucrates et à des fonctionnaires d’autres pays en développement en conformité avec la Indian Technical and Economic Cooperation (ITEC), un programme d’aide à l’étranger établi en 1964[12]. Les fonds alloués pour ce programme ont augmenté progressivement au cours des années pour atteindre finalement USD 21 millions pendant la période 2010-2011[13]. Contrairement à la croyance générale, cette tendance n’est pas nouvelle : l’Inde aidait déjà le Népal et la Birmanie bien avant la création de l’ITEC. Cependant, on lui reproche, en tant que donateur, le fait d’imposer aux pays récepteurs les mêmes conditions qu’elle refuse d’accepter en tant que récepteur, notamment, l’obligation d’utiliser les fonds assignés pour acheter des biens et services indiens[14].

Le mantra du partenariat public-privé

Le modèle promu dans le cadre du partenariat public-privé (PPP) vise à accroître le rôle national dans le développement à travers une plus large participation des organisations de la société civile, des représentants locaux et de base, des organismes publics et des acteurs privés. Dans son évolution, le modèle a presque perdu la totalité de la partie publique de la collaboration et se concentre principalement sur l’aspect privé. L’étude des « contrats de gestion » montre que « le Gouvernement assume le risque alors que les entreprises n’investissent pas un sou... elles se contentent de fournir des superpatrons qui contrôlent l’administration, les finances et les biens de l’entreprise de service publique et perçoivent un émolument annuel généreux »[15].

La Jawaharlal Nehru Urban Renewal Mission, un programme phare du Gouvernement pour l’infrastructure urbaine et les services de base pour les pauvres des zones urbaines, est un reflet de ce modèle, car presque tous ses fonds sont soumis à des conditions. Les états et les autorités locales subordonnent les réformes du financement à des subventions et à des prêts, représentant une violation du « principe de subsidiarité » (selon lequel les réformes, les prêts et les subventions devraient suivre des voies séparées), ce qui est extrêmement coercitif. Les Plans de développement des villes, conçus pour être formulés conjointement par plusieurs acteurs, y compris la société civile, se déroulent sans la participation du public.

Un exemple illustratif est la privatisation de certaines des activités de l’Office des eaux de Delhi, basée exclusivement sur le programme de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de développement et de l’USAID. Par conséquent, le Gouvernement assume la quasi-totalité des coûts et la difficile tâche de récupération des fonds ; le processus de privatisation a donné lieu à une diminution des actifs de l’Office des eaux et de la valeur générale de ses services, ce qui a permis à des multinationales d’acquérir les biens et les fonctions de l’Office des eaux. Un autre problème se pose avec la participation de la Banque mondiale à toutes les étapes de mise en œuvre du projet, comme, par exemple, la détermination des critères d’admission et de sélection pour les soumissionnaires et l’attribution de contrats à des cabinets conseil[16].

On constate l’existence de tendances similaires dans le secteur de la santé et de l’éducation, malgré l’échec de ce modèle dans le Punjab, qui fut l’un des premiers états à mettre en œuvre les réformes. Dans sa première évaluation quinquennale du programme appliqué dans le Punjab, la Commission fédérale de désinvestissement public a recommandé son annulation, pour cause d’ineptie administrative et de favoritisme dans le département de la santé[17]. Mais il est clair que le modèle PPP est encore prédominant en 2010.

Conclusion

Dans de nombreux pays, le financement pour le développement est étroitement lié aux progrès réalisés par les gouvernements dans le domaine du respect de leurs engagements. En Inde, la société civile exige qu’une plus grande attention soit accordée à la mise en œuvre des programmes et des assignations budgétaires de contrepartie. La société civile doit davantage participer au processus de FpD, non seulement en ce qui concerne l’exécution et les résultats, mais aussi dans la formulation et la conception des politiques publiques, comme l’indiquent les résultats du People’s Mid Term Appraisal du 11e Plan Quinquennal. Cette évaluation, organisée par les OSC et soutenue par la Commission de planification, représente un exemple d’une plus grande participation au niveau de la politique, de la façon dont les OCS doivent avancer et de la direction qu’elles doivent adopter.

[1] Indian Planning Commission, Report of the Expert Group to Review the Methodology for the Estimation of Poverty, novembre 2009.  Sa méthodologie a été modifiée pour inclure la santé et l’éducation outre les revenus. Disponible sur : <www.planningcommission.nic.in/reports/genrep/rep_pov.pdf> (visité le 27 mai 2010).

[2] Save the Children-India, “Child Survival 2009”, 2009. Disponible sur : <www.savethechildren.in/resources/position-papers.html>.

[3]Gouvernement de l’Inde, National Family Health Survey-3, 2007. Disponible sur :  <www.nfhsindia.org/nfhs3.html>.

[4]Discrimination contre les « femmes disparues » avant leur naissance, pour éviter qu’elles naissent, ou après leur naissance de telle façon qu’elle ne puissent pas survivre. Voir : “India: the accumulated effects of inequality”, Social Watch Report 2005, Roars and Whispers. Disponible sur le site Internet : >www.socialwatchindia.net/commit_5.htm>.

[5] Ministry of Finance, Union Budget and Economic Survey 2007-08. Disponible sur : <www.indiabudget.nic.in/es2007-08/esmain.htm> (visité le 27 mai 2010).

[6] Department of Industrial Policy and Promotion, Ministry of Commerce and Industry, FDI Fact Sheet 2010.

[7] E A S Sarma, “Need for Caution in Retail FDI”, Economic and Political Weekly, New Delhi, novembre 2005.

[8] OCDE, “ODA to the Developing World: Summary, Development Aid at a Glance 2007”, 2007.

[9] Society for Participatory Research in Asia, Invisible, Yet Widespread: The Non-Profit Sector in India, décembre 2002.

[10] Gouvernement de l’Inde, Estimates of Provision for Externally Aided Projects in Central Plan Included in Budget Estimates 2010-11, Expenditure Budget Vol-I, 2010-11. Disponible sur : <www.indiabudget.nic.in/ub2009-10/eb/stat19.pdf> (visité le 28 mai 2010).

[11] Gouvernement de l’Inde, budget des dépenses 2010-11, Subventions et prêts à des gouvernement étrangers, 2010.

[12] Dweep Chanana, “India as an Emerging Donor”, Economic and Political Weekly, New Delhi, 21 mars 2009. Voir également : <www.itec.mea.gov.in>.

[13] Government of India, Grants and Loans to Foreign Governments, op. cit., plusieurs années.

[14] Sonia Cahturbedi, “India’s double standard on international aid as donor and receiver”, India Daily. Disponible sur : <www.indiadaily.com/editorial/09-27b-04.asp> (visité le 28 mai 2010).

[15] Bhaduri Amit et Arvind Kejriwal “Urban Water Supply: Reforming the Reformers”, Economic and Political Weekly, New Delhi, 31 décembre 2005.

[16] Social Watch India, “Citizens Report on Governance and Development 2007”, New Delhi, 2007.

[17] Ibid. La People’s Mid Term Appraisal of the 11th Five Year Plan, réalisé à New Delhi les 4 et 5 février 2010.

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Négligés: la pauvreté et l’environnement

Publication_year: 
2010
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Le changement de gouvernement survenu à la suite des élections de 2009 n’a pas encore agi au bénéfice des pauvres et des autres victimes de la crise financière. On ne détecte aucun changement de stratégie dans le marché du travail ni au niveau des politiques sociales, et l’appauvrissement de larges secteurs de la société se poursuit. D’autre part, les questions environnementales ont joué un rôle très secondaire dans la réponse du Gouvernement à la crise. Selon le Fonds mondial pour la nature, seulement 6 des 32 mesures de relance économique ont eu un impact positif sur l’environnement, et à peine 13 % d’entre elles peuvent être considérées durables.

Social Watch Allemagne
Uwe Kerkow

Le changement de gouvernement survenu à la suite des élections de 2009 n’a pas encore agi au bénéfice des pauvres et des autres victimes de la crise financière. On ne détecte aucun changement de stratégie dans le marché du travail ni au niveau des politiques sociales, et l’appauvrissement de larges secteurs de la société se poursuit. D’autre part, les questions environnementales ont joué un rôle très secondaire dans la réponse du Gouvernement à la crise. Selon le Fonds mondial pour la nature, seulement 6 des 32 mesures de relance économique ont eu un impact positif sur l’environnement, et à peine 13 % d’entre elles peuvent être considérées durables.

Malgré les mesures de soutien du Gouvernement de EUR 480 milliards pour les  banques et pour l’industrie et les mesures de relance économique de EUR 107 milliards, la crise financière a nettement imprimé sa marque dans l’économie allemande. Il est vrai qu’il y a eu moins de licenciements qu’on ne le craignait, mais ceux qui ont aujourd’hui un emploi  doivent se débrouiller avec moins d’argent. En 2009, pour la première fois en plus de 60 ans d’histoire de la République Fédérale, les employés ont dû accepter une réduction de 0,4 % sur leurs salaires et sur les salaires bruts journaliers réels (environ EUR 100) [1]. Cette baisse des revenus par habitant est due principalement à la prolifération du travail à mi-temps et à la réduction des heures supplémentaires. Le secteur manufacturier a été tout particulièrement touché, avec une baisse des revenus par habitant de 3,6 % (même si une augmentation de 4,4 % a été observée sur la base des salaires horaires).

Dégradation progressive des conditions sociales

Près de 6,5 millions de personnes – plus d’un employé sur cinq – travaillent pour des tarifs horaires qui se situent en dessous du salaire minimum , d’après le rapport de l’Institut pour le travail, la qualification et la formation de l’Université de Duisburg-Essen[2]. Le pourcentage d’employés ayant une formation professionnelle et qui se retrouvent dans l’obligation de travailler dans le secteur des bas salaires a aussi considérablement augmenté. Les travailleurs réellement non qualifiés représentent seulement 20 % environ de ce secteur.

L’aggravement des conditions touche tous les groupes défavorisés de la société : au milieu de l’année 2009, le nombre de bénéficiaires de l’aide offerte par la fédération des banques alimentaires Tafel est monté pour la première à plus d’un million[3]. Les initiatives d’aide sociale de Tafel sont mises en place dans la plupart des villes allemandes, et reçoivent des dons d’aliments du secteur commercial et, grâce au soutien d’environ 40 000 bénévoles, elle distribue des aliments de base aux personnes qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins quotidiens. Le président de la fédération Deutsche Bundesverband, Tafel e.V., Gerd Häuser, a prié instamment le Gouvernement de nommer un Commissaire à la Lutte contre la pauvreté,     « doté de larges pouvoirs pour coordonner les activités des quatre ministères fédéraux[4] responsables de la réduction de la pauvreté, et pour servir de point de contact aux organisations privées telles que les initiatives de Tafel ou les associations de bien- être social[5] ».

En Allemagne le droit à l’éducation conventionnelle des enfants handicapés n’est pas appliqué

Vernor Muñoz, Rapporteur spécial de l’ONU en matière de droit à l’éducation, s’est rendu en Allemagne en début d’année 2010 et il a émis de nouveau très clairement ses critiques concernant l’incapacité des autorités éducatives pour offrir des places en nombre suffisant dans les écoles conventionnelles aux enfants handicapés, les enfants trisomiques notamment. Bien que la scolarité d’intégration soit une exigence de la Convention de l’ONU relative aux Droits des personnes handicapées, ratifiée par l’Allemagne en 2007, environ 400.000 garçons et filles handicapés (85 %) sont inscrits dans des écoles spécialiséesA.

Muñoz avait déjà présenté un rapport au Conseil des Droits de l’Homme en 2007 sur sa mission en Allemagne l’année précédente. Il y avait exprimé sa conviction sur le fait que : « le processus de classement qui a lieu au niveau de l’enseignement secondaire du premier degré (…) n’évalue pas les élèves de façon correcte et au lieu d’inclure, il exclut »,  car lors de sa visite il a pu vérifier que, par exemple, les enfants pauvres et émigrants – ainsi que les enfants handicapés – sont négativement affectés par le système de classementB.

La réponse du Gouvernement à ce rapport se limite à quelques paragraphes qui n’abordent pas le fond des critiques : « L’assistance scolaire obligatoire concerne [les enfants handicapés] dans la même mesure que les enfants et les jeunes non handicapés. (…) Les élèves handicapés sont scolarisés aussi bien dans  des centres conventionnels, mélangés aux élèves non handicapés, que dans des écoles spéciales [Sonderschulen] ou dans des écoles pour enfants aux besoins éducatifs spéciaux [Förderschulen] »C. Cependant, l’affaire est traitée plus sérieusement que ce que la déclaration citée plus haut pourrait faire croire : en 2008, l’Institut allemand des droits humains a été chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention dans le pays D. Le financement de ce travail est fourni par le ministère fédéral du Travail et des affaires sociales et le budget annuel pour l’unité de surveillance atteint actuellement EUR.

A : Christian Füller, "Menschenrechte nicht für den Mond", taz.de, 9 juin 2009. Disponible sur : <www.taz.de/1/zukunft/wissen/artikel/1/menschenrechte-nicht-fuer-den-mond>.
B : Conseil des Droits de l’Homme, "Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation", Vernor Muñoz. Adenddum : Mission en Allemagne, 13–21 février 2006,” A/HRC/4/29/Add.3.
C : Ministère fédéral de l’Éducation et de la recherche, "Bericht des UN-Sonderberichterstatters für das Recht auf Bildung." Disponible sur : <www.bmbf.de/de/7763.php>.
D : Voir :  <www.institut-fuer-menschenrechte.de/de/monitoring-stelle.html>.

L’environnement considéré sous un angle nominal

Les questions relatives à l’environnement n’ont joué qu’un rôle secondaire dans la réponse du Gouvernement à la crise financière. En revanche, les mesures de relance économique ont été orientées en grande partie vers le développement du transport privé. La mesure baptisée « prime à la casse » (cash for clunkers) est particulièrement polémique. Elle consistait en un paiement unique de EUR 2.500 EUR versé par l’État aux propriétaires de vieilles voitures pour qu’ils achètent des véhicules neufs et qu’ils emmènent le vieux à la casse. Le Verkehrsclub Deutschland (Club de transport allemand – VCD) a critiqué le concept, argumentant qu’on aurait pu faire bien plus pour protéger la nature si l’indemnisation s’était basée sur des critères environnementaux ou si les fonds avaient été investis dans des moyens alternatifs de transport. Qui plus est, selon l’opinion du VCD, promouvoir le transport public et moderniser la technologie environnementale aurait pu avoir une plus grande répercussion en termes de création d’emploi et d’amélioration du bilan général de l’environnement[6].

Une analyse complète des impacts environnementaux des mesures de relance économique, présentée par le Fonds mondial pour la nature, juge que seuls 6 des 32 mesures ont eu des effets bénéfiques. En termes des ressources financières mobilisées, à peine 13 % des mesures peuvent être considérées durables.

Le seul sujet à avoir eu une transcendance directe vis-à-vis de l’environnement, selon le rapport, c’est l’investissement en améliorations énergétiques dans le secteur du logement. Il n’y avait aucune trace « des propositions innovatrices en vue de la réduction de la circulation et de la promotion de produits efficaces dans l’utilisation de l’énergie et des méthodes de production efficaces dans l’utilisation des ressources ». En réalité, 8 % des mesures de relance se sont avérées nuisibles à l’environnement, et les aspects environnementaux sont à peine intervenus dans les critères régissant l’affectation des fonds[7].

Une politique de développement confuse et contradictoire

L’Allemagne ne pourra probablement pas atteindre, loin s’en faut, l’objectif intermédiaire concernant l’augmentation en 2010 de son Aide publique au développement (APD) à 0,51 % du Produit national brut (PNB). Fin 2009, le nouveau ministre fédéral du Développement, Dirk Niebel, a commenté lors d’une interview : « Le plan d’action évolutif de l’UE est une déclaration d’intention, pas une obligation en vertu du droit international. Avec une position de départ de 0,38 %, il nous serait impossible d’atteindre en un an seulement le pourcentage d’APD de 0,51 % » [8]. En 2009, les contributions d’APD allemandes représentèrent USD 11 982 milliards , chiffre inférieur aux USD 13 981 milliards  réunis en 2008. Cette chute de presque USD 2 milliards est due principalement à l’achèvement des amortissements dans le budget d’allègement de la dette et elle correspond à un resserrement du rapport APD/PNB de 0,38 % à 0,35 %[9]. Cependant, la chancelière fédérale Angela Merkel a déclaré que : « Nous maintenons notre engagement et nous restons impliqués dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement vis-à-vis de l’Afrique. Nous maintenons notre engagement d’atteindre le but fixé : destiner 0,7 % de notre revenu national brut au développement pour 2015. C’est également une responsabilité morale » [10].

Pour atteindre cet objectif, l’APD allemande devrait augmenter d’environ EUR 2 milliards par an, avec des effets immédiats. En 2010 cependant, le budget du ministère fédéral de Coopération économique et de développement (BMZ), qui  représente environ 54 % de l’APD allemande, ne s’est accru que de EUR 256 millions, soit un chiffre total de EUR 6,07 milliards [11]. En tout, l’APD allemande atteindra approximativement 0,4 % du PNB en 2010[12].

Ce qui fait actuellement particulièrement défaut à la coopération du développement allemande, c’est un engagement ambitieux envers la protection du climat. Avant la Conférence de l’ONU sur le Changement climatique à Copenhague, l’Allemagne avait affecté EUR 420 millions pour la protection internationale du climat[13]. Au début du mois de mars 2010, cependant, tout porte à croire que juste une sixième partie de cette somme – soit EUR 70 millions - est en réalité de « l´argent frais »[14].

La coopération civilo-militaire est un aspect chaque fois plus prédominant dans la politique de développement. En Afghanistan surtout, où l’armée fédérale, la Bundeswehr, offre une partie de sa force d’intervention, un effort supplémentaire est effectué pour encadrer les services allemands de développement dans les stratégies militaires. L’organisation d’aide Welthungerhilfe décrit le problème dans les termes suivants :

Mêler les militaires aux opérations de reconstruction a causé de graves préjudices. Étant donné que l’Aide au développement apportée par les équipes provinciales de reconstruction fait désormais partie de la stratégie militaire, les forces de l’opposition attaquent maintenant aussi ceux qui travaillent pour le développement, bien qu’ils soient politiquement neutres et ne soient obligés que par les principes qui gouvernent l’offre d’aide humanitaire[15].

L’aide totale du BMZ destinée à la stabilisation et au développement en Afghanistan en 2009 tournait autour de EUR 144 millions[16], ce qui faisait de l’Afghanistan le majeur bénéficiaire de l’aide allemande au développement[17]. « Nous allons utiliser à cette fin un financement de EUR  1  milliard pour la période s’étendant jusqu’en 2013 », selon un communiqué de presse émis par le BMZ[18]. En comparaison, en 2009 et 2010 le Service civil pour la paix (mis en place par l’Allemagne en 1999 en tant que nouvel instrument de consolidation de la paix et la prévention de crises) a reçu EUR 30 millions par an pour ses activités[19].

Progresser

Le Gouvernement doit mettre davantage l’accent sur des mesures de relance qui soient durables et qui abordent le problème du nombre croissant de personnes vivant dans la pauvreté. Garantir aux gens qu’ils peuvent subvenir à leurs besoins quotidiens c’est, selon Social Watch, le rôle et une des fonctions élémentaires de l’État dans les pays industriellement avancés.

Quant à la coopération au développement, l’Allemagne doit être à la hauteur de ses obligations envers l’APD, et dédier un budget plus conséquent à la protection du climat. En ce qui concerne l’Afghanistan, Welthungerhilfe a demandé une stricte séparation des mandats, de sorte que les Bundeswehr se chargent de la sécurité et que les travailleurs du développement s’occupent du développement. Au vu de l’envergure financière de l’aide apportée dans ce pays, cette requête est en train de prendre corps.

[1] Office Fédéral de la Statistique, "Évolution des revenus pendant la crise économique de 2009", Communiqué de presse No. 117, 25 mars 2010.

[2] Institut Arbeit und Qualifikation, "IAQ-Report 2009-05", Juillet 2009.

[3] ARD, "Zahl der Tafel-Empfänger auf eine Million gewachsen", 12 juin 2009. Disponible sur : <www.tagesschau.de/inland/tafeln106.html>.

[4] Ministère fédéral du Travail et des affaires sociales ; ministère fédéral de la Famille, des personnes âgées, de la femme et de la jeunesse ; ministère fédéral de la Santé; et ministère fédéral des Finances.

[5] ARD, 12 juin 2009, ibid.

[6] VCD, information sur les antécédents. Disponible sur : <www.vcd.org/konjunkturpaket_ii.html>.

[7] Von Sebastian Schmidt, Florian Prange, Kai Schlegelmilch, Jacqueline Cottrell and Anselm Görres, "Sind die deutschen Konjunkturpakete nachhaltig?" Étude réalisée à la demande du WWF (Budget Vert Allemagne, 12 juin 2009).

[8] "EU-Stufenplan ist keine völkerrechtliche Verpflichtung",  Domradio online, 18 novembre 2009.

[9] Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), "L'aide au développement a augmenté en 2009 et la plupart des donneurs atteindront les objectifs d'aide pour 2010",  communiqué de presse, 14 avril 2010, disponible sur : <http://www.oecd.org/document/0,3343,fr_2649_34447_44995507_1_1_1_1,00.html> (visité le 19 septembre 2010).

[10] Gouvernement fédéral "Regierungserklärung von Bundeskanzlerin Merkel im Wortlaut", déclaration de politique, 10 novembre 2009.

[11] BMZ, "In Spite of Difficult Environment, Germany’s Development Ministry Takes Germany’s Commitments Seriously", communiqué de presse, 19 mars 2010.

[12] UE, "Where is the EU in Terms of Financing for Development and Where Should the EU Go?" communiqué de presse, 21 avril 2010.

[13] Focus online, "Deutschland zur Zahlung von 420 Millionen für Klimaschutz bereit", 11 décembre 2009.

[14] Spiegel online, "Regierung Knausert bei Klimaschutz-Zahlungen an Arme Länder", 5 mars 2010.

[15] Welthungerhilfe, "Entwicklungshelfer in Afghanistan: Nie war die Sicherheitslage so explosiv wie jetzt". Disponible sur : <www.welthungerhilfe.de/afghanistan-sicherheit-entwicklungshelfer.html> (visité le 12 avril 2010).

[16] BMZ,  "Additional Funds for Stabilisation Measures in Afghanistan and for Fostering Good Governance in Pakistan", communiqué de presse, 24 novembre 2009. Disponible sur : <www.bmz.de/en/press/pm/2009/november/pm_20091124_103.html>.

[17] Terres des Hommes and Welthungerhilfe, "Kurs auf Kopenhagen", Die Wirklichkeit der Entwicklungshilfe, 17 (2009), 57. Disponible sur : <www.tdh.de/content/themen/weitere/entwicklungspolitik/shadow-dac/index.htm>.

[18] BMZ, "Civilian Reconstruction in Afghanistan to Be Strengthened", communiqué de presse, 28 janvier 2010. Disponible sur : <www.bmz.de/en/press/pm/2010/january/pm_20100128_15.html>.

[19] Ibid, 55.

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OMD: une croisade en rupture de fonds

Publication_year: 
2010
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Les efforts du Gouvernement pour améliorer la vie des Tanzaniens sont restés vains du fait notamment du manque d’engagement envers les stratégies, tant à l’échelle nationale qu’internationale : le déboursement de l’Aide publique au développement (APD) prend souvent du retard et n’accompagne pas le processus budgétaire national de la Tanzanie. L’accroissement de la dette externe de la Tanzanie freinera la croissance économique dont la stabilité est tant appréciée. Bien que les indicateurs économiques soient encourageants, les indicateurs sociaux – surtout ceux qui concernent l’égalité des sexes – révèlent que pour atteindre les OMD les efforts doivent être accrus.

SAHRiNGON  Tanzania Chapter
Armando Swenya
Martina M. Kabisama

Les efforts du Gouvernement pour améliorer la vie des Tanzaniens sont restés vains du fait notamment du manque d’engagement envers les stratégies, tant à l’échelle nationale qu’internationale : le déboursement de l’Aide publique au développement (APD) prend souvent du retard et n’accompagne pas le processus budgétaire national de la Tanzanie. L’accroissement de la dette externe de la Tanzanie freinera la croissance économique dont la  stabilité est tant appréciée. Bien que les indicateurs économiques soient encourageants,  les indicateurs sociaux –  surtout ceux qui concernent l’égalité des sexes – révèlent que pour atteindre les OMD les efforts doivent être accrus.

La Tanzanie a adopté différentes politiques destinées à réduire la pauvreté, dont la Vision 2025 du Développement de Tanzanie  (pour le continent), Vision 2020 (pour Zanzibar), ainsi que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Pour les appliquer, le Gouvernement a annoncé la Stratégie nationale de croissance et de réduction de la pauvreté destinée non seulement à favoriser la croissance et à réduire la pauvreté mais aussi à accroître le bien-être, la qualité de vie, la gouvernance et la vérification des comptes. Cependant les efforts du Gouvernement pour améliorer la vie des Tanzaniens sont restés vains, puisque la majeure partie de la population survit avec moins d’un dollar par jour.

Limites de la croissance économique

Le taux de croissance économique de la Tanzanie est passé de 4,1 % en 1998 à 7,4 % en 2008 ; pour 2009 on prévoyait une chute à 5 % compte tenu de la crise économique mondiale, avant de remonter graduellement à 7,5 % pour 2012[1].Au cours des cinq dernières années, le taux moyen de croissance économique annuelle a été de l’ordre de 7 %, dépassant depuis l’an 2000 la croissance des intrants travail et capital (tous les deux en dessous de 2 %)[2], ce qui dénote un meilleur usage de ces ressources grâce aux réformes et à la technologie.

La Tanzanie figure au 151ème rang des 182 pays classés dans l’Indicateur de développement humain (IDH), avec un Produit intérieur brut (PIB) par habitant d’environ USD 1.150, mais seulement USD 430 en termes nominaux. Bien que l’agriculture soit à peine 24 % du PIB,  75 % de la population est employée dans ce secteur[3].

La Tanzanie a appliqué une politique agricole révolutionnaire, appelée «  Kilimo Kwanza  » (L’agriculture d’abord), encourageant les méthodes modernes de production. Cependant, malgré les efforts réalisés depuis 1967 destinés à propager l’arrosage, jusqu’à présent seul 1 % des 29 millions d’hectares de terre cultivable est arrosé. Un deuxième frein concerne les ressources qui malgré la politique Kilmo Kwanza se sont maintenues à 6,5 % du budget total de 9,5 billions de shillings tanzaniens (USD 6,400 milliards) en 2009/ 2010[4].

Inflation et dettes entravent la croissance économique

L’équilibre fiscal de La Tanzanie s’inscrit dans des marges jugées acceptables, bien que son obtention dépende intimement de l’aide des donateurs. La dette publique se situe autour de 25 % du PIB et on la considère soutenable à la suite des annulations de la dette effectuées en l’an 2000 dans le cadre du programme Initiative pour la réduction de la dette des pays pauvres très endettés[5].

Le budget affecté aux frais ordinaires et au développement a lui-même posé des problèmes. Pour l’année fiscale 2009, le Gouvernement a affecté USD 6,4 milliards, parmi lesquels USD 4,5 milliards ont été destinés aux frais ordinaires et USD 1,9 milliards aux frais de développement, dont USD 1,3 milliard  – 78 % – dépendent de l’aide externe[6].

Simultanément le taux d’inflation est rapidement monté à 12,2 %[7] à mesure que les prix des produits importés augmentaient en raison de la chute de la valeur du taux de change des shillings à l’étranger en 2008 et en décembre 2009. On prévoyait que le taux d’inflation pour 2009 resterait très en dessous de 10 %, bien que ce taux soit supérieur à l’objectif de 7 % aligné sur la baisse des prix des denrées alimentaires.

Selon le FMI, la Banque centrale est raisonnablement indépendante et son but principal a été de juguler l’inflation. Cependant les effets de la hausse des taux d’intérêt sur le volume de crédit, en particulier pour le secteur privé, sont sérieusement pris en compte. Le crédit au secteur privé est parti d’une base très faible – de 9 % du PIB en 2003 – mais il a atteint presque 20 % en 2008. Étant donné l’ampleur de la dette, SAHRiNGON recommande au Gouvernement de réduire les frais ordinaires au minimum afin de compter sur une base fiable pour la croissance économique.

Enjeux pour l’APD et les OMD

La Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, ratifiée par les pays en développement et les partenaires donneurs en 2005, reconnaît que l’efficacité de l’aide demande un engagement au niveau mondial afin d’ accroître l’aide au développement et elle insiste sur l’urgence d’une recherche commune pour trouver les moyens les plus efficaces de canaliser l’aide pour atteindre les objectifs désirés, OMD inclus.

Malgré l’engagement pris envers la Déclaration de Paris, la dette externe de la Tanzanie représente toujours USD 5,5 milliards, ce qui représente un accroissement d’environ USD 500 millions par an après l’annulation de la dette externe en 2000[8]. Le remboursement de la dette n’a progressé que de 1 % à 2 % du montant total de la dette à long terme alors qu’il existe d’importants arriérés de capital et d’intérêts qui, même s’ils diminuent, dépassent USD 1,2 milliard, avec des pays non intégrés dans l’OCDE tels que la Chine et les pays arabes.

On a souvent loué les progrès effectués par la Tanzanie pour améliorer sa gestion de l’aide, elle garde néanmoins bon nombre de caractéristiques d’un pays typiquement dépendant de l’APD. Le budget pour l’année fiscale 2008-2009 révèle que l’aide représente environ 35 % de son budget. Pendant l’année fiscale 2007-2008, l’APD pour la Tanzanie a été de USD  2 milliards[9]. Cette somme comprend des donations, un allègement de la dette et des prêts.

La gestion de l’aide en Tanzanie s’appuie sur la Stratégie d’assistance conjointe (JAST, d’après les sigles en anglais), mise en oeuvre par le Gouvernement et ses partenaires donateurs. L’aide perçue pour le développement à travers la JAST revêt trois modalités phares : l’Aide budgétaire globale (ABG), les Fonds communs (FC) et le financement direct de projets, la modalité préférée étant l’ABG. Cependant, une grande partie de l’aide continue à être apportée à travers la modalité de financement de projets, qui dans bien des cas sont hors budget. Les donateurs sont enjoints à s’écarter des projets pour se rediriger vers des programmes établis à travers les JAST.

Un rapport du ministère des Finances et des affaires économiques de 2008 indiquait que l’ABG et le FC maintenaient de bons résultats, alors que le financement de projets continue à poser des défis, y compris l’incapacité des ministères sectoriels à justifier les dépenses effectuées des fonds de projets, les retards et les irrégularités dans le financement, puisque les déboursements de fonds dépendent de la progression de la mise en œuvre de plusieurs actions préalables, des exigences requises de procédé et des évaluations des performances de l’année en cours.

De plus, il n’y a pas de sanctions pour les donateurs lorsque ceux-ci ne tiennent pas leur promesse de soutien aux pays en développement. Cette situation enfreint le principe de responsabilité mutuelle, l’un des cinq principes de la Déclaration de Paris.

SAHRiNGON Tanzania recommande aux donateurs d’offrir leur aide à l’APG parce qu’il est plus facile par cette voie de maintenir les déboursements face aux circonstances politiques fluctuantes. Par exemple, le Royaume Uni a retenu 10 millions £ (USD 14,3 millions) de son déboursement de l’année fiscale 2002 quand  l’intention de la Tanzanie d’acheter un système de contrôle de trafic aérien de USD40 millions à des fins militaires a été révélée[10].

La diminution de l’aide extérieure représente un autre problème. La Tanzanie doit recevoir USD 4 milliards en 2010 pour pouvoir atteindre les OMD[11]. Cependant, pour réaliser cet objectif le Gouvernement doit accepter les strictes conditions imposées pour l’aide par le FMI et la Banque Mondiale. Les donateurs bilatéraux fournissent des ressources d’aide pour l’application des OMD à travers des programmes sectoriels.

Egalité des sexes : de sévères contrastes

Une révision des lois, des stratégies et des politiques afin de promouvoir les OMD et de les aligner sur  les principes d’égalité des sexes s’est traduite par des lois sur les terres qui reconnaissent l’égalité des droits entre les hommes et les femmes[12], des lois du travail qui interdisent la discrimination contre les femmes sur les lieux de travail, des lois qui déclarent la mutilation génitale féminine comme étant criminelle et des politiques d’action positive destinées à accroître le nombre de femmes impliquées dans la politique et la prise de décisions[13].

Cependant, différents facteurs empêchent encore la femme d’exercer ses droits humains. Une série de lois discriminatoires subsiste toujours, dont la Déclaration de Loi coutumière de 1963 qui, entre autres, interdit aux veuves d’hériter des terres de leur mari défunt ; et les lois sur le mariage qui permettent le mariage des filles de moins de 15 ans[14].

La violence à l’encontre des femmes est un autre problème. L’article 1 de la Déclaration des Nations Unies sur l’Élimination de la violence à l’égard des femmes (1993) la définit comme désignant « tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ». D’autre part, l’article 16 de la Loi sur le mariage stipule que « aucune personne n’a le droit d’infliger de châtiments corporels à l’endroit de son conjoint ». Cette disposition est limitée puisqu’elle se borne à la violence physique. SAHRiNGON suggère la modification de cet article pour y inclure tout type de violence à l’égard des femmes.

En dehors du cadre de la justice pénale[15], la dépendance économique dérivant de la limitation des opportunités en termes d’éducation et d’emploi rend les femmes plus vulnérables face à la violence domestique.

Le rôle de la société civile

Les ONG en Tanzanie jouent un rôle fondamental dans le renforcement de la capacité de la société civile, au moyen de l’information et de l’éducation du public vis-à-vis de différentes questions, dont les politiques du Gouvernement et l’aide au développement. Cependant, leur capacité de promotion du progrès vers les OMD cibles souffre du manque de financement du Gouvernement et de la communauté des donateurs. Le Gouvernement n’a passé aucun engagement de financement concernant les Organisations de la société civile (OSC), celles dont on ne fait pas mention dans les politiques nationales pour la mise en œuvre des OMD. Dans le but de favoriser le mieux possible la réalisation des OMD, SAHRiNGON Tanzania recommande la rationalisation du labeur des OSC dans les politiques et les stratégies des OMD.

[1] République-Unie de Tanzanie, Poverty and Human Development Report, Dar es Salaam, 2009. Disponible.

[2] Leenderl Coljin, “Country Report – Tanzania,”Service de Recherche économique, Rabobank Pays-Bas, février 2009. Disponible sur : <www.overons.rabobank.com/content/images/Tanzania09_tcm64-82340.pdf>.

[3] L’IDH a augmenté de 1,15 annuel seulement entre 1990 (0,436) et 2007/9 (0,530). PNUD, Rapport sur le développement humain2009, 71, 72, 81 y 130.

[4]Déclaration du ministre des Finances et des affaires économiques Mustafa Haidi Mkulo, lors de la présentation des recettes et des frais prévus pour l’année fiscale 2009/10. Dodoma, le 11 juin 2009, 73. Disponible.

[5] Ministère des Finances et des affaires économiques, Economic Survey 2008, Dar es Salaam, 2009.

[6] Ibid. 73, 74.

[7] Office national de statistiques et Banque de Tanzanie. Voir : <www.bot-tz.org/Publications/ inflationDevelopments.htm> (consulté le 16 mars 2010).

[8] Ministère des Finances et des affaires économiques, Rapport trimestriel sur la dette publique, septembre 2009.

[9] Overview of Aid in Tanzania, Development Partners Group – Tanzania. Disponible (consulté le 17 mars  2010).

[10] Brian Frantz, “General Budget Support in Tanzania : A Snapshot of Its Effectiveness,”  le 3 avril 2004. Disponible sur : <www.sarpn.org.za/documents/d0001036/P1149-PNADA029_Tanzania_April2004.pdf>.

[11] Rapport de la Tanzanie sur les Objectifs du Millénaire pour le développement – Rapport d’évaluation à mi-parcours 2000-2008.

[12] Lois de la Tanzanie, 2002, Éd. rev., chap. 114, 115.

[13] Loi de l’emploi et des relations de travail, Loi Nº. 6 2006.

[14] Lois de la Tanzanie, op. cit., Loi sur le mariage, article 13, chap. 29.

[15]Crime and the Criminal Justice System: Tanzania Country Review Report Enhancing the Delivery of Security in Africa”, Institut d’études sur la sécurité (ISS-South Africa) et d’Initiative sur la sécurité humaine en Afrique, 2009.

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Obstacles multiples, rythme lent

Publication_year: 
2010
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Après la mise en oeuvre du Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) des progrès ont été enregistrés, cependant leur lenteur et la situation critique de départ rendent les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) difficiles à atteindre dans les délais impartis. Le processus de relance économique, de la santé, de la sécurité et de la gouvernance qui grâce à la pacification politique, aux mesures gouvernementales et à l’aide internationale est en train de s’effectuer, se heurte à d’innombrables difficultés structurelles. De plus, les programmes visant à réduire la pauvreté doivent respecter l’engagement pris envers l’environnement.

NGO GAPAFOT
Pastor Rodonne Siribi Clotaire

Après la mise en oeuvre du Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) des progrès ont été enregistrés, cependant leur lenteur et la situation critique de départ rendent les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) difficiles à atteindre dans les délais impartis. Le processus de relance économique, de la santé, de la sécurité et de la gouvernance qui grâce à la pacification politique, aux mesures gouvernementales et à l’aide internationale est en train de s’effectuer, se heurte à d’innombrables difficultés structurelles. De plus, les programmes visant à réduire la pauvreté doivent respecter l’engagement pris  envers l’environnement.

La République Centrafricaine (RCA) souffre de sous-développement dans tous les domaines malgré son énorme potentiel économique, car il s’agit d’un pays possédant d’abondantes ressources minérales, un riche réseau hydrografique propice à l’agriculture, à l’élevage et à la pêche, et comptant sur plus de 6 millions d’hectares de forêt humide au sud du territoire, qui abritent une infinité de richesses naturelles exploitables.

Pendant des années, en raison des conflits politiques et armés qui ont mis en pièces le tissu socioéconomique du pays, le chômage et la pauvreté se sont aggravés, l’infrastructure s’est affaiblie et au niveau économique les activités informelles et précaires se sont généralisées. Dans ce contexte, si l’on n’obtient pas une amélioration sensible et durable de la situation économique, sociale et en termes de sécurité, il semble difficile que la RCA puisse atteindre les OMD dans un délai raisonnable.

Après la rébellion du genéral François Bozizé en mars 2003, des élections présidentielles ont été convoquées en 2005, à l’issue desquelles Bozizé a obtenu la victoire et la reconnaissance internationale. Cette normalisation politique – quoique partielle encore du fait que des groupes armés continuent à occuper une partie du territoire – a entraîné avec elle une très lente reprise économique, impulsée par le Gouvernement et soutenue par la communauté internationale [1]. Le DSRP est l’emblème de ce processus qui compte depuis le début sur une large base de soutien puisqu’il a été élaboré après de nombreuses consultations faites à tous les experts impliqués [2].

Vers la réduction de la pauvreté

Le DSRPa quatre objectifs principaux :

  • Rétablissement de la sécurité, consolidation de la paix et prévention des conflits.
  • Promotion de la bonne gouvernance et de l’État de droit.
  • Relance et diversification de l’économie.
  • Développement du capital humain par l’amélioration de l’accès de la population aux services sociaux basiques, en particulier à l’éducation et à la santé, afin de réduire la mortalité maternelle, celle des bébés et des enfants, et pour encourager la lutte contre la pandémie du VIH/sida.

Situation économique

Selon les données de la Note  économique et sociale 2008 de la Direction Générale de Politiques et Stratégies, l’économie nationale a maintenu une croissance relativement faible par rapport à 2007. Le Produit intérieur brut (PIB) en volume, est passé de XOF 798 millions (soit environ USD 1,6 millions) en 2007 à XOF 912 millions (USD 1,7 millions) en 2008, le taux de croissance diminuant de 3,7 % à  2,2 % sur cette période.

Quant à la situation monétaire, les actifs extérieurs nets ont régressé (USD 62,72 millions en 2008, contre USD 63,23 millions en 2007), mais au cours de l’année 2008, le crédit interne et la masse monétaire ont augmenté.

Les difficultés d’approvisionnement en électricité, le ralentissement des principales exportations (bois et diamants) et une certaine réduction du pouvoir d’achat due à l’augmentation de l’inflation ont situé la croissance du PIB à 3,5 % en 2008. L’inflation s’est établie à 7 %, dépassant le taux prévu du fait de l’évolution des prix alimentaires et du combustible.

Situation sociale

La précarité de la situation sociale est reflétée dans les indicateurs de l’Indice de développement humain, selon lequel le pays occupait le 179e rang en 2009 sur un ensemble de 182 pays [3]. En effet, même si les efforts fournis (campagne de vaccination, distribution de médicaments et suivi) ont permis de réduire légèrement le taux de maladie et de mortalité des enfants, la situation sanitaire des mères reste préoccupante. Le taux de prévalence du VIH/sida dans le pays était de 6,2 % en 2006, ce qui le situait parmi les plus touchés d’Afrique.

La situation de l’éducation dans le pays est alarmante : le taux d’analphabétisme est de 51,4 % [4]. Un enfant centrafricain a seulement 40 % de possibilités d’accéder à l’enseignement primaire, à peine 30 % des femmes sont scolarisées, alors que le pourcentage atteint 50 % chez les hommes. La situation est encore plus grave en milieu rural, où seulement 15 % des femmes et 40 % des hommes sont scolarisés [5].

Selon les résultats du Recensement général de la population et du logement 2003, plus des deux tiers de la population centrafricaine (67,2 %,  soit 2,6 millions d’habitants) vivent en dessous du seuil national de pauvreté, la situation étant pire en zone rurale (72 % des habitants) qu’en zone urbaine (60 % des habitants). Cette pauvreté des conditions de vie est liée aux difficultés pour satisfaire les besoins essentiels tels que l’accès à l’eau potable, à un logement décent, à l’assainissement, aux sources d’énergie pour cuisiner, aux centres de soins et de santé et aux revenus, entre autres.

Dans ce contexte, les femmes souffrent deux fois plus : non seulement elle subissent les conséquences d’une précarité généralisée dans les conditions de vie, mais elles sont en plus discriminées et traitées sans équité dans pratiquement tous les aspects de leur vie. Elles sont représentées à l’excès dans le secteur agro-pastoral (80,8 %) – le secteur dominant de l’économie centrafricaine – et sous-représentées dans le commerce (10 %).

Les indicateurs du marché du travail montrent un niveau d’activité élevé, un chômage pratiquement inexistant (environ 2 %) et une très nette prédominance du secteur informel. Huit personnes sur dix âgées de 15 ans ou plus sont présentes sur le marché du travail. Ce niveau de chômage si faible ne signifie pas que le pays soit en train de créer des postes de travail décent. De fait, 64 nouveaux postes de travail sur 100 sont créés dans le domaine de la petite agriculture extensive et 26 dans le secteur informel des zones urbaines. Finalement, le secteur formel (public et privé) représente 10 % des emplois. La situation du travail peu productif constitue un facteur aggravant de la pauvreté.

Financement et dette

Le financement des actions de développement constitue un des plus grands enjeux auquel doit faire face la stratégie de reconstruction que souhaite mettre en marche le Gouvernement pour atteindre les OMD. Ainsi, depuis 2006, le gouvernement a adopté une dynamique orientée vers le réengagement de tous ses partenaires de coopération au développement à travers la rédaction d’un Document - cadre de politique économique et sociale (DCPES, selon son sigle en français) qui sert de base d’intervention pour les arriérés du remboursement de la dette face à certains partenaires multilatéraux comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) et l’UE, et des partenaires bilatéraux tels que la France et la Chine, entre autres.

Le pays a déjà obtenu l’annulation de USD 9,9 millions et la renégociation de USD 26,2 millions accordée par le Club de Paris. En octobre 2008, la France avait concédé une réduction de USD 48 millions pour ouvrir la voie à d’autres réductions de la dette. Cette décision a permis au pays de voir provisoirement sa dette allégée de 90 % du service de sa dette multilatérale, permettant le service régulier de la dette restante et de bénéficer de nouveaux prêts accordés à des taux d’intérêt subventionnés par des banques de développement.

En 2009, la Banque mondiale a destiné USD 70 millions aux secteurs productifs et à la création d’infrastructure, y compris le secteur énergétique. Le FMI, de son côté, a affecté USD 50 millions destinés à l’aide budgétaire et à la balance des paiements. Il faut ajouter à cela les financements du Programme Fast Track [6] en faveur de l’Éducation nationale, pour un montant de USD 34 millions, comprenant la construction de nouveaux établissements scolaires, la formation des enseignants et diverses dotations en matériel didactique.

Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, USD 16 millions ont été affectés – financement accordé conjointement par la BAD et la Banque mondiale – à un programme de développement communautaire et de soutien aux groupes vulnérables dans les cinq préfectures. Ce programme facilitera les différentes activités des ONG, de même que celles de la population civile.

La régularité des salaires et l’apurement des trois arriérés de salaires, y compris le paiement des pensions et des bourses en 2009, totalisent environ USD 60 millions. C’est un signe encourageant pour l’économie nationale qui permet d’établir les bases pour une meilleure distribution des revenus, créant ainsi un impact positif dans de nombreux foyers.

Aide

Après la suspension de l’aide entre mars 2003 et juillet 2005, en septembre 2007 la République Centrafricaine a adhéré à la Déclaration de Paris. Le dispositif institutionnel mis en marche s’est aligné sur les principes de la Déclaration et une nouvelle planification économique a été élaborée à moyen terme. Celle-ci  a réuni des bailleurs de fonds à travers le DCPES – qui constitue une première esquisse du plan d’actions sur trois ans (2006-2008) – et le  DSRP (2008-2010).

La signature du 10e accord sur les Fonds européens de développement [7] en juin 2008 a mis fin aux concertations prolongées entre l’État et la société civile, d’un côté, et la Commission européenne (CE)de l’autre. Dans le cadre de la programmation de l’accord, la politique d’intervention de la CE continuera à s’intégrer pleinement dans la stratégie gouvernementale de la lutte contre la pauvreté et à répondre aux grands principes de la coopération pour le développement que soutient l’UE.

Les principaux domaines d’intervention choisis sont:

  • Gouvernance démocratique, rétablissement économique et financier, avec environ 53 % des ressources totales, c’est-à-dire EUR 72,5 millions.
  • Infrastructures et fin de l’isolement, avec près de 14 % des ressources, soit environ EUR 19,5 millions.
  • Soutien budgétaire, près de 25 % des ressources, soit EUR 34 millions.
  • Un fonds de EUR 11 millions, qui équivaut à près de 14 % des ressources, réservé à d’autres actions ciblant avant tout la mise en oeuvre de programmes et de projets spécifiques.

Lors de la révision du DSRP effectuée en novembre 2008, les ressources mobilisées se sont élevées globalement à USD 840 millions au lieu des USD 96 millions prévus. La partie de ces ressources correspondant à la période 2008-2010 est de USD 755 millions, soit 56,5 % des besoins définis lors de la table ronde.

OMD – Enjeux et problèmes

Le pays devra vaincre une série d’obstacles qui s’interposent dans son avancée vers la réalisation des OMD. L’un des plus sérieux est l’augmentation du volume et de l’efficacité de l’aide extérieure. Il est urgent de mettre en marche une stratégie dans ce sens, conformément aux recommandations de la Déclaration de Paris, qui mettent particulièrement l’accent sur :

  • L’amélioration du cadre national de formation et de programmation des politiques qui s’inscrivent dans la ligne établie par les OMD basée sur l’évaluation des besoins et de l’élaboration de stratégies globales et sectorielles.
  • L’amélioration du cadre macroéconomique et budgétaire et les capacités de gestion des ressources publiques (gestion ciblée sur les résultats, l’élaboration et la mise en route du Cadre de dépenses à moyen terme et du Cadre de dépenses sectorielles à moyen terme).
  • La coordination et l’équilibre de l’aide. 

L’accélération de la croissance pour réduire la pauvreté pourrait se heurter à certaines contraintes structurelles importantes : le déficit en main d’oeuvre qualifiée –dû à l’inadéquation entre l’éducation, la formation et l’emploi –  et le difficile accès des opérateurs économiques aux crédits bancaires classiques, compte tenu de la nature et des conditions du crédit qui leur sont offerts, corrélativement avec la fragilité du système bancaire et la place encore marginale qu’occupe le microfinancement, empêchant les gens d’obtenir des fonds de façon immédiate.

Finalement, les ambitions et les priorités financières peuvent mener le pays à un développement endogène, qui suppose l’exploitation et la gestion de ses ressources naturelles. Il est indispensable donc qu’en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté l’accent soit mis sur les politiques, les stratégies et l’engagement en termes d’environnement et d’écologie.

[1] Le Consensus de Monterrey de 2002 a adopté un cadre suivant lequel les pays de bas revenus qui s’engageraient à la stabilité économique et à la bonne gouvernance recevraient de plus grands montants d’aide au développement.

[2] Le Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) a été élaboré par le ministère de l’Économie, de la planification et de la coopération internationale. Il a été adopté en septembre 2007 et présenté à la communauté internationale un mois plus tard, lors d’une table ronde des pays donateurs organisée à Bruxelles, Belgique. Disponible sur : <www.cf.undp.org/DSRP/CAR_PRSP_FRA.pdf>. [en français].

[3] PNUD, Rapport sur le Développement Humain 2009: République Centrafricaine. Disponible sur : <www.hdrstats.undp.org/en/countries/country_fact_sheets/cty_fs_CAF.html>.

[4] PNUD, Rapport sur le Développement Humain 2009. Disponible sur :  <www.hdrstats.undp.org/es/indicators/99.html>.

[5] PNUD, Rapport sur le Développement humain 2007-2008. Disponible sur : <www.hdr.undp.org/en/media/HDR_20072008_SP_Complete.pdf>.

[6] Programme d’alphabétisation auquel participent cinq ministères et qui a le soutien du  Gouvernement français, de l’UNESCO et de la Banque mondiale. Disponible sur : <www.educationfasttrack.org/media/library/CARESP.pdf>. [en français].

[7] Disponible . [en français].

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Opportunité pour un « déplacement social »

Publication_year: 
2010
Summary: 
Le Plan stratégique national pour 2011-2015 défie le statu quo actuel en ce qui concerne les tendances de développement. Les deux cibles principales sont l’éducation et l’association entre les institutions publiques et les Organisations de la société civile (OSC). Ainsi, les OSC deviendront plus actives dans le domaine du développement international et le pays aura le potentiel pour devenir pionnier du développement social. Pour y parvenir, Chypre devrait jouer le rôle de leader dans le déplacement des tendances de développement, tout en s’éloignant des politiques axées sur le marché et en s’orientant vers la justice sociale, les droits humains et l’égalité.

CARDET
Sotiris Themistokleous
Charalambos Vrasidas
Michalinos Zembylas

Le Plan stratégique national pour 2011-2015 défie le statu quo actuel en ce qui concerne les tendances de développement. Les deux cibles principales sont l’éducation et l’association entre les institutions publiques et les Organisations de la société civile (OSC). Ainsi, les OSC deviendront plus actives dans le domaine du développement international et le pays aura le potentiel pour devenir pionnier du développement social. Pour y parvenir, Chypre devrait jouer le rôle de leader dans le déplacement des tendances de développement, tout en s’éloignant des politiques axées sur le marché et en s’orientant vers la justice sociale, les droits humains et l’égalité.

La transformation graduelle du monde en un « village planétaire » sous l´imposition hégémonique d´ un système socio-économique commun a disséminé les conséquences de la crise financière dans presque tous les coins de la planète. L’idée de « développement » et la situation terrible des dénommés « pays en voie de développement" » sont des éléments essentiels du débat actuel sur la manière de surmonter la crise. Depuis 1980, de nombreux pays recevant l’aide des institutions néolibérales internationales ont été piégés par leurs recettes et ont été exploités par leurs dettes et leurs prêts. Pour obtenir l’Aide publique au développement (APD) et l’Investissement direct étranger (IDE) des institutions nationales et internationales, ces pays ont été obligés d’appliquer des politiques commerciales et de « liberté  » de marché permettant aux organismes de financement d’accéder plus facilement aux ressources locales. Cependant, ces pratiques minimisent les régimes sociaux et publics et elles affaiblissent le réseau de la sécurité sociale.

Recomposition des priorités               

Dans de nombreux cas, les pays développés font la promotion de leurs méthodes et de leurs pratiques comme des recettes universelles pour garantir la modernité et le progrès.  Pourtant, le développement ne peut être ni exporté ni imposé de manière uniforme dans les différents environnements sociaux, économiques et géographiques. Les récents déficits systémiques de l’économie mettent en évidence le besoin de contempler le développement des institutions civiles locales fonctionnelles. Celles-ci devraient être issues de la sphère publique et de la société civile ; il serait également nécessaire de promouvoir la pleine participation démocratique de tous les citoyens dans des processus transparents de prise de décisions. Par exemple, le développement des systèmes éducatifs dans les pays qui reçoivent de l’aide – pour subvenir aux besoins locaux et axés sur le contexte social local – doit être l’un des principaux piliers de la croissance.

Il est possible que les institutions civiques locales ne remplacent pas complètement l’impérialisme socio-économique et culturel imposé lors des dernières décennies au Sud mondial[1], mais elles ont le potentiel de fournir les ressources politiques pour mettre un frein aux politiques et aux pratiques hégémoniques. Dans ce contexte, il s’avère nécessaire de réviser les tendances dominantes quant au développement et de rétablir les priorités des états fournisseurs de l’aide. 

Chypre est en train d’élaborer son Plan stratégique national de développement durable pour la période 2011-2015. Si l’on tient compte des circonstances historiques auxquelles doivent faire face l’Union Européenne (UE) et le monde en général, on peut dire qu’elles offrent une opportunité pour que le pays soit un pionnier en matière de politiques et de pratiques alternatives en faveur du développement. Le Plan pourrait être orienté vers le développement de sociétés viables, régies par la démocratie et la justice sociale au lieu de marchés et de zones d’exploitation industrielle.  Il est clair que Chypre possède un pouvoir limité pour influencer les tendances internationales plus larges au niveau du développement. Cependant, en tant qu’État actif vis-à-vis des décisions de l’UE et fournisseur d’APD, il pourrait présenter un paradigme leader des stratégies de développement d’autres petits États.

En premier lieu, Chypre doit concevoir, mettre en place et évaluer son propre modèle réussi de politiques et de pratiques en faveur du développement. L’île est déjà passée par toutes les étapes que la plupart des pays en développement doivent franchir à présent : régime colonial, lutte pour l’indépendance, conflits internes, invasion externe et réfugiés. Dans cette trajectoire historique, l’autonomisation de la société à travers le libre accès aux biens et aux services publics de la part de ceux qui souffrent, a été un facteur clé dans la démarche vers la récupération.

L’étroite collaboration entre les protagonistes sociaux publics et privés a également constitué un point central pour le processus de développement de l’île. Le succès des expériences de développement à Chypre, basées sur la protection sociale et les associations, devrait se refléter dans les politiques de l’État, notamment dans le Plan stratégique.  Par conséquent, la priorité de toute approche au « développement » doit être l’autonomisation des institutions civiques efficientes et efficaces à travers la participation démocratique de tous les citoyens.

Comment se détacher de la recette néolibérale

Pendant les dernières années, Chypre a promu des initiatives éloignées du modèle de développement néolibéral dominant au niveau international, alors que le pays tentait d’augmenter son APD. Le plan stratégique 2006-2010 a fixé comme objectif à moyen terme le détachement de l’AOD de l’infrastructure et du support des entreprises. Le pays a également adopté, comme faisant partie de ses obligations en tant que nouvel état membre de l’UE, un objectif d’APD de 0,17 % du Revenu national brut (RNB), qui a été atteint en 2008[2]. De plus, le plan stratégique de moyen terme a établi comme objectif le développement des secteurs des services sociaux, de l’éducation, des projets d’infrastructure publique et de l’environnement[3].

Ces politiques témoignent d’une orientation sociale vers le développement. Les services sociaux des pays récepteurs sont plutôt concentrés sur les affaires concernant l’attention sanitaire, le développement des ressources humaines et l’accès égalitaire aux services et au tourisme (ce dernier étant l’un des principaux secteurs de l’économie de Chypre). Sans aucun doute, les domaines d’intervention mentionnés ont certains éléments de justice sociale ; cependant, il reste encore beaucoup à faire. Les services sociaux, par exemple, doivent être orientés vers le développement d’organismes capables d’assurer une distribution juste des biens et des services publics et de promouvoir les droits de l’Homme pour toute la population, et non seulement pour quelques-uns.

Le secteur de l’éducation est encore un autre aspect à réviser dans le nouveau Plan stratégique national. Dans le plan 2006-2010, l’aide pour le secteur de l’éducation s’est concentrée sur les bourses et l’aide à l’accès à des institutions éducatives internationales[4]. Le nouveau plan donne l’opportunité de réviser cette stratégie et de promouvoir le développement d’un système éducatif local performant dans les pays auxquels Chypre fournit de l’aide tels que l’Égypte, le Liban, le Mali, la Palestine, la Somalie et le Yémen.

Tel que mentionné dans les discussions en cours sur le nouveau plan, Chypre a une vaste expérience quant à la prestation de l’enseignement public de concert avec un secteur de l’éducation privée qui s’est développé rapidement lors des dernières années. Cette expérience cumulée ainsi que la capacité technique acquise doivent être diffusées dans d’autres pays en développement par le biais de dispositions pertinentes du nouveau plan.

Chypre considère que le nouveau Plan Stratégique maintient les politiques de la période 2006-2010. Pour ce qui est de l’APD, l’objectif est d’atteindre 0,33 % du RNB d’ici 2015, c'est-à-dire presque doubler le niveau actuel de 0,17 %. Le plan donne la priorité à l’autonomisation des communautés locales et au développement d’institutions sociales représentatives au sein de la sphère publique et de la société civile. Cela réduira les conflits et les tensions notamment dans les régions voisines. Autrement, ces conflits et ces tensions seraient propagés à Chypre soit à travers l’immigration soit à cause de la diminution du commerce et de la coopération économique.

Le nouveau Plan stratégique national propose des dispositions spécifiques pour  « l’Éducation pour tous » Le développement de l’éducation sera basé sur trois piliers : l’introduction du développement durable dans le contexte éducatif et social, le développement d’un milieu éducatif démocratique où les enseignants et les étudiants deviendront des agents du changement vers une société durable et juste  et la formation pour faire face à des pratiques insoutenables à tous les niveaux de la vie sociale. Le nouveau plan considère que l’éducation formelle publique est l’un des motifs du succès du développement à Chypre. Il donne la priorité également à l’inclusion sociale, aux procédures démocratiques et à une société juste comme les principaux attributs de l’éducation. 

Cependant, ces attributs ne concernent que le contexte local et ils ne se voient pas reflétés dans les priorités de développement international. La tentative de Chypre de réorienter son système éducatif national relève aussi de sa stratégie vis-à-vis des politiques de développement international et des dispositions du cadre futur de l’APD et de sa distribution, contrairement à ce que l’on faisait auparavant. En même temps, le Gouvernement doit tenter d’influencer ses homologues de l’UE pour favoriser l’application de ces initiatives au niveau national et international, cela étant une mesure efficace pour que l’UE puisse se protéger des conflits, des tensions et des mouvements migratoires massifs.

Le rôle de la société civile

Après des années de lobbying et de discussions, le Gouvernement envisage pour la première fois de collaborer avec les OSC locales quant à la politique générale de développement, ce qui signifie de reconnaître la vaste expérience des OSC dans la matière. Le Gouvernement a aussi manifesté son engagement pour collaborer avec ces organisations pour la prestation de l’APD nationale. Le nouveau Plan Stratégique a établi le « développement des associations entre le secteur public et la société civile » comme l’une des priorités nationales. Avant cette disposition, l’APD était principalement orientée vers les organisations internationales et les organismes appartenant à d’autres États. L’incorporation de la société civile locale aux politiques nationales de développement constitue un grand progrès aussi bien pour le pays en général que pour les OSC locales en particulier. Le Gouvernement devrait aussi permettre le dialogue public et inviter la société civile à présenter des suggestions et à jouer un rôle plus actif vis-à-vis de l’élaboration des politiques, ce qui n’a pas été le cas lors de la rédaction du nouveau Plan stratégique.

La société civile joue un rôle central pour le développement et elle constitue une instance efficace pour fournir l’aide et les services ainsi que pour promouvoir les droits humains. La société civile internationale et les OSC peuvent devenir des agents de solidarité et de justice sociale[5]. Les OSC chypriotes ont une participation directe sur la réconciliation et la justice sociale et elles travaillent aussi dans les domaines de la formation et de l’éducation. Elles peuvent contribuer de manière substantielle à une distribution juste et salutaire de l’APD en faveur des personnes qui en ont besoin.

Le Plan stratégique national 2011-2015 suscite un espoir à travers les initiatives qui défient le statu quo en vigueur en ce qui concerne les tendances de développement au  niveau national et international. Les deux principaux volets pouvant influencer notamment les processus de réforme et de progrès  sont les suivants : (a) l’éducation et (b) l’association entre les institutions publiques et les OSC. La prise en considération de questions telles que la justice sociale, l’inclusion, la démocratie et la participation civique à part entière vont énormément bénéficier cette démarche de progrès. Dans la mesure où le nouveau Plan Intégral envisage les politiques axées sur le développement social, et si les OSC locales deviennent plus actives dans le domaine du développement international, Chypre aura le potentiel pour devenir pionnier parmi les petits États dans ce domaine. Pour y arriver, Chypre devra jouer le rôle de leader dans le déplacement des tendances de développement, tout en s’éloignant des politiques axées sur le marché et en s’orientant vers la justice sociale, les droits humains et l’égalité.

[1] Voir R. Keily, Empire in the Age of Globalisation :US Hegemony and Neoliberal Disorder (London and Ann Arbor, MI: Pluto Press, 2005).

[2] Service de l’Environnement, Debate on the National Strategic Plan for Sustainable Development 2011–2015. Disponible sur : <www.moa.gov.cy/moa/agriculture.nsf/environment_gr/environment_gr?OpenDocument> [en grec] (visité le 20 février 2010).

[3] Service de l’Environnement, National Strategic Plan for Sustainable Development 2006–2010. Disponible sur :<www.moa.gov.cy/moa/agriculture.nsf/environment_gr/environment_gr?OpenDocument> [en grec] (visité le 20 février 2010).

[4] Ibid.

[5] Reinhart Kössle y Henning Melber,  “International civil society and the challenge for global solidarity”,  Development Dialogues, octobre 2007. Disponible sur : <www.dhf.uu.se/pdffiler/DD2007_49_civ_soc/development_dialogue_49_art_2.pdf>.

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Otage de son propre Gouvernement

Publication_year: 
2010
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Pendant presque 20 ans l’Érythrée a été sous la conduite d’un Gouvernement surgi d’un mouvement de libération et dont le droit de gouverner n’a pas été confirmé par des élections libres et équitables. La répression politique pendant la première décennie du nouveau millénaire est plus flagrante que jamais. Le Gouvernement ne cesse de frustrer les desseins économiques et de développement de la population. Vu les nouvelles sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l’ONU au mois de décembre 2009, la récupération économique et le développement social continueront d’être des buts inaccesibles.

Eritrean Movement for Democracy and Human Rights (EMDHR)
Daniel R. Mekonnen

Pendant presque 20 ans l’Érythrée a été sous la conduite d’un Gouvernement surgi d’un mouvement de libération et dont le droit de gouverner n’a pas été confirmé par des élections libres et équitables. La répression politique pendant la première décennie du nouveau millénaire est plus flagrante  que jamais. Le Gouvernement ne cesse de frustrer les desseins économiques et de développement de la population. Vu les nouvelles sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l’ONU au mois de décembre 2009, la récupération économique et le développement social continueront d’être des buts inaccesibles.

L’Érythrée est l’un des 33 pays les moins avancés d’Afrique et l’un des pays pauvres les plus endettés au monde[1]. Les progrès vers les objectifs de développement social convenus au niveau international , tels que les Objectifs  du millénaire pour le développement (OMD) avancent très lentement et pour certains aspects, la situation est même devenue pire depuis le Rapport Social Watch 2009 (la première fois que l’Érythrée a été incluse dans ce rapport). La pauvreté absolue continue d’être généralisée et c´est la cause principale de la famine et de la malnutrition.

Politiques de développement et droits de l´Homme

Bien que les séquelles de la crise économique mondiale aient établi d’autres enjeux pour l’Érythrée, l’Investissement  direct étranger (IDE) et l’aide n’ont pas été trop touchés. Il y a plusieurs compagnies d’exploitation minière consacrées à la recherche de minéraux précieux et il y a des indices selon lesquels quelques-unes d’entre elles commenceront à exporter prochainement. Il n’y a cependant pas  de garanties institutionnelles et  légales ni la transparence nécessaire pour garantir un apport positif au développement social.  Quant à l’Aide publique pour le développement (APD), l’Union Européenne (UE), qui est le principal donateur  international du pays (et peut-être le seul), a signé une convention avec le Gouvernement au mois de septembre 2009 pour formaliser la remise  de EUR 122 millions d’aide pour le développement. Ces fonds ont été fournis malgré les objections des groupes internationaux des droits humains, qui doutent que les ressources soient utilisées pour les objectifs annoncés en raison du manque de transparence existant en Érythrée. De plus, accorder une somme d’argent aussi importante à un Gouvernement ayant l’un des pires records au monde en matière de violations des droits humains constitue un très mauvais précédent.

Ce n’était pas la première fois que le pays recevait une APD aussi importante. Cependant les expériences du passé indiquent que l’aide reçue ne parvient pas à changer le niveau de vie de la population en général, en raison des politiques économiques défectueuses et d’une très forte répression politique. Il est vrai qu’il y a peut-être eu quelques progrès, surtout en ce qui concerne l’investissement en infrastructure physique telle que les écoles,  hôpitaux,  routes et  barrages. Pourtant on a peu investi pour la population, qui aurait dû être la principale bénéficiaire.  Depuis 2002 tous les projets publics du pays ont été mis en œuvre à travers des méthodes archaïques de travail manuel, y compris des programmes de travail forcé[2], ce qui, rajouté aux inquiétants niveaux de violation des droits humains, a provoqué la fuite de milliers d’érythréens. Selon le Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (ACNUR), en 2008 l’Érythrée a été le deuxième pays générateur de réfugiés au monde, avec 62.700 nouveaux demandeurs d’asile enregistrés[3].  Une population qui se trouve plongée dans un exode permanent et sans précédent, n’est pas en condition de jouir des bénéfices de la construction d’une infrastructure physique dans le pays. Ceci montre que les politiques de développement ne sont pas en phase avec une approche basée sur les droits humains.
Famine et démentis
Bien que l’Érythrée soit placée dans l’une des zones les plus sèches d’Afrique, aux pluies rares et irrégulières, 80 % de la population dépend de l’agriculture de subsistance et des pluies saisonnières[4]. La saison des pluies de 2009 n’a pas été l’exception, et avec en parallèle la soudaine augmentation du prix des articles de base, la sécheresse a encore davantage aggravé la situation vulnérable de la plupart de la société érythréenne, notamment des femmes et des enfants[5].
Le Rapport d’action humanitaire 2010  de l’UNICEF signale que le nombre d’enfants souffrant de  malnutrition grave qui ont été reçus dans les centres de nutrition thérapeutique en 2009 s’est multiplié par six par rapport à 2008. La malnutrition grave, l’assainissement déficient et la pénurie d’eau propre les rend plus sujets à attraper des diarrhées et d’autres maladies infectieuses.
La difficulté pour accéder à l’eau empire la situation déjà grave de la santé et de l’alimentation des enfants et des femmes. En 2009 la plupart des barrages petits et moyens  avaient séché ou contenaient peu d’eau. Sans d’autres ressources, les gens ont commencé à utiliser les puits d’eau potable qui, en général, se destinaient aux animaux, rendant les réserves d’eau plus compromises encore[6].
Pour 2010 l’UNICEF a proposé un programme d’alimentation complémentaire général pour tout le pays destiné à un million d’érythréens  - environ quart de la population - centré surtout sur les enfants de moins de cinq ans[7].  D’autre part, les estimations du Programme mondial d’aliments et de l’Organisation pour l’agriculture et l’alimentation montrent que depuis le mois de novembre 2009 deux érythréens sur trois doivent faire face à la malnutrition[8], ce qui signifie que l’Érythrée a le deuxième pourcentage plus élevé  en malnutrition au  monde, après la République Démocratique du Congo, qui se trouve impliquée dans des luttes intestines.  Un symptôme en est la croissance éloquente du nombre d’enfants mendiants dans les rues d’Asmara, la capitale[9]. Malgré ces rapports si inquiétants, le Gouvernement n’a jamais admis l’urgence de la crise. Le président Isaïas Afwerki a nié à plusieurs reprises que la faim menace le pays et a affirmé qu’il n’existait pas de pénurie alimentaire. La dernière affirmation de la sorte a été prononcée pendant une séance informative avec de hauts fonctionnaires le 8 mars 2010[10]. Le Gouvernement a également refusé l’autorisation à des groupes humanitaires qui souhaitaient visiter les zones les plus gravement touchées par la famine.

Baisse des recettes et dépenses militaires excessives

Il n’y a pas de budget national publié de manière officielle, ce qui rend difficile le suivi de la structure des recettes et des dépenses du Gouvernement. Cependant quelques sources indiquent que les envois de fonds arrivent à constituer un tiers de l’économie nationale[11]. Le pays a l’une des plus grandes diasporas du monde entier en proportion à sa population : on dit que plus d’un million d’érythréens, sur un total de près de quatre millions, se trouvent hors du pays. Il y a trois sortes principales d’envois de fonds provenant de la  diaspora érythréenne : l’argent que l’on envoie à des parents restés au pays, celui que le Gouvernement collecte officiellement à travers l’impôt  de 2 % sur les revenus, et celui que l’on collecte en tant que soutien pour des « projets de développement »,  « défense nationale »,  « fond des martyrs » et autres motifs. L’argent de ces deux dernières catégories est collecté dans les ambassades de l’Érythrée dans les villes les plus importantes du monde entier. Autrefois, on se servait des institutions financières appartenant au Gouvernement pour les envois de fonds à des parents. Cependant, en raison de la surévaluation persistante de la monnaie nationale, le nakfa, beaucoup d’érythréens  utilisent maintenant des formes alternatives d’envois, ce qui a provoqué des pertes considérables de devises pour les recettes du Gouvernement.  De plus, en raison de l’augmentation de la répression politique, les envois de fonds des deux autres catégories ont connu une chute importante.

Comme il s’agit de l’un des Gouvernements les plus hermétiques du monde entier, la population de l’Érythrée ne sait ni comment ni en quoi l’argent est dépensé. Cependant, il existe des rapports qui indiquent que le pays affiche l’un des niveaux de dépenses militaires les plus élevés.  Dans son rapport annuel de 2009, le Centre international de Bonn pour la conversion (BICC selon son sigle en anglais), a placé l’Érythrée comme le pays le plus militarisé, alors que l’Institut international des études stratégiques (IISS en anglais) l’a placée au  deuxième rang[12].  Un autre rapport signale que l’Érythrée a une armée composée de 600.000 effectifs,  y compris les divisions professionnelles et la réserve[13]. Toutes les deux se trouvent en mobilisation permanente depuis le début des conflits frontaliers avec l’Éthiopie entre 1998 et 2000, entraînant des niveaux plus élevés de dépenses militaires, au détriment de la récupération économique et du développement social. Le BICC rapporte que 20 % du Produit  intérieur brut (PIB) de l’Érythrée est consacré aux dépenses militaires, alors que Solidarité chrétienne mondiale (CSW en anglais) et l’organisation pour les droits humains Human Right Concern–Eritrea (HRC-E)  indiquent que le pourcentage est de 25 % du PIB[14]. Etant donné la minuscule économie de l’Érythrée et la dimension de sa population, ses dépenses militaires et le pourcentage de son recrutement sont exorbitants.

L’isolement international s’accroît

Les pays en voie de développement qui peuvent aborder efficacement les enjeux du développement économique sans compter sur la coopération internationale sont peu nombreux. Cependant l’Érythrée a établi de mauvais rapports avec la communauté internationale. Les dix dernières années, les médias internationaux et des observateurs ont fait référence au pays en des termes tels que « le coin solitaire de la planète» , « la prison en plein air », « la Corée du nord de l’Afrique », « l’État insulaire et paria », et « le centre d’attention pour les pires motifs »[15]. Ces descriptions sont essentiellement dues à la rigidité de la culture politique du Gouvernement et au niveau alarmant des violations des droits humains, ainsi qu’à sa tentative archaïque et vaine de se débrouiller tout seul en matière économique.
Dans des milieux régionaux et internationaux, la réputation de l’Érythrée s’est irrémédiablement ternie  à cause du rôle destructif qu’elle a joué  dans presque tous les conflits  surgis dans  la  Corne de l’Afrique. Cette région instable a subi les  ravages permanents  de la guerre conventionnelle,  des guérillas, des coups d’État et des révolutions. Depuis son indépendance en 1991, l’Érythrée a fait la guerre à tous ses voisins les plus proches –  Djibouti, l’Éthiopie et le Soudan –  ainsi qu’une guerre par procuration avec la Somalie, un pays avec lequel l’Érythrée ne partage même pas de frontière. Le pays a également eu un conflit armé avec le Yémen.
À cause de l’hostilité de ses leaders, l’Érythrée a été exclue de façon notoire des forums régionaux et internationaux les plus importants, depuis l’Autorité intergouvernementale pour le développement  (IGAD en anglais) – l’organisation régionale qui réunit les pays de la  Corne de l’Afrique – jusqu’à l’Union africaine  (UA) et l’ONU. En 2009, le degré d’indignation de la communauté internationale envers le Gouvernement en raison de ses activités déstabilisantes  dans la région de la Corne de l’Afrique a entraîné l’adoption de mesures punitives strictes de la part du Conseil de sécurité de l’ONU contre les leaders militaires et politiques.  La Résolution 1907 a imposé un nouveau régime de sanctions comprenant l’embargo des armes, des restrictions de voyages et le gel des actifs.[16]. Les deux dernières catégories concernent les plus hauts fonctionnaires et les institutions financières qu’ils contrôlent directement ou indirectement.
La Résolution 1907 a été créée à l’IGAD et a été adoptée par l’UA ; c’est la première fois que l’UA a formellement utilisé une résolution de l’ONU contre l’un de ses propres États membres. Le Gouvernement a réagi à travers une campagne de désinformation qui comprend la manipulation des communautés de la diaspora pour qu’elles organisent des « protestations massives » contre cette résolution dans les principales villes du monde entier. On estime que la résolution peut toucher l’ IDE puisqu’elle contient des clauses portant sur le flux de capitaux  des compagnies et des citoyens étrangers.

Les futurs enjeux

On n’accorde plus d’autorisation officielle pour des voyages ni pour des recherches à des chercheurs indépendants dans le pays, notamment en matière des droits humains et de développement politique. Par conséquent il est toujours extrêmement difficile d’évaluer les progrès et les reculs dans la réalisation des OMD, ainsi que de transmettre une image complète de la situation réelle du pays. Malgré des restrictions aussi strictes, il y a encore plusieurs rapports fiables élaborés  par des chercheurs et des centres de recherches indépendants.  Beaucoup d’entre eux représentent l’Érythrée comme un État virtuellement en situation d’échec et comme un pays au bord de la rupture[17].
Le plus grand enjeu est le manque de volonté politique de la part du Gouvernement pour faciliter la démocratisation, respecter les droits humains et libéraliser l’économie. Comme lors des années précédentes, la performance du Gouvernement par rapport à ses engagements et à ses obligations internationales quant à l’éradication de la pauvreté, l’égalité des sexes et la promotion des droits humains, a été extrêmement mauvaise. L’Érythrée souffre de la répression du parti officiel, le Front populaire pour la démocratie et la justice et de ses politiques économiques déficientes, ainsi que du degré toujours plus grand d’isolement international.  Sans une transition politique pacifique vers la démocratie, ces enjeux représenteront toujours des obstacles énormes pour la réalisation des objectifs de récupération économique et de développement  social de l’Érythrée.

[1] Département des Affaires économiques et sociales de l’ONU, En reconsidérant la pauvreté : Rapport sur la situation sociale dans le monde entier, 2010. Disponible sur : <www.un.org/esa/socdev/rwss/docs/2010/fullreport.pdf> (vu le 8 mars 2010)

[2] G. Kibreab, Forced Labour in Eritrea, dans le  Journal of Modern African Studies, 47 (2009), 64 y 67

[3] ACNUR, Global Trends Refugees, Asylum Seekers, Returnees, Internally Displaced and Stateless Persons, Ginebra, 2009. Voir sur : <www.unhcr.org/4a375c426.html>(vu le 10 septembre 2009)

[4] Bertelsmann Stitny, "Bertelsmann Transformation Index (BTI) 2010: Eritrea Country Report", Gütersloh, 2009, 9. Voir sur : <www.bertelsmann-transformation- index.de/fileadmin/pdf/Gutachten_BTI2010/ESA/Eritrea.pdf> (consulté le 8 mars 2010).

[5] UNICEF, "Humanitarian Action Report: Partnering for Children in Emergencies", New York, 2010, 23.  Voir sur : <www.unicef.org/har2010/files/UNICEF_Humanitarian_Action_Report_2010-Full_Report_WEB_EN.pdf> (consulté le 8 mars 2010).

[6] Ibid, 24.

[7] Jeremy Clarke, UNICEF Wants $24.8 Million for Eritrean Fund, Reuters, le 4 mars 2010. Disponible sur : <www.af.reuters.com/article/topNews/idAFJOE6230F020100304> (consulté le 9 mars 2010).

[8] Eritrea: Africa’s Version of North Korea?, dans The Christian Science Monitor, 2009. Disponible sur : <www.csmonitor.com/World/Africa/2009/1110/p06s12-woaf.html/(page)/2> (consulté le 9 novembre 2009).

 

[9] N. Hirt, Dreams Don’t Come True in Eritrea: Anomie and Family Disintegration Due to the Structural Militarization of Society, Documents de travail de GIGA, 119/2010, janvier 2010, 13, 26.

[10] Ministère de l’ Information Raising Productivity Guarantee of National Objectives and Vision: President Isaias, Shabait.com News, le 8mars2010. Disponible sur : <www.shabait.com/news/local-news/1252-raising-productivity-guarantee-of-national-objectives-and-vision-president-isaias-> (vu le 8 mars 2010).

[11] The Christian Science Monitor, op. cit

[12] BICC, Global Militarization Index (GMI), 2009. Disponible  sur : <www.bicc.de/uploads/pdf/publications/jahresbericht/2009/gmi_worldmap_2009.pdf> (consulté le 9 décembre  2009); IISS, The Military Balance: The Annual Assessment of Global Military Capabilities and Defence Economies, Londres, 2009. Disponible sur : <www.iiss.org/publications/military-balance/> (visité le 9 décembre  2009).

[13] Bertelsmann Stiftung, op. cit., 4, 13.

[14] CSW y HRC–E, Stakeholder Report on the Human Rights Situation in Eritrea. Submitted to the Universal Periodic Review of the UN Human Rights Council, avril 2009, 7.

[15] N. Myers, Africa's North Korea: Inside Eritrea’s Open-Air Prison, en Foreign Policy, juillet - août 2010. Disponible sur : <www.foreignpolicy.com/articles/2010/06/21/africas_north_korea?page=0,1> (consulté le 8 juillet 2010).
R. Reid, Traumatic Transitions: Open Season on the Eritrean State, en African Affairs, 105 (2006), 638

[16] Nations Unies, UN Doc S/RES/1907,le 23 décembre 2009. Disponible sur : <www.unhcr.org/refworld/docid/4b66c06cd.html> (consulté le 3 juin 2010).

[17] Le Fonds pour la paix,  Index des États faillis, 2010. Disponible (consulté le 8 juillet 2010).

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Pas de développement sans justice: dénonciation de la farce démocratique

Publication_year: 
2010
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Dans le cadre d’un état de droit inexistant, la Birmanie a été récemment classée comme le 5e pays parmi les pires au monde en termes de liberté économique. La Constitution de 2008 et les élections générales prévues pour 2010 ne feront que perpétuer le régime militaire et la stagnation générale. Le développement a besoin d’institutions transparentes, impartiales et responsables qui ne peuvent pas coexister avec les violations flagrantes des droits de l´Homme, la corruption et l'oppression politique. Il est nécessaire que le Conseil de sécurité des Nations Unies établisse une Commission d'enquête afin de clarifier les crimes commis.

Burma Lawyers' Council

Dans le cadre d’un état de droit inexistant, la Birmanie a été récemment classée comme le 5e pays parmi les pires au monde en termes de liberté économique. La Constitution de 2008 et les élections générales prévues pour 2010 ne feront que perpétuer le régime militaire et la stagnation générale. Le développement a besoin d’institutions transparentes, impartiales et responsables qui ne peuvent pas coexister avec les violations flagrantes des droits de l´Homme, la corruption et l'oppression politique. Il est nécessaire que le Conseil de sécurité des Nations Unies établisse une Commission d'enquête afin de clarifier les crimes commis.

Le régime militaire, à travers le Conseil pour la paix et le développement de l’État (SPDC pour son sigle en anglais), viole de manière systématique les droits de l´Homme en Birmanie à travers des actes de criminalité généralisés depuis 1988. Le SPDC a commis ces exactions en toute impunité, en créant un système dans lequel les auteurs des crimes, même les plus brutaux, restent impunis. La criminalité et l'impunité sont favorisées par un système judiciaire soumis à la volonté des autorités et qui adapte à sa guise les lois de la nation pour préserver et accroître le pouvoir de la Junte.

Dans ce cadre, la Birmanie a été récemment classée comme le 5e pays parmi les pires au monde en termes de liberté économique[1]. Du point de vue international, son économie est considérée corrompue et très mal administrée[2]. En outre, en ce qui concerne l’Indice de développement humain 2009 du PNUD, la Birmanie occupe la 138e position sur 182 pays, ce qui met en exergue les graves lacunes existant dans le développement économique et social[3]. Le progrès dans le développement économique ne sera possible qu’une fois dissipé le climat actuel d’oppression et de criminalité et lorsque les coupables auront été poursuivis en justice.

Sans transparence, il n'y a pas de développement

La méfiance généralisée envers le SPDC et ses méthodes de gouvernement a des effets importants sur le développement économique. Les entreprises étrangères hésitent à opérer dans un pays où les litiges sont réglés par un système judiciaire faisant preuve de partialité envers le Gouvernement et où l'État ne respecte pas pleinement les droits de propriété individuelle.
Dans certains cas, des sociétés étrangères ont été fermées. Par le biais de la Loi sur les entreprises publiques, l'État contrôle de nombreux secteurs de l'économie, tels que les banques, les assurances, les télécommunications et l’exploitation de certaines ressources et du bois de teck, et confère le contrôle exclusif de ces services au SPDC[4].

Un exemple qui illustre la corruption rampante du SPDC et le manque de respect pour les droits de la propriété est l’affaire de Yaung Chi Oo, concernant un contrat de partenariat entre une société basée à Singapour et le ministère de l'Industrie pour rouvrir la brasserie Mandalay. La bière Mandalay est devenue une marque reconnue, mais avant le terme de l’accord de cinq ans, un différend est apparu. Bien que le ministère soit censé soumettre le différend à un arbitrage, le SPDC a saisi l'usine et tous ses biens sans se conformer à la procédure légale établie par ses propres lois. Les fonctionnaires du SPDC ont gelé les comptes bancaires de la société partenaire et ils ont menacé les propriétaires de poursuite judiciaire pour détournement de fonds. Lorsque les parties ont comparu devant la justice, le juge a ignoré les arguments de la société de Singapour et a profité abusivement de son ample pouvoir juridique pour se prononcer en faveur du Gouvernement[5].

La Loi d’investissement étranger (FIL, pour son sigle en anglais) de Birmanie veille à ce qu'aucune société étrangère ne puisse être nationalisée pendant la période d'investissement autorisée. La FIL contient également une section qui permet au SPDC de mettre fin à un contrat avant son expiration[6]. L’affaire Yaung Chi Oo a montré que le régime et ses tribunaux peuvent manipuler les lois pour nationaliser une société si cela convient au Gouvernement.

Une économie de marché à succès repose en grande partie sur la confiance des acteurs dans le système juridique pour que ce dernier défende leurs droits et résolve leurs différends de façon juste. Il est nécessaire que le système judiciaire soit efficace, équitable et abordable pour pouvoir régler les différends, y compris ceux impliquant le Gouvernement. Bien évidemment, ce n’est pas le cas de la Birmanie. Sans institutions qui protègent les droits de propriété privée, les entreprises étrangères s'abstiendront d'investir dans l'économie birmane.

Le développement économique exige des institutions transparentes, impartiales et responsables qui ne peuvent pas coexister avec les flagrantes violations des droits humains, la corruption et l'oppression politique. Le développement de la Birmanie ne sera viable que lorsque le pouvoir judiciaire sera indépendant du SPDC et quand toutes les parties respecteront l’état de droit. Il ne suffit pas d’avoir des institutions légales et judiciaires solides; la santé économique du pays a également besoin d’institutions politiques responsables et transparentes ce qui n’est pas le cas actuellement en Birmanie.

Des méthodes pseudo démocratiques pour perpétuer la Junte

Pendant des décennies, le SPDC a très mal géré l'économie du pays. La Constitution de 2008 et les élections générales prévues pour 2010 ne feront que perpétuer le Gouvernement militaire et la stagnation économique associée. La Constitution comprend des articles problématiques qui limitent la participation électorale des groupes d'opposition et assurent l'impunité des délits commis par des fonctionnaires du Gouvernement.

La Constitution birmane de 2008 ne représente pas un progrès de la démocratie mais une tentative flagrante du SPDC pour se perpétuer au pouvoir. Cette Constitution a été conçue par les militaires sans la participation des partis politiques d'opposition ni d’experts juridiques. Elle supprime le contrôle civil sur les forces militaires, ce qui implique la rupture d'une norme impérative du droit international, et fait de l’armée l’institution la plus puissante du pays[7]. L'article 121 de la Constitution empêche que des nombreux opposants politiques puissent être candidats, car elle interdit l'élection à des sièges parlementaires de ceux qui ont purgé des peines de prison. Le SPDC a arrêté plus de 2.000 opposants politiques qui sont détenus actuellement et donc exclus comme candidats[8]. Le texte du document interdit également aux principaux opposants de se présenter comme candidats aux élections. Par exemple, l’article 59 interdit à une personne d'exercer les fonctions de Président si elle est mariée à un étranger ou à une étrangère. Cette disposition enlève à Aung San Suu Kyi, qui a épousé un citoyen britannique, la possibilité de se présenter comme candidate à la présidence. Selon cette Constitution, les seules personnes autorisées à participer aux élections sont les membres du SPDC ou les sympathisants du Gouvernement actuel.

La violence sexuelle et le viol comme armes de guerre

Parallèlement à l'oppression et à la violence permanentes, la situation des femmes en Birmanie s'aggrave. Plusieurs organisations de base qui opèrent tout au long de la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie ont documenté des violations flagrantes des droits de l´Homme commises par les membres de l'armée. Les crimes de la Junte militaire couvrent un large éventail de délits qui comprennent les meurtres, les enlèvements, les viols, le travail forcé et le déplacement obligé, parmi beaucoup d’autres. Tous ces crimes affectent les femmes, mais les délits de violence de genre exercent peut-être l'impact le plus direct sur la situation des femmes en Birmanie.

Les membres du SPDC commettent des crimes de violence sexuelle avec une régularité scandaleuse. Le SPDC utilise le viol comme arme de guerre, en particulier lorsqu'il s'agit d'attaquer les groupes ethniques dans l'est du pays[10]. Le régime a intensifié ses attaques sur les groupes ethniques au cours des quinze dernières années, et ces attaques incluent l'utilisation systématique de la violence sexuelle[11]. Beaucoup de femmes ont souffert des viols collectifs par des soldats qui, parfois même torturent ou assassinent leurs victimes[12]. La violence sexuelle n’est pas un crime commis par quelques membres de l'armée, mais fait partie de la stratégie concertée par le SPDC pour attaquer les groupes ethniques et de l’opposition[13]. Les responsables de ces crimes ne sont pas poursuivis en justice et l'impunité règne en Birmanie[14]. Comme les tribunaux militaires ne sont pas indépendants du Gouvernement militaire, les victimes de la violence de genre ou d'autres crimes ne peuvent pas recourir au système juridique Birman. La culture de l'impunité qui protège les auteurs de violences sexuelles permet que ces crimes continuent à être commis.

La violence sexuelle constante exercée par le SPDC et l’irresponsabilité de ce dernier ne sont pas passées inaperçues au sein de la communauté internationale. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a récemment reconnu que le SPDC ne remplit pas ses obligations conformément à la Résolution 1820 du Conseil de sécurité. Cette résolution a été spécialement conçue pour protéger les femmes contre la violence sexuelle dans les situations de conflit[15]. Le Secrétaire général a pris note de l'utilisation généralisée de la violence sexuelle contre les femmes des minorités ethniques dans les zones rurales de la part du régime, du harcèlement sexuel exercé contre les femmes et les jeunes filles par les militaires, de l'incapacité ou du manque de volonté dont fait preuve le système juridique pour traiter les délits de violence sexuelle et de l'impunité dominante qui empêche la poursuite des auteurs de la violence de genre.

Outre la violence sexuelle, les crimes de guerre et les délits contre l'humanité perpétrés par le SPDC affectent aussi principalement les femmes. Depuis 1996, le SPDC a brûlé 3500 villages dans l'est de la Birmanie. Le Consortium frontalierbirmano-thaïlandais a comparé les conséquences de cette situation à la destruction brutale actuellement en cours au Darfour[16]. La destruction massive par le feu de logements et de nourriture a donné lieu au déplacement d’un grand nombre de personnes. Les femmes sont particulièrement touchées par l’abandon forcé de leurs maisons, étant donné qu’elles sont plus vulnérables à la traite de personnes et au travail dangereux.

Source : Putting gender economics at the forefront. 15 years after the IV World Conference on Women. Social Watch Occasional Papers 06. Février 2010.

Il est encore plus choquant de constater que la Constitution contient un article visant à assurer une amnistie pour tous les responsables du SPDC[9]. Cette disposition est rédigée de façon confuse et conférerait l'impunité pour les crimes les plus odieux, y compris les délits contre l'humanité et les crimes de guerre. Conformément au droit international, cet article sur l’amnistie suffit à invalider la Constitution dans son ensemble. Garantir l'amnistie générale aux auteurs de crimes graves viole la Convention de Genève, le droit international coutumier et les dispositions des résolutions 1325 et 1820 du Conseil de sécurité, qui interdisent l'impunité des violences sexuelles dans les zones de conflit.

L’existence d’institutions solides qui défendent l’état de droit et la justice indépendante sont deux conditions essentielles pour le progrès économique. Ces institutions devraient incarner la responsabilité, l'accès à l'information et la transparence. La Constitution de 2008 représente une déviation manifeste de l’état de droit et va à l’encontre du bon fonctionnement du système judiciaire de la nation. Elle ne reflète pas un progrès dans les domaines de la transparence, de l'indépendance et de la responsabilité des institutions légales ou politiques de la nation, car elle contient plusieurs articles qui entravent le fonctionnement démocratique des institutions légales, judiciaires et politiques. La Constitution sert la cause du Gouvernement militaire qui jusqu’à présent n’a pas respecté la responsabilité institutionnelle, l'accès à l'information et la transparence.

Cependant, les élections de 2010 consacreront la Constitution de 2008. Après les élections, les institutions juridiques, judiciaires et politiques de Birmanie seront trop faibles pour faire progresser l'économie de la nation. Plutôt que de favoriser le progrès du pays, les élections renforceront l'impunité, la criminalité et les pratiques politiques déloyales. La nouvelle Constitution va faire sombrer le pays dans une dépression économique encore plus profonde et dans un isolement majeur, et les élections qui auront lieu cette année vont renforcer la culture de la criminalité et la militarisation du pays.

Recommandations

Le développement économique doit être accompagné par des institutions fortes, une bonne gouvernance et des conditions de paix et de sécurité. La répression systématique des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels par le SPDC a réduit au minimum la croissance économique au cours des dernières décennies.

En ce qui concerne la Constitution de 2008 et les prochaines élections de 2010, le Conseil d’avocats de la Birmanie (Burma Lawyers' Council) recommande :

  • Afin de promouvoir un développement économique véritable en Birmanie et d’encourager de réelles améliorations dans la qualité de vie, le SPDC doit s'engager à réviser globalement la Constitution avec toutes les parties impliquées, à établir un système judiciaire indépendant et à rétablir le respect de l’état de droit.
  • La Constitution doit garantir un système politique responsable, transparent et permettant l'accès à l'information.
  • Étant donné que le libellé actuel de la Constitution de 2008 viole les normes impératives du droit international, le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait la déclarer nulle. Tous les États doivent refuser de reconnaître la Constitution et les résultats des élections basées sur celle-ci.
  • Étant donné que la partialité du système judiciaire et l’impunité accordée par la Constitution empêchent les tribunaux de juger les délits du SPDC, le Conseil de sécurité de l'ONU devrait mettre en place une commission d'enquête afin de clarifier les crimes internationaux qui ont été commis en Birmanie.

 

[1] Heritage Foundation, “2010 Index of Economic Freedom: Burma” Disponible sur: www.heritage.org/Index/Country/Burma

[2] Voir, par exemple Transparency International, “Corruption Perceptions Index 2009”. Disponible.

PNUD, “Human Development Report 2009: Myanmar” Disponible

[4] State-Owned Economic Enterprises Law (SLORC Loi No. 9/89), 1989.

[5] BK Sen et Peter Gutter, “The Burmese Junta’s Abuse of Investment Laws” Legal Issues on Burma Journal (août 2001).

[6] Ibid.

[7] Id., art. 343 (« Dans le jugement de la Justice militaire … la décision du Commandant en chef est définitive et concluante » ).

[8] Association d’aide de prisonniers politiques de la Birmanie. Disponible sur : <www.aappb.org>.

[9] Constitution de la République de l'Union du Myanmar (2008), art. 445 (« Aucune procédure ne sera intentée contre lesdits Conseils ni contre aucun membre du Gouvernement à l’égard de tout acte accompli dans l’exercice de leurs fonctions respectives ».).

[10] Voir, p. ex., Shan Women’s Action Network, License to Rape (mai 2002).

[11] Ibid.

[12] U.S. Campaign for Burma, People, Politics, Poverty. Disponible. (dernière visite : 8 décembre 2009).

[13] See Shan Women’s Action Network, note 10 ci-dessus.

[14] Ibid.

[15] Conseil de sécurité des Nations Unies, Rapport du Secrétaire Général relatif a la résolution 1820 du Conseil de sécurité, 15 juillet 2009, S/2009/362.

[16] Consortium frontalierbirmano-thaïlandais, article de presse :  “Rising Instability in Eastern Burma” , 29 octobre 2009. Disponible sur : <www.tbbc.org/announcements/2009-10-29-media-release.pdf>.

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Pas de partage des richesses

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2010
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Dans un contexte international extraordinairement positif, la Bolivie a obtenu d’importants revenus financiers dérivés principalement de l’exportation des hydrocarbures, grâce aux prix élevés des matières premières. Cependant, ce que les caisses de l’État reçoivent en provenance des impôts et des bénéfices n´a pas eu d´impact dans l’économie des ménages. Le modèle extractif du pays ne permet pas que les investissements directs étrangers améliorent les conditions pour la Bolivie, puisque la quantité d’argent sortant du pays est supérieure à celle qui y rentre.

CEDLA

Dans un contexte international extraordinairement positif, la Bolivie a obtenu d’importants revenus financiers dérivés principalement de l’exportation des hydrocarbures, grâce aux prix élevés des matières premières. Cependant, ce que les caisses de l’État reçoivent en provenance des impôts et des bénéfices n´a pas eu d´impact dans l’économie des ménages. Le modèle extractif du pays ne permet pas que les investissements directs étrangers améliorent les conditions pour la Bolivie, puisque la quantité d’argent sortant du pays est supérieure à celle qui y rentre.

Grâce à la hausse du revenu per capita pendant les dernières années, la Bolivie a cessé d’être un pays à faibles revenus pour devenir un pays à revenus moyens. Cela signifie que l’accès aux ressources pour le financement ne dépend plus à présent des crédits octroyés par les entités multilatérales et bilatérales des pays développés.

En plus, la crise économique mondiale a réactivé une version camouflée d’une vieille discussion sur la réforme de l’architecture financière internationale et le financement pour le développement des économies périphériques. Le caractère systémique de la crise capitaliste a sans doute contribué à cela, détournant les critiques sur un réformisme mou qui ne s’est inquiété que du domaine financier.

Revenus fiscaux et modèle primaire exportateur

Pendant les dernières années, les économies d’Amérique latine ont renforcé leurs modèles de développement liés à l’exploitation et la commercialisation des matières premières en fonction de la hausse des prix internationaux. Ceci a permis l’insertion de la région sur le marché mondial, centrée principalement sur des secteurs tels que l’industrie minière, le pétrole et le gaz, entre autres. Cette pratique, rebaptisée comme néo-extractivisme[1], ne fait que consolider la division internationale du travail et l’acceptation de l’« institutionnalité globale » liée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) [2].

La nature essentiellement exportatrice des économies latino-américaines a conduit, pendant les dernières années, à une augmentation de l’activité économique dans la plupart des pays, avec des taux de croissance du Produit intérieur brut (PIB) supérieurs à 5 %. Cette croissance a été stimulée par une situation internationale particulièrement favorable, due à l’augmentation des prix et de la demande extérieure.

Bien que la situation ait été favorable pour les équilibres fiscaux, la nature du modèle a favorisé les entreprises transnationales en les transformant en principales bénéficiaires. Dans le domaine fiscal, de nombreux pays d’Amérique latine reçoivent des revenus importants de l’exploitation de ressources non renouvelables. Selon la CEPAL [Commission économique pour l’Amérique latine], « dans des pays tels que le Venezuela, l’Équateur, le Mexique et la Bolivie, environ 30 % ou plus des revenus fiscaux proviennent de la production pétrolière, dans les trois premiers cas et de l’exploitation gazière dans le dernier[3] ».

Pour la Bolivie, depuis 2005 les revenus fiscaux du secteur des hydrocarbures – un des plus importants de son économie – ont été essentiels pour surmonter le déficit fiscal national et pour financer l’investissement public dans une plus grande proportion[4] ; cependant, la fragilité de ces ressources persiste à cause de la volatilité des prix internationaux en temps de crise. On pourrait confondre ceci avec le cas typique de la
« maladie hollandaise », c’est à dire, une distorsion produite par une affluence subite (inondation) de devises issues d’une ressource naturelle que le système productif réel ne peut pas absorber[5]. Cependant il s’agit en réalité d’un aspect structurel de l’économie bolivienne, approfondi par le boom récent du prix des matières premières.

Si on analyse le comportement des revenus fiscaux et leurs composants, on peut voir qu’après la crise de la première moitié de la décennie des années 80, l’application de politiques sévères d’ajustement structurel a permis de gérer jusqu’à un certain point le déficit fiscal. La structure fiscale a été inflexible pendant ces deux décennies et demie, avec une proportion importante des dépenses engagées essentiellement dans le financement de l’État et avec un faible investissement public, ne dépassant pas les USD 500 millions pendant cette période, financé en grande partie par la dette publique extérieure.

La situation est très différente en ce qui concerne les revenus, puisqu’après la réforme du système fiscal en 1986, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est devenue la source principale des recettes de l’État. Cet impôt indirect est de nature régressive puisqu’il s’applique à la consommation de toute la population bolivienne sans faire de différences entre les pauvres et les riches. Jusqu’en 2003 il a représenté un peu plus de 70 % de tout le système fiscal bolivien, pour tomber à un peu plus de 50 % en 2009[6].

Depuis 2005, les revenus provenant de l’Impôt direct sur les hydrocarbures (IDH) sont passés de USD 287 millions à USD 802 millions en 2009. Il est plus facile de comprendre ce chiffre en comparant sa participation dans le système fiscal avec celle de la TVA. Pour l’année 2000 la TVA a représenté 40 % des recettes totales, alors qu’en 2009 sa participation a baissé à 35 %, mais sur la base d’une plus forte recette absolue, de USD 420 millions en 2000 à USD 1,2 milliard en 2009. En 2005 l’IDH a représenté 15 % des recettes totales, alors qu’en 2009 le pourcentage est monté à 22 %, ceci étant dû davantage à la hausse des prix qu’à la croissance de la production et de l’exportation.

Une faible marge pour l’État

Crise et pression sur les ressources naturelles

Selon certaines prévisions scientifiques[10], le monde pourrait atteindre le pic de production de pétrole conventionnel avant 2020. Cette situation suggère que les prix élevés de l’énergie persisteront, devenant ainsi un facteur de pression inflationniste au niveau mondial et une stimulation pour le développement et la production de produits de substitution, tels que les biocarburants ou d’autres substituts, tels que les minerais énergétiques, l’énergie nucléaire et les sources d’énergie renouvelable.

Dans ce scénario complexe, les réponses face à la crise économique internationale ne peuvent pas se centrer seulement sur les conséquences immédiates de la récession et sur les caractéristiques de la reprise. Les réponses devraient plutôt surgir de l’analyse des conséquences du maintien d’un modèle de production qui, à longue échéance, aura comme résultat une surexploitation du travail et la consolidation des bénéfices entre les  mains des monopoles transnationaux qui dominent l’exploitation des ressources naturelles.

Si on observe le parcours des Investissements directs étrangers (IDE) en Bolivie, malgré un comportement variable pendant la dernière décennie, il est évident qu’il existe une concentration dans les secteurs de l’extraction : les hydrocarbures et l’industrie minière. Les informations statistiques officielles montrent que, pendant 2008, les deux secteurs ont concentré plus de 75 % du flux des IDE[11], avec une plus grande participation de l’industrie minière en raison, d’une part, de l’augmentation des prix internationaux et, d’autre part, de la stagnation de l’investissement dans les secteurs pétrolier et gazier.

L’IDE dans ces secteurs a montré, en contrepartie, une augmentation des versements des dividendes des actions, d’autres participations du capital et des « désinvestissements »[12] , spécialement à partir de 2004, car c’est à partir de cette date que ces paiements ont dépassé ceux de l’IDE brut. Le pic le plus élevé enregistré pour le versement de bénéfices vers l’extérieur par les entreprises transnationales s’est produit en 2005, quand il a dépassé 201 % l’IDE brut[13].

En raison de ce genre d’activités (essentiellement orientées vers l’exportation), l’IDE n’a pas amélioré les conditions dans le pays, car il y a eu un flux d’argent sortant de Bolivie supérieur à celui qui est entré à ce titre. De même, ce qui rentre dans les caisses de l’État au niveau fiscal et des bénéfices des activités d’extraction (pétroliers et gaziers principalement) s´est estompé dans l’investissement public pour des projets régionaux – tel que le projet d’intégration bi-océanique – au lieu d´être utilisé dans des investissements qui aient des effets significatifs pour l’économie des ménages.

Les taux de croissance moyenne annuel de la production de pétrole et de gaz pour la période 1997-2007 ont été de 4,6 % et 11,6 % respectivement, alors qu’entre 2006 et 2007 ces taux ont été de 1,11 % et 3,73 %. Ces faibles taux de croissance de la production s’expliquent par diverses raisons. D’après le diagnostic établi dans la Stratégie bolivienne des hydrocarbures du Gouvernement actuel, il y a trois éléments qui attirent l’attention : la diminution des investissements destinés à l’exploitation et le développement des champs pétrolifères, la capacité des usines de traitement des hydrocarbures et la caractéristique d’accumulation du secteur. Ces aspects montrent que le contrôle de la production continue entre les mains des compagnies pétrolières.

La première conclusion est que, en dépit de la croissance significative des revenus de l’État grâce aux prix des matières premières, il n’y a pas eu de modifications du système fiscal, qui continue de faire pression sur la population. La deuxième conclusion est que le commerce du gaz continue de dépendre des investissements effectués par les compagnies pétrolières dans le secteur, sans qu’elles aient l’obligation d’investir dans l’exploration et l’exploitation[7] en vertu du cadre régulateur en vigueur après la réforme de 2005.

En ce qui concerne les dépenses, l’augmentation des revenus fiscaux issus des bénéfices des hydrocarbures ne s’est pas traduite en de plus grands flux d’investissements publics dans les secteurs productifs. Les ressources issues de la vente des hydrocarbures ont été essentiellement destinées à l’infrastructure routière et, très faiblement, aux secteurs tels que l’agriculture ou la manufacture[8]. Ceci est en rapport étroit avec la forme d’intégration commerciale de la Bolivie dans les marchés dominants de la région : le pays est plutôt un pont intégrateur bi-océanique permettant le passage de marchandises entre les pays voisins, au lieu d’être un partenaire qui puisse promouvoir et commercialiser sa production locale[9].

Les espoirs mis dans la conjoncture favorable des prix pour favoriser les processus de transformation du modèle primaire d’exportation ont tendance à s’évanouir face aux énormes enjeux que doit affronter le pays. D’autant plus que les entreprises transnationales continuent d’être les leaders des investissements dans le secteur de l’extraction, laissant peu de marge pour que l’État – incapable de renverser le processus d’appropriation des excédents – puisse envisager des processus de transformation durables.

Conclusions

On a vu que l’augmentation des revenus fiscaux a été le résultat d´une conjoncture extraordinaire de prix internationaux élevés des matières premières. Ceci ne permet pas de projeter de façon durable le développement du pays, car il dépend plus que jamais des revenus issus des taxes sur les activités primaires d’exportation, contrôlées par les entreprises transnationales. Ces entreprises ont administré les flux d’investissements en fonction des tendances des prix internationaux et des conditions que l’État bolivien a établies dans le cadre de la régulation de leurs activités.

 

[1] Eduardo Gudynas, "El nuevo extractivismo progresista". El Observador N° 8. CEDLA/OBIE. Janvier 2010.

[2] Ibid, p. 3.

[3] Amérique latine et Caraïbes face au nouveau scénario international. CEPAL, Santiago de Chile, 2008.

[4] Deux facteurs ont contribué à cela : d’une part, la modification de la régulation des impôts de ce secteur ; d’autre part, l’augmentation des prix internationaux du pétrole et du gaz.

[5]  Ceci conduit à une croissance exagérée des biens et services non négociables – travaux publics, transports, communications – à cause de la survalorisation de la monnaie.

[6] La TVA montre la profonde régressivité du système fiscal bolivien, même avec une augmentation des revenus de l’État due aux impôts sur l’activité pétrolière et gazière depuis 2005, suite à l’approbation de la Loi 3058 sur les Hydrocarbures  et à la création de l’Impôt direct sur les hydrocarbures (IDH), un pourcentage de 32 % du total de la production d’hydrocarbures mesurée par rapport au point de fiscalisation non destinée à taxer la richesse, mais qui varie selon les volumes de gaz produits et de son prix international.

[7] "La crisis energética al ritmo de las petroleras". El Observador Nº 4. CEDLA/OBIE. Mars 2008.

[8] Juan Luis Espada, La renta de hidrocarburos en las finanzas prefecturales. Tendencias de los ingresos y gastos (1997-2007). CEDLA, 2009.

[9]Ceci en réponse à l’Initiative pour l’intégration de l’infrastructure régionale sud-américaine (IIRSA) et à l’investissement dans des projets routiers bi-océaniques.

[10] UK Energy Research Centre, "Global Oil Depletion. An assessment of the evidence for a near-term peak in global oil production". Août 2009.

[11] Institut national de statistiques. Investissements directs étrangers 1996-2001. Banque centrale de Bolivie, 2002-2008.

[12] Le désinvestissement est « un investissement en sens inverse (…) c’est une sorte de restitution du capital au bailleur et/ou créancier du capital de l’investissement direct ». FMI, Guide pour la compilation statistique de la Balance de paiements. Traduction et composition de la direction du bureau linguistique du FMI, Washington, 1995.

[13] Efraín Huanca, "Generación y uso del excedente económico en Bolivia, 1988-2008". CEDLA. Mimeo. Décembre 2009 (Préliminaire).

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Pas de stratégies pour affronter l’insécurité économique et sociale

Publication_year: 
2010
Summary: 
Les serbes affrontent une insécurité économique et sociale de plus en plus importante due au manque d’emplois décents, à l’augmentation du chômage, aux niveaux élevés de corruption et à un état de droit déficient. Le flux de l’investissement étranger direct s’est ralenti en raison de la crise financière mondiale. L’économie devient donc de plus en plus fragile et instable. Les mesures pour combattre la crise se basent sur la demande de nouveaux prêts aux institutions financières internationales et sur la réduction des dépenses publiques destinées à l’éducation, la santé et les pensions avec, par conséquent, le risque de voir de plus en plus de personnes en situation de pauvreté.

Association Technology and Society
Mirjana Dokmanovic, PhD
Danica Drakulic, PhD

Les serbes affrontent une insécurité économique et sociale de plus en plus importante due au manque d’emplois décents, à l’augmentation du chômage, aux niveaux élevés de corruption et à un état de droit déficient. Le flux de l’investissement étranger direct s’est ralenti en raison de la crise financière mondiale. L’économie devient donc de plus en plus fragile et instable. Les mesures pour combattre la crise se basent sur la demande de nouveaux prêts aux institutions financières internationales et sur la réduction des dépenses publiques destinées à l’éducation, la santé et les pensions avec, par conséquent, le risque de voir de plus en plus de personnes en situation de pauvreté.

La crise financière et économique mondiale a frappé de plein fouet l’économie serbe déjà très fragile et instable. Les faibles niveaux d’investissement et d’exportation, l’augmentation du chômage et le manque de liquidité se sont convertis en ses principaux problèmes. Bien que pour arriver à la stabilité macroéconomique et à une croissance de 5 % il soit nécessaire d’investir entre  USD 5 et 7 milliards, en 2009 l’Investissement étranger direct (IED) a été de seulement USD 1 milliard et demi. La part correspondant à l’IED dans le Produit interne brut (PIB) a été de 3,9 % et l’on a enregistré une importante diminution de 25,2 % en ce qui concerne la demande interne[1]. Les principaux obstacles auxquels doit faire face l’IED sont les risques élevés d’investissement, la corruption et la faiblesse des institutions ainsi que le manque de ressources financières internationales.

La réduction de l’activité économique en 2009 a été de 12,1 % (industrie), de 25,1 % (ingénierie civile), de 12,3 % (ventes au public) et de 8 % (tourisme). La commercialisation de la monnaie étrangère s’est réduite aussi bien en ce qui concerne les exportations (19,7 %) que pour  les importations (28 %). La situation a engendré toutefois un aspect positif car le déficit du commerce extérieur a diminué, il a atteint USD 7 milliards (39,9 % de moins qu’en 2008) [2] et les exportations ont dépassé les importations de 53,4 %[3]. La dette du commerce extérieur a constitué 70,4 % du PIB[4], le déficit budgétaire a atteint 3,2 % du PIB et la dette publique s’est monté à 31,3 % du PIB[5]. Le montant des transactions a diminué de 41,9 % par rapport à 2008 à la Bourse de Belgrade. Le taux de chômage a été d’environ 15 %, une augmentation de presque 2 points de pourcentage par rapport à 2008.

Le ralentissement économique a été légèrement freiné pendant le second semestre 2009, dû à certaines mesures économiques et monétaires imposées par le Gouvernement, dont :

  • La réduction de la dépense publique à travers le gel des pensions et des salaires du secteur public.
  • Un accord de réserve de crédit avec le FMI à hauteur de USD  3,85 milliards.
  • Le soutien financier de la Banque mondiale, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et de l’Union européenne, en plus du soutien de la Russie et de la Chine concernant des projets d’infrastructure.
  • Une augmentation du déficit fiscal de 3 % à 4,5 % du PIB, approuvée par le FMI en octobre 2009 et convenue dans le cadre budgétaire macroéconomique de la Serbie pour 2010.
  • Une seconde quote-part de crédit du FMI pour un montant de USD 470 millions pour consolider les réserves de devises étrangères et la stabilité des taux de change.
  • Les mesures établies pour augmenter la liquidité économique.

 

En 2009, les banques ont approuvée un crédit de EUR 1 milliard, environ USD 1, 3 milliard à cette époque,  dont USD 1, 15 milliard  a été destiné à la liquidité et le reste à la subvention du crédit à la consommation. Ces mesures de relance ont freiné la chute de la production industrielle et du commerce extérieur. Cependant l’économie serbe continue à ne pas attirer d’investisseurs. La Banque nationale de Serbie estime que le degré d’ouverture de l’économie se situe à 6, 3[6]. La Serbie se trouve en 93ème position sur 134 pays selon l’Indice de compétitivité globale du Forum économique mondial.

Le haut niveau d’endettement des entreprises ainsi que le manque de crédit à faible taux pour stimuler l’exportation se font ressentir sur les activités économiques. Les recettes budgétaires du début de l’année 2010 ont été inférieures de 10 % par rapport à la même période en 2009. Les recettes courantes ont diminué de 7, 8 % alors que les recettes fiscales ont diminué de
7, 8 % et les non - fiscales de 8,1 %. Les importantes recettes provenant des impôts, à l’exception des  impôts indirects, ont diminué par rapport à 2008, alors que la croissance des recettes nominales  provenant des impôts indirects a été de 22,4 % et les contributions sociales de 1,9 %[7].

Le Gouvernement a annoncé récemment la mise en place d’un nouveau paquet de mesures pour lutter contre la crise, ce que beaucoup considèrent comme un petit jeu politique en vue des élections imminentes. Ainsi, les Serbes ont été contraints d’écouter les affirmations contradictoires du Premier ministre Mirko Cvetkovic, qui en octobre 2009 a déclaré que la Serbie était sortie de la crise[8] et qui a annoncé six mois plus tard  qu’il n’y avait aucune preuve pour confirmer cette déclaration[9].

La croissance de la pauvreté

Selon le ministère du Travail et de la politique sociale, la quantité de pauvres a augmenté en 2009; il existe presque 700.000 personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté dont 160.000 sont bénéficiaires d’aide sociale[10]. Cependant, le nombre réel de personnes vivant dans la pauvreté est encore plus élevé, il atteindrait 60 %[11], car les données officielles ne prennent pas en compte des indicateurs tels que la disponibilité et l’accès aux services de santé, les soins de la petite enfance, l’éducation et l’emploi décent.

Les enfants sont les plus vulnérables. En octobre 2009, Le ministère du Travail et de la politique sociale, le Bureau d’assistance technique et d’échange d’information (TAIEX, en anglais) de la Commission européenne, l’UNICEF et le Parlement serbe ont organisé à Belgrade une conférence sur les enfants et la pauvreté, durant laquelle il a été mis en relief l’importance du contrôle des effets de la crise sur l’enfance et les familles et de la poursuite des réformes des politiques sociales[12]. La diminution des moyens de subsistance est souvent accompagnée par l’augmentation de la violence à l’encontre des femmes, des enfants, une diminution de la fréquentation scolaire et une baisse dans la qualité des soins pour les enfants. Le Moniteur des Objectifs du Millénaire pour le Développement (ODM) pour la Serbie souligne l’approfondissement du clivage éducatif existant entre les garçons et les filles des différents groupes socio-économiques et ethniques, ce qui révèle les carences du système éducatif actuel concernant l’implémentation d’une éducation inclusive.   

L’augmentation de la pauvreté a été l’un des principaux sujets du débat entre les fonctionnaires du Gouvernement et les représentants des entreprises lors du Forum des Entreprises en mars 2010. Bien que tous fussent d’accord sur le fait que l’éradication de la pauvreté dépend surtout des politiques économiques du Gouvernement, aucune proposition spécifique n’a été faite dans ce sens, hormis l’annonce de la nouvelle loi de Sécurité sociale qui devra être adoptée en 2010 et qui devra augmenter le niveau de l’aide sociale ainsi que la quantité de ses bénéficiaires[13].

La hausse du chômage, les grèves et les protestations

Les ONG qui travaillent dans le domaine des droits humains, comme le Centre pour les droits humains de Belgrade, mettent en garde sur la détérioration des droits économiques et sociaux et sur le fait que les groupes vulnérables  
- comme les Roms, les enfants, les personnes handicapées et les femmes – se trouvent particulièrement en danger[14].

Face aux difficultés pour surmonter les effets de la crise, plusieurs entreprises ont fait faillite ou ont tenté de réduire leurs coûts à travers, par exemple, la réduction des salaires et des bénéfices des travailleurs. Les entreprises ont réduit les salaires (en faisant la promesse qu’il ne s’agissait que d’une mesure temporaire) ou bien, elles ont cessé de payer les contributions pour les pensions. Plus de 133.000 serbes ont perdu leurs emplois en 2009 et début 2010. On estime qu’en 2010 plus de 100.000 travailleurs – quelque 450 personnes par jour – perdront leurs postes de travail[15], alors que la possibilité de retrouver un emploi dans l’économie informelle se réduit également à cause des effets négatifs de la crise économique dans les domaines du bâtiment et l’agriculture[16].

En mars 2010, le salaire minimum était de USD 1, 16 de l’heure, montant qui n’a pas augmenté depuis plus d’un an car l’Association des employeurs a refusé d’accepter les réclamations des syndicats. Face au manque de dialogue social, des milliers de travailleurs ont entrepris des grèves en 2009 et début 2010. L’indifférence du Gouvernement et du patronat  les a poussé à adopter, parfois, des formes extrêmes de protestation telles que des grèves de la faim et des barrages qui ont bloqué les routes et les chemins de fer. En juillet 2009, pour réduire les licenciements, un projet de loi a été approuvé pour réformer la loi sur le travail. Le projet prévoit que les patrons peuvent octroyer à leurs employés plus de 45 jours de congé payé par an. Cependant cette mesure n’a pas encore donné de résultats. Les syndicats préviennent que le seul moyen dont ils disposent pour provoquer des changements positifs est l’organisation de grèves.

Les accords de crédits et les services publics

La réduction des dépenses publiques, essentiellement sur les pensions et les salaires, reste un sujet central dans les négociations entre les fonctionnaires serbes et les institutions financières internationales (IFI)[17]. Albert Jaeger, Chef de mission du FMI en Serbie, a dit que cet organisme de prêt exige que le Gouvernement présente des plans précis pour implémenter des réductions dans les dépenses publiques, « qu’ils devaient réaliser une réforme de l’administration de l’État, du système de pensions, de l’éducation et des services de santé », s’ils souhaitaient reprendre les accords de crédit de manière satisfaisante[18]. Le Gouvernement a rejeté la proposition du FMI d’augmenter les taxes à la valeur ajoutée (TVA) et de réduire les pensions et les salaires publics.  Au lieu de cela il a proposé d’entreprendre une réforme du secteur public.

En août 2009, suite à l’évaluation du programme réalisée par le FMI, le Gouvernement a adopté le Plan de prise en charge sociale basé sur des
«  réformes » , qui consistent en réalité à diminuer le budget de santé et d’éducation ainsi que la quantité d’employés. Le plan prévoit de réduire la quantité d’enseignants, de classes et d’écoles primaires, et la fermeture d’écoles spéciales pour enfants handicapés. Le résultat de cette
« réforme » consistera en l’élimination de 11.000 classes sur les 90.000 actuelles, rendant plus difficile l'accès à l'école primaire en zone rurale et pour les enfants handicapés. De manière similaire, la « réforme » du système de santé se basera sur la réduction de la quantité de travailleurs dans ce secteur, sur la révision des subventions et sur la fermeture de plusieurs institutions prestataires de soins de santé, tout cela dans le but « d’économiser » de l’argent sur le budget.

Les lois sont en train d’être modifiées et adaptées en accord aux politiques dirigées par l’IFI,  supprimant ainsi des droits qui avaient été acquis. La nouvelle Loi serbe sur l’Emploi, approuvée en mai 2009, a supprimé le droit des femmes perdant leur emploi pendant leur grossesse à recevoir des indemnités de chômage pendant plus d’un mois. De plus, la loi a établi des conditions plus strictes pour accéder à des indemnités de chômage si l’employé perd son travail pendant une période d’arrêt maladie. La grossesse est considérée comme une « maladie », dès lors, elle n’est pas exclue de ces conditions[19].

La crise économique mondiale n’est responsable qu’en partie des nombreux licenciements ayant eu lieu. Selon les syndicats et les économistes, les pertes d’emplois se doivent aussi aux politiques économiques irresponsables ainsi qu’aux mauvais modèles de privatisation[20]. Les médias ont informé sur de nombreux cas de privatisations douteuses. La Direction pour la Prévention du blanchiment d’argent estime que plus de USD  2 milliards  sont blanchis par an à travers, principalement, la privatisation de sociétés[21]. Plus de 1.700 cas de privatisations douteuses on été enregistrées, mais jusqu’à présent, seulement l’une d’elle a été annulée. D’un autre côté, la corruption se maintient de manière généralisée. Une enquête de 2009 démontre que l’éducation, la santé et le système judiciaire sont perçus comme les domaines les plus corrompus, et qu’une personne sur cinq a dû payer pour obtenir des soins de santé (soi-disant gratuits)[22].

La stratégie macroéconomique du Gouvernement souhaite diminuer le déficit fiscal structurel à travers la restriction des pensions et des salaires publics, alors que  l’investissement en infrastructure approuvé par le FMI augmente[23]. Cependant, il persiste un manque de vision ou de stratégie intégrale et multisectorielle sur la façon de protéger les droits économiques et sociaux de la population assurant aux serbes  des emplois décents et des moyens de vie dignes.

[1] Banque nationale de la République Serbe, Report on Inflation (“Rapport sur l’inflation”), 2009.

[2] Ministère de l’Économie, Bulletin of Public Finances (“Bulletin sur les Finances Publiques ”), 2009.

[3] Ministère de l’Économie, Analysis of Macroeconomic and Fiscal Trends in 2009 (“Analyse des tendances macroéconomiques et fiscales en 2009”). Disponible sur : <www.mfin.sr.gov.yu/download/pdf/public_finance/> (consulté le 25 mars 2010). 

[4] Banque nationale, op. cit.

[5] Ministère de l’Économie, Bulletin of Public Finances (“Bulletin sur les Finances Publiques”), op. cit.

[6] Ibid.

[7] Ministère de l’Économie, Bulletin of Public Finances (“Bulletin des finances publiques”), op. cit.

[8] Economist Media Group, Cvetkovic: Serbia at the End of the Economic Crisis (“Cvetkovic: La Serbie à la fin de la crise économique”), EMportal, 16 octobre 2009. Disponible sur : <www.emg.rs/vesti/srbija/101568.html> (consulté le 10 mars 2010).

[9] Economist Media Group, Cvetkovic: There is No Reliable Evidence about Coming out of the Crisis (Cvetkovic : il n’existe pas de preuves  fiables que la crise soit finie) Emporta, le 9 mars 2010. Disponible sur : <www.emg.rs/vesti/srbija/115224.html> (consulté le 10 mars 2010).

[10] Voir : <www.danas.rs>.

[11] Aleksandar Rodic, Life on Soup from Thrown Out Vegetable (La vie basée sur de la soupe faite de légumes jetés) Blic Online, 28 février 2010. Disponible sur : <www.blic.rs/Vesti/Tema-Dana/178682/Zivot-na-corbi-od-bacenog-povrca> (consulté le 28 février 2010).

[12] Economist Media Group, Number of Poor is Increasing, Children Particularly at Risk (La quantité de pauvres est en augmentation, les enfants sont particulièrement en situation de risque), EMportal, 19 octobre 2009. Disponible sur : <www.emg.rs/vesti/srbija/101841.html> (consulté le 10 mars 2010).

[13] B92, How to Decrease Poverty in Serbia (Comment réduire la pauvreté en Serbie) B92 Online, 11 mars 2010. Disponible sur : <www.b92.net/info/vesti/index.php?yyyy=2010&mm=03&dd=11&nav_category=9&nav_id=417055> (consulté le 11 mars 2010).

[14] Centre pour les droits humains de Belgrade, Human Rights in Serbia 2009: Legal Provisions and Practice Compared to International Human Rights Standards (Droits Humains en Serbie 2009 : Dispositions et pratiques légales comparées aux standards internationaux de droits humains) Belgrade, 2010.

[15] B92, Fight for Working Places (La lutte pour les emplois), B92 Online, le 29 mars 2010. Disponible sur : <www.b92.net/info/vesti/index.php?nav_id=421112&dd=29&mm=03&yyyy=2010> (consulté le 29 mars 2010).

[16] I. Radisavljevic, Army of Poor is Increasing (L’armée de pauvres augmente) Blic Online, le 28 mars 2010. Disponible sur : <www.blic.rs/Vesti/Drustvo/182724/Raste-armija-siromasnih> (consulté le 28 mars 2010).

[17] Economist Media Group, Jelasic: Reduction of public expenditure – main topics of talks with IMF (Jelasic : La réduction de la dépense publique – principaux sujets de conversation avec le FMI) EMportal, 12 février 2010. Disponible sur : <www.emg.rs/en/news/serbia/113366.html> (consulté le 20 février 2010).

[18] I. Jovanovic, IMF tells Serbia to slash spending (Le FMI demande à la Serbie de réduire ses dépenses) SETimes.com ,le 9 septembre 2009. Disponible sur :  <www.setimes.com/cocoon/setimes/xhtml/en_GB/features/setimes/features/2009/09/09/feature-02> (consulté le 20 septembre 2009).

[19] J. Popadic, Law Induces White Plague (La loi produit le fléau blanc) Politika, le 14 août 2009. Disponible sur : <www.politika.rs/rubrike/Drustvo/Zakon-podstiche-belu-kugu.sr.html> (consulté le 20 août 2009).

[20] Union des Syndicats Indépendants de Serbie, Privatization in the Republic of Serbia 2002–2009 (La privatisation en République de Serbie 2002-2009),Belgrade; et Economist Media Groups, 58 layoffs an hour in Serbia during 2009 (58 licenciements par heure en Serbie en 2009”), EMportal, 30 mars 2010. Disponible sur : <www.emg.rs/en/news/serbia/117661.html> (consulté le 30 mars 2010).

[21] T.N. Djakovic, Mafioso Launders billions of euros through privatization (“Un mafieux blanchit des milliards grâce à la privatisation”) Blic Online, 4 mars 2010. Disponible sur: <www.blic.rs/Vesti/Tema-Dana/179212/Mafijasi-oprali-vise-milijardi-evra-kroz-privatizacije> (consulté le 4 mars 2010).

[22] Centre pour les droits humains de Belgrade, op. cit.

[23] Economist Media Group, Serbia will pull 180 billion euros from the IMF on 6 April (“La Serbie obtiendra 180 milliards d’euros du FMI le 6 avril”), EMportal, le 1 avril 2010. Disponible sur:  <www.emg.rs/vesti/srbija/117929.html> (consulté le 1 avril 2010).

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left

Plus de défis que de progrès

Publication_year: 
2010
Summary: 
Senegal faces a number of problems that are reducing its chances of reaching the Millennium Development Goals (MDGs) by 2015. Poverty is increasing, with over 60% of the population currently living in poverty or extreme poverty. The health and education systems are inadequate and water and sanitation services cannot meet people’s needs. Despite some progress towards gender equality, the country is still a long way from reaching the relevant targets, including: education, employment, reproductive health or political representation, which requires far-reaching structural changes.

Social Watch Sénégal[1]
Seydou Ndiaye

Le Sénégal doit faire face à des enjeux de toutes sortes qui mettent en danger la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) d’ici à 2015. La pauvreté est croissante et affecte plus de 60 % des Sénégalais. Les systèmes de santé et d’éducation et les services publics ne peuvent pas répondre aux besoins de la population. Malgré certains progrès, l’égalité des sexes  dans les domaines éducatif, professionnel, économique et politique est encore loin d’être atteinte. En l’absence d’un changement structurel profond, la réalisation des OMD restera un objectif très lointain.

Le Sénégal n’échappe pas à la crise qui affecte la nouvelle économie mondiale multipolaire. La pauvreté y est en augmentation ; selon les chiffres du PNUD, en 2005, 52,5 %[2] de la population sénégalaise était pauvre, et en 2009 le pourcentage était de 60,3 %[3]. A cela s’ajoutent d’autres défis liés au changement climatique, à la sécurité alimentaire, à la pandémie du VIH/sida et aux problèmes de gouvernance. Cette réalité sape les efforts visant à la réalisation des OMD et si le Gouvernement ne parvient pas à établir un nouveau modèle de développement fondé sur l’efficience économique, l’équité sociale et la durabilité de l’environnement, ces objectifs ne pourront pas être atteints.

L’aide et les finances publiques

Selon la révision annuelle de 2009, les résultats de l’application du deuxième Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP-2)[4], modèle régissant tous les investissements économiques et sociaux du Gouvernement (qui à travers lui prétend  obtenir le soutien des pays donateurs), sont moyens. Le pays a également élaboré plusieurs politiques et programmes, tels que la Stratégie de croissance accélérée, qui vise à engendrer une plus grande productivité et à faire du Sénégal un pays émergent doté d’une base économique et sociale solide avec un taux de croissance de 7 à 8 %, ou comme la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité des sexes.

En ce qui concerne les finances publiques, malgré les réformes établies il reste une dette intérieure incontrôlée qui rend difficile l’activité économique et augmente les craintes des agents économiques sur la capacité financière de l’État à honorer ses engagements.

L’État a adopté une série de mesures, y compris la mise en œuvre d’un mécanisme institutionnel de suivi en collaboration avec des partenaires financiers et techniques et avec la société civile pour accomplir les engagements internationaux et améliorer les conditions pour la gestion des ressources de l’Aide publique au développement (APD) encadrées dans le DSRP-2.

Selon le rapport de suivi des OMD du mois d’avril 2010, le montant des recettes (sans tenir compte de l’aide budgétaire) de projets de développement financés par des ressources externes a été d’un peu plus de FCFA 258 milliards (environ USD 489 millions). En outre, un financement à hauteur de USD 35 millions sera versé dans le cadre de l’initiative en faveur des Pays pauvres très endettés qui sera suivi par un autre versement de USD 47 millions. En ce qui concerne le volume des aides budgétaires sectorielles, il était de USD 107 millions en 2009, représentant une baisse de près de 30 % par rapport à 2008. Les envois de fonds reçus en 2007 ont atteint environ USD 865 millions ; c’est-à-dire, trois fois plus que le montant des investissements directs étrangers. En 2008 les envois de fonds ont augmenté de 7,2 % par rapport à une moyenne de plus de 20 % au cours des trois dernières décennies, et cela a considérablement contribué à réduire la pauvreté[5].

En 2009, le volume brut de l’APD prévu était de USD 489 millions, dont 256 millions sous la forme de prêts et 233 millions sous la forme de subventions. Cette aide a été répartie entre les secteurs sociaux (la santé, l’éducation et la nutrition), les secteurs de l’approvisionnement en eau du milieu rural et urbain et les secteurs de l’assainissement[6].

Le secteur agricole et sa dépendance

Le secteur agricole regroupe plus de 60 % des Sénégalais et dans 90 % des cas il est formé d’exploitations de type familial[7]. Il est fortement atteint par la baisse des prix des produits d’exportation, par les difficultés pour accéder aux terres (notamment pour les femmes) et aux intrants nécessaires, à l’endettement croissant de la population rurale et à la dégradation des sols. A tout cela s’ajoutent les campagnes répétées de commercialisation qui laissent une grande partie de la récolte dans les mains des spéculateurs et autres intermédiaires. Le revenu des agriculteurs ne cesse de diminuer et cela les maintient enfermés dans un cercle vicieux de pauvreté, endettement et famine dont il est très difficile de sortir.

Outre son expansion, la pauvreté se féminise et affecte essentiellement la population rurale[8]. On estime qu’environ 60 % de la population totale du Sénégal vit dans les zones rurales et qu’entre 78 % et 80 % de cette population est pauvre[9]. D’autre part, une grande majorité de femmes travaillent dans l’agriculture (à peine 11 % du secteur salarié non agricole est représenté par des femmes)[10]. Cette situation se manifeste par des privations dues au faible revenu, à la baisse de la consommation intérieure, aux difficultés croissantes pour accéder au crédit et à une baisse progressive de la couverture des services de base. Parallèlement, le faible revenu (ajouté au fait que, selon des consultants indépendants, Dakar se classe parmi les 32 villes les plus chères du monde)[11] et l’insécurité alimentaire, entravent la gestion durable et rationnelle des ressources naturelles.

Le financement du développement souffre de faiblesses structurelles qui affectent la prestation de services, notamment l’éclairage public, l’assainissement et la collecte et le traitement des déchets ménagers. Cette situation et l’aggravation du risque climatique ont déterminé que les inondations et l’érosion de la côte affectent des milliers de personnes et causent des décès, des déplacements de population, la destruction de logements et autres infrastructures, la perte de récoltes et des problèmes de santé.

Éducation : de multiples enjeux

Grâce à la mise en œuvre de la phase II du programme décennal d’Education et de formation 2005-2008 et au lancement de la phase III, le secteur a réalisé des progrès en ce qui concerne l’accès à l’éducation, mais ils reste encore de nombreuses difficultés relatives à la qualité et la gestion.

La persistance des retards dans la construction et l’équipement des salles de classe, la nécessité de recourir à des abris « provisoires » (en 2009 plus de 15 % de l’enseignement primaire se trouvait dans cette situation précaire) qui deviennent souvent définitifs (environ 49 % des écoles n’ont pas accès à l’eau courante) et les taux d’abandons et de redoublements encore très élevés (11,5 et 7,7 %, respectivement, dans l’enseignement primaire) exercent un impact très négatif sur la qualité de l’éducation. Le taux d’achèvement des études primaires n’atteint pas 60 %, selon les données officielles[12]. L’enseignement supérieur ne possède qu’une offre limitée de formation professionnelle et souffre de problèmes d’insertion pour les diplômés, des faibles niveaux d’efficacité interne et externe et du dépassement de la capacité de ses d’installations.

En ce qui concerne l’alphabétisation et l’éducation des jeunes de plus de 15 ans, le Gouvernement estime que la quantité totale d’analphabètes est de 3,5 millions. Les programmes de 2009 ne couvraient que 77.000 personnes dans une population cible de 92.000 personnes. Avec un rythme de 100.000 personnes par an, il faudra attendre 35 ans pour répondre aux besoins éducatifs des 3,5 millions de personnes concernées[13].

L’évolution des dépenses dans le domaine de l’éducation est soutenue par quatre sources principales de financement : l’État, les ménages, les collectivités locales et les partenaires financiers étrangers ; on constate que le flux de ressources pendant la période 2003-2008 a augmenté à plus du double, puisqu’il est passé de USD 344 millions à environ USD 793 millions ; c’est-à-dire, de 3,6 % à 4,8 % du PIB. Cependant, on constate également une augmentation de la pression sur la contribution des ménages à l’éducation, qui est passée de 22,7 % en 2003 à 24,2 % en 2009, tandis que la contribution de l’État au cours de la même période a décru, passant de 73,5 % à 69,2 %. Cela montre une tendance à la commercialisation de l’éducation, avec les problèmes d’équité que cela implique.

Accès à l’eau et à l’assainissement

Les principaux obstacles pour accéder à l’eau comprennent les prix du raccordement au réseau et du service (à facturation bimestrielle), l’absence de réseaux dans les quartiers (notamment les quartiers périphériques) et le manque d’information sur les programmes sociaux de raccordement.

Bien qu’il y ait eu des progrès significatifs dans le réseau d’assainissement, les résultats ne sont pas encore satisfaisants. Dans les zones urbaines, seulement 6 centres sur 21 ont un réseau collectif. Dans le milieu rural, 31,3 % des personnes ne possèdent aucun système d’assainissement et l’accès aux latrines améliorées est encore onéreux[14].

Une analyse du cadre institutionnel de la distribution d’eau et d’assainissement en milieu urbain a été commencé et on craint une augmentation du prix de l’eau si on ne tient pas compte des opinions des syndicats de travailleurs et des consommateurs dans le processus de réforme.

La santé

Selon l’UNICEF, la mortalité maternelle a diminué pendant la période 2005-2008 (de 980 à 400 pour 100.000 accouchements), mais elle reste encore très élevée[15]. Les deux principaux problèmes auxquels est confronté le Sénégal sont le faible taux d’accouchements assistés par un personnel qualifié (52 % selon l’UNICEF) et le paludisme, qui est responsable d’un très grand nombre de décès[16]. Dans un pays où les femmes en âge de procréer représentent 49 % de la population totale de femmes[17] il y a seulement 125 gynécologues (la plupart travaillant principalement dans les villes).

La pandémie de VIH/SIDA est de type concentré, avec un taux de prévalence faible dans la population générale (0,7 %). La maladie s’est progressivement féminisée : on est passé de quatre hommes infectés pour une femme en 1996 à deux femmes pour chaque homme en 2005.

La situation des femmes

Bien qu’on soit loin de l’égalité des sexes, il y a eu des progrès en ce qui concerne l’accès des femmes à l’éducation, aux forces armées et à la police. Quoi qu’il en soit, l’accès des femmes aux postes de haut niveau, à l’acquisition de terres et au marché du travail reste limité ; les femmes constituent une partie importante du secteur de travail informel (41 %) tout en représentant seulement 17 % du secteur formel[18].

De toutes manières, même si elles constituent 52 % de la population, les femmes sont sous-représentées en politique, avec 23 % à l’Assemblée nationale, 10 % dans le Gouvernement central, 13 % dans les conseils régionaux, 20 % dans les conseils municipaux et 27 % dans les conseils ruraux. En revanche, le pays a eu une femme Premier ministre. Avec l’annonce du projet de loi sur la parité aux postes de responsables élus, l’État est apparemment en train de commencer la mise en œuvre des réformes juridiques et réglementaires dans l’esprit des principes énoncés dans la nouvelle Constitution de 2001.

Un lent progrès vers les OMD

Il y a peu d’espoir d’atteindre l’OMD 3 (« promouvoir l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes ») d’ici à 2015 si aucune mesure structurelle et pragmatique n’est prise et si le Gouvernement n’assigne pas de ressources dans le cadre de l’élaboration du document de référence de la politique économique et sociale 2011-2015 (DSRP-3). Il est également peu probable d’atteindre les OMD liés à la santé (objectifs 4, 5 et 6).

Selon la Banque mondiale, le Sénégal est en voie d’atteindre deux objectifs : l’OMD 2 relatif à l’éducation pour tous et l’OMD 7 concernant la protection de l’environnement[19]. Dans le but de promouvoir le secteur de l’éducation, la société civile se mobilise autour de :

  • La nécessité de promouvoir des réformes en profondeur du système et de recentrer le projet éducatif afin de l’adapter aux besoins de la communauté et de l’économie.
  • L’urgence de compter sur une bonne gouvernance et une gestion axée sur des actions qui institutionnalisent la reddition de comptes dans les écoles, l’administration scolaire et le système éducatif en général.
  • La pacification du climat social et de l’environnement du système éducatif par le respect des engagements pris envers les acteurs (élèves, étudiants et enseignants) de la part du Gouvernement, en mettant l’accent sur l’importance d’éradiquer la violence contre les filles.
  • L’amélioration de la contribution du Gouvernement à l’éducation publique.
  • Le développement d’un partenariat dynamique permettant d’atteindre un consensus et la mobilisation des citoyens en faveur de l’éducation.
  • La construction d’un consensus national sur les actions et les ressources pour améliorer la qualité de l’éducation et de la formation (concernant, entre autres, la gestion des ressources humaines, la conclusion des programmes d’étude à tous les niveaux et l’introduction des langues nationales).
  • Le renforcement de l’action synergique entre ses différents membres (ONG, syndicats, associations d’étudiants et de parents d’élèves, associations communautaires de base) pour une meilleure contribution au suivi des politiques avec des propositions mieux fondées.

[1] Organisations membres : Association culturelle d’autopromotion éducative et sociale (ACAPES), Action jeunesse et environnement (AJE), Enda Graf Sahel, Coalition africaine des jeunes contre la faim (AYCAH) Sénégal, Associations nationales de handicapés physiques du Sénégal (ANDMS), Union Démocratique d’enseignants (UDEN), Syndicat des professeurs du Sénégal (SYPROS). Seydou Ndiaye est le coordinateur du réseau.

[2] PNUD, Evaluation of the National Human Development Report System (2006). Disponible.

[3] PNUD, Rapport sur le développement humain 2009. Disponible sur : <www.hdr.undp.org/es/informes/mundial/idh2009/>.

[5] Gouvernement du Sénégal, Rapport de suivi des OMD 2010.

[6] Conseil d’ONG de soutien au développement (CONGAD), 2009, L’eau, la vie et le développement humain et Rapport national sur l’accès à l’eau et à l’assainissement.

[7] Cellule de suivi du programme de lutte contre la pauvreté, Enquête peuple 200.

[8] Gouvernement du Sénégal, op. cit.

[9] Ibid.

[10] Global Gender Gap Report 2009. Disponible sur : <www.weforum.org/pdf/gendergap/report2009.pdf>.

[12] Rapport national sur la situation de l’éducation (ME/DPRE-2009).

[13] Ibid.

[14] CONGAD, 2009, op. cit.

[16] Ibid.

[17] United States Agency International Development, "Family Planning : Senegal has only 125 gynecologists". Disponible sur : <www.senegal.usaid.gov/en/node/44>.

[18] Sigrid Colnerud Granström, "The Informal Sector and Formal Competitiveness in Senegal", Minor Field Studies No. 194, Université de Lund, 2009. Disponible sur : <www.nek.lu.se/Publ/mfs/194.pdf>.

[19] International Development Association and International Monetary Fund, "Heavily Indebted Poor Countries (HIPC) Initiative and Multilateral Debt Relief Initiative (MDRI) – Status of Implementation," 15 septembre 2009, page. 34. Disponible sur : <www.imf.org/external/np/pp/eng/2009/091509.pdf>.

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Plus de restrictions à l’État de Bien-être

Publication_year: 
2010
Summary: 
At the beginning of 2009, the Czech Government acknowledged that the country would not escape the effects of the global financial crisis, as it had previously been trying to convince its citizens. However it did not pursue actions to protect the most vulnerable from the harmful effects. The political scene is perceived as increasingly riddled with corruption while society is deeply affected by inequality, discrimination, racism and segregation. Exports of weapons are on the rise in contradiction of the official foreign policy goals of supporting human rights and development and assisting with humanitarian aid.

Ecumenical Academy Prague
Tomáš Tožička – ed.
Economy and Society Trust
Petr Gočev
Gender Studies, o.p.s
Linda Sokačová
Fórum 50%
Marcela Adamusová
Gender & Sociologie SOÚ AV ČR
Zuzana Uhde
European Contact Group
Hana Víznerová 
ADEPTTs
Saša Uhlová
Nesehnutí
Milan Štefanec

Début 2009, le Gouvernement tchèque a reconnu que le pays n’allait pas échapper aux effets de la crise financière mondiale, situation qu’il avait essayé de transmettre au préalable aux citoyens. Cependant, les mesures pour protéger la population la plus vulnérable des effets nocifs n’ont pas été prises. Sur la scène politique on perçoit une augmentation flagrante de la corruption alors que la société est profondément atteinte par l’inégalité, la discrimination, le racisme et la ségrégation. L’exportation d’armes est en hausse, en contradiction avec les objectifs de la politique extérieure officielle de soutien aux droits humains, au développement et à l’assistance humanitaire.

La chute du taux d’inflation due à la crise financière mondiale a été la seule nouvelle économique positive pour la République Tchèque en 2009. En un an, le chômage a augmenté de deux tiers[1] alors que le Produit interne brut (PIB) a diminué de 4,1 %[2]. Bien que ces résultats diffèrent sensiblement des prévisions optimistes du Gouvernement (le budget 2009 prévoyait une augmentation du PIB de 4,8 %), ils auraient été pires (étant donnée la dépendance des exportations de l’industrie automobile)  sans le programme allemand par lequel les gens reçoivent une compensation pour l’achat d’une  nouvelle voiture si l’ancienne est jetée à la ferraille..  

Cependant, il est possible que la diminution graduelle des paquets d’incitation fiscale des pays de l’Union Européenne (UE) en 2010 provoque la chute tardive de l’économie tchèque. Vers la fin 2009, le chômage a atteint 9,2 % (539 000 personnes d’après l’Office tchèque des statistiques). L’Office a aussi enregistré une faible diminution du nombre de personnes qui « ne cherchaient pas un emploi de manière active », mais qui en accepteraient un. À la fin de l’année, il y avait 173 000 personnes dans cette catégorie totalisant ainsi 712 000 personnes au chômage. En même temps, l’office de l’emploi n’a enregistré que 31 000 postes vacants.  La diffusion d’une émission de la télévision publique tchèque intitulée « N'abandonne pas ! » où les gens rivalisaient pour un emploi a été significative.

Démantèlement de l’État de Bien-être

Les partis de droite au Gouvernement utilisent la crise pour réduire davantage l’État de Bien-être, aggravant de ce fait la chute des dépenses des consommateurs et donc, la crise. On a approuvé une augmentation de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les produits de consommation de base de 5 % à 9 %, ce qui entraînera l’augmentation des aliments de base, des médicaments, du bâtiment et de l’énergie qui représentent la plupart des dépenses des personnes à faibles revenus. L’impôt sur le revenu a été réduit comme une compensation partielle.  Cependant, le groupe des hauts revenus – ceux qui gagnent quatre fois plus que la moyenne ou même plus – bénéficient de réductions d’impôts bien plus significatives. De plus, l’impôt sur les bénefices diminuerait à 19 % en 2010. Cela veut dire que les impôts commerciaux auraient une diminution de 26 % depuis 1993.

Il y a aussi une campagne pour privatiser le système des retraites. Les médias de droite ont convaincu le public que la solution au problème du vieillissement de la population sera le financement des pensions par des fonds financiers (sans pourtant de fondement dans la théorie économique). D’autre part, les solutions offertes par les sociaux-démocrates visent plutôt le potentiel anticyclique des impôts progressifs et la redistribution en faveur des personnes à faibles revenus. Aucun des partis ayant une représentation parlementaire ne propose de restreindre l’évasion générale d’impôts, alors que le site Web du ministère de l’Industrie et du commerce propose toujours l’ « optimisation des impôts » à travers les paradis fiscaux et les centres financiers à l‘étranger[3]. Suivant la revue Ekonom, début 2009, quelque 7 000 entreprises avaient un domicile fictif dans des paradis fiscaux et l’évasion d’impôts atteignait environ CZK 23 000 millions  (près de USD 1,1 milliard)[4].

Il existe un scepticisme croissant du public vis-à-vis de la politique en raison du haut niveau de corruption. Le pays est tombé du 45ème au 52ème rang dans la période 2008-2009 selon l’Indice de perception de la corruption de Transparence internationale et il occupe le  22ème rang sur 27 états membres de l’UE. D'après le directeur de Transparence internationale de la République Tchèque, « il n’y a pas de stratégie anti-corruption, le Gouvernement précédent faisait semblant d’en avoir une mais il a ouvert les portes pour que les intérêts privés puissent peser sur la prise de décisions politiques »[5].

Inégalité des sexes

La Chambre des députés a actuellement 22 % de femmes.  Après les élections du Parlement Européen en 2009, la représentation des femmes parmi les eurodéputés tchèques s’est réduite à 18 %. Les partis politiques ne considèrent pas la disproportion de la représentation masculine et féminine au niveau des postes de prise de décision comme un problème important. De plus, il manque des programmes d’éducation et de motivation ainsi que des incitations pour chercher systématiquement plus de femmes pour des postes électifs.  

Avec l’adoption longuement retardée de la dite « loi anti-discrimination » en 2009, la République Tchèque a été le dernier membre de l’UE – et l’un des derniers pays européens en général – à interdire la discrimination de race, origine ethnique, nationalité, genre, orientation sexuelle, âge, handicap, croyances, religion et d´opinion, notamment pour accéder à l’emploi, l’éducation, les soins médicaux ou d’autres services ou bénéfices sociaux. Le retard pour approuver cette loi révèle les attitudes ancrées chez les représentants politiques tchèques vis-à-vis de l’égalité des sexes.

Discrimination contre les immigrants, notamment les femmes

Pendant les deux dernières décennies la République Tchèque a subi un changement important dans le secteur de l’immigration et de l’intégration. Le nombre de citoyens étrangers ainsi que celui des personnes qui veulent résider dans le pays à long terme ou de façon permanente, s’est accru. Les statistiques officielles montrent que 436.116 étrangers ont été enregistrés jusqu’au 31 octobre 2009 dont 178.223 étaient des femmes[6]. On estime que 30.000 étrangers vivent en République Tchèque sans permis de résidence[7].

L’un des problèmes constants signalé par les ONG a trait à l’accès des étrangers aux soins médicaux.  Selon la législation en vigueur, seuls ceux ayant droit à la résidence permanente ou temporelle et ayant un emploi peuvent accéder au service public de soins médicaux. D’autres étrangers, y compris les travailleurs indépendants, sont obligés de s’assurer auprès des compagnies d’assurances commerciales et doivent payer une somme élevée, en un seul versement, pour avoir le droit à une gamme de soins médicaux bien plus restreinte. À partir de janvier 2010 les membres dépendants de la famille, au cas d’unification familiale ou d’union de couples mixtes, doivent aussi payer cette somme. Cependant, les compagnies d’assurance ne garantissent pas la couverture et certains étrangers (par ex. les personnes âgées,  les nouveaux nés,  les femmes enceintes) ne sont pas assurés.

Ces barrières institutionnelles lèsent notamment les femmes. Les femmes immigrantes font face à plusieurs formes de discrimination (genre, ethnie, nationalité, âge, position sociale, niveau éducatif, etc.) notamment dans le marché du travail mais aussi pour accéder à l’éducation, aux institutions de soins aux enfants et à l’information. Les possibilités de travail des femmes immigrantes sont limitées principalement au marché du travail secondaire (travaux inférieurs, sans formation et mal rémunérés) ou à l’économie informelle (protection des droits du travail insuffisante, travaux sans contrat, etc.). Il y a actuellement une tendance marquée à restreindre l’entrée des étrangers, même si cela signifie une discrimination indirecte des citoyens tchèques de mariages mixtes.

Racisme et ségrégation

En 2009, dans la banlieue d’Opava, des agresseurs inconnus ont lancé des bouteilles incendiaires à l’intérieur de la maison d’une famille rom où dormaient plusieurs personnes, y compris des enfants.  Après une enquête intense qui a duré plusieurs mois, quatre hommes, tous des sympathisants d’un mouvement d’extrême droite, accusés de tentative d’homicide pour des motifs racistes, ont été emprisonnés. Ce cas représente un progrès parce que, à différence d’autres attaques précédentes et probablement en raison de la diffusion massive dans les médias, les actes ont été typifiés comme tentative d’homicide[8].   

La diffusion dans les médias peut également avoir contribué à la croissance présumée de l’activité criminelle liée aux extrémistes. D´après le ministère de l’Intérieur, cette catégorie d’actes a augmenté de 10 % (de 169 en 2008 à 186 en 2009). Le nombre d’accusés s’est accru de 16 % environ (de 163 en 2008 à 189 en 2009). Cependant, cette croissance apparente peut découler du fait que les tribunaux soient plutôt enclins à typifier les cas d’agressions comme étant motivés par le racisme.

Selon une enquête ordonnée par le ministère de l’Éducation en 2009, un enfant rom sur quatre d'âge scolaire  est considéré comme handicapé mental léger. Suivant l’arrêté du Tribunal européen des droits humains de Strasbourg, les anciennes « écoles spéciales » ont été rebaptisées comme « écoles pratiques » mais elles n’ont essentiellement aucune différence. Les intentions de modification de cet état de choses se heurtent non seulement aux préjugés, notamment des directeurs, des enseignants et des psychologues, mais aussi à des intérêts purement financiers puisque l’éducation spéciale est subventionnée. La ségrégation existe aussi dans les écoles primaires normales et certains directeurs admettent, ouvertement, qu’ils n’inscrivent pas d'enfants roms en raison de la pression exercée par les parents d’enfants non roms qui refusent que leurs enfants étudient avec des enfants roms. Voilà pourquoi il existe des écoles « roms » et des écoles « tchèques » séparées dans certaines régions.
En 2004, le Centre européen des droits des roms (CEDR) a publié une information sur le soupçon de l’existence de la stérilisation forcée de femmes roms en République Tchèque ; depuis lors, les organisations de la société civile contrôlent cette question. En 2009 un cas de stérilisation forcée ayant eu lieu en 2007 a été rendu public : une femme a été forcée d’accepter la procédure par un assistant social sous menace de loger ses enfants plus âgés dans un foyer d’accueil.

Armes au lieu de développement

En 2009 un nouveau projet de loi sur la coopération pour le développement a été discuté avec les représentants de la plateforme nationale des organisations pour le développement. Alors que cela facilite la transparence de la structure des activités de développement, l’administration des subventions pour la coopération bilatérale est toujours caractérisée par le manque de transparence et les critères de sélection peu clairs. La réduction des fonds pour le développement est un autre problème sérieux. L´Aide publique au développement (APD) a atteint USD 249 millions en 2008 mais elle est passée à USD 224 millions en 2009. Ce ne fut qu’aux dépens d’une chute du Produit national brut (PNB) que la relation de 0,12 % entre l´APD el le PNB a été maintenue ; le pays ne sera en mesure de répondre à la promesse de l’UE d’augmenter l’Aide publique au développement (APD) à 0,33 % du PNB en 2015. 

Une diminution précédente de la production d’armes a été motivée par le désir de réduire le commerce d’armes, considéré anti-éthique, et l’on s’attendait à une réduction de presque 90 % jusqu’en 1992 avec un programme de reconversion de l’industrie. Après l’établissement d’une République Tchèque indépendante, le programme a été graduellement aboli pour des raisons économiques et une fourniture obsolète est fréquemment cédée à des pays infestés par des conflits internes, (par exemple : l’Afghanistan et l’Iran), à des pays soupçonnés de réexporter du matériel militaire et à des pays ayant des conflits armés (comme la Géorgie).

Les exportations légales d’armes ne sont possibles qu’avec le consentement du ministère de l’Industrie et du commerce, dépendant des déclarations d’autres ministères. Dans de nombreux cas, la politique d’exportation d’armes est l’antithèse des objectifs de la politique extérieure officielle : soutenir les droits humains, le développement et l’aide humanitaire. Dernièrement, le pays a envoyé des armes dans des pays qui violent les droits humains de manière impitoyable,dans des régions où les armes sont vendues aux deux factions des conflits armés (Liban, Israël, Syrie) ou dans des pays où elles sont le facteur fondamental pour déclencher le conflit (comme la guerre de l’Ossétie du Sud en 2008).

Les exportations légales de matériel militaire augmentent constamment et elles ont atteint un plafond sans précédent de EUR 189,6 millions (USD 260,8 millions  environ). Vers mi-2009, malgré les protestations des ONG tchèques et internationales ainsi que de certaines autorités, le Parlement a approuvé un amendement à la loi de commerce extérieur qui diminue les droits de contrôle des autorités sur les exportations d’armes et qui permet aux entreprises non autorisées de négocier des transactions d’armements. Suivant František Janda, d’Amnesty International, les exportations d’armes tchèques autorisées sont faites « sans aucune transparence »[9].

[1]  Office tchèque des statistiques, “Nejvyšší meziroční pokles zaměstnanosti od roku 1999”, 5 février 2010. Disponible sur : <czso.cz/csu/csu.nsf/informace/czam020510.doc>.    

[2]  Office tchèque des statistiques, “Meziroční pokles HDP za 4. čtvrtletí byl upřesněn na 3,1%,” 11 mars 2010. Disponible sur : <czso.cz/csu/csu.nsf/informace/chdp031110.doc>.      

[3]   Voir : < www.businessinfo.cz>.

[4]    Adam Junek, “Vyhnáni do ráje” (Expelled into Paradise), Ekonom, 12 mars 2009. Disponible sur : <ekonom.ihned.cz/c1-35655550-vyhnani-do-raje>. 

[5] Benjamin Cunningham, “Czech Republic ranks among Europe's most corrupt”, The Prague Post, 25 novembre 2009. Disponible .     

[6] Office tchèque des statistiques, Foreigners: by type of residence, sex and citizenship, 31 octobre 2009. Disponible sur : <www.czso.cz/csu/cizinci.nsf/t/8200578577/$File/c01t01.pdf>.       

[7]  Office tchèque des statistiques, Foreigners in the CR 2008. Annual Report  (Praga: Scientia, 2008).  

[8]  Ministère de l‘Intérieur, “Problematika extremismu na území CR v roce 2009” (La problématique de l’extrémisme en RC en 2009). Disponible sur :  <www.mvcr.cz/soubor/extrem-leden-zari-2009-pdf.aspx>.

[9]  Markéta Hulpachová, “Arms export law raises concern”, The Prague Post, 21 mai 2009. Disponible.

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Plus d’argent et toujours la même injustice sociale

Publication_year: 
2010
Summary: 
Malgré une forte hausse du Produit Intérieur Brut (PIB) et une augmentation budgétaire du secteur public – le budget a été multiplié par deux en 20 ans – l’investissement social a chuté. A partir de 1990 l’influence des institutions financières internationales sur les politiques sociales ne s’est pas traduite par une baisse significative de l’extrême pauvreté et de la famine mais elle a servi de prétexte à l’inaction du Gouvernement dans ce domaine. La réforme fiscale, pourtant si nécessaire, n’a pas été effectuée, le système de sécurité sociale universel, financé par les impôts, n’a pas non plus été mis en place. Les questions de l’égalité des sexes et de l’environnement n’ont pas été abordées lors de l’élaboration du budget.

Comité Social Watch au Pérou
Centro de Estudios para el Desarrollo y la Participación (CEDEP)
Héctor Béjar

Malgré une forte hausse du Produit Intérieur Brut (PIB) et une augmentation budgétaire du secteur public – le budget a été multiplié par deux en 20 ans – l’investissement social a chuté. A partir de 1990 l’influence des institutions financières internationales sur les politiques sociales ne s’est pas traduite  par une baisse significative de l’extrême pauvreté et de la famine mais elle a servi de prétexte à l’inaction du Gouvernement dans ce domaine. La réforme fiscale, pourtant si nécessaire, n’a pas été effectuée, le système de sécurité sociale universel, financé par les impôts, n’a pas non plus été mis en place. Les questions de l’égalité des sexes et de l’environnement n’ont pas été abordées lors de l’élaboration du budget.

Les dépenses de l’État ont été multipliées par deux ces 20 dernières années. Néanmoins, l’investissement public sur cette période a été insignifiant parce que l’État, prétextant le lobbying des organismes financiers internationaux, n’a pas fixé ses priorités en fonction des besoins des secteurs les plus vulnérables. Ces mêmes pressions ont généré des avantages (manque de réglementation du travail et fiscale) dans l’investissement privé, qui s’est développé durant cette période. Cependant, les pressions exercées par les organismes multilatéraux d’aide sur l’État péruvien en échange de ressources – c'est à dire, son engagement vers l’extérieur – ne devraient pas servir d’excuse au non-respect d’autres obligations – inhérentes de par leur propre nature – pour ce qui est d’apporter et de garantir le meilleur bien-être possible aux citoyens.

Il est indispensable d’opérer un changement de politique, une profonde réforme fiscale qui redistribue la richesse de façon beaucoup plus équitable, un système de sécurité sociale universel, une plus forte indépendance lors de la détermination des priorités des investissements publics et de l’utilisation de l’aide ainsi qu’une prise de conscience par l’ensemble des acteurs de l’importance d’inclure les questions environnementales et d’égalité des sexes lors de l’élaboration des budgets nationaux. Dans le cas contraire, l’État ne sera même pas en mesure de réduire la pauvreté réelle et, par conséquent, il ne pourra pas davantage remplir les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

Le coût de l’État

Au Pérou, le manque de transparence est récurrent sur les questions liées au budget car dans la pratique, le budget est manipulé par des crédits supplémentaires délivrés par le Congrès ce qui donne à l’Exécutif une grande liberté d’action et ce, indépendamment de ce qui a été approuvé dans la loi budgétaire. En raison du grand désordre régnant dans la gestion budgétaire, qui rend impossible une évaluation efficace, les données officielles sont données à titre purement référentiel.

Par exemple, d’après des chiffres officiels, en 2009, le PIB du pays s’élevait à 411 milliards de PEN (un peu plus de USD 140 milliards) et le budget pour cette même année était de USD 24,662 milliards, ce qui signifie une augmentation considérable si on la compare à l’année 1990 (USD 10 milliards). Néanmoins, cette augmentation des dépenses,  présentée comme investissement social, cache la réalité des faits : l’État a pris en charge des dettes du système de sécurité sociale qui auraient dû être prises en charge par les Sociétés d’administration des fonds de pension (AFP), qui ont seulement récupéré les bénéfices (et pas le passif) du système antérieur. De plus, ceci permet à l’actuel Gouvernement du président Alan García de présenter un chiffre de dépenses sociales supérieur à celui réellement investi, par exemple, dans les hôpitaux et écoles.

Douze pour cent du budget – à savoir un peu plus de USD 3 milliards – a été affecté au règlement de la dette extérieure [1] et, d’après les informations transmises par le ministère de l’Économie et des finances (MEF), un chiffre similaire a servi à régler les pensions. Le Gouvernement l’a lui même reconnu, ces dernières années le remboursement de la dette a été supérieur à ce qui avait été budgété, et il a été effectué par des opérations de refinancement menées par le MEF, sans avis ni débat[2].

Les ressources

L’État péruvien a deux sources de financement : la collecte des impôts et les prêts placés sur le marché international et à l’intérieur du pays sous forme d’ «  obligations souveraines ». En 2009, pour un budget de USD 24,6 milliards, presque USD 21 milliards provenaient de plusieurs impôts, parmi lesquels figurent les impôts municipaux et les taxes – des contributions faites par les entreprises étrangères qui interviennent localement[3]. Le reste est obtenu par diverses opérations de crédit. C'est-à-dire que, même si d’un point de vue comptable le budget est équilibré, dans la pratique il présente un déficit permanent couvert par des prêts externes et internes.

La pression fiscale du pays est de 14  %, soit quatre points de moins que la moyenne latino-américaine. Parmi les principaux impôts, il y a ceux qui taxent le revenu, les importations, la production, la consommation et les combustibles. Les revenus des personnes physiques apportent plus de financement que ceux des personnes morales et ceux de la production et la consommation rapportent plus que les impôts sur les revenus. Le patrimoine n’est pas soumis à l’impôt. L’impôt sur le revenu couvre 20 % du budget du secteur public.

Le décret législatif 662 de Promotion de l’Investissement Étranger et le décret 757, Loi Cadre d’Investissement Privé – tous deux remontant à 1991 – garantissent aux entreprises :

Un régime fiscal spécial de l´Impôt sur le revenu.

La libre disponibilité des devises.

La libre remise des bénéfices, dividendes et autres recettes.

L’utilisation d’un taux de change plus favorable.

Le droit d’embaucher des travailleurs selon n’importe quelle modalité sans être affectés par aucune loi, y compris dans des conditions qui vont à l’encontre du cadre législatif.

Sous ce régime, 278 grandes entreprises ont réduit dans certains cas jusqu’à 80 % du revenu imposable. Chaque année, l’État perd au moins USD 375 milliards en raison des exonérations fiscales[4].

Capital perdu

 Le Pérou est un exportateur contraint de capitaux. Ce pays envoie chaque année à l’étranger en moyenne USD 2,5 milliards au titre de la dette externe et USD 3,2 milliards sous forme de remise de bénéfices.

Le 30 septembre 2009, la totalité de la dette publique péruvienne était de USD 31,3 millions, soit USD 20,3 millions  de dette externe et USD 11 milliards  de dette interne. Le Pérou a aussi des réserves immobilisées pour USD  35,4 milliards. Depuis l’an 2000, le Pérou a remis au Club de Paris, au Trésor des États-Unis et aux sièges des multinationales actives dans le pays quelque USD 50 milliards.[5]

Investissement et espionnage

L’investissement privé, d’après les données de la Banque centrale de réserve, atteint 16 % du PIB, l’investissement public quant à lui atteint à peine 2,8 % du PIB. Ajoutons à cela la lenteur extrême de l’exécution des dépenses publiques : par exemple, d’après la Red Jubileo de Perú, un réseau péruvien d’organisations non-gouvernementales spécialisées dans la dette publique, au mois d’octobre 2009 à peine 30 % des postes budgétaires avaient été éxécutés[6].

Investissement privé

Il y a à l’heure actuelle dans le pays 45 contrats d’exploration et 19 d’exploitation de gaz et de pétrole en exécution, ils génèrent des investissements pour environ USD 4 milliards. D’autre part, un appel d’offre a été lancé pour adjuger 19 nouveaux lots dont 12 se situent en Amazonie.

La déforestation et l’empoisonnement des eaux et de l’air sont des faits quotidiens contre lesquels se soulèvent les populations andines et amazoniennes. L’investissement privé dans le pétrole, le gaz et l’industrie minière a généré une forte corruption dans le secteur gouvernemental caractérisée par des écoutes illégales des communications téléphoniques et par Internet. Ces écoutes ont été pratiquées par certaines entreprises sur d’autres et sur l’État, par le versement de pots-de-vin à des juges et des fonctionnaires, par des journalistes achetés, des commandos d’espionnage privés, des forces de choc et l’exercice de pressions sur les opposants et la presse critique.

Investissement social

D’après le MEF, la part de la dépense sociale s’est élevée en 2009 à 6 % du PIB[7]. D’après les données de l’UNICEF pour ces dernières années, la part du PIB allouée à la dépense sociale publique est passée de 7,9 % sur le budget du secteur public en l’an 2000 à 9,2 % en 2005. Environ la moitié de la dépense publique est destinée, d’une manière ou d’une autre, aux secteurs sociaux. Néanmoins, ces chiffres présentés par les organismes internationaux prennent en considération les dépenses en retraites des fonctionnaires, dissimulant donc la réalité. La dépense sociale nette (dépense sociale non provisionnelle) est bien inférieure et elle atteint à peine 27 % du budget ; elle a diminué en termes relatifs car pendant la décennie 1990, elle atteignait 37 %.

Conditionnement budgétaire

Les organismes financiers internationaux conditionnent et gouvernent depuis de nombreuses années la politique sociale péruvienne. Le programme Juntos, créé en 2005, avait été proposé par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale comme une des conditions pour renouveler en 2008 leur soutien financier au pays[8]. Cette année, la Banque mondiale a approuvé un prêt au Pérou de USD 330 milliards pour assurer le financement de la dépense sociale et des mesures contre-cycliques afin de faire face aux impacts de la crise financière. La Banque a indiqué qu’il s’agissait du second prêt programmé des réformes des secteurs sociaux visant à soutenir des services en matière d'éducation et de santé et les programmes sociaux, entre autres le programme Juntos.

Aujourd’hui, ces organismes sont favorables à ce qu’on appelle le budget par résultats. L’Article 13 de la Loi de Budget 2010 fixe le Budget par Résultats pour les points suivants :

  • Maladies non transmissibles, tuberculose, HIV, maladies métaxéniques et zoonose, qui seront placés sous la responsabilité du ministère de la Santé.
  • Résultats d’apprentissage dans l’enseignement primaire et l’éducation de base alternative, placés sous la responsabilité du ministère de l’Éducation.
  • Travail infantile, placé sous la responsabilité du ministère du Travail.
  • Violence familiale, violence sexuelle et sécurité alimentaire, placées sous la responsabilité du ministère de la Femme et du Développement social.
  • Développement durable environnemental, placé sous la responsabilité du ministère de l’Environnement.
  • Élargissement de l’assiette fiscale, placé sous la responsabilité de la Superintendance nationale de l’administration fiscale.

Inégalité

Même si le niveau de revenus des classes les plus pauvres de la société s’est amélioré, l’écart entre les revenus a augmenté. Alors que l’ouverture commerciale réduit les inégalités, l’ouverture financière – par les investissements étrangers directs – associée au progrès technologique, agirait en aggravant ces inégalités. En effet, la rémunération des plus qualifiés augmenterait sans que les opportunités d’avancement économique ne soient limitées. Pour le cas du Pérou, 35 % des revenus sont sur le décile supérieur alors qu’à peine 1,6 % sont sur le décile le plus bas[9].

Paradoxalement, le manque de budget spécifique a empêché l’application de la Loi sur l’Égalité des Chances et le genre[10], dont l’objectif est de poser un cadre normatif adapté qui garantisse, par le budget, la justice entre les femmes et les hommes.

Le problème environnemental

Au Pérou, les conséquences les plus importantes du réchauffement climatique seront : le recul des glaciers, l’augmentation en fréquence et en intensité du Phénomène El Niño et l’élévation du niveau de la mer.

D’après le Conseil national de l’environnement, au cours des 22 à 35 dernières années, 22 % de la surface des glaciers a été perdue (équivalant à 7 milliards de m3  ou à 10 ans de consommation d’eau dans la ville de Lima), avec des conséquences plus importantes sur les petits glaciers et les moins élevés. Dans ce sens, on pense qu’en 2025 les glaciers péruviens situés en-dessous de 5500 mètres d’altitude auront disparu.

Les spécialistes calculent que les dégâts sur l’environnement représentent un coût économique de 3,9 % du PIB ; ces dégâts touchent principalement les plus pauvres.

En 2006, une étude menée par la Banque mondiale a évalué le coût économique de la dégradation de l’environnement, de la réduction des ressources naturelles, des catastrophes naturelles et des services environnementaux inadaptés : elle arrive à un total de USD 2,8 milliards[11]. Néanmoins, entre 1999 et 2005, les dépenses dirigées pour l’environnement ont représenté à peine 0,01 % du PIB. Ce chiffre démontre qu’il n’y a pas de volonté politique pour arrêter ou même atténuer le rythme de dégradation existant.

[1] Loi du secteur public pour l’année fiscale 2009.

[2] Red Jubileo Perú, "Campaña por un Presupuesto con derechos 2009" ("Campagne pour un Budget avec des droits 2009"), document élaboré par l’économiste Armando Mendoza. Lima, 2009.

[3] D’après le rapport de la Sociedad Nacional de Minería, Petróleo y Energía, "Mundo Minero",, de mai 2007, pour l’exercice fiscal 2006, USD 1,2 milliards a été généré par la taxe minière (50 % de l’impôt sur le revenu).  La taxe minière et les droits sont ensuite redistribués par l’État entre les 22 départements et régions et 1753 municipalités.

[4] Superintendencia Nacional de Administración Tributaria (Super-intendance Nationale de l’Administration Fiscale). "Estimación de los efectos de los convenios de estabilidad tributaria" ("Estimation des effets des accords de stabilité fiscale"), septembre 2002.

[5] MEF, Portail de la Transparence Économique. Voir : <www.mef.gob.pe/DNEP/estadistica_cp.php> (consulté le 15 avril 2010).

[6] Armando Mendoza, Op. cit.

[7] Direction du Budget du MEF.

[8] Le Programme National de Soutien Direct aux Plus Pauvres – Juntos – a été créé en 2005. Il s’adresse tout particulièrement aux familles rurales pour lutter contre la dénutrition infantile chronique et l'extrême pauvreté, Une prime économique mensuelle de USD 34 leur est directement versée.

[9] FMI. World Economic Outlook. 17 octobre 2007.

[10] Congrès de

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Politiques insuffisantes

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2010
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La Colombie a centré l’investissement sur la réduction de la pauvreté et sur l’amélioration des Droits économiques, sociaux et culturels (DESC) afin d’atteindre les OMD. Malgré cela, les progrès de ces dernières années n’atteignent même pas les niveaux de base établis par ces Objectifs et encore moins les standards établis par le Comité des Droits économiques, Sociaux et Culturels de l’ONU. La Colombie a connu une croissance économique considérable jusqu’en 2008 mais cela ne s'est pas traduit par une amélioration de la situation sociale. La centralisation de la coopération internationale par le Gouvernement constitue un obstacle pour la mise en œuvre de projets alternatifs.

Corporación Cactus, Secretaría Técnica Nacional de la Plataforma Colombiana de Derechos Humanos, Democracia y Desarrollo

La Colombie a centré  l’investissement sur la réduction de la pauvreté et sur l’amélioration des Droits économiques, sociaux et culturels (DESC) afin d’atteindre les OMD. Malgré cela, les progrès de ces dernières années n’atteignent même pas les niveaux de base établis par ces Objectifs et encore moins les standards établis par le Comité des Droits économiques, Sociaux et Culturels de l’ONU. La Colombie a connu une croissance économique considérable jusqu’en 2008 mais cela ne s'est pas traduit par une amélioration de la situation sociale.  La centralisation de la coopération internationale par le Gouvernement  constitue un obstacle pour la mise en œuvre de projets alternatifs.

Depuis plus de 40 ans, la Colombie a été déchirée par des conflits armés internes provoquant une grave crise humanitaire, mise en évidence par le déplacement interne forcé et l’asile. La Colombie est considérée comme le deuxième pays au monde ayant le plus grand nombre de population réfugiée de manière interne. On estime que près de 4 millions de personnes ont été forcées à se déplacer ce qui représente presque 9 % de la population nationale[1].

C´est également le deuxième pays de la région ayant la plus grande inégalité en termes de distribution des revenus, le coefficient de Gini étant de 0,576[2]. Le régime fiscal est clairement régressif avec une lourde proportion de taxes indirectes qui retombe sur la population à faibles revenus alors que les secteurs plus aisés sont exemptés de payer certaines taxes. Cette situation a été aggravée par les réformes au régime de transfert de ressources du niveau central aux départements[3] du fait de la réduction radicale des montants destinés à la santé, à l’éducation et à l’eau potable. En 2005, la réduction a représenté 0,6 % du PIB, en 2006 1,1 %, alors qu’en 2007 on a estimé un perte de 1,3 % du PIB[4], mettant en évidence une régression soutenue de l’affectation de ressources pour la santé, l’éducation et l’eau potable. On estime que pour la période 2008-2016 entre COP 66,2 milliards (environ USD 34 millions) et COP 76,6 milliards (environ USD 39 millions) ne seront plus investis dans ces secteurs.

Suivant les données officielles, 27,7 % de la population présente des necesittés de base insatisfaites (NBI)[5]. Environ 40,8 % des foyers est atteint par l’insécurité alimentaire, plus de 20 % des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition, 63,7 % de la population de carences énergétiques et 36 % d’un manque de protéines[6].

Les Objectifs du millénaire pour le développement

L’État colombien a limité sa politique publique en matière de réduction de l’extrême pauvreté et de la faim aux objectifs sociaux contenus dans les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Concrètement, en mars 2005 le Conseil national de politique économique et sociale (CONPES) a émis le "Document CONPES 091" proposant le cadre institutionnel et politique pour atteindre ces objectifs en 2019, c’est-à-dire quatre ans après le délai prévu par les OMD. Le Gouvernement colombien a déclaré que son intention est de faire coïncider cela avec le bicentenaire de la bataille de Boyacá, un événement marquant de l'indépendance du pays[7].

Bien qu’elle soit cohérente avec la Déclaration du millénaire, cette décision a eu des conséquences négatives vis-à-vis des obligations générales en matière de DESC assumées par l’État colombien. La raison : du fait d’avoir focalisé la politique sociale sur une stratégie de valeurs minimales, le processus pour établir certains droits a stagné car les ressources sont mobilisées en faveur de programmes visant seulement une partie de la population et en délaissant une autre, touchée par des facteurs tels que la pauvreté ou le chômage[8].

En outre, même si le fait d'accomplir les OMD a réduit les efforts tels que les progrès des DESC, l’État n’a pas non plus progressé correctement sur cette question. Par exemple, la Colombie est le seul pays de la région ne garantissant pas l’éducation de base universelle aux enfants[9]. Sauf le cas de certaines mairies qui de leur propre initiative ont réussi à éliminer ou à diminuer les coûts de l’éducation, en Colombie l’éducation gratuite n’existe pas. Ceci provoque d’énormes inégalités pour accéder au système. Malgré les progrès dans ce domaine et suivant la situation économique des familles, à peine 34,1 % de la population entre 5 et 17 ans a le droit à une éducation de qualité[10].

La situation à l’égard de la mortalité maternelle est similaire. Les indices pour cette variable sont toujours trop élevés – 80 morts tous les 100 mille nouveaux nés vivants – et sont pratiquement les mêmes qu'il y a  25 ans. Alors que les OMD visent à réduire ces valeurs de 75 %, le document CONPES envisage une réduction de 55 % seulement[11].

L’action du Gouvernement

Ce volet est étroitement lié au modèle de développement présenté par le Gouvernement pour la période 2006-2010, dénommé « Plan national de développement (PND) 2006-2010, État communautaire : développement pour tous ». En somme, le PND propose  deux sources de financement pour la réduction de la pauvreté et l’accomplissement des OMD : des politiques d’aide focalisées et la croissance économique des secteurs générateurs d'emplois[12].

Le programme principal du Gouvernement national dénommé « Familles en action » propose une subvention pour les familles sous le seuil de la pauvreté à condition que la mère puisse garantir l’assistance régulière de ses enfants à l’institution éducative où ils sont inscrits. Dans la pratique, les résultats de ce schéma n’ont pas été satisfaisants, notamment parce que des situations comme les suivantes persistent toujours : « le manque de ressources pour la pleine disponibilité des conditions suffisantes en infrastructure, quotas, programmes et enseignants ; barrières géographiques, sociales et économiques pour accéder aux espaces et au service d’éducation ; et attentats contre les communautés éducatives dans le cadre de la violence sociopolitique caractérisant le pays »[13].

D’autre  part, « Familles en action » reproduit une conception patriarcale de la famille où la fonction de la femme est celle de s’occuper des enfants alors que l’homme doit accéder au système productif pour pouvoir acquérir des biens et des services. À partir de ce Programme, « les femmes sont les responsables, devant fournir les soins essentiels à la famille et il ne permet pas d’avancer dans une approche de politiques basées sur la pleine reconnaissance de leurs droits, amplement reconnus dans les traités internationaux »[14].

En somme, comme le programme n'est pas associé à des politiques favorisant l’augmentation de la productivité et  la création d’emplois, les subventions deviennent des politiques à court terme n’ayant pas d’impact réel en termes du développement humain et ne permettent pas d’accéder à l’éducation de manière plus équitable.

La croissance économique

La première période de l’administration actuelle (2002-2006) a coïncidé avec l’approfondissement du cycle ascendant de l’économie internationale.  Pendant cette période il y a eu plusieurs aspects qui ont favorisé la croissance de l’économie, à savoir : entre autres, la relance de la demande sur les marchés internationaux, l’augmentation des prix des produits exportés (notamment le pétrole), l’augmentation de l’offre monétaire et la diminution des taux d’intérêt.

Cependant, cette croissance ne s’est pas traduite par une amélioration du niveau de vie des secteurs les plus pauvres de la société. Selon les experts, l'économie colombienne de nature spéculative en est la principale raison. En effet, le Gouvernement a donné la priorité à l’achat de Titres de la dette publique émis par la Trésorerie de la nation (TES selon son sigle en espagnol) au secteur financier. La conséquence en est que, d’une part, de nombreux organismes d’État négligent les « fonctions de leur mission car les ressources sont destinées à l’achat de TES »[15] et d’autre part, le secteur financier, qui prête de l’argent à l’État colombien, a obtenu des bénéfices importants ce  qui implique une diminution du crédit destiné aux entreprises et aux familles.

La croissance économique de la période 2006-2010 a eu un motif additionnel : l’augmentation des dépenses publiques pour financer la guerre. Cela veut dire l’application du Keynesianisme militaire où l’État augmente ses dépenses de défense pour favoriser la croissance. Les conséquences de cette démarche sont positives vis-à-vis de la macroéconomie mais il n’y a ni création d’emploi, ni réduction du fossé de la pauvreté.

De plus, le Gouvernement a confronté  l’absence de création d’emploi en changeant les régulations légales de l’embauche. Pour le pouvoir exécutif, le chômage structurel ne s’explique ni par la désindustrialisation ni par les cycles de l’économie internationale à eux seuls, mais du fait qu’en Colombie les lois du travail octroient des garanties excessives aux travailleurs décourageant les entreprises de créer de nouveaux postes de travail avec des pleines  garanties. Dans ce contexte, le Gouvernement a entrepris un programme de réforme du travail ayant rallongé la journée de travail diurne, réduit le supplément de congé et limité les indemnités par licenciement sans motif valable. Cependant, malgré ces mesures, le taux de chômage a augmenté en Colombie : en 2008 il était de 11,3 %, en 2009 de 12 % et en janvier 2010 il a augmenté à 14,6 %[16].

Le rôle de l’aide internationale

En Colombie, la coopération internationale est basée sur la Déclaration de Paris. Cet accord vise, entre autres choses, à canaliser la plupart des aides pour le développement et la démocratie à travers les États nationaux et à standardiser les procédures sur la gestion des ressources[17]. Ainsi, l’Agence Présidentielle pour l’Action sociale et la coopération internationale (Action Sociale) reçoit une grande partie des ressources provenant des pays coopérants et les investit en phase avec la politique gouvernementale (Stratégie de renforcement de la démocratie et du développement économique, 2007-2013).

Le cas le plus frappant est celui du G-24, le groupe des 24 pays ayant des programmes de coopération pour le développement, la démocratie et les droits humains en Colombie.  Cette instance, créée sous l’initiative du Gouvernement national, essaie de centraliser les ressources provenant notamment des États-Unis et d’Europe pour les investir suivant le modèle actuel de développement, même avec les conséquences négatives découlant de son application (tel que mentionné ci-dessus).

Comme résultat de ce qui précède, les initiatives de la société civile, dont la vision sur le développement et la démocratie diffèrent de celle du Gouvernement, ne sont plus financées, ce qui réduit sensiblement la mise en œuvre de programmes pouvant représenter une alternative au modèle dominant. De même, des agences de coopération indépendantes, appartenant à des pays du G-24, ont souffert une réduction significative de leurs ressources alors que les agences d’État les monopolisent dans leurs pays et les envoient ensuite en Colombie à travers l’Action Sociale. Dans de nombreux cas, ces coopérants ont dû quitter le pays ou adopter des stratégies de fusion ou de consortium avec d’autres agences pour éviter le manque de fonds. Ceci limite le nombre d’initiatives admissibles et continue à laisser de côté plusieurs secteurs de la population.

 Bien que l’objectif visant à canaliser la coopération pour le développement à travers des plans nationaux de développement et des budgets n’étant pas en fonction des priorités des donateurs est digne d’éloges,  il y a toujours le besoin de soutenir le travail de promotion des organisations de la société civile, démarche essentielle pour que ces plans soient vraiment nationaux, inclusifs et efficaces.

[1] Information obtenue du Conseil pour les droits humains et les déplacements forcés (Codhes). Disponible sur : <www.codhes.org/Publicaciones/infocartagena.pdf>.

[2] Ricardo Bonilla et Jorge Iván González (coords.), Bien-estar y macroeconomía 2002-2006: el crecimiento inequitativo no es sostenible, Bogotá, CID, Université nationale de Colombie, Inspection des finances de la république, 2006, p. 37.

[3]   Acte législatif 01 de 2001 et acte législatif 011 de 2006.

[4]  Centre des recherches pour le développement (CID), Bien-estar y macroeconomía 2007. Más allá de la retórica, Bogota, Université nationale de Colombie, Centre de recherches pour le développement, 2007, p. 142.

[5]   Cfr DANE, Recensement national, 2005, cit. for Family Wellbeing, 2007, pp 323, 243, 245.

[6]   Institut colombien du bien-être familial (ICBF), Encuesta Nacional de la Situación Nutricional de Colombia ENSIN 2005, Bogota, Institut colombien du bien-être familial , 2007, pp. 323, 243, 245.

[7]  Alberto Yepes, "¿Desarrollo para todos?", dans Sin democracia, sin derechos, Plate-forme colombienne des droits humains, démocratie et développement (PCDHDD), Bogotá, Colombie, avril 2008, p. 89.

[8] Ibid. p. 92.

[9] PCDHDD, Informe Alterno al Quinto Informe del Estado Colombiano ante el Comité de Derechos Económicos, Sociales y Culturales, Bogotá, Colombie, mars 2010, p. 105. Disponible.    

[10] Ibid, pp. 10-11.

[11] Alberto Yepes, op. cit., p. 92.

[12] Département national de planification, Plan Nacional de Desarrollo 2006 – 2010. Disponible.

[13] Ibid. p. 102.

[14] Ibid. p. 200.

[15]  Jorge Iván González, "Los banqueros se enriquecen mientras que la indigencia aumenta", à PCDHDD, ¿Continuidad o desembrujo?, Bogota, Colombie, décembre 2009, p. 20. Disponible sur : <www.ciase.org/?apc=i-------&x=1000>.    

[16]   Carmen Salcedo, "Evolución de la tasa de desempleo", Portafolio, février 2009. Disponible.  

[17]  Les conclusions de cette Déclaration ont visé la rationalisation des activités, l’élimination de la multiplication des efforts, l’obligation de la planification, la définition des indicateurs et l’homogénéisation des procédures de la gestion financière des ressources   

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Progrès inégal

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2010
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Suivant la version officielle, le Mexique se trouve sur la bonne voie pour assurer les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2015. Cependant, même si on constate des progrès dans les secteurs de la santé, l’éducation et la réduction de l´extrême pauvreté, il reste encore pas mal d’enjeux à surmonter, à savoir l’inégalité entre les régions qui, par exemple, met en évidence un District Fédéral ayant des taux de développement comparables à ceux des pays européens alors que les états du sud montrent des valeurs semblables à celles des régions les plus pauvres du monde. On a besoin d’une gestion publique adéquate, qui s’occupe des véritables priorités.

Equipo Pueblo[1]
Areli Sandoval Terán
Adhésion : Espace DESC

Suivant la version officielle, le Mexique se trouve sur la bonne voie pour assurer les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2015. Cependant, même si on constate des progrès dans les secteurs de la santé, l’éducation et la réduction de l´extrême pauvreté, il reste encore pas mal d’enjeux à surmonter, à savoir l’inégalité entre les régions qui, par exemple, met en évidence un District Fédéral ayant des taux de développement comparables à ceux des pays européens alors que les états du sud montrent des valeurs semblables à celles des régions les plus pauvres du monde. On a besoin d’une gestion publique adéquate, qui s’occupe des véritables priorités.                                                                                       

Jusqu’au premier semestre 2010, l’information officielle sur l'accomplissement des OMD au Mexique n’était pas mise à jour ; le dernier Rapport des Progrès disponible correspondait  à l’année 2006[2]. Sur la base de l’Enquête sur la Population et le Logement 2005 et d’autres enquêtes de la même année concernant les revenus, les dépenses, l’emploi, la nutrition et la santé, le Gouvernement fédéral de l’époque soulignait les progrès obtenus depuis 1990 sur les volets suivants : réduction de l´extrême pauvreté, réduction de l’analphabétisme, diminution de l’incidence du VIH/SIDA, du paludisme et de la tuberculose, réduction de la mortalité maternelle, amélioration de l’égalité entre les sexes à l’école, et l’accès des familles aux services d’eau potable et d’égouts.

Le rapport signale que certains volets n’ont pas été abordés depuis des années. Par exemple, le manque d’attention vis-à-vis des aspects environnementaux des politiques de développement et le manque d’une politique sociale intégrale dont les programmes n’ont pas été articulés et qui ne prévoient pas non plus d’actions de protection sociale, notamment pour réduire le chômage et d’autres risques collectifs. Le rapport a mis également en évidence que la plus grande partie du budget et des programmes concernait la population employée dans le secteur formel de l’économie et que l’exclusion sociale mettait en risque la consolidation de la démocratie.

Le rapport des Progrès 2006 contient aussi l’évaluation de certains objectifs et d’indicateurs supplémentaires étant considérés plus appropriés et pertinents pour le Mexique en tant que pays aux revenus moyens. Par exemple, en ce qui concerne  l’Objectif 1 qui vise à éradiquer l´ extrême pauvreté et la faim, et sa Cible 1 de « réduire de moitié entre 1990 et 2015 le nombre de personnes dont les revenus n’atteignent pas un dollar par jour », le Gouvernement considère que le pays est sur la bonne voie. Mais compte tenu de l’indicateur de la population ayant des revenus per capita de moins d'un dollar par jour, une nouvelle cible a été ajoutée « au-delà des Objectifs du millénaire », qui consiste à réduire de moitié, entre 1990 et 2015 la proportion de personnes qui souffrent de pauvreté alimentaire, aussi bien en milieu urbain que rural[3].

Inégalité  

Un autre enjeu, l’un des plus importants pour le Mexique, est celui ayant trait à l’inégalité. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui depuis 2002 a élaboré des rapports sur le Développement humain au Mexique a enregistré d’énormes différences entre les régions et les 32 entités fédératives du pays en matière de santé, d’éducation et de revenu, bien que le Mexique occupe une place parmi les pays de plus haut niveau suivant l'Indice de développement humain (IDH).

Le nord-ouest du pays est la zone où l’IDH est le plus élevé ;  on trouve là par exemple l’État de Nuevo León qui occupe la deuxième place de l'IHD pour le Mexique et qui, avec le District Fédéral, s'approche de l'IDH de certains pays européens. D’autre part, la région sud du pays présente l’IDH le plus faible : on trouve ici Chiapas, qui  se trouve à la dernière place (32) et qui, avec Oaxaca, ne dépassent pas les indices des territoires occupés de Palestine. Parmi les causes de cette inégalité, le PNUD mentionne la précarité de l’investissement et les obstacles affrontés par la gestion publique au niveau local freinant l’exercice des droits et des libertés individuelles. L’inégalité régionale devient manifeste à partir du phénomène de la migration interne et externe. En fait, les différences régionales sont telles « qu’il y a des zones où l’on peut accéder à une meilleure condition de vie que celle du lieu d'origine »[4].

Pauvreté

Si l’on considère le Rapport Exécutif pour le Diagnostic du Plan national de Développement 2007-2012 préparé par le Conseil National d’Évaluation de la Politique de Développement Social (CONEVAL)[5], nous trouvons une situation similaire dans les entités fédératives de Chiapas et Nuevo León. Le tableau suivant présente les estimations de l’incidence sur la pauvreté alimentaire, sur la pauvreté des capacités et sur la pauvreté du patrimoine[6] pour les deux cas.

Entre 2006 et 2009, le CONEVAL, dans le but de faire une mesure plus appropriée vis-à-vis des dispositions de la Loi générale de développement social, a élaboré une nouvelle méthodologie de mesure multidimensionnelle de la pauvreté en tenant compte non seulement des critères concernant le revenu mais aussi l´analyse du contexte de territoire et de droits, déterminant ainsi de nouvelles lignes de bien-être et bien-être minimum et adoptant des critères spécifiques comme les indicateurs de carence sociale qui identifient des éléments essentiels de certains droits sociaux. Suivant cette nouvelle approche, « une personne se trouve en situation de pauvreté multidimensionnelle lorsqu’au moins un de ses droits pour le développement social n’est pas assuré et si ses revenus sont insuffisants pour acquérir les biens et les services nécessaires pour satisfaire ses besoins »[7].

Les chiffres du CONEVAL sur la pauvreté multidimensionnelle au niveau national et le comparatif entre les entités fédératives choisies pour illustrer l’inégalité au Mexique sont présentés dans le tableau suivant.

Stratégie de financement pour le développement

Face au paysage social que nous venons de présenter et au contexte national et mondial de crise économique il s’avère également nécessaire que l'État mexicain se consacre à appliquer les ressources. Suivant l’analyse du Centre d’analyses et de recherche FUNDAR sur le quatrième rapport trimestriel du Secrétariat du trésor et du crédit public pour l’exercice du budget 2009, le Gouvernement fédéral a connu un échec au moment de canaliser des ressources de manière effective et efficace pour la relance de l’économie et la protection de la population, aussi bien lors du planning que lors de l’exécution. Ce rapport met en évidence que les ressources indispensables pour la protection sociale ont diminué, alors que les dépenses qui favorisent la bureaucratie ont augmenté. La tendance à sous-exploiter les ressources dans des secrétariats clés a continué jusqu’en décembre (avec des sous-exploitations importantes dans des programmes pour combattre la pauvreté et des projets d’infrastructure)[8].  Voici quelques-unes des données les plus importantes de cette analyse :

  • Les dépenses en infrastructure pour le développement social ont diminué globalement de 14,5 % en termes réels en comparaison avec l’an 2008 ; les réductions en investissements physiques dans le volet de l’urbanisation, le logement et le développement régional (21,4 %) ainsi que celui de l’assistance sociale (56,7 %) sont à signaler spécialement. 
  • Pendant le dernier trimestre 2009, les salaires contractuels à juridiction fédérale ont eu une augmentation annuelle de 4,1 % en termes nominaux, notamment dans les secteurs de la souveraineté, l’ordre, la sécurité et la justice ; pendant le bimestre octobre-novembre 2009 les rémunérations réelles par personne occupée dans le secteur des manufactures ont eu une réduction annuelle de 0,6 % : les salaires payés aux ouvriers et aux employés administratifs ont diminué de 2,1 % et 0,8 % respectivement.
  • Sur les 75 programmes de la description du progrès d’exécution budgétaire annuelle, seulement 24 ont progressé de 100 % dans leurs budgets, alors que 23 programmes ont exécuté plus de 100 % des allocations originales. Cela veut dire que seulement 32 % de tous les programmes prioritaires ont exécuté leurs budgets à temps. Les 26 programmes restants ont exécuté moins de 90 % de leur budget original.      Voici les programmes n’ayant pas été complétés au troisième trimestre 2009 : a) programme pour prolonger l’infrastructure d’irrigation avec seulement 33,2 % de progrès ; b) projets d’infrastructure économique d’eau potable, égouts et assainissement avec 39,5 % de progrès ; c) programme de soutien alimentaire administré par Diconsa avec 69,6 % ; d) chemins ruraux avec 73,5 % ; e) le composant éducation du Programme d’opportunités avec 79,5 % de progrès ; f) prestation de soins à la santé aux différents niveaux avec 85,2 % ; g) programme d’eau potable, égouts et assainissement dans les zones urbaines avec 86,4 %.

 

Cela signifie que des MXN 188.395 (USD 14.8 milliards) approuvés pour les principaux programmes contre la pauvreté, USD 1.32 milliard  n’ont pas été utilisés. Le pire des exemples pour ces ressources sous-exécutées est celui du Programme de soutien alimentaire administré par Diconsa S.A. de C.V. (une entreprise consacrée au développement social avec la participation majoritaire de l’État), le programme de soutien à l’emploi et le programme jeune entrepreneur rural et fonds des terres, où le sous-exercice a été de 30 %, 38 % et 56 % respectivement. Quant aux sous-exercices des secrétariats clés, il faut signaler le Secrétariat de la Santé qui n’est pas arrivé à dépenser USD 784 millions (comparé avec le budget modifié au mois de décembre 2009) et le Secrétariat de Développement social qui a sous-exécuté USD 306 millions.

Ces exemples montrent non seulement une gestion publique déficiente au Mexique mais ils mettent également en relief que l’obligation de l’État d’allouer le maximum des ressources disponibles pour la mise en œuvre progressive des droits garantis dans le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels ne peut pas être considérée comme respectée par la seule allocation d’un budget pour le développement social et la lutte contre la pauvreté. Il faut aussi une gestion publique claire et transparente des fonds nécessaires aux besoins vraiment prioritaires. 

[1]   Equipo Pueblo est un  point focal de Social Watch au Mexique et il fait partie de l’Espace DESC, groupe de référence pour Social Watch.

Cabinet de Développement Social et Humain, Les Objectifs de Développement du Millénaire au Mexique : Rapport de progrès 2006. Disponible sur : <www.objetivosdelmilenio.org.mx/PDF/ODM%202006.pdf>.

[3] Il faut souligner que la pauvreté alimentaire est l’un des trois niveaux de pauvreté établis par le Comité technique pour la mesure de la pauvreté (CTMP) en l’an 2002, définie comme l’incapacité d’obtenir un panier alimentaire de base, même si on utilisait tous les revenus disponibles à acheter ces biens indispensables.

[4] PNUD, Rapports sur le Développement Humain au Mexique, 2002, 2004 y 2006-2007. Disponibles sur : <www.undp.org.mx>.

[5] CONEVAL. Rapport Exécutif de la Pauvreté au Mexique, Juin 2007. Disponible sur : <www.coneval.gob.mx>.

[6]     La pauvreté des capacités a été définie par le CTMP comme l’insuffisance du revenu disponible pour acquérir la valeur du panier alimentaire et effectuer les dépenses nécessaires en santé et en éducation, même en allouant la totalité des revenus du foyer à ces fins. La pauvreté du patrimoine a été définie comme l’insuffisance du revenu disponible pour acheter le panier alimentaire, pour faire les dépenses nécessaires en matière de santé, d’ habillement, de logement, de transport et d’éducation, bien que la totalité des revenus du foyer soit destinée exclusivement à acquérir ces biens et services.   

[7] Méthodologie de mesure multidimensionnelle de la pauvreté au Mexique. Disponible sur :
<www.coneval.gob.mx/contenido/med_pobreza/8803.pdf>.

[8] Analyse de FUNDAR sur le 4ème rapport trimestriel de la SHCP : “Rapport sur la situation économique, les finances publiques et la dette publique, 2009”. Positionnement de FUNDAR nº 99, février 2010. Plus d’information sur : <www.fundar.org.mx>.

 

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Quelques progrès, des enjeux multiples

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2010
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L’objectif officiel de la Malaisie est toujours celui de parvenir à être un pays développé d’ici 2020. Cependant, bien que le niveau de vie de la population se soit amélioré en termes d’accès aux services essentiels et à l’emploi, le pays est rongé par la corruption qui affecte l’exécution des projets de développement visant à satisfaire les besoins de base tels que l’accès à l’eau potable, l’assainissement, l'éducation, les services de santé et la sécurité alimentaire de la population ainsi que la mise en œuvre d’une subvention mensuelle pour les foyers en situation d´extrême pauvreté. D’autre part, la transformation de la forêt tropicale en plantations, particulièrement de caoutchouc, menace la subsistance des populations autochtones et la biodiversité du pays.

Third World Network

L’objectif officiel de la Malaisie est toujours celui de parvenir à être un pays développé d’ici 2020. Cependant, bien que le niveau de vie de la population se soit amélioré en termes d’accès aux services essentiels et à l’emploi, le pays est rongé par la corruption qui affecte l’exécution des projets de développement visant à satisfaire les besoins de base tels que l’accès à l’eau potable, l’assainissement, l'éducation, les services de santé et la sécurité alimentaire de la population  ainsi que la mise en œuvre d’une subvention mensuelle pour les foyers en situation d´extrême pauvreté. D’autre part, la transformation de la forêt tropicale en plantations, particulièrement de caoutchouc, menace la subsistance des populations autochtones et la biodiversité du pays.

Suivant les données officielles recueillies par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en 2005[1], la Malaisie a manifesté avoir atteint tous les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) sauf les OMD 6 et 8 dont elle a manifesté ne pas avoir l’information suffisante.

Les dix premières années des OMD ont été comprises dans la 8ème et la 9ème version du Plan Malaisie, le projet de développement quinquennal du pays qui a démarré en 1966. Pendant cette période, les malaisiens (une population de 27,7 millions d’habitants) ont pu accéder, en général, à une amélioration des services essentiels et de l’emploi. Mais le problème de la corruption subsiste encore et il affecte l’exécution des projets de développement visant à assurer la provision d’eau potable, la gestion des déchets, l’assainissement de base, l’éducation, les services de santé et les chemins ruraux, ainsi que la subvention mensuelle pour les foyers en situation d’extrême pauvreté.

Le 8ème et le 9ème Plan reconnaissaient fermement le besoin de promouvoir une société équitable par le biais de l’éradication de la pauvreté et de la réduction des déséquilibres entre les groupes ethniques et au sein des régions. Mais ils avaient du mal à diminuer l’inégalité des revenus entre les Bumiputra malais (un terme malais incluant les autochtones et les minorités Orang Asli et Orang Asal) et les chinois, le deuxième groupe ethnique (25 % de la population), et ils visaient à augmenter la participation des Bumiputra dans la propriété des entreprises.  L’objectif d'assigner 30 % de la propriété du patrimoine des entreprises dans tous les secteurs en 1990 n’a pas été atteint.

Suite à un changement fondamental de la politique nationale, après les élections générales de 2008 – lorsque la coalition du Gouvernement a perdu la majorité des deux tiers au Parlement pour la première fois – le 10ème Plan Malaisie (2011-2015) a visé la réforme de l'économie de sorte à être plus « inclusive »  par le biais d’un Nouveau modèle économique[2]. Ce modèle, formulé par le Conseil national d’action économique en 2010, présente un cadre général pour transformer la Malaisie d’un pays aux revenus moyens à un pays avancé d’ici 2020. Il évalue les forces et les faiblesses du pays, compte tenu des effets de la crise financière.

Objectifs spécifiques du pays

La Malaisie a avancé considérablement dans le développement des ses propres objectifs et de ses propres indicateurs adaptés à sa situation et à ses besoins spécifiques. Le Dialogue politique de haut niveau, organisé par la Commission des Droits humains de Malaisie et le PNUD en juillet 2005[3], a recommandé d’incorporer aux principales politiques, aux programmes nationaux et aux objectifs spécifiques du pays en matière d’OMD, une approche de développement axée sur les droits humains. Il a été demandé pour le 9ème Plan Malaisie de détailler les données de pauvreté et d’inégalité pour pouvoir ainsi identifier les groupes les plus vulnérables, tels que les Orang Asli et les Orang Asal, qui sont toujours privés de leur droit fondamental à un niveau de vie acceptable.

Bien que les programmes de développement tracés dans les trois Plans Malaisie comprennent en grande partie les objectifs des OMD, la persistance de la pauvreté dans différentes régions, tant urbaines que rurales, a été reconnue. L’industrialisation rapide a aussi provoqué le problème de la pauvreté urbaine ainsi qu’une population migrante croissante – estimée à 2 millions en 2009 – qui augmente la demande en matière de logement et d’éducation. Les politiques pour lutter contre la pauvreté sont centrées sur l’entraide et la génération de revenus dans les foyers pauvres, notamment à travers de plans de développement territorial, mais les résultats ont été bien différents : dans certaines régions l’impact social a été négatif et la population a de moins en moins de pouvoir. 

L’amélioration du niveau de vie rural par le biais de la création de plantations de caoutchouc (entre 1960 et 1980) et de palmier à huile (depuis le milieu des années 1970) est attribuée aux plans de développement territorial en Malaisie péninsulaire encouragés par la Direction fédérale de développement territorial (FELDA, por son sigle en anglais). Selon les trois derniers Plans Malaisie, l’incidence de la pauvreté a chuté de 7,5 % en 1999 à 5,1 % en 2002 et à 3,8 % en 2009. L´extrême pauvreté – associée notamment aux communautés rurales et aux habitants des bidonvilles – a baissé de 1,4 % en 1999 à 1 % en 2002 et à 0,7 % en 2009.

La pauvreté et les communautés indigènes

Pourtant, les rapports de presse sur la situation des communautés indigènes, les pauvres urbains et les travailleurs des plantations d’origine indienne mettent en évidence le fait que le niveau de vie de ces groupes marginalisés n’a pas changé depuis des décennies. La plupart des plantations de caoutchouc et de palmier à huile utilisent encore le système de salaires colonial qui fixe un salaire journalier en fonction de la quantité récoltée et de son prix sur le marché mondial, au lieu de considérer les heures travaillées. Les entreprises du bois et propriétaires des plantations offrent des salaires n’atteignant que MYR 12 (USD 3,75) par jour aux populations indigènes rurales de Sabah et Sarawak. Depuis 60 ans la réclamation d’un salaire minimum des 180.000 travailleurs réunis au Syndicat des travailleurs des plantations (NUPW pour son sigle en anglais) a été infructueuse[4]. Durant ces 20 dernières années, les travailleurs sont devenus encore plus vulnérables du fait que les employeurs peuvent les remplacer facilement par des travailleurs étrangers meilleur marché et n’ayant pas le droit de former des syndicats.

Les communautés indigènes, représentant 12 % de la population, sont délaissées dans plusieurs régions et elles sont de plus en plus déplacées de leurs terres dans la forêt afin de permettre le développement de projets tels que d’immenses barrages et d’énormes plantations consacrées à la monoculture, ce qui a intensifié les conflits axés sur les terres[5]. Un rapport de la Commission des Droits humains de Malaisie en 2007, après une recherche sur les conflits de ce genre auxquels ont participé les Penan, une tribu indigène située à Ulu Belaga, Sarawak, a montré que le programme du Gouvernement en faveur de l’éradication de la pauvreté n’atteignait pas la communauté vivant en situation d’extrême pauvreté[6].

La sécurité alimentaire est toujours un enjeu

Le succès de la Malaisie dans les secteurs des manufactures et des produits agricoles de base orientés vers l’exportation a amené à ce que la production des aliments de base soit moins prioritaire. Le riz – aliment de base – est la seule culture pour laquelle on a fixé une cible d’une certaine autosuffisance. Le développement agricole est notamment basé sur les cultures pour l’exportation comme le palmier à huile, dont la valeur d’exportation en 2009 a été  de USD 15,6 milliards[7]. De ce fait, la surface destinée à la production d’aliments est plus réduite.   Sur 6,4 millions d’hectares de terre agricole, 4 millions sont consacrées aux cultures de palmier à huile et 1,3 million au caoutchouc.

Le vieillissement des agriculteurs, les champs de riz abandonnés et les années où la priorité de la production alimentaire a été insuffisante ont causé la panique lors de la crise alimentaire mondiale de 2008, lorsque la Thaïlande et le Vietnam ont réduit leurs exportations de riz. Ceci malgré la cible du 9ème Plan Malaisie qui était d’augmenter l’autosuffisance de la production de riz de 72 % en 2005 à 90 % en 2010. Cependant, le 10ème Plan Malaisie a encore diminué ll’objectif à 70%[8]

Pendant les 10 dernières années, le coût des importations d’aliments a augmenté à un rythme soutenu, de USD  3,4 milliards  en 2000 à USD 9 milliards  en 2009[9]. Pendant ce temps, la monoculture à grande échelle du palmier à huile a envahi l’arrière pays de Sabah et de Sarawak et elle affecte aussi la production d’aliments des populations indigènes qui pratiquent toujours l’agriculture de subsistance.

Éducation et santé

La plupart des malaisiens de 7 à 12 ans reçoivent l’enseignement primaire complet.  Les inscriptions sont passées de 2,9 millions d’étudiants en 2005 à 3 millions en 2010 face à une diminution du taux de natalité de 2,5 %[10]. Plusieurs programmes de soutien éducatif – comme par exemple le plan de prêt des livres de textes, les repas subventionnés et les internats – aident les membres des foyers à faibles revenus. Malgré les efforts réalisés pour améliorer l’enseignement dans les zones rurales et diminuer le fossé entre la ville et la campagne en termes de rendement scolaire, il existe peu de données disponibles concernant l’exécution de ces stratégies. 

Le service de santé de la Malaisie est généralement considéré comme l’un des meilleurs du monde en voie de développement. Un programme de vaccination pour tous les enfants depuis leur naissance jusqu’à l’âge de 15 ans assure un taux de mortalité faible pour les moins de 5 ans. Ce programme d’immunisation pour enfants contre la plupart des maladies évitables par le biais de la vaccination est gratuit dans tous les services publics. 

Les statistiques montrent que le taux d’infection par VIH diminue toujours depuis le maximum de 6.978 cas (28,5 cas tous les 100.000 habitants) en 2002 à 3.692 (13,3 cas tous les 100.000 habitants) en 2008[11]. Le ministère de la Santé a calculé un taux de notification de 10,0 cas sur 100.000 en 2009. Cependant, le profil de l’épidémie est en train de changer et il y a plus de femmes infectées. En 1990 seulement 1,1 % des cas de VIH reportés étaient des femmes, mais le taux a augmenté jusqu’à 9,0 % en 2002 et jusqu’à 19,1 % en 2008[12].

En 2003, après la Déclaration de Doha sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (TRIPS pour son sigle en anglais) et la Santé publique fournie par l’OMC en 2001, la Malaisie est devenue le premier pays asiatique à octroyer une licence devant être obligatoirement « utilisée par le Gouvernement » pour certains rétroviraux (ARV) brevetés par les grandes entreprises pharmaceutiques du fait du coût exorbitant qui en limitait notamment l’accès. Plusieurs versions génériques des médicaments appartenant à la société indienne Cipla ont été importées pour être utilisées dans des hôpitaux publics pendant une période de deux ans à partir du 1er novembre 2003. Le coût mensuel de la prise en charge d’un patient s’est donc réduit de USD 375  à USD 63-69, c'est-à-dire une réduction de 68 % à 83 % suivant la combinaison de drogues. Suite à cela, les titulaires des brevets ont baissé leurs prix,  bénéficiant de ce fait les patients qui reçoivent des traitements dans le privé.

Le Gouvernement envisage la possibilité de privatiser les soins à la santé par le biais d’un plan d’assurance maladie, bien que 70 % de la population dépende des  soins publics. Avec un Produit interieur brut (PIB) de USD 157 milliards, le budget pour la santé du pays en 2009 (USD  4,3 milliards) est bien au-dessous de 6 % du PIB, chiffre recommandé par L’OMS.

Environnement, biodiversité et eau potable

Les politiques environnementales ont été améliorées et on a créé un ministère dédié à l’environnement. Cependant, la protection environnementale est toujours au plan secondaire par rapport à l’industrialisation et à la création de richesse, et cela malgré  de nombreuses politiques et des normes prometteuses concernant cette problématique.

En général, l’extraction du bois a été réalisée de manière non durable ; la production a donc diminué au fil des années et il s’est avéré nécessaire d’importer des rondins et du bois de sciage pour satisfaire à la demande des scieries locales. En 2005, l’industrie du bois et le Gouvernement ont accordé un plan suivant lequel pour continuer à soutenir la même industrie responsable de la destruction des forêts, les entreprises privées feraient des plantations forestières avec des prêts du Gouvernement, avec des conditions favorables  et des incitations fiscales.  Ces plantations se sont multipliées par 30 en trois ans, de 1.626 hectares à 44.148 hectares en 2009[13]. Selon les données de l’exploitation des forêts de 2005, plus de 1,5 million d’hectares du pays sont des plantations et elles couvrent 7,5 % de la surface boisée.

L’Association de Biologie tropicale et la conservation (ATBC pour son sigle en anglais) a signalé que cette pratique de transformation de la forêt tropicale en plantations de caoutchouc met en danger la biodiversité de la Malaisie et ses espèces menacées et libère aussi une quantité importante de gaz à effet de serre[14]. Un grand nombre des mammifères emblématiques du pays, tels que le rhinocéros, l’éléphant, le tigre et l’orang-outan sont en danger à cause de la réduction de leur habitat. Les scientifiques ont signalé que ces espèces disparaîtront en moins de 20 ans si l’on continue le déboisement au rythme actuel. 

Outre la perte de la biodiversité terrestre, les ressources marines des pêcheries ont diminué depuis 1970, de sorte que dans certaines régions de pêche la biomasse des poissons s’est réduite de 90 % entre 1971 et 1997. Suivant l’enquête du Département de la pêche, sur les côtes est et ouest de la Malaisie péninsulaire, Sabah et Sarawak, ces ressources étaient déjà surexploitées en 1997[15].
Le taux de consommation d’eau des malaisiens est l’un des plus élevés du monde : une moyenne de 300  litres par jour par personne, ce qui dépasse la recommandation de l’ONU de 165 litres par jour par personne. Mais cela concerne seulement les populations connectées au réseau d’eau potable. Les groupes vulnérables, comme ceux qui vivent dans des bidonvilles et dans les communautés indigènes doivent se débrouiller avec une consommation plus faible, aussi bien en termes de qualité que de quantité. Les communautés rurales et indigènes, qui autrefois prenaient l’eau potable des fleuves, doivent faire appel, de plus en plus, a la collecte de l’eau de pluie parce que les rivières sont polluées par l’industrie du bois et par l’écoulement des pesticides des plantations. 

À Selangor, l’état le plus industrialisé, l’accord de privatisation de l’eau a été contesté devant la justice du fait de ses termes peu équitables assurant de gros bénéfices aux concessionnaires alors que les plus pauvres doivent payer plus de taxes, ce qui est tout à fait disproportionné. Depuis des années les défenseurs des ressources naturelles réclament une gestion de la demande d’eau visant à inculquer des habitudes de conservation de l’eau et de collecte de l’eau de pluie au niveau des foyers pour éviter ainsi les coûts financiers et environnementaux de la construction de barrages. Cependant, les politiques du Gouvernement ont mis du temps à répondre à ces réclamations.

Conclusion 

Bien que les rapports du Plan officiel de Malaisie présentent une image prometteuse et mettent l’accent sur les réussites sans reconnaître les échecs, la précision des statistiques et des évaluations du Gouvernement préoccupent toujours. Il reste à voir si le programme de développement gouvernemental, notamment en faveur des groupes vulnérables, sera exécuté tel que prévu car le contrôle et la reddition des comptes de l’allocation de fonds fédéraux et de l’État sont réduits au minimum.

[1] PNUD Malaisie, Malaysia : Achieving the Millennium Development Goals – Successes and challenges, Kuala Lumpur, 2005. Disponible sur : <www.undp.org.my/mdgs/malaysia-mdg-report>.

[2] Unité de planification économique du Cabinet du Premier ministre, 10th Malaysia Plan 2011–2015, Putrajaya, 2010. Disponible sur : <www.epu.gov.my/html/themes/epu/html/RMKE10/rmke10_english.html>.

[3] PNUD Malaysia, Human Rights Perspectives on MDGs and Beyond, Kuala Lumpur, juillet 2005.

[4] A. Sivarajan, “Monthly Wages...What Monthly Wages?”, Indian-Malaysian Online, 8 avril 2002. Disponible sur : <www.indianmalaysian.com/monyhly_wages.htm>.

[5] Pour plus d’information sur les conflits axés sur les terres des populations indigènes, voir le Forest Peoples Progam sur : <www.forestpeoples.org/documents/asia_pacific/bases/malaysia.shtml>.

[6] Commission des Droits Humains de la Malaisie (Suhakam), Penan in Ulu Belaga : Right to Land and Socio-Economic Development, Communiqué de presse, Kuala Lumpur, 2007.

[7] “Malaysia aims for record palm oil exports in 2010”, Commodity Online, 9 mars 2010.

[8] Unité de planning économique du Cabinet du Premier ministre, op. cit.

[9] Austrade, “Processed food to Malaysia : Trends and opportunities”, site web du Gouvernement d’Australie, 30 avril 2010.

[10] Ministère de l’Éducation. Voir : <www.moe.gov.my>.

[11] Malaysian AIDS Council. Voir : <www.mac.org.my/v2/hidden/malaysian-statistics/>.

[12] Ministère de la Santé, “2010 UNGASS Country Progress Report – Malaysia”, mars 2010.

[13] J. Hance, “Scientists warn that Malaysia is converting tropical forests to rubberwood plantations”, Mongabay, 24 juin 2010. Disponible sur : <news.mongabay.com/2010/0624-hance_rubber_malaysia.html>.

[14] Association de biologie tropicale et de conservation, “The Conversion of Malaysian Native Forests – Resolution opposing conversion of Malaysian native forests to non-native rubberwood plantations”.

[15] Pour plus d’information, voir : <www.dof.gov.my/home>.

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Récupérer l’esprit original des OMD

Publication_year: 
2010
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L’accomplissement des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) exige que tous les États démontrent leur volonté politique d’agir, tant pour améliorer les indicateurs spécifiques que pour élaborer des politiques mondiales. La nouvelle stratégie de développement devrait retrouver l’esprit original des OMD et se concentrer sur les besoins de la population, l’amélioration de sa qualité de vie, la capacité d’atteindre les plus pauvres, l’égalité entre les sexes et la notion selon laquelle le bien-être et une meilleure qualité de vie sont des valeurs indissociables

Organisations françaises de la société civile, ONG, syndicats et collectivités territoriales[1]

L’accomplissement des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) exige que tous les États démontrent leur volonté politique d’agir, tant pour améliorer les indicateurs spécifiques que pour élaborer des politiques mondiales. La nouvelle stratégie de développement devrait retrouver l’esprit original des OMD et se concentrer sur les besoins de la population, l’amélioration de sa qualité de vie, la capacité d’atteindre les plus pauvres, l’égalité entre les sexes et la notion selon laquelle le bien-être et une meilleure qualité de vie sont des valeurs indissociables

Comme ce fut le cas récemment avec le plan de sauvetage des banques, la véritable lutte contre la pauvreté et les inégalités est avant tout une question de courage et de volonté politique des dirigeants français et européens. En 2005, les organisations civiques et les collectivités territoriales françaises soutenaient dans leurs discours qu’il n’y avait plus d’excuses pour que la France ne respecte pas ses engagements. En 2010, cinq ans après la date fixée pour l’accomplissement des OMD, ces mêmes organisations exigent que leurs dirigeants assument enfin leurs responsabilités en s’engageant dans trois domaines complémentaires : le respect des droits de l´Homme, la solidarité avec la population et l’inclusion de toutes les parties prenantes dans les plans de développement et dans leur mise en œuvre.

Respecter et faire respecter les droits de l´Homme

La lutte contre la pauvreté et l’inégalité n’est pas seulement une question humanitaire, mais implique également le respect de la dignité des personnes et, par conséquent, le respect de leurs droits fondamentaux. Les OMD devraient donc faire partie d’une approche fondée sur l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits de l´Homme, condition indispensable pour leur accomplissement. Pour cela, la France doit :

  • Signer et ratifier le protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels (DESC). La ratification de ce document permettra de soutenir les efforts visant à obtenir une plus grande reconnaissance des DESC par la législation nationale et dans les tribunaux. Jusqu´à présent, le Protocole facultatif a été signé par 32 pays. La France a soutenu l’élaboration de ce protocole, et par ce fait s’est engagée à mettre en œuvre ces droits, mais elle ne fait pas encore partie des États signataires. Sans un nombre suffisant de ratifications, ce Protocole sera lettre morte ; pour que ces droits soient mis en œuvre, le document doit être ratifié par 10 États. Les pays du Sud attendent avec impatiente cette ratification, car cela permettrait à leurs peuples d’exiger la mise en œuvre de leurs droits.
  • Signer et ratifier la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants et leurs familles (CTM) afin de lui conférer une portée nationale, européenne et internationale. Les immigrants sont souvent utilisés comme des boucs émissaires face au chômage, au terrorisme et à l’intolérance raciale et religieuse. Une des priorités établies par la CTM est que tous les travailleurs migrants et les membres de leurs familles aient des droits fondamentaux, quel que soit leur statut juridique dans le pays d’accueil. La Convention garantit la protection des droits supplémentaires pour les travailleurs migrants en situation régulière en vue de leur intégration dans la société d’accueil, afin qu’ils l’enrichissent sans perdre les liens avec leur lieu d’origine.
  • Soutenir l’initiative de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour mettre en œuvre le Programme pilote pour un travail digne. Dans une nouvelle étude sur les différents aspects du travail forcé dans le monde, l’OIT souligne que, dans une situation de crise « ce sont les plus vulnérables qui souffrent le plus. Dans ce contexte, il est indispensable de veiller à ce que les ajustements ne se fassent pas au détriment des garanties offertes pour prévenir le travail forcé et les abus liés à la traite des êtres humains »[2].
  • Veiller à ce que les entreprises respectent les droits fondamentaux. Selon les recommandations du représentant spécial auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, les États ont le devoir de protéger les droits de l´Homme ce qui suppose l’application de recours juridiques pour défendre les victimes des violations commises par les filiales établies dans les pays du Sud ou dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises européennes. En outre, les États doivent veiller à ce que les entreprises qui reçoivent une aide publique (financement, crédit à l’exportation) respectent les droits de l´Homme, les conventions relatives à la consultation des populations, les droits fondamentaux des travailleurs et la protection de l’environnement.

Renforcer la solidarité

Les gouvernements ont fait preuve de solidarité pour renflouer les banques et tenter de minimiser les dommages causés par les crises financières. Maintenant, nous revendiquons la même solidarité avec la population  en général afin d’éliminer la pauvreté et les inégalités.

Dans un monde où en 2006 la moitié des richesses était détenue par 2 % de la population[3], la redistribution des richesses et l’accès aux biens publics à l’échelle mondiale devraient être des objectifs prioritaires. La crise financière, alimentaire, sociale, environnementale et énergétique a été déclenchée par les politiques néolibérales des pays riches, mais ce sont les peuples, notamment ceux du Sud, qui paient les pots cassés. Il est temps que les responsables de ces politiques assument les conséquences de leurs décisions.

Les avancées vers la réalisation de certains OMD ne doivent pas faire perdre de vue le chemin qui reste a parcourir. Les OMD semblent beaucoup plus difficiles à atteindre s’ils ne sont pas associés à des mécanismes de solidarité financière et de redistribution des richesses qui assurent leur universalité. Par conséquent, les OMD ne seront pas atteints à moins qu’un véritable partenariat mondial pour le développement permette de libérer des ressources. En effet, les investissements des États du sud, souvent accablés par les services d’une dette insoutenable et un très faible accès aux bénéfices d’exploitation des ressources naturelles de leur pays, ne leur permettront pas de financer eux-mêmes leurs services publics. Il est donc important pour la France de :

  • Mettre en place l’Aide publique au développement (APD) et la diriger vers les secteurs sociaux des pays les plus pauvres. L’APD devrait faire l’objet d’un engagement budgétaire pluriannuel dans la prochaine loi de programmation triennale des finances publiques afin de concrétiser les engagements européens et internationaux de la France en matière d’APD pour atteindre 0,7 % du Revenu national brut (RNB ) en 2015. La France devrait assurer une répartition plus transparente et plus efficace des ressources de concert avec les pays bénéficiaires et avec d’autres donateurs afin de répondre aux exigences liées à l’efficacité de l’aide énoncées dans la Déclaration de Paris. Le pays doit fournir des subventions de manière prioritaire, notamment en ce qui concerne le soutien aux secteurs sociaux, une ressource de plus en plus importante et systématique pour des prêts qui peuvent conduire à une crise de ré-endettement dont la bulle spéculative naissante constitue un premier signe.
  • Mettre en oeuvre un mécanisme de redistribution de la richesse sous la forme de taxes sur les transactions financières. Ces taxes permettraient de libérer des ressources prévisibles complémentaires du financement public traditionnel pour lutter contre les inégalités et assurer la réalisation des OMD, l’adaptation au changement climatique et la préservation des biens publics mondiaux. Il s’agirait, dans une première étape, d’appliquer une taxe sur les transactions interbancaires d’échange qui inclurait les devises européennes (euro et livre sterling) partout dans le monde. Aujourd’hui, la viabilité technique d’une telle taxe est parfaitement démontrée. À court terme, un impôt européen est politiquement plus viable que les taxes mondiales sur toutes les transactions financières ; ces dernières pourraient être abordées dans une seconde étape. Il conviendrait de proposer l’assignation thématique et institutionnelle du produit de cette taxe à l’ONU, car cette organisation est la seule qui a une légitimité suffisante pour décider du financement des nécessités internationales prioritaires.
  • Annuler toutes les dettes illégitimes. Les pays du Sud doivent pouvoir investir pour promouvoir le développement social et économique de leurs habitants. Malheureusement, un grand nombre de pays pauvres sont toujours très endettés. Dans certains cas, les prêts ont été accordés il y a longtemps sans une véritable responsabilité de la part des créanciers et avec peu ou pas d’impact positif réel sur ceux qui étaient censés en être les bénéficiaires. Ces dettes sont illégitimes. Dans certains cas, parce que l’emprunt a été contracté par un régime despotique qui a volé l’argent pour augmenter ses capacités militaires ou pour opprimer la population (ce que l’on appelle la « dette odieuse »). Dans d’autres, parce que l’emprunt a été contracté pour réaliser des projets de développement très mal conçus ou contaminés par la corruption qui ont échoué ou qui n’ont jamais vu le jour. Il est essentiel de procéder à une réforme en profondeur des règles du jeu afin d’éviter des crises récurrentes provoquées par une dette insoutenable et illégitime. Nous pensons qu’aujourd’hui plus que jamais il est nécessaire d’établir un nouveau cadre de dette dans lequel les créanciers et les débiteurs arrivent à un accord commun qui mette l’accent sur la responsabilité mutuelle des deux parties. Ceci implique le respect des principes de transparence et de responsabilité. En cas de problèmes, les différends devraient être réglés par le biais de procédures justes et transparentes, fondées sur le partage des responsabilités entre créanciers et débiteurs. Par ailleurs, de nombreuses banques du Nord sont des véritables paradis pour les fonds volés par des dictateurs corrompus. Cette richesse illégitime et les biens qu’elle a permis d’acquérir doivent retourner dans le pays d’où ils proviennent.
  • Renforcer la transparence des entreprises en matière fiscale, sociale et environnementale. L’accomplissement des OMD, et principalement de l’objectif numéro 8, exige une plus grande transparence de la part des entreprises, notamment des compagnies multinationales. Cela présuppose aussi que les États soient dotés de dispositifs d’échange d’informations fiscales plus systématiques et plus efficaces. Dans ce sens, la France et l’Union européenne devraient promouvoir un cadre juridique approprié pour forcer les entreprises à rendre compte de l’impact que leurs activités exercent sur le développement. Cela devrait inclure un rapport complet de la répercussion sociale et environnementale dans chaque pays dans lequel ces compagnies exercent leurs activités conformément aux normes internationales de l’IASB (International Accounting Standards Board) et à la directive européenne sur l’obligation de transparence. Ce cadre devrait également faciliter l’échange automatique d’informations fiscales aux niveaux européen et international. Dans une première phase, les pays les plus pauvres ne seraient pas directement touchés par de telles mesures étant donné que leur application serait progressive, d’abord en Europe et plus tard dans les pays de l’OCDE, en contribuant ainsi à l’APD fournie par ces pays. Les ressources obtenues par ce biais pourraient renforcer les capacités des administrations fiscales des pays du Sud. Ainsi, ces pays pourraient améliorer le recouvrement d’impôts et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale qui actuellement sont en train de miner leurs économies.

Garantir la participation de tous au développement

La crise offre une occasion unique de repenser les politiques et les stratégies pour la croissance et le développement étant donné qu’elle assigne aux personnes - à commencer par les secteurs les plus pauvres - un rôle central dans le processus de développement.

Les OMD ne peuvent être atteints que s’ils se recentrent sur les besoins les plus urgents des personnes et, en particulier, des secteurs les plus pauvres, en établissant une véritable égalité entre les hommes et les femmes et en respectant le principe fondamental qui soutient que le bien-être et l’amélioration de la qualité de vie sont des valeurs interdépendantes.

Les citoyens et la société civile, ainsi que les collectivités locales, les parlements et les entreprises, ont un rôle vital à jouer dans ce changement de perspective qui consiste à construire une nouvelle solidarité fondée sur le niveau local et impliquant non seulement chaque pays mais la relation entre les différentes nations. Pour ce faire, nous proposons :

  • Incorporer systématiquement la société civile et les populations vivant dans la pauvreté à l’élaboration des politiques publiques. Nous demandons au Gouvernement français que les politiques publiques, locales et nationales, élaborées dans la perspective de la réalisation des OMD, incorporent systématiquement les sociétés civiles dans toute leur diversité. En particulier, ces politiques doivent assurer la participation des organisations représentant les personnes vivant dans la pauvreté et l’exclusion sociale.
  • Promouvoir la participation des gouvernements locaux dans la mise en œuvre d’un partenariat mondial. Les administrations régionales réunies au Sommet mondial de Cités et Gouvernements locaux unis, tenu à Canton en novembre 2009, se sont engagées à l’unanimité à promouvoir l’accomplissement du 9e OMD par les gouvernements locaux. Ces gouvernements régionaux et leurs représentants devraient participer à l’élaboration de politiques publiques pertinentes. Sur la scène internationale, il faut que la France reconnaisse que les gouvernements régionaux ont un rôle important à jouer en tant qu’acteurs du développement et qu’elle encourage des actions décentralisées et des investissements gérés localement.
  • Promouvoir le contrôle des engagements des gouvernements par le parlement. Comme principe général, un parlement devrait recevoir une information complète et des données solides permettant à ses membres d’évaluer et de surveiller les engagements de son gouvernement pour atteindre les OMD. La France, en particulier, devrait veiller à ce que son Parlement surveille les politiques de coopération pour le développement comme un moyen de garantir qu’elles soient compatibles avec les objectifs de développement et avec la lutte contre la pauvreté.

 

[1] OMD 2015 : Il est encore temps d’agir. Disponible en français sur : <www.ODM2015.fr>.

[2] OIT, "Le coût de la coaction" Genève, 2009. Disponible.

[3] ONU, "La moitié du patrimoine mondial est détenu par 2% de la population". Disponible en français sur le site : <www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=13315&Cr=UNU&Cr1>.

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Sans aide, pas de développement

Publication_year: 
2010
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Les difficultés de développement se sont aggravées en raison de la crise financière internationale. L’impact sur les pays donateurs a déterminé une diminution du volume de l’aide publique et des investissements directs, et a donné lieu à des retraits massifs de capitaux de la part des investisseurs étrangers. Le pays doit prendre des mesures pour contrôler les mouvements de capitaux et promouvoir les investissements étrangers à son avantage. Le respect des droits humains est un impératif du développement et doit devenir une fin en soi.

Social Watch Bénin

Les difficultés de développement se sont aggravées en raison de la crise financière internationale. L’impact sur les pays donateurs a déterminé une diminution du volume de l’aide publique et des investissements directs, et a donné lieu à des retraits massifs de capitaux de la part des investisseurs étrangers. Le pays doit prendre des mesures pour contrôler les mouvements de capitaux et promouvoir les investissements étrangers à son avantage. Le respect des droits humains est un impératif du développement et doit devenir une fin en soi.

Les organisations de la société civile qui composent Social Watch (SW) Bénin et les autorités du Gouvernement[1] sont radicalement opposés à un système économique et financier prédateur et inégal. On estime que les perturbations des marchés financiers internationaux exigent une surveillance plus efficace au niveau mondial et l’application de mesures préventives pour protéger l’économie mondiale.

Le Fonds monétaire international (FMI), qui garantit la surveillance de la stabilité de l’échange de devises, a fonctionné de façon non équitable et au détriment des économies les plus pauvres. Comme tant d’autres pays africains, le Bénin a beaucoup souffert du dysfonctionnement de cette institution financière. Le rééquilibrage des voix et du pouvoir de décision des pays les plus pauvres contribuera à atténuer l’inégalité qui caractérise le fonctionnement des institutions de Bretton Woods et permettra désormais de sanctionner les pays qui provoquent les déséquilibres et les crises.

Le principe « un dollar, un vote » pour la prise de décision au sein de la Banque mondiale et du FMI, est antidémocratique[2]. Les citoyens du Bénin recommandent fermement que la communauté internationale opte pour une norme plus démocratique basée sur la formule « un pays, une voix » permettant ainsi à la société civile de s’engager activement.

Le scepticisme de SW Bénin concernant les recommandations et les engagements (minimaux) assumés lors du sommet du G-20 à Pittsburgh relatifs à la réforme de l’architecture financière mondiale en septembre 2009 est dû au manque de courage pour affronter les causes responsables de la crise financière. SW Bénin exige l’humanisation de l’architecture financière internationale et une plus stricte supervision citoyenne des institutions financières internationales.

Le financement pour le développement

En 2009 et 2010, la crise financière mondiale a diminué les remises de fonds et les Investissements directs étrangers (IDE) au Bénin. Aujourd’hui, « le poids des investissements directs étrangers reste faible. Les IDE, qui maintiennent une évolution irrégulière au cours de ces dernières années, ont seulement permis de mobiliser, en moyenne, environ 30 milliards de francs CFA (USD 60 millions) par an qui ont profité principalement à l’industrie. À court et moyen termes, les effets de la crise dans ce domaine n’affecteront que faiblement la population »[3].

D’autre part, déjà avant la crise, les IDE n’ont pas bénéficié à l’économie béninoise en raison de retraits massifs et systématiques des capitaux et des gains réalisés par certains investisseurs étrangers qui ont envoyé ces fonds à leur société mère ou à leurs pays d’origine. Il y a des investisseurs qui ne déposent  ni dans la Banque centrale ni dans les banques locales. Par ailleurs, il existe des exonérations qui élargissent les avantages d’exemption fiscale sur les revenus des opérateurs économiques. Cela est assez révélateur de la relation trompeuse du Bénin avec les investisseurs étrangers car le pays ne reçoit aucun bénéfice concret. Le Bénin doit adopter des mesures de restriction (par exemple, le contrôle des mouvements de capitaux) afin de pouvoir tirer profit des investissements étrangers.

L’impact de la dette extérieure

Bien que la dette extérieure du pays soit bien en dessous de la norme dans l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), « le niveau d’endettement reste un fardeau qui empêche le développement de l’économie nationale »[4]. La dette extérieure est passée de USD 539 millions  en 2006 à USD 846 millions en 2008. Cette situation est aggravée par l’augmentation de la dette intérieure, qui était d’environ USD 7 millions en 2005 et de USD 608 millions en 2008. Le service de la dette publique a atteint USD 91 millions en 2008[5].

La baisse de la dette extérieure en 2006 est principalement due à des remises de dettes qui ont eu lieu dans le cadre de l’Initiative pour les Pays pauvres très endettés (IPPTE) et de l’Initiative pour l’allégement de la dette multilatérale (IADM). En effet, l’IADM a permis au Bénin d’obtenir un allégement de sa dette multilatérale d’environ USD 1,1 milliard, étalé sur une période de 50 ans à partir de 2006.

Les ressources IPPTE ont été destinées à quatre secteurs prioritaires : la santé, l’accès à l’eau potable, l’éducation et la solution du problème de l’isolement rural. Dans un rapport sur le profil social national, édition 2005, appelée  "La IPPME et la réduction de la pauvreté", l’Observatoire du changement social souligne que la contribution des ressources de secours est encore faible par rapport aux besoins de financement des secteurs sociaux. Ces ressources représentent moins de 20 % du budget annuel des quatre secteurs prioritaires étudiés et seulement 2 % du budget général de l’État.

L’aide étrangère

L’aide publique pour le développement que reçoit le Bénin consiste essentiellement en un soutien budgétaire. Les pourcentages des ressources extérieures mobilisées pour couvrir le déficit budgétaire de l’État en 2005, 2006, 2007 et 2008 représentent respectivement 12 %, 13 %, 15 % et 16 % des recettes propres du pays[6]. En 2009 il a été impossible de mobiliser 27 % de l’aide budgétaire prévu.

La prévision de ressources extérieures est passée de USD 661 millions en 2009 à USD 507 millions en 2010, une baisse due principalement à la crise financière qui touche la majorité des pays donateurs et les organismes de financement concernés ou au délai relativement long qui s’est écoulé jusqu’à l’entrée en vigueur des accords de financement. Les aides budgétaires estimées, qui consistent principalement en un soutien indirect du FMI au budget, ont subi une forte baisse (57,5 %) en 2010[7].

D’autre part, jusqu’au 30 juin 2009, les ressources extérieures mobilisées avaient atteint USD 150 millions pour une prévision annuelle de USD 645 millions, c’est-à-dire, un taux de réalisation de seulement 23,2 % à mi-chemin de la gestion[8].

Le Bénin peut-il financer son propre développement ?

Les enjeux liés au développement du Bénin sont de telle envergure qu’il est impossible d’envisager un processus autarcique : « la réalisation des OMD risque d’induire une augmentation significative des dépenses publiques. Ainsi, au cours de la période 2007-2015, les besoins du Bénin ont été estimés à USD 11,5 milliards. Pour la réalisation des OMD, sur les USD 758 millions nécessaires en 2007, les dépenses atteindraient environ USD 1,92 milliard en 2015, ce qui correspond à une moyenne annuelle de USD 1,27 milliard »[9].

Pour réaliser les OMD il est essentiel de mobiliser de plus en plus de ressources, qu’elles soient extérieures ou intérieures. L’engagement du Gouvernement ne sera possible que si le secteur privé et la société civile sont étroitement associés dans l’effort visant à mobiliser et à gérer correctement les ressources.

D’autre part, la situation des finances publiques est globalement déficitaire. Le budget général de l’État, gestion 2010, prévoit un déficit global de 7,2 % du PIB, avec un déficit de la balance budgétaire de 2 % du PIB, ce qui veut dire que le Bénin ne serait pas en mesure de respecter le critère budgétaire du Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité, auquel adhèrent les États membres de l’UEMAO. Dans ce contexte, le Bénin ne pourra pas financer son développement sans aide étrangère.

Les questions de genre et le financement du développement

Le Bénin a élaboré son document de Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté (SCRP) 2007-2009[10] en incorporant pour la première fois les questions de genre dans les différents sujets traités. L’inclusion des questions de genre vise, d’une part, à corriger les lacunes apparentes dans le premier document de Stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) 2003-2005[11] et, d’autre part, à assurer la durabilité des résultats attendus par le document SCRP actuel. Ainsi, toutes les actions proposées, depuis la préparation des programmes sectoriels, ont l’ambition de satisfaire les besoins spécifiques des hommes et des femmes.

Une expérience innovatrice visant à inclure l’égalité des sexes dans la SCRP de Bénin est encadrée par la coopération danoise et suisse, soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement à travers le Programme de soutien pour le renforcement de l’étude sur le genre dans les Politiques et les stratégies de croissance pour réduire la Pauvreté (PSREGP/ SCRP). Grâce à ce programme, la perspective de genre est clairement exprimée dans le financement pour le développement du Bénin. Le programme est mis en œuvre par le ministère de la Famille et par d’autres acteurs nationaux avec le soutien technique et financier des alliances pour le développement à travers un financement conjoint cherchant l’alignement, l’harmonisation et l’appropriation dans l’esprit de la Déclaration de Paris. Toutes les actions proposées priorisent la synergie entre tous les acteurs concernés.

Quelques résultats obtenus :

  • L’inscription de la section de genre dans les Révisions annuelles et conjointes de la SCRP dont le mémorandum a été extrait de la synthèse des points de mise en œuvre des actions de genre sectorielles et de leurs progrès.
  • Processus d’élaboration de la Politique nationale de promotion du genre en cours, réalisé avec le soutien des Alliances techniques et financières (ATF) et du Gouvernement, et basé sur l’initiative inscrite dans les PSREGP/ SCRP .
  • La réalisation de l’Étude nationale sur la violence contre les femmes, avec le financement conjoint des ATF.
  • Dans la continuité de l’aide extérieure pour assurer des soins de santé adéquats pour la mère et l’enfant, le Gouvernement béninois a renforcé la mise en œuvre de la gratuité de la césarienne et des soins médicaux pour les enfants jusqu’à l’âge de 5 ans[12].

Le rôle de la société civile

Le rôle des organisations de la société civile consiste essentiellement à essayer d’éduquer et d’informer le public, à renforcer la capacité de gestion et d’organisation, à assurer le relais et l’intermédiation, à participer au dialogue et à fournir des services à la population. Ces organisations contribuent ainsi au développement dans tous les secteurs de la vie publique, y compris l’éducation, la santé, l’eau et l’assainissement, l’agriculture, l’environnement, les services financiers, la promotion et la défense des droits économiques, sociaux et culturels, l’émancipation des femmes, la promotion de la bonne gouvernance, la reddition de comptes, la lecture et l’analyse des budgets et le suivi des politiques de développement.

Le domaine le plus important pour les organisations béninoises de la société civile est le respect des droits humains, notamment en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels. Il faut aller au-delà des OMD et s’attaquer à la vulnérabilité de la population concernant les violations de leurs droits. La mise en exergue de l’importance fondamentale des droits humains est un impératif pour tous les modèles de développement ; chaque aspect particulier de ces droits doit devenir un objectif en lui- même.

[1] « Les perturbations des marchés financiers et bancaires induisent en effet des conséquences économiques qui anéantiront les efforts de développement des pays pauvres. Leur marge de manœuvre en matière de gestion de la politique économique pourrait se réduire, en raison de la diminution attendue des ressources pour le financement des petites et moyennes entreprises, de la réduction des crédits à l’économie, de la baisse probable des cours des matières premières ainsi que de la réduction prévisible de l’aide publique au développement et des flux d’investissements directs étrangers ». (extrait de la lettre du Président du Bénin Boni Yayi au Président français Nicolas Sarkozy, 28 octobre 2008). Disponible en français sur : <www.afrik.com/article15550.html>.

[2] Les États-Unis détiennent 17,35 % des voix, leur donnant le droit de veto, car pour modifier la Charte du FMI et de la Banque mondiale, 85 % des voix sont nécessaires. En revanche, 22 pays africains partagent 1,17 % des voix.

[3] Commission nationale de gestion de l’impact de la crise financière et économique internationale sur le développement économique et social du Bénin, "Impact de la crise financière et économique mondiale sur le développement économique et social de Bénin" (mai 2009).

[4] Ministère de l’Économie, prévision, développement et évaluation de l’action publique, Stratégie nationale pour la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, (2007), p. 35. Disponible en français sur : <www.undp.org.bj/docs/omd/plaidoyer_omd.pdf>.

[5] Assemblée Nationale, "Loi des finances", gestion 2010.

[6] Assemblée Générale, "Loi de finances", gestions 2005, 2006, 2007, 2008 ; Commission nationale de gestion de l’impact de la crise financière et économique internationale sur le développement économique et social du Bénin, op. cit., p. 73.

[7] SW Bénin, Document d’analyse et rapport de la loi de finances, gestion 2010, p. 19.

[8] Ibid.

[9]Ministère de l’Économie, prévision, développement et évaluation de l’action publique, p. 13.

[10] Disponible en français.

[11] Commission nationale pour le développement et la lutte contre la pauvreté, Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté en Bénin 2003 - 2005, (décembre 2002). Disponible en français.

[12] SW Bénin, Rapport alternatif 2009 des organisations de la société civile pour les Objectifs du millénaire pour le développement au Bénin, p. 57.

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Sans justice fiscale il n’y a pas de développement durable

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2010
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Le Chili présente une des plus grandes inégalités en matière de distribution des revenus au niveau mondial et dépend de l’exportation de matières premières, ce qui laisse le pays livré à la merci des fluctuations des marchés internationaux. Cependant, la seule stratégie de développement du Gouvernement est celle de faciliter les conditions pour l’expansion du capital et de l’investissement pour l’exploitation des ressources naturelles y compris les incitations fiscales pour les sociétés minières privées, dans un système fiscal régressif. Un modèle permettant une distribution de la richesse plus équitable exige, avant tout, une profonde modification de ce système fiscal injuste.

Centro de Estudios Nacionales de Desarrollo Alternativo (CENDA)
Hugo Fazio

Le Chili présente une des plus grandes inégalités en matière de distribution des revenus au niveau mondial et dépend de l’exportation de matières premières, ce qui laisse le pays livré à la merci des fluctuations des marchés internationaux.  Cependant, la seule stratégie de développement du Gouvernement est celle de faciliter les conditions pour l’expansion du capital et de l’investissement pour l’exploitation des ressources naturelles y compris les incitations fiscales pour les sociétés minières privées, dans un système fiscal régressif. Un modèle permettant une distribution de la richesse plus équitable exige, avant tout, une profonde modification de ce système fiscal injuste.

L’économie du Chili a été frappée par des distorsions de toutes sortes, en partie parce que les capitaux financiers sont autorisés à circuler librement.  L’entrée ou la sortie des capitaux  a de fortes répercussions sur l’activité économique, la balance des paiements et les budgets qui,  sous cette modalité de gestion, sont déterminés par les va-et-vient du marché et non pas par les stratégies et les politiques de développement. Cependant, pendant ces dernières années, le secteur financier du Chili a été moins attrayant  pour les investisseurs étrangers que celui d’autres pays de la région du fait de la réduction des taux d’intérêts et de la rentabilité.

Le pays n’a pas de politique de financement pour le développement proprement dite ; il a plutôt une série de mesures visant à atteindre des objectifs spécifiques, tels que le paiement des bénéfices de la sécurité sociale, mais cela reste toujours insuffisant. 

Le Chili est l’un des 20 pays ayant la plus grande inégalité dans la distribution des revenus. Il existe un chômage structurel et les petites entreprises souffrent les conséquences de l’ouverture de l’économie, aggravée pendant les dernières années par une augmentation de la valeur de la monnaie pour le commerce extérieur. Les taux de pauvreté sont bien plus élevés que ceux signalés par les statistiques officielles ; cela peut se vérifier dans des travaux publiés par le ministre de l’Économie actuel, Felipe Larraín[1]. Par conséquent, il est nécessaire d’avoir une stratégie de développement économique et social effective, avec un financement adéquat. 

Haute dépendance des marchés               

Avant tout, le Chili est un pays exportateur de matières premières. Suivant les chiffres des plus grandes entreprises d’exportation de 2009, on peut vérifier une fois de plus que les ventes à l’étranger concernent notamment des matières premières ou des produits à faible valeur ajoutée. Bien que les destinations des exportations augmentent ainsi que les entreprises dédiées à cette activité, les produits sont essentiellement les mêmes, augmentant ou diminuant leur degré de participation suivant la variation des prix des marchés internationaux. Le Chili a signé de nombreux accords commerciaux mais cela n’a pas changé cette réalité.  En 2009 les exportations du secteur minier ont représenté 58,1 %, le cuivre représentant 52,4 % du total.  Il s’agit d’une structure clairement déformée qu’il est nécessaire de modifier[2].

Il est donc évident  que le Gouvernement devra se pencher sur le cuivre pour obtenir des ressources pour le développement. Pour ce faire, il s'avère nécessaire d'appliquer des politiques dont la priorité est l'intérêt national. Depuis 2006, avec la seule exception de l’année 2009, le prix du cuivre sur les marchés internationaux a été extrêmement favorable et on espère que cette tendance continuera en 2010.

Les incitations fiscales

Qui sont les récepteurs directs de ces énormes revenus ? Bien entendu, les sociétés d’exportation, notamment privées et étrangères, qui contrôlent plus de 70 % de l’extraction du cuivre.  Le reste est fourni par l’entreprise d’État, Codelco. Les prix élevés de ce métal ces dernières années représentent de gros bénéfices pour ces consortiums privés. 

Cependant, bien que ces sociétés exploitent des gisements appartenant aux chiliens, l’impôt sur les revenus qu’elles paient est extrêmement réduit, 4 % environ, chiffre établi d'un commun accord avec les consortiums privés. De plus, pendant des années, l´ invariabilité des taxes a été accordée, ce qui signifie que le Gouvernement a renoncé à ses droits souverains.

En mai 2010, le Gouvernement australien a annoncé la prochaine entrée en vigueur d’un impôt de 40 % sur les bénéfices pour les entreprises exploitant des ressources naturelles en Australie.  Marius Kloppers, directeur exécutif de BHP Billiton – la société qui exploite le plus grand gisement de cuivre mondial au Chili – a dit que si cette mesure était mise en place, le taux effectif sur les bénéfices de ses opérations en Australie augmenterait de 43 % à près de 57 % en 2013. Ce taux est trois fois plus élevé que celui appliqué au Chili[3].

Une fois de plus, il semble urgent de réussir à ce que la rentabilité excessive obtenue par les consortiums cuprifères privés reste dans le pays. Ce critère a été utilisé pour estimer le paiement net aux transnationales américaines lors de la nationalisation du cuivre pendant le gouvernement de l’Unité Populaire, connu comme « doctrine
Allende » Une mesure de ce genre rapporterait d’énormes ressources pour le pays.

L’utilisation des ressources

Le prix élevé du cuivre sur les marchés internationaux signifie, en même temps, une augmentation des revenus fiscaux du secteur[4] et l’affectation de ces ressources en dit long sur la situation du pays. Les fonds perçus jusqu’au niveau estimé du cours du cuivre, calculé à partir de son prix moyen d’ici dix ans, sont destinés aux dépenses publiques.   Les taxes sur les revenus ayant dépassé ce niveau ont donné naissance à un excédent fiscal placé en actifs financiers à l’étranger. Pendant l’administration de Michelle Bachelet ces fonds ont dépassé USD 20 milliards et ont été utilisés exclusivement en 2009 pour financer le déficit fiscal. Ce déficit est dû, d’une part, à l'augmentation des dépenses publiques visant à contrecarrer la récession qui a atteint l’économie du Chili vers mi-2008, et d’autre part, à la diminution des revenus suite à la chute des niveaux de l’activité économique[5].

En mars 2010, les fonds souverains du pays placés à l’étranger atteignaient USD 14,5 milliards. De ce total, USD 3,4 milliards étaient spécifiquement destinés au Fonds de réserve pour les retraites.   Le reste, c’est-à-dire USD 11,1 milliards, étaient placés dans le Fonds de stabilisation économique et social (FEES selon son sigle en espagnol) prêts à être utilisés. Le Chili a été frappé par un tremblement de terre et par un raz de marée vers la fin du mois de février et dès lors le pays fait face à une grave situation d’urgence mais, jusqu’à présent, les fonds n’ont pas été utilisés bien qu’ils dépassent USD 8,4 milliards (pour quatre ans) somme estimée par le Gouvernement pour réparer les dommages provoqués par le séisme. Si l’on prend comme référence le calcul officiel des nécessités publiques, les ressources existantes dans le FEES seraient suffisantes[6].

Cette conclusion est encore plus évidente si l’on considère que les ressources ont été cumulées en ligne, grâce à la Loi Réservée du Cuivre, (bien que 10 % des ventes réalisées par Codelco sont destinées à l’achat d’armements) et au surplus que le prix élevé du cuivre a généré,  supérieur au niveau des dépenses allouées dans la loi du budget annuel[7].  Si le cours du cuivre se maintient à un niveau élevé, ceci produira des revenus de plusieurs milliards de dollars n’ayant pas été pris en compte lors de l’élaboration du budget 2010.

Un système fiscal régressif

Quel est le chemin choisi par le Gouvernement de Sebastián Piñera ? On a encouragé un paiement  « volontaire » sur les taxes réduites payées par les sociétés cuprifères déjà favorisées par le mécanisme d’invariabilité fiscale pendant deux ans, suivant leur résultat opérationnel. Ce plan octroie un prix aux entreprises qui y ont adhéré  en prolongeant l’invariabilité jusqu’à l’année 2025 ce qui signifie prolonger dans le temps la violation de la souveraineté. 

Bien entendu, de cette manière on ne finance pas le développement : au contraire, on ne fait que continuer le pillage des ressources naturelles étant donné que les entreprises étrangères envoient dans leurs pays un pourcentage élevé de leurs bénéfices. À son tour, le groupe économique national  impliqué dans le secteur minier cuprifère (Luksic) utilise une partie de ses revenus extras pour se développer au niveau international[8].

C’est pour cette raison que le Chili a besoin de réformer profondément son système fiscal régressif basé notamment sur des impôts indirects qui, comme dans le cas de la TVA (la principale source des revenus fiscaux), sont payés de manière indistincte par toute la population. Dans le but de créer des conditions appropriées pour financer une politique nationale de développement, cette réforme devrait viser à  retenir dans le pays les bénéfices excessifs des grandes entreprises cuprifères (mettant fin à l’invariabilité fiscale) et à réorganiser la fiscalité des actionnaires des grandes entreprises de sorte à éviter les évasions indirectes permises par le système sous forme de crédits accordés lors du paiement d’impôts sur les bénéfices et de réductions sur les impôts personnels.

La dimension du problème et la réponse du Gouvernement

Les chiffres de la balance des paiements montrent l’ampleur des ressources envoyées chaque année à l’étranger. Depuis 2004, USD 93,9 milliards ont été envoyés à l’étranger au titre de bénéfices des Investissements directs étrangers (IDE). Naturellement, les montants annuels sont variables en fonction des prix du marché international pour les matières premières exportées. Ces montants ont atteint des niveaux sans précédents pendant 2006 et 2007 lorsque le cours du cuivre a augmenté considérablement.  En 2007, le montant envoyé à l’étranger a atteint un chiffre record de USD 23 milliards. Tout cela montre que le Chili a le potentiel pour financer une politique nationale de développement, pourvu qu’elle soit étroitement liée à des politiques sociales adéquates capables de produire des transformations de fond.

Cependant, Sebastián Piñera a donné une orientation différente à son Gouvernement.  Laurence Golborne, ministre des Mines, a manifesté que le principal souci de l'administration est d’augmenter l’investissement dans le secteur, même si cela signifie affaiblir les contrôles sur les conditions d'exploitation des ressources et conserver les taxes à un niveau faible. « Nous faisons face, dit-il, à un enjeu gigantesque.  Le plan d’investissements pour l’activité minière est de USD 45 milliards. Aujourd’hui, la production de cuivre a atteint 5,4 millions de tonnes et en 2020 nous allons produire 7,5 millions de tonnes.  C’est-à-dire une augmentation de la production de 50 % »[9]. Le problème c’est que si le cadre légal ne change pas, cela ne signifierait qu’une augmentation du pillage à une plus grande échelle des ressources nationales de la part du secteur privé. 

Le ministre Golborne ne prévoit pas la même croissance de l’investissement dans le secteur minier provenant de la société minière de l’État. D’après le Gouvernement, face à l’alternative de la capitalisation d’une partie des excédents de Codelco pour financer ses plans d’investissement, la première priorité est la reconstruction et cette société peut obtenir des ressources soit par la voie de l’endettement, soit par la vente d’actifs superflus. Le Chili a besoin d’une politique nationale du cuivre, notamment à travers Codelco, qui doit assumer son rôle central dans une stratégie nationale de développement adéquate.

[1] Felipe Larraín, "Cuatro millones de pobres. Actualizando la línea de pobreza." Disponible sur : <www.fundacionpobreza.cl/biblioteca-archivos/cuatro_millones_de_pobres.pdf>.

[2] Banque centrale, "Boletín mensual, abril de 2010". Disponible sur : <www.bcentral.cl/publicaciones/estadisticas/informacion-integrada/pdf/bm042010.pdf>.

[3] El Mercurio, citation du The Financial Times, 03 mai 2010.

[4] Direction des Budgets.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

[7]  Loi Réservée du Cuivre et direction des budgets.

[8] Voir : Hugo Fazio , "La crisis mundial modifica el mapa de la extrema riqueza", Cenda 2010.

[9] La Tercera, 8 mai 2010.

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Santé universelle: un but difficile à atteindre

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2010
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Le pays pourrait trouver de sérieuses difficultés pour étendre le droit à la santé à toute la population et plus particulièrement aux groupes les plus discriminés, entre autres les personnes vivant avec le VIH-SIDA. En plus des limitations imposées par l’Accord de libre échange avec les États-Unis pour l’achat de médicaments, le Costa Rica devra vaincre la résistance d’un milieu culturel conservateur pour légiférer en faveur des personnes non hétérosexuelles. Si on ne destinait pas de ressources à ces enjeux, le pays risquerait de ne pas respecter l’objectif de santé universelle.

Programa de Participación Ciudadana CEP-Alforja

Le pays pourrait trouver de sérieuses difficultés pour étendre le droit à la santé à toute la population et plus particulièrement aux groupes les plus discriminés, entre autres les personnes vivant avec le VIH-SIDA. En plus des limitations imposées par l’Accord de libre échange avec les États-Unis pour l’achat de médicaments, le Costa Rica devra vaincre la résistance d’un milieu culturel conservateur pour légiférer en faveur des personnes non hétérosexuelles. Si on ne destinait pas de ressources à ces enjeux, le pays risquerait de ne pas respecter l’objectif de santé universelle.

La ratification au Costa Rica, en octobre 2007, de l’Accord de libre échange entre la République Dominicaine, l’Amérique Centrale et les États-Unis  (TLC-EUCA, selon le sigle en espagnol), suppose de nouveaux enjeux sociaux en matière de santé. L’analyse juridique de ce document effectuée par d’importantes institutions de  défense des Droits de l´Homme[2] révèle que le TLC-EUCA empêchera l’État d’offrir un droit aussi élémentaire que celui de la santé. La mise en oeuvre de l’Accord, et tout spécialement du chapitre 15 relatif au Droit de la propriété intellectuelle, ne permettra pas que la couverture universelle de la santé soit économiquement durable, ni que la fourniture des médicaments pour tous ceux qui en ont besoin soit possible.

Un autre problème grave surgit du fait qu’au Costa Rica, pays pourtant jugé démocratique et égalitaire, les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle sont sournoises, discrètes et dissimulées par tout un système légal moraliste enserré dans de rigides structures religieuses et traditionnelles. La négligence du Gouvernement, en ne présentant pas – ou en le faisant trop tard - les rapports de situation, comme cela a été le cas du rapport à l’ONUSIDA sur la prévalence de VIH dans des populations à haut risque, a mis les organisations gays et lesbiennes et celles qui travaillent en relation avec le VIH dans une situation précaire, qui avance au rythme lent et bureaucratique de l’État, au détriment des droits fondamentaux de toutes ces populations.

La fourniture de médicaments

La Caja Costarricense de Seguro Social (Caisse costaricaine de Sécurité sociale, CCSS) fait parvenir à tous les centres médicaux du pays environ 11 médicaments antirétroviraux génériques différents. Au cours des six dernières années on a pu observer que les lots de ces médicaments destinés aux personnes vivant avec le VIH étaient nettement plus nombreux, mais simultanément de nouveaux médicaments ont été ajoutés à l’offre des services (moins nocifs, moins invasifs et avec moins d’effets secondaires), découverts grâce aux avancées scientifiques et pharmacologiques[3].

C’est précisément au sujet de l’incorporation des ces nouveaux médicaments, qui entrent peu à peu sur le marché, que l’État pourrait être confronté à de grandes difficultés et à des dépenses énormes. En ce sens, les conséquences que l’application de l’Accord pourrait avoir sont particulièrement préoccupantes en ce qui concerne les services d’expédition de médicaments en général et notamment au niveau des lots d’antirétroviraux destinés aux personnes vivant avec le VIH/SIDA.

L’incapacité de l’État à satisfaire la demande de médicaments s’aggravera pour plusieurs raisons, y compris : la rapide péremption des produits pharmaceutiques, le fait que les médicaments les plus onéreux soient ceux qui sont destinés à contrecarrer les maladies dégénératives (le cancer et les maladies cardiovasculaires, entre autres) affectant  spécialement les personnes âgées  et l’interdiction aux pays d’autoriser l’achat et la distribution de produits génériques, à moins d’avoir accordé cinq ans d’exclusivité sur le marché aux médicaments de marque.

Minorités démunies

Les efforts du pays dans le domaine de la santé materno-infantile et la prévention et le traitement du VIH-SIDA, deux des huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), sont entravés par la discrimination et l’exclusion de groupes de population importants qui luttent pour conserver leurs droits et pour promouvoir une nouvelle législation pour en ratifier d’autres. C’est le cas particulier des groupes gays, de lesbiennes, transsexuels, transgenres et bisexuels, dont les droits humains sont bafoués au Costa Rica.

C’est surtout vis-à-vis de ces groupes que les cibles concernant le VIH-SIDA et la santé sexuelle et reproductive deviennent plus délicats. Les avancées en matière de législation (qui restent encore à ratifier)  – ainsi que les affectations du budget correspondantes – se heurtent à un environnement culturel conservateur qui influe sur les prises de décisions politiques. Dans ce cadre, les contradictions de l’État costaricain sont visibles lorsqu’il s’agit de formuler et de mettre en marche des politiques publiques pour le développement, en ce qui concerne l’accomplissement des OMD tout spécialement, et plus précisément à l’heure de garantir l’accès aux services de santé ainsi que le traitement et la prévention du VIH-SIDA.

Le Costa Rica compte sur un large cadre juridique qui protège tous ses habitants et qui mentionne l’égalité dans l’Art. 33 de la Constitution. On y établit que « tous les citoyens sont égaux devant la loi » et qu’ « aucune discrimination ne pourra être faite à l’encontre de la dignité humaine ». Cependant, les droits des gays, des lesbiennes et des personnes vivant avec le VIH/SIDA, ne sont reflétés que dans la Loi Générale sur le SIDA (Nº. 7771), établissant dans l’Art. 48 que « quiconque applique, instaure ou pratique des mesures discriminatoires fondées sur la race, la nationalité, le sexe, l’âge, l’orientation politique, religieuse ou sexuelle, la position sociale, la situation économique, l’état civil, l’état de santé ou la maladie, sera condamné à une peine de vingt à soixante jours-amende ».

Cette disposition fixe une sanction d’une sévérité inférieure à d’autres qui sont appliquées à des délits sans rapport avec la discrimination des personnes. Ceci démontre d’une part l’état de vulnérabilité dans lequel se trouve la population gay/lesbienne et les personnes vivant avec le VIH/SIDA, et d’autre part la discrimination qui existe, même dans la seule loi qui les reconnaît sujets de droit.

Code Pénal

Étant donné que la législation permet que le « jugement de valeur » des juges intervienne sur la sentence, celle-ci est habituellement lourde de « préjugés moralistes et religieux », de sorte que tout conspire pour que la peine soit plus sévère si l’auteur d’un « délit » est un homosexuel ou une lesbienne. (Arts. 156, 161 et 167 du Code Pénal).

Code du Travail

Les discriminations sur le lieu de travail sont plus d’ordre social que légal ; le Code du travail ne contient aucune mention qui punisse ou censure explicitement les travailleurs et travailleuses en raison de leur orientation sexuelle, mais il n’y a pas dans les régimes d’emploi privé ni dans l’administration publique de mécanismes de procédure qui permette d’éviter ou d’éliminer la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Loi du Logement

On ne cesse de voir des cas où, d’une façon ou d’une autre, la population gay/lesbienne est clairement discriminée. Une de ces formes de discrimination est liée au contenu de la Loi sur le Programme du logement qui détermine que pour obtenir une maison financée par l’État il faut avoir un foyer traditionnel hétérosexuel, c’est-à-dire un mari, une femme, un concubin, une concubine, des enfants. Afin de protéger ces noyaux familiaux, l’accès des personnes non hétérosexuelles à ces logements sera limité et soumis à un financement en fidéicommis ou dans des conditions plus onéreuses. Ces dispositions financières quittent aux gays et aux lesbiennes la possibilité d’un financement bon marché et dans des conditions d’égalité avec le reste de la population.

Code de la Famille

L’absence de reconnaissance légale des couples de même sexe les empêche également de bénéficier, en tant qu’ayants droit, de la Sécurité sociale, de legs, de pensions de retraite, du statut de migrant, de procédures successorales, de la garantie de patrimoine, entre autres.

Autres lois et régulations

Les différences, l’invisibilisation et la franche discrimination, sont présentes dans de nombreux autres instruments juridiques au niveau national. Cette tendance est parfois déguisée dans les lois, mais elle est évidente dans les règlements administratifs ou opératifs de certaines institutions telles que la Caisse costaricaine de sécurité sociale, l’Institut national des assurances, le Patronat national de l’enfance, entre autres.

D’autre part, suite à une plainte du Centre de recherche et de promotion d’Amérique centrale sur les Droits humains (CIPAC)[4] portée devant le Défenseur du peuple, cet organisme a fait une enquête sur les politiques des cours d’éducation sexuelle du ministère de l’Éducation publique, où l’Église catholique exerce encore un énorme pouvoir et continue de s’ingérer. Le Défenseur s’est manifesté uniquement à propos de l’éducation visant la prévention du VIH-SIDA, mais on attend toujours la résolution concernant la question de l’hétéro-sexisme et le concept de la famille employé et promu par ces politiques.

Accès aux services de santé reproductive

Le Costa Rica affiche l’un des plus grands taux de prévalence de l’emploi de méthodes contraceptives d’Amérique latine et des Caraïbes : 81 femmes sur 100, âgées de 15 à 49 ans et vivant en couple, ont recours aux méthodes contraceptives. On pourrait croire au vu de cette donnée que l’objectif 5b des OMD est sur le point d’être atteint : « Obtenir pour 2015 l’accès universel à la santé reproductive ».

Or, le taux de grossesses non désirées est de 42 %, le nombre d’interruptions volontaires de grossesse est évalué à 27.000 et le taux d’accouchements parmi les femmes de 15 à 19 ans est de 71 pour 1 000[5].

L’International Planned Parenthood Federation/Región del Hemisferio Occidental (Fédération internationale du planning familial /Région de l’hémisphère occidental, IPPF/RHO) considère, d’après son classement, que  le Costa Rica se situe dans la moyenne quant au taux d’accouchements.

La CCSS, à laquelle s’adressent 80 % des utilisatrices de planning familial, offre seulement deux sortes de pilules contraceptives : Norgyl et parfois Ovral ou Primovlar. Ce sont des gestagènes oraux, de la première génération, combinés aux oestrogènes (étinyloestradiol) et aux progestagènes (norgestrel) à des doses très élevées, qui ne doivent plus être employés comme contraceptifs. On peut les utiliser pour la contraception d’urgence (méthode Yuspe). L’idéal serait d’utiliser les contraceptifs de troisième génération, qui agissent de la même façon que les progestagènes, mais qui ont beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients.

Au Costa Rica il n’existe pas de législation ou de politique publique spécifique qui interdise, encourage ou favorise la contraception d’urgence (CE), celle-ci ne faisant pas partie des services offerts par le système public de la Santé. Le Comité directeur de la CCSS a récemment désapprouvé son utilisation en se fondant sur des critères légaux et non pas médicaux.  On continue à agir vis-à-vis de la CE conformément à l’opinion non scientifique des groupes fondamentalistes qui influent fortement sur les décisions politiques en matière de santé sexuelle et reproductive.

Le préservatif féminin n’est pas encore disponible dans le pays. La CCSS semble disposée à  le procurer aux travailleuses sexuelles, mais rien  n’a encore été mis en œuvre pour cela. L’utilisation de cette méthode est très importante non seulement chez les travailleuses sexuelles mais aussi chez toutes les femmes sexuellement actives, car ce préservatif leur permet d’employer de façon autonome une méthode qui les protège aussi bien des grossesses non désirées que des maladies sexuellement transmissibles, entre lesquelles figurent le virus du papillome humain (VPH) et le VIH (Objectif 6 et cibles 6.1 et 6.2 des OMD).

Entre 1999 et 2009, l’utilisation du stérilet est passée de 6 % à 2 % chez les femmes vivant en couple et dans la tranche d’âge 15 - 49 ans[6]. Cela pourrait être lié au fait que cette méthode n’est pas disponible dans tous les centres de santé d’attention primaire du pays, appelés Équipements pour une attention intégrale en Santé (EBAIS).

L’absence d’une large gamme de méthodes contraceptives dans les  services publics de santé pourrait avoir une influence aussi sur la mortalité maternelle. Sur ces 25 décès maternels qui ont lieu en moyenne chaque année, beaucoup sont évitables, car ils sont associés à des causes obstétriques indirectes, à des conditions déjà présentes avant la grossesse et qui s’aggravent pendant celle-ci. En 2008, par exemple, 24 % des décès maternels se devaient à des maladies cardiovasculaires, selon les chiffres de l’Institut national de statistiques[7]. Les gestagènes oraux de dernière génération, le préservatif féminin et la CE sont une option dans ce cas.

Dans le cas particulier des adolescentes, 63,1 % des femmes ont eu leurs premiers rapports sexuels entre 15 et 20 ans, l’âge moyen étant de 17,1 ans. L’âge moyen du partenaire sexuel est de 28,2 ans, ce qui suppose un écart de 11 ans[8]. En ce qui concerne l’emploi de méthodes contraceptives lors du premier rapport sexuel, 56 % indiquent ne pas en avoir employé. Une enquête effectuée en 2009 parmi les élèves de « tercer ciclo, 7º,8º et 9º grado,» correspondant en gros au premier cycle de secondaire en France  (6e- 5e, 4e, 3e), avait inclus la question suivante : « Au cours de cette année scolaire, t’a-t-on appris en classe à utiliser un préservatif masculin ou féminin ? » Selon le ministère de la Santé, 30 % ont répondu affirmativement et 70 % négativement.

Conclusion

Bien qu’il existe des lois comme le Code de l’enfance et de l’adolescence (Loi 7739 de 1998) et des politiques comme celle du ministère de l’Éducation publique appelée « Politiques d’Éducation intégrale d’expression de la sexualité humaine » (2001), il n’y a pas de  programme établi d’éducation sexuelle intégrale dans les écoles et les collèges. Les multiples tentatives qui ont été entreprises dans ce domaine ont échoué devant l’opposition férue des groupes fondamentalistes qui, comme nous l’avons déjà signalé, exercent une forte influence sur la prise de décisions politiques concernant la santé sexuelle et la santé reproductive.

On peut déduire de tout ce qui précède que le pays doit s’efforcer encore plus pour atteindre l’objectif 5 des OMD, notamment les cibles 5 A et 5 B qui ont pour but, respectivement, de réduire la mortalité maternelle et d’obtenir l’accès universel à la santé reproductive.

 

[1] Article élaboré grâce aux apports de Francisco Madrigal Ballestero, Directeur administratif du Centro de Investigación y Promoción para América Central de Derechos Humanos (CIPAC) (Centre de recherche et de promotion des droits humains pour l’Amérique centrale) ; José Carvajal, Coordinateur de programmes de l’Asociación Demográfica Costarricense (Association démographique costaricaine) ; Ericka Rojas y Soledad Díaz, de l’Asociación Madreselva y Red de Control Ciudadano (Association Chèvrefeuille et réseau de contrôle citoyen), et à partir de l’étude Les OMD et la santé sexuelle et reproductive: Un coup d’oeil depuis le Costa Rica, de Family Care International (2009) ; et Mario Céspedes, Coordinateur du Programme de Participación Ciudadana (Partipation citoyenne) del CEP-Alforja.

[2] Université du Costa Rica, Roces Inconstitucionales del Tratado de Libre Comercio entre República Dominicana, Centroamérica y Estados Unidos (Frictions inconstitutionnelles du traité de libre-échange entre la République dominicaine, l’Amérique centrale et les États-Unis), Comisión Especial sobre roces constitucionales del TLC (Commission spéciale sur les frictions constitutionnelles du TLC) (2007).

[3] Données fournies par le Service de Pharmacothérapie de la CCSS, 2007.

[4] Organisation non gouvernementale dont le but est d’éliminer les inégalités sociales dérivées de l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle.

[5] Carbajal, José, Tasa de Partos entre mujeres de 15 a 19 años por Cantón 1995 y 2008 ("Taux d’accouchements chez les femmes de 15 à 19 ans par canton 1995 et 2008"), San José, 2008.

[6] Gómez, Cristian, Encuesta Nacional de Salud Reproductiva (Enquêtenationale sur la  santéreproductive). Asociación Demográfica Costarricense, 2009.

[7] Institut National de Statistiques et Recensement (INEC), Estadísticas Vitales 2008, "Cuadro 3.10. Defunciones maternas por grupo de edades, según causa de muerte, 2008" (Statistiques vitales 2008, "Tableau 3.10. Décès maternels par tranches d’âge, selon la cause du décès, 2008"). Disponible.

[8] Gómez, Cristian, op. cit.

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Stratégie de développement post-crise: « comme d’habitude »

Publication_year: 
2010
Summary: 
Le Gouvernement canadien a délibérément ignoré les leçons de la crise économique mondiale récente et a adopté une approche qui pourrait se résumer par l’expression « comme d’habitude ». Il s’est engagé envers un retour à l’idéologie dominante de ces deux dernières décennies - davantage de marché, moins de gouvernement – et il a refusé de mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires pour stabiliser l’économie et promouvoir le développement humain du pays et de ses partenaires économiques. La réduction du déficit est en train de se concrétiser par une majeure compression des dépenses sociales. Alors que la bourse et le Produit interne brut (PIB) se récupèrent il faut s’attendre à un nouveau recul des niveaux d’équité et du développement, autant au Canada qu’à l’étranger.

Zoe Horn, Women in Informal Employment : Globalizing and Organizing (WIEGO)
John Foster, North-South Institute
Armine Yalnizyan, Canadian Centre for Policy Alternatives

Le Gouvernement canadien a délibérément ignoré les leçons de la crise économique mondiale récente et a adopté une approche qui pourrait se résumer par l’expression « comme d’habitude ». Il s’est engagé envers un retour à l’idéologie dominante de ces deux dernières décennies - davantage de marché, moins de gouvernement – et il a refusé de mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires pour stabiliser l’économie et promouvoir le développement humain du pays et de ses partenaires économiques. La réduction du déficit est en train de se concrétiser par une majeure compression des dépenses sociales. Alors que la bourse et le Produit interne brut (PIB) se récupèrent il faut s’attendre à un nouveau recul des niveaux d’équité et du développement, autant au Canada qu’à l’étranger.

La récente crise de confiance envers le paradigme de développement du Consensus de Washington n’a pas empêché le Gouvernement canadien d’appliquer les mesures habituelles. Depuis 20 ans, le pays a mis en œuvre des politiques économiques qui consolident sa place parmi les « ploutocraties » mondiales dans lesquelles une petite minorité (entre 1 et 5 %)  extrêmement riche domine de façon croissante la gouvernance et les politiques de croissance économique. La coordination entre le Canada et d’autres gouvernements ayant la même idéologie a exacerbé les déséquilibres macroéconomiques, tant au niveau mondial que national, à travers des politiques d’intégration du commerce et des investissements, de protection de la propriété intellectuelle, de libéralisation financière, de développement d’instruments financiers de plus en plus complexes et de mesures fiscales qui favorisent l’élite. Les politiques de redistribution, telles que l’assurance-chômage, la création d’emplois et l’éradication de la pauvreté, ont reculé dans l’ordre de priorité du Gouvernement canadien. En dépit d’une crise mondiale sans précédent depuis des générations, le Gouvernement ne semble pas envisager de mettre en œuvre des politiques destinées à lutter contre l’accélération de l’instabilité économique au Canada et à l’étranger. Au lieu de cela, les autorités ont témérairement décidé de revenir dès que possible à l’idéologie dominante de ces deux dernières décennies : plus de marché, moins de gouvernement.

Pendant la crise, la priorité a été donnée au « sauvetage » du secteur financier du Canada au détriment des investissements des citoyens ordinaires. Le plan de relance proposé par le Premier ministre Stephen Harper en février 2009 a été de CAD 18 milliards de CAD (environ USD 17 milliards) pour la période 2009-2010, et il comprenait notamment des réductions fiscales pour les entreprises riches et rentables. Cependant, USD 186 milliards ont été injectés pour soutenir le secteur financier, presque sans conditions[1]. En outre, le Gouvernement n’a pas plaidé pour une plus grande régulation du secteur financier international mais au contraire s’est opposé aux propositions d’ajouter des nouveaux impôts internationaux dans le secteur, comme l’ont suggéré le Royaume-Uni et d’autres pays européens. La partialité du Canada concernant les « clubs sur invitation » du G-8 et du G-20, a déterminé que dans les discussions sur le financement du développement tenues aux Nations Unies tout au long de l’année 2008 et d’une grande partie de 2009, le Canada se soit manifesté systématiquement contre les initiatives tendant à avancer vers un Conseil mondial de coordination économique et contre d’autres réponses intégrales et globales pour faire face à la crise mondiale. En se justifiant par la nécessité urgente de réduire le déficit, le pays est en train de retourner rapidement à un modèle de capitalisme erroné qu’on pourrait caractériser par l’expression « comme d’habitude ». Cette position obsolète est en train de saper significativement les possibilités du Canada de se situer à la hauteur de ses engagements de développement, tant nationaux qu’internationaux.

Histoire du développement interne du Canada

Au niveau national, la lutte pour réduire la pauvreté, le chômage et l’inégalité a été sérieusement entravée par les réductions des dépenses publiques au cours de ces 25 dernières années. La fraction des dépenses dans le domaine de l’économie correspondant au Gouvernement fédéral a diminué de moitié entre le début des années 80 et la fin des années 90 (voir le tableau ci-dessous). À court terme, la récession a inversé sa tendance, mais les stratégies fiscales fédérales formées par les dépenses destinées à stimuler le marché à court terme sont maintenant remplacées par des budgets réduits dont l’aspect central est la gestion du déficit. La contribution des niveaux fédéraux du Gouvernement, qui donne le ton de la stratégie économique et permet aux niveaux inférieurs du Gouvernement d’offrir des niveaux de service plus ou moins équivalents, est déjà près des niveaux historiques les plus bas. Les budgets post-crise seront marqués par une augmentation des compressions des dépenses sociales, par de nouvelles attaques contre le mouvement syndical et les salaires réels et par un enthousiasme soutenu pour la privatisation.

 

La tendance à vouloir réduire la taille du Gouvernement a privé de ressources l’infrastructure sociale du Canada dans des secteurs comme la santé, l’éducation, le travail social, le logement, le soin des enfants, l’équité salariale, l’assurance-chômage, la lutte contre la pauvreté et le soutien aux communautés autochtones. Au Canada, depuis le milieu des années 90, les inégalités ont augmenté plus rapidement que dans la plupart des autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)[2]. En 1976, le revenu moyen pour 10 % de la population active formée par les ménages canadiens les plus riches était 14 fois plus élevé que pour 10 % des plus pauvres. En 2007, ils gagnaient 223 fois plus et, après impôts, on constate que depuis 1976 l’inégalité a augmenté de près de 50 %[3]. Bien que le Canada ait joui d’une période d’expansion économique rapide depuis le milieu des années 90 jusqu’au milieu des années 2000, la dernière décennie a été témoin d’une érosion accélérée de son secteur manufacturier, une source vitale d’emplois syndicalisés et bien rémunérés.

Avant la récession, plus de trois millions de Canadiens vivaient en dessous du seuil de pauvreté[4]. La stagnation des salaires et l’augmentation des dépenses ont contribué à la diminution de l’épargne et à la croissance démesurée de l’endettement personnel utilisé par beaucoup de gens pour maintenir leur niveau de vie. Le Canada a perdu plus de 485.000 emplois à temps plein depuis octobre 2008[5], et dans beaucoup de cas de façon permanente. Les réductions de personnel imminentes dans le secteur public vont encore éliminer des emplois bien rémunérés. Les rangs des travailleurs indépendants et des employés à temps partiel et temporaires ont grossi depuis le début de la crise, ce qui a accéléré la transition progressive vers des emplois moins rémunérés et moins sûrs. L’aide du Gouvernement aux revenus, qui a été drastiquement réduite pendant les années 90, n’a jamais été restaurée. En conséquence, moins de la moitié du million et demi de Canadiens au chômage reçoivent actuellement des allocations chômage. Les dettes des ménages ont atteint des niveaux sans précédent : au troisième trimestre de 2009 la dette moyenne des ménages était de CAD 1,45 pour chaque dollar de revenu disponible[6].

Les femmes canadiennes en tant que groupe étaient déjà plus pauvres et moins protégées économiquement que leurs homologues masculins avant la crise. Les femmes représentent 60 % des travailleurs au salaire minimum et environ 40 % des femmes employées travaillent dans des emplois précaires, souvent mal payés, avec une sécurité économique minimale ou nulle et sans bénéfice du type assurance retraite. Les femmes font encore face à des difficultés d’accès au travail et à des inégalités concernant les bénéfices de l’assurance-chômage : en 2008, 39 % des femmes au chômage et 45 % des hommes au chômage  ont reçu des bénéfices, c'est-à-dire, loin des chiffres de 83 % des femmes et 85 % des hommes de la fin des années 80[7]. En 2009, le Gouvernement fédéral a introduit des réductions permanentes de l’impôt sur le revenu personnel et corporatif de l’ordre de CAD 20 milliards (USD 19,6 milliards) pour les cinq prochaines années. Pendant ce temps, le Gouvernement a aboli les dispositions légales de rémunérations égalitaires, et les réductions des prestations de services publics - notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation - vont certainement provoquer une augmentation de la charge de travail non rémunéré et invisible dépendant majoritairement des femmes.

Sur la scène internationale, le Premier ministre Stephen Harper a déclaré qu’il « lutterait » pour la cause de la santé maternelle au sommet du G8 qui  s´est tenu au Canada en juin 2010. Toutefois, l’avortement et la contraception, deux droits fondamentaux de la femme, ne sont pas inclus dans le plan. Ils n’existent pas non plus de mesures pour améliorer l’accès aux soins à domicile pour les enfants, bien que les femmes canadiennes aient un des taux d’emploi le plus élevés au monde. Actuellement, l’UNICEF et l’OCDE placent le Canada au dernier rang parmi les pays industrialisés en matière de soutien aux familles[8]. Ces dernières années, le Forum économique mondial a également placé le Canada de plus en plus bas dans le classement pour ce qui est de l’égalité des sexes. En 2006, le pays occupait la 14e place sur un total de 115 pays dans le domaine de « l’indice d’écart entre les sexes » du Forum, tandis qu’en 2009 il était à la 25e place[9].

Histoire de l’évolution du Canada à l’étranger

Le Gouvernement canadien s’est manifesté en désaccord avec les réformes structurelles de la gouvernance économique mondiale, telles que l’augmentation des régulations, la hausse des impôts sur les transactions financières ou de change, et une demande croissante de responsabilité des institutions démocratiques. Le dernier budget a renforcé la libéralisation du commerce et des Investissements directs étrangers (IDE) en tant que principes fondamentaux des plans de développement du Canada. Au cours de la dernière décennie, le Canada est devenu un investisseur direct net à l’étranger, avec des IDE externes qui sont passés de USD 270 milliards à plus du double (USD 591 milliards)[10]. Ce phénomène est dû en grande mesure aux compagnies financières et aux sociétés d’exploitation de ressources naturelles. L’industrie des finances et des assurances représente 65 % des fonds qui vont vers l’étranger et pratiquement la totalité de cet argent se dirige vers des filiales étrangères opérant aux États-Unis. Le secteur des ressources naturelles a reçu 16 % des fonds, mais en raison de ses caractéristiques de fonctionnement, ces investissements ont eu peu d’impact sur le développement et en revanche ont créé des conflits avec les populations locales dans plusieurs pays, tels que l’Équateur, le Guatemala et le Mexique.

Bien que le Canada soit sur la bonne voie pour tenir sa promesse faite en 2005 lors du G8 de Gleneagles de multiplier par deux le montant des aides fournies à l’Afrique en 2010, le pays se trouve actuellement parmi les donateurs les moins généreux (16e place sur un total de 22 pays), avec seulement 0,33 % du Produit interne brut (PIB) destiné à l’aide. Le budget fédéral le plus récent (budget 2010) a atteint son niveau maximum d’Aide publique au développement (APD) du Canada pour la période 2010-11, ce qui réduira sa contribution en pourcentage à environ 0,28 % en 2014-15. Cela le situera à la 18e place sur 22 nations. Le Gouvernement actuel a détourné son attention de l’Afrique pour aider les pays à revenu moyen d’Amérique latine, où le Canada a davantage de plans de commerce et d’investissement. Cela lui laisse une plate-forme encore plus faible pour satisfaire les efforts qui sont nécessaires pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) d’ici à 2015[11].

Le budget de l’année 2010 a également mis en exergue le changement d’orientation dans le domaine de la politique étrangère. En 2005-06 le Gouvernement a dépensé environ USD 3,48 dans le département de la Défense pour chaque dollar dépensé en APD ; les prévisions indiquent que pour la période 2019-20 le Gouvernement dépensera 4,3 USD dans le domaine de la défense pour chaque dollar dépensé dans l’APD. Le Canada s’est également écarté de son ancienne approche politique en ce qui concerne les relations entre la Palestine et Israël en refusant de s’opposer aux interventions armées d’Israël au Liban et à Gaza et en votant régulièrement contre les résolutions des Nations Unies qui critiquaient Israël. Cette nouvelle conception politique menace sa réputation d’acteur équitable et équilibré dans le développement international.

Le Gouvernement a également adopté activement des politiques contraires aux droits humains en relation à des citoyens de pays étrangers et des Canadiens. Au nom de la sécurité il a adopté des lois et des pratiques antiterroristes qui alimentent la discrimination, incitent à la torture et autorisent la détention illégale et les procès inéquitables. La décision de mettre fin à la session parlementaire actuelle, juste à temps pour arrêter l’enquête sur la torture des détenus en Afghanistan a aussi augmenté la colère et la frustration.

Le Parlement a approuvé la loi sur la Meilleure aide en 2008 afin de promouvoir la transparence et la responsabilité dans les pratiques d’aide. Toutefois, le Gouvernement a récemment été accusé de porter préjudice à plusieurs organisations de développement et d’aide qui n’adhèrent pas à sa nouvelle orientation politique, notamment concernant le Moyen-Orient[12]. Par exemple, après 30 ans et sans préavis les fonds fédéraux de la très respectée agence œcuménique KAIROS ont été drastiquement réduits, tandis que les fidèles du parti Conservateur ardemment pro-israéliens ont été nommés à la tête du Conseil de l’agence de droits et démocratie dépendant du Gouvernement. Le dernier budget montre clairement que c’est la nouvelle norme et établit que « le financement accordé aux organisations est lié au fait de promouvoir les priorités du Gouvernement »[13].

Conclusion

Le Gouvernement a délibérément ignoré les leçons de la dernière crise économique mondiale et a refusé de mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires pour stabiliser l’économie et promouvoir le développement humain des Canadiens et des citoyens du monde. Malgré les promesses de fournir de l’aide aux personnes économiquement vulnérables pendant la crise, ni les dépenses de stimulation ni les importantes mesures budgétaires n’ont permis d’y parvenir. La réduction du déficit est utilisée pour dissimuler une réduction encore plus importante des dépenses sociales. Alors que le marché boursier, les bénéfices des sociétés et le PIB sont en train de se remettre de la crise financière mondiale massive, il est prévu que la récupération totale des privilégiés s’accompagne d’un recul prononcé des niveaux d’équité et de développement, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger.

[1] Bruce Campbell, “The Global Economic Crisis and its Canadian Dimension”, The Monitor, 1er juillet 2009. Disponible sur : <www.policyalternatives.ca/publications/monitor/global-economic-crisis-and-its-canadian-dimension>.

[2] Organisation de coopération et développement économique (OCDE), “Country Note : Canada”, dans Growing Unequal ?: Income Distribution and Poverty in OECD Countries, octobre 2008. Disponible sur : <www.oecd.org/dataoecd/44/48/41525292.pdf>.

[3] Armine Yalnizyan, calculé à partir des statistiques Canada data from the Survey of Labour and Income Dynamics.

[4] Statistiques de Canada, Income in Canada, 2007 (Ottawa: ministère de l’Industrie, mai 2009).

[5] Ken Lewenza,  “The Precarious Economy”, The Mark, 6 octobre 2009. Disponible sur : <www.themarknews.com/articles/542>.

[6] Roger Sauvé, “The Current State of Canadian Family Finances : 2009 Report” (Ottawa : Vanier Institute of the Family, 2010), 13. Disponible sur : <www.vifamily.ca/library/cft/famfin09.pdf>.

[7] Monica Townson, Women’s Poverty and the Recession (Ottawa : Canadian Centre for Policy Alternatives, 2009), 16.

[8] UNICEF,  “The Childcare Transition : Innocenti Report Card 8” (Florence : UNICEF Innocenti Research Centre, 2008). Disponible sur : <www.unicef.ca/portal/SmartDefault.aspx?at=2250>.

[9] Ricardo Hausman, Laura D. Tyson et Saadia Zahidi, Global Gender Gap Report (Genève : Forum économique mondial, 2009). Disponible sur : <www.weforum.org/pdf/gendergap/report2009.pdf>.

[10] Statistiques deu Canada,  “Canada’s International Investment Position – Third Quarter 2009” (Ottawa : ministère de l’Industrie, mai 2009), Tableau 10. Disponible sur : <www.statcan.gc.ca/pub/67-202-x/67-202-x2009003-eng.pdf>.

[11] Pour davantage d’information, consulter End Poverty 2015 Millennium Campaign. Disponible sur : <www.endpoverty2015.org/countries/canada>.

[12] James Clancy y Larry Brown,  “Stephen Harper’s record of denying democracy”,  Syndicat national des employées et employésgénéraux du servicepublic, 24 février 2010. Disponible sur : <www.nupge.ca/content/stephen-harper-s-record-denying-democracy>.

[13] Département des finances du Canada, Budget Plan 2010, 163. Disponible sur : <www.budget.gc.ca/2010/plan/chap4a-eng.html>.

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Sécurité alimentaire: l’enjeu pour une aide efficace

Publication_year: 
2010
Summary: 
L’insécurité alimentaire est un fléau national qui demande des mesures urgentes, coordonnées, effectives et durables, et la société civile doit pouvoir participer à sa planification et à son exécution. Déclarer l’État de calamité publique, tel que le Gouvernement l’a fait en septembre 2009, n’est pas suffisant. Il faut rompre le cycle de la faim comme premier pas pour réduire la pauvreté et atteindre le développement économique et social. Pour cela, les politiques nationales, le financement et l’aide internationale doivent être coordonnés, en priorisant les besoins urgents de la population guatémaltèque. Si cela n’est pas pris en compte, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) resteront des objectifs inaccessibles.

Coordinación de ONG y Cooperativas (CONGCOOP)
Norayda A. Ponce Sosa
Helmer Velásquez

L’insécurité alimentaire est un fléau national qui demande des mesures urgentes, coordonnées, effectives et durables, et la société civile doit pouvoir participer à sa planification et à son exécution. Déclarer l’État de calamité publique, tel que le Gouvernement l’a fait en septembre 2009, n’est pas suffisant. Il faut rompre le cycle de la faim comme premier pas pour réduire la pauvreté et atteindre le développement économique et social. Pour cela, les politiques nationales, le financement et l’aide internationale doivent être coordonnés, en priorisant les besoins urgents de la population guatémaltèque. Si cela n’est pas pris en compte, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) resteront des objectifs inaccessibles.  

L’insécurité alimentaire et nutritionnelle au Guatemala continue à entraîner des indices élevés de morbidité et de mortalité, une croissance et un développement inappropriés pendant l’enfance, des difficultés d’apprentissage scolaire et une faible productivité chez les adultes. La population la plus affectée est celle d’origine pauvre, rurale, analphabète et indigène.

Parmi les principales causes de cette insécurité alimentaire nous pouvons citer d’un côté, des aspects sociaux, entre autres la pauvreté et l’extrême pauvreté, les mauvaises conditions de logement, la faible scolarisation, des logements et des infrastructures sanitaires médiocres, la migration interne et externe. D’un autre côté, des aspects économiques tels que l’accès et la possession des terres, l’inéquité de la répartition agricole, le chômage, la hausse des prix du panier de la ménagère, le manque de ceréales de base, la crise économique internationale. Et finalement, des aspects environnementaux tels que le changement climatique, la désertification et les phénomènes du « Niño » et de la « Niña ».

Quelques chiffres

  • Le Guatemala occupe la 122ème place sur 182 pays selon l’Indice de développement humain (IDH). Il est considéré comme un pays à revenu moyen avec une distribution inégale de la richesse[1]. Près de 20 % de la population concentre 60 % du revenu national.
  • Sur les 14 millions d’habitants, dont 50 % sont indigènes et 54 % ruraux[2] , la moitié ( 7 140 000 hab.) vit en situation de pauvreté (un peu plus de cinq millions de personnes sont pauvres et quelques deux millions vivent en situation d’extrême pauvreté)[3]
  • La diminution des envois de fonds, qui s’est accentué cette année, a fait augmenter le nombre de personnes susceptibles de tomber sous le seuil de pauvreté et d’extrême pauvreté. Actuellement il existe 850 000 personnes risquant de tomber sous le seuil de pauvreté et 733 500 courent le risque de tomber dans l’extrême pauvreté.
  • Dans certaines régions du pays la malnutrition atteint 75 %, un des indices les plus élevés au monde.
  • Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), le Guatemala occupe la première place en Amérique latine en malnutrition infantile (1 enfant sur 4 de moins de 5 ans)[4]. D’un autre côté, bien que la malnutrition chronique infantile soit de 43 %, dans le « couloir sec », la région orientale du pays la plus affectée par la sécheresse de 2009, elle est passé de 1 % à 10 % chez les enfants et à 14 % chez les jeunes mères.
  • Entre 1994 et 2004, plus de 500 000 enfants de moins de 5 ans sont morts de malnutrition (77 % aurait survécu s’il n’en avait pas souffert)[5].
  • Selon le Secrétariat de la sécurité alimentaire (SESAN), près de 145 000 familles ont perdu leurs récoltes en 2009 à cause du manque de pluies et ont besoin aujourd’hui d’aide alimentaire.

 
Actions du Gouvernement

Le cabinet du Gouvernement conjointement avec le Conseil de cohésion sociale[6], remplissent un rôle important dans la définition et l’exécution des programmes et projets destinés à garantir la Sécurité alimentaire et nutritionnelle à travers les fonds sociaux et les programmes d’assistance tels que : Bolsas Solidarias (Bourses solidaires), Mi Familia Progresa (Ma famille progresse) et Mi Familia Produce (Ma famille produit). Ces institutions ont élaboré le Plan opérationnel annuel intersectoriel de sécurité alimentaire et nutritionnelle 2010. Le programme se compose de 5 objectifs stratégiques et possède un budget de 2,2 milliards de GTQ (environ USD 272 millions ). Il existe quelques instances participatives telles que la Table sectorielle SAN[7] et la Commission nationale de sécurité alimentaire et nutritionnelle[8].

Le 11 septembre 2009, le Gouvernement du président Álvaro Colom a présenté le Plan d’intervention pour garantir la SAN dans les régions prioritaires du couloir sec, dans les départements de El Progreso, Baja Verapaz, Zacapa, Chiquimula, Jutiapa, Jalapa et Santa Rosa, qui affectera USD 17,5 millions  à la livraison immédiate d’aliments, le développement de projets productifs et la réalisation de journées médicales de révision et de suivi des groupes vulnérables. Dans le département de Guatemala, 50 000 Sacs solidaires sont octroyés à autant de famille dans les zones urbaines marginales.

Pour remplir les Objectifs du Plan stratégique de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PESAN) durant 2009, la projection budgétaire a été de USD 269,2 millions, y compris USD 2,82 millions destinés au renforcement des capacités pour combattre l’insécurité alimentaire[9].

L’aide internationale ne résout pas les problèmes structurels

Les programmes et projets envisagés dans le PESAN 2009, ont été financés de la manière suivante :

  • Fonds exécutés par la SESAN : USD 1,62 million, provenant de la Banque interaméricaine de développement (BID), l’UNICEF et l’UE.
  • Fonds gérés et coordonnés par la SESAN : USD 32,48 millions, provenant de l’Agence pour le développement international, la FAO, l’UE, le PMA, la Banque mondiale, l’Organisation panaméricaine de la santé et le système des Nations Unies.

En réponse à l’urgence provoquée par les phénomènes du Niño et de la Niña, quelques institutions financières internationales ont destiné des ressources pour investir dans l’agriculture, l’éducation, la santé, l’amélioration de la situation de l’enfance et des femmes en âge de procréer, la sécurité alimentaire, la nutrition et la dotation d’aliments. Entres autres :

  • Le système des Nations Unies (USD 34,1 millions).
  • Le Fonds central d’intervention d’urgence de l’ONU (USD 5 millions).
  • L’Organisation panaméricaine de la santé, l’Organisation mondiale de la santé et le Fonds des Nations Unies pour la population (USD 5,7 millions).
  • La FAO (USD 5,4 millions).
  • La UE (USD31,4 millions).
  • Le PMA (200 tonnes d’aliments).
  • Le Fonds pour la réalisation des OMD, que le programme Alianzas (Alliances) a soutenu pour améliorer la situation de l’enfance, la sécurité alimentaire et la nutrition.

Durant la période 1990-2008, un total net de USD 5.064 millions d’Aide publique au développement a été reçu (APD), particulièrement pour les programmes de développement rural. Près de 85 % de cette aide provient de pays de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), les pays de l’UE en ont apporté 54 % , l’aide multilatérale a représenté 15 % et 5 % a été octroyé par le système des Nations Unies. 

Bien que la coopération internationale ait contribué à combattre certains problèmes sociaux, elle n’a pas attaqué les problèmes structurels qui se manifestent fondamentalement dans l’inégalité de la distribution de la richesse et du revenu. Ainsi, son impact a été très faible, particulièrement en ce qui concerne la stratégie de réduction de la pauvreté, l’agenda de la paix et la réalisation des OMD.
Cela empêche donc le combat effectif contre la famine qui continue à constituer une violation systématique des droits humains dans le pays. 

La situation critique au Guatemala montre la nécessité de mettre en place des mécanismes effectifs de dialogue intersectoriel permettant un débat critique avec une large participation et des propositions pour aborder le sujet de la Coopération internationale au développement.  Le financement du développement continue à être unilatéral et prend en compte les intérêts des donateurs. Dans le cas de la coopération bilatéral, celle-ci prend usuellement en compte les intérêts du Gouvernement au pouvoir et non pas les politiques d’État, laissant de côté les organisations de la société civile.

Un autre problème concerne l’établissement des calendriers pour l’octroi de l’aide car ils obéissent aux priorités des donateurs et non pas aux besoins spécifiques de la population guatémaltèque.

La nomination du Conseil de coopération internationale[10] est le résultat de la Déclaration des réunions de haut niveau célébrées en 2008 entre le Gouvernement du Guatemala et le Groupe de dialogue du G13[11]. Le Conseil a la responsabilité de développer un plan conjoint qui permette de coordonner les programmes et projets de coopération avec les plans nationaux, en accord avec la Déclaration de Paris[12] et le Plan d’action d’Accra (2008), spécialement en ce qui concerne le soutien budgétaire et l’approche sectorielle, avec un accent sur la santé, l’éducation et la sécurité-justice. Jusqu’à présent, on ne connait pas les progrès réalisés dans ce sens.

L’OMD 1, qui se rapporte strictement à la sécurité alimentaire, stipule l’éradication de l’extrême pauvreté et de la famine. On estime que réduire de moitié le nombre de personnes qui vivent dans la pauvreté pour 2015 exige des mesures urgentes et transformatrices qui permettent à la population du pays (et spécialement à la population indigène) de diminuer le pourcentage d´ extrême pauvreté s’élèvant à 29 %, que l’on retrouve dans 32 % de la population rurale, spécialement à Alta Verapaz et El Quiché, où 8 personnes sur 10 sont pauvres.

A 5 ans  de l’échéance  du délai établi pour l’accomplissement des OMD (2015), l’OMD 1 est très loin d’être atteint:

  • L’incidence de l’extrême pauvreté continue à révéler des disparités importantes.
  • La malnutrition globale (chez les enfants de moins de 5 ans ayant un poids  inférieur au poids normal pour leur âge) s’est réduite de 34 % à 24 % entre 1987 et 1998 en termes globaux, mais il a augmenté dans le nord-est du pays de 27 % à 28 % durant la même période. En 1998, il atteignait dans le nord-est 33 % et dans la région métropolitaine 19 %.
  • On observe, en termes généraux, un progrès inégal dans l’avancée vers l’accomplissement des 8 OMD, dû fondamentalement à l’inégalité, l’exclusion et la distribution inégale du revenu, qui limite la capacité de consommation de la grande majorité de la population.

Le gros enjeu

Tant que la disponibilité d’aliments au niveau local et national sera limitée, situation qui pourrait s’améliorer à travers le stockage dans des silos ou des caves, il sera très difficile pour la population en situation de pauvreté ou d’extrême pauvreté d’avoir le contrôle sur les moyens de production et l’accès adéquat aux aliments disponibles sur le marché. Cela limitera sa consommation et sa possibilité pour profiter des services minimums lui permettant de mener une vie digne.

Le Gouvernement, les organisations de la société civile et la coopération internationale n’ont pas été efficaces en ce qui concerne l’harmonisation des mesures pour garantir progressivement le droit à l’alimentation de la population la plus vulnérable. Les réponses du Gouvernement continuent à être à court-termistes, assistancielles et cherchant davantage le sensationnalisme que l’effectivité, comme dans le cas du décret d’État de calamité publique[13].

Bien que la moitié de la population soit indigène, le financement international a négligé les questions ethniques ou les autres différences d’ordre social, culturel ou économique, en partie par omission du Gouvernement lors de l’assignation de l’aide. Finalement, l’amélioration de l’effectivité de l’aide continue à constituer un enjeu. Il est impératif de se compromettre davantage avec les finalités sociales de l’aide pour que celle-ci ne réponde pas uniquement aux intérêts économiques ou géopolitiques (qu’ils soient du Gouvernement ou des donateurs) qui n’ont pas grand chose à voir avec le développement véritable.

[1] Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), Rapport National sur le Développement Humain 2009. Superando barreras : Movilidad y desarrollo humanos (Guatemala : PNUD, 2009) (Outrepassant les barrières: Mobilité et développement humains). Disponible sur : <hdr.undp.org/en/media/HDR_2009_ES_Complete.pdf>.

[2] Secrétariat général de la planification et de la programmation de la présidence (SEGEPLAN), Informe de Avances 2010. Objetivos de Desarrollo del Milenio (Guatemala, 2010) (Rapport sur les Progrès 2010.  Objectifs du millénaire pour le développement). Disponible.

[3] Institut national de statistique, Encuesta Nacional de Condiciones de Vida 2006 (Enquête Nationale sur les conditions de vie 2006). Disponible.

[4] Secrétariat de sécurité alimentaire et nutritionnelle (SESAN). Rapport présenté durant la Conférence l’insécurité alimentaire et les dépenses sociales en Amérique latine et dans les Caraïbes : Contexte, conséquences et enjeux. Guatemala, novembre 2009.

[5] Ibid.

[6] Coordonné par la Première Dame.

[7] Constituée en septembre 2009, elle est intégrée par le président et le vice-président de la République, la SESAN, des Ambassadeurs et Représentants de la Coopération internationale, le SEGEPLAN, la Cohésion sociale, le ministère des Relations extérieures et la Commission nationale de SAN.

[8] Une partie de la structure du Système national de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Loi du Système national de sécurité alimentaire et nutritionnelle, Décret 32.2005, du Congrès de la République du Guatemala.

[9] Morales, Zully. Élaboration personnelle selon les données du Plan stratégique de sécurité alimentaire et nutritionnelle 2009-2012.

[10] Le Conseil de coopération internationale est formé par le Secrétariat général de la
planification et la programmation de la présidence (SEGEPLAN), le ministère des Finances publiques et le ministère des Relations extérieures.

[11] Intégré par les neuf pays qui destinent le plus de ressources au Guatemala (l´Allemagne, le Canada, l´Espagne, les États-Unis, l´Italie, la Norvège, le Japon, les Pays Bas et la Suède), avec la Banque interaméricaine de développement, la Banque mondiale, la Commission européenne, le FMI, le PNUD et l’OEA.

[12] La Déclaration de Paris encourage les principes d’Appropriation, d’Alignement, d’Harmonisation, de Gestion orientés vers des résultats et de responsabilité mutuelle pour obtenir une efficacité et un impact plus important de l’Aide au développement; le Plan d’action contient les actions à réaliser pour respecter ces principes.

[13] Gouvernement du Guatemala. Décret Gouvernemental Nº 10-2009 du 8 septembre 2009, prorogé par le Décret Nº 11-2009 du 7 octobre 2009. Disponible sur: <www.guatemala.gob.gt/docs/Acuerdo%20Calamidad.pdf>.

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Technologies de l’information et de la communication : une voie vers le développement ?

Publication_year: 
2010
Summary: 
Le Gouvernement de l'Ouganda a mis en place une série de politiques lui permettant d'intégrer les Technologies de l'information et de la communication (TIC) à sa gestion du développement ainsi qu'à divers domaines de la vie sociale. Le Gouvernement espère que l'amélioration des services inspirera confiance aux investisseurs étrangers quant à la conduite de leurs investissements et en même temps, améliorera la participation et le contrôle citoyen sur les affaires publiques. Cependant, pour que les conditions de vie des Ougandais s'améliorent, un effort doit accompagner les stratégies de réduction de la pauvreté et les investissements en développement humain.

Development Network of Indigenous Voluntary Associations  (DENIVA)
David Obot

Le Gouvernement de l'Ouganda a mis en place une série de politiques lui permettant d'intégrer les Technologies de l'information et de la communication (TIC) à sa gestion du développement ainsi qu'à divers domaines de la vie sociale. Le Gouvernement espère que l'amélioration des services inspirera confiance aux investisseurs étrangers quant à la conduite de leurs investissements et en même temps, améliorera la participation et le contrôle citoyen sur les affaires publiques. Cependant, pour que les conditions de vie des Ougandais s'améliorent, un effort doit accompagner les stratégies de réduction de la pauvreté et les investissements en développement humain.

L'Ouganda a montré un grand intérêt pour l'intégration des TIC dans ses priorités de développement depuis le milieu des années 90. En même temps, pendant plus de dix ans, le pays a connu une forte croissance économique soutenue. Le budget 2009 - 2010 a montré une croissance économique réelle de 9,4 % sur l'année fiscale 2008 - 2009, que l'on peut comparer au 10,2  % obtenu en 2007-2008.[1]. D'après les données officielles, le Produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 6,7 % sur l'année fiscale 2008-2009, soit une diminution par rapport à l'année 2007-2008, où la croissance a été de 8,3 % (voir graphique 1). De toutes façons, au vu de la crise économique mondiale, cette croissance a été remarquable, et peut s’attribuer à la diversification des secteurs de l'exportation et des services.[2]

Malgré une forte croissance de la demande d’utilisation des TIC, favorisant le développement économique soutenu de l'Ouganda, il est impératif d´apporter en complément à ces technologies, des plans, des stratégies et des programmes de réduction de la pauvreté et de promotion du développement social.

Contexte des TIC

À un niveau mondial, les pays ont fait d'importants progrès pour l'intégration des TIC dans leurs priorités de développement. L'Ouganda a énormément progressé suite à l’implantation des stratégies de TIC du pays. Les réussites incluent la création de la Commission des communications de l'Ouganda en 1997, la formulation d'une politique de TIC en 2003 et la création d'un ministère des Technologies de l'information et de la communication dûment qualifié en 2006. Le secteur des services inclus dans les TIC a augmenté de 31,2 % sur l'année fiscale 2005 - 2006 à 33,3 % en 2006 - 2007, renversant ainsi la tendance des trois années fiscales précédentes au cours desquelles le secteur s'était enlisé[3].

Les réseaux de téléphonie mobile, les communications radiales, les services d'informatique, de courrier électronique et d'internet, les services des moyens de communication et l'accès au matériel pédagogique se sont améliorés dans les zones où il y a une bonne infrastructure de télécommunications. Des travaux pour relier tout le pays sont en cours : 1500 km de fibre optique seront posés afin de relier toutes les villes importantes d'Ouganda entre elles et avec le câble sous-marin d'Afrique de l'Est.

Les TIC incluent aussi d'autres avantages tels que de meilleures possibilités pour la Banque Centrale d’épauler le Gouvernement en ce qui concerne les résultats économiques et le contrôle du secteur financier, l'augmentation de l'utilisation des téléphones portables pour les transactions monétaires et la surveillance du blanchiment d'argent et de la falsification de chèques.

Les TIC et la prestation de services sociaux

L'intégration des TIC dans les services sociaux reste insignifiante, surtout dans les secteurs de l'éducation et de la santé. La mise en place de programmes pour l'enseignement primaire universel et l'enseignement secondaire universel, par exemple, ont eu comme résultat en Ouganda, une augmentation des inscriptions dans les écoles et une demande importante de ressources pour le matériel scolaire, les infrastructures, les professeurs et la surveillance du secteur. L'inscription des garçons et des filles  dans l'enseignement primaire est passée de 2,7 millions en 1997 à 7,6 millions d'élèves en 2003[4].

Dans le même temps, les circonscriptions en charge de la planification et de l'élaboration des budgets des secteurs les plus défavorisés ont donné priorité aux TIC dans leurs plans de développement local. Cependant, les investissements pour équiper les écoles d´ordinateurs et de connexions internet n'ont quasiment pas été pris en compte dans les budgets. Les tendances sont similaires pour le secteur de la santé. Une solution serait d'intégrer les TIC dans les prestations de services et d'assigner des ressources substantielles pour l'équipement et le développement des capacités des TIC.

Alors que la politique de libéralisation a stimulé les investissements des TIC en Ouganda, les investisseurs sont plus poussés à s’enrichir plutôt qu'à améliorer la qualité des services. Ces affaires ont principalement touché la téléphonie mobile, la télévision et la radio. Les secteurs de l'éducation et de la santé n'ont pas encore obtenu de bénéfices liés à la prolifération des TIC. La population contribue indirectement au financement de ces investissements par le biais des exonérations d'impôts que le pays accorde aux investisseurs, alors que le Gouvernement doit encore faire face à l'intégration des TIC dans la prestation de services. L'absence de stratégie du Gouvernement pour aborder ce déséquilibre signifie que les services fournis à la population continueront d´ être de mauvaise qualité.

TIC, pauvreté et gouvernance

Si les TIC avaient des chances d'acquérir, de traiter, de sauvegarder et de récupérer de l'information, ainsi que de la diffuser et de la publier, cela donnerait un avantage à ceux qui cherchent à réduire la pauvreté et recherchent une gouvernance responsable. Malgré la volonté affichée du Gouvernement de garantir la diffusion des TIC vers la plupart des Ougandais, deux grandes raisons empêchent certainement le potentiel des TIC à catalyser les énergies créatives en vue de la réduction de la pauvreté et d'une meilleure gouvernance.

La première raison est que les TIC sont peu intégrées aux stratégies de réduction de la pauvreté. La pauvreté en Ouganda est plus sévère au sein de la population rurale que dans la population urbaine. L'intervention limitée du Gouvernement dans la régulation des prix liée aux TIC – par exemple pour les téléphones portables – enracine la pauvreté et provoque une fracture numérique de la population. Même le temps d'antenne à la radio, qui pourrait être utilisé par les plus défavorisés pour transmettre leurs revendications directement aux autorités et aux preneurs de décisions, est très éloigné de ce que la plupart des habitants des zones rurales peuvent se permettre. Le journal ougandais The Monitor a pu observer qu'alors que l'utilisation des téléphones portables a augmenté dans les différents groupes de la population, l'impôt de 12 % reste le plus élevé de la région (10 % actuellement au Kenya et en Tanzanie, 3 % au Rwanda)[5].

Le fait d'intégrer les TIC aux stratégies de réduction de la pauvreté augmenterait le flux d'information entre la population, le Gouvernement et les autres parties intéressées, et réduirait les obstacles à la participation des personnes dans les activités de réduction de la pauvreté.

La deuxième limite est l'utilisation inappropriée des TIC pour améliorer la gouvernance. Les TIC permettent de partager efficacement l'information, sans restrictions. Plusieurs pays avancent à grands pas dans l'application de leurs systèmes de gouvernance électronique afin de simplifier la transparence, la responsabilité et l'efficacité de la gouvernance. Le Gouvernement ougandais souhaiterait transformer le pays en un leader africain dans l'utilisation des TIC pour la gouvernance électronique. Les TIC et la gouvernance électronique permettent de garantir l'efficacité de l'utilisation des ressources et l'amélioration de la gouvernance. D'immenses économies seraient réalisées si les TIC étaient utilisées efficacement, par exemple pour consulter le public sur des thèmes d'importance nationale afin de respecter ses droits démocratiques et pour suivre l'exercice du Gouvernement et de ceux qui y sont rattachés, dans tous les secteurs. L'intégration des politiques de développement des TIC créerait une base solide pour une gouvernance électronique efficace.

Conclusion 

Le Gouvernement a établi une politique afin d'adopter et d'appliquer les TIC dans ses priorités dans le but de garantir une meilleure prestation de services, une meilleure rentabilité et plus d'efficacité dans l'économie ; cela positionnerait le pays en tant que destination pour les investisseurs et rendrait possible la participation de la population à sa propre gouvernance. Un cadre politique a été ainsi constitué, afin de libéraliser le secteur qui a conduit à son expansion, avec un effet multiplicateur évident pour l'économie et les plus hauts niveaux d'interaction scientifique, pédagogique, politique, sociale et culturelle.

Cependant, les avantages en matière de connaissance et les avantages associatifs inhérents aux TIC se situent toujours à un niveau très bas. L'Ouganda  pourra  récolter les larges bénéfices de l'adoption et de l'application des TIC seulement en assumant le fait que leur entière mise en pratique doit prendre en compte les stratégies de réduction de la pauvreté, les investissements en développement humain, l'attribution de pouvoirs et la promotion d'une gouvernance responsable, transparente et efficace.

[1] Ministère des Finances, de la planification et du développement économique, Background to the Budget, 2009/2010, Kampala, 2009, 6. Disponible sur : <www.finance.go.ug/docs/BTTB09-10.pdf>.

[2] Ibid.

[3] Commission des Communications de l'Ouganda, A Review of The Postal and Telecommunications Sector, June 2006 - June 2007. Disponible sur : <www.ucc.co.ug/endOfFYReview0607.pdf>.
..

[4] Antonie de Kemp, Analysing the Effectiveness of Sector Support: Primary Education in Uganda and Zambia, NONIE WORKING PAPER Nº 5, janvier 2008 Consulter : <www.worldbank.org/ieg/nonie/docs/WP5_deKemp.pdf>.

[5] The Daily Monitor, 4 mars 2009.

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Un financement pour le développement en temps de crise

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2010
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L’impact de la crise économique sur les progrès réalisés par la Bulgarie dans le domaine de l’éducation et de l’emploi, ou de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) n’a pas encore été évalué à sa juste mesure. En revanche, on constate que certains des objectifs de développement considérés dans le cadre de l’adhésion de ce pays à l’UE sont loin d’être atteints. Le pays, auparavant bénéficiaire d’aide, est aujourd’hui un pays donateur. L’Aide publique au développement (APD) est loin de l’objectif fixé pour 2010. Il n’y a pas de mécanismes ni de procédures claires pour l’attribution de l’assistance à d’autres pays. Il est nécessaire de renforcer la coopération et la communication entre les acteurs impliqués, d’inclure la dimension de genre dans les programmes d’aide et d’éduquer la population.

Bulgarian Gender Research Foundation
Bulgarian European Partnership

L’impact de la crise économique sur les progrès réalisés par la Bulgarie dans le domaine de l’éducation et de l’emploi, ou de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) n’a pas encore été évalué à sa juste mesure. En revanche, on constate que certains des objectifs de développement considérés dans le cadre de l’adhésion de ce pays à l’UE sont loin d’être atteints. Le pays, auparavant bénéficiaire d’aide, est aujourd’hui un pays donateur.  L’Aide publique au développement (APD) est loin de l’objectif fixé pour 2010. Il n’y a pas de mécanismes ni de procédures claires pour l’attribution de l’assistance à d’autres pays. Il est nécessaire de renforcer la coopération et la communication entre les acteurs impliqués, d’inclure la dimension de genre dans les programmes d’aide et d’éduquer la population.

Au cours des années précédant la crise économique et financière mondiale de 2008, la Bulgarie a reçu un flux important de capitaux qui ont généré une forte demande intérieure. En conséquence, le Produit intérieur brut (PIB) et l’emploi ont connu une forte croissance mais parallèlement à cela, on a assisté à la croissance du déficit des comptes courants et à une surchauffe de l’économie, accompagnés d’une forte hausse des salaires et d’une inflation à deux chiffres. Ce boom a pris fin au cours du dernier trimestre de 2008 lorsque a eu lieu un ajustement des flux de capitaux qui a généré une contraction de la demande intérieure. En même temps, la récession dans les pays partenaires de la Bulgarie provoquait une chute des exportations. Tout cela a donné lieu à une contraction de 5,1 % du PIB en 2009, ce qui représente la première baisse depuis la crise de 1996-1997.

Une longue période d’ajustement

Bien que le FMI prévoie une reprise de l’économie à partir de 2010, et une croissance du PIB de 0,2 %, il est aussi prévu que la demande intérieure continue à baisser[1]. En raison du ralentissement de l’investissement, du resserrement du crédit et de la faible activité économique, il est raisonnable de s’attendre à ce que les investissements continuent de baisser. La consommation intérieure sera réduite à son tour à cause de la baisse de l’emploi, impliquant une aggravation du déficit des comptes courants de 8,5 % du PIB en 2009 à 5,5 % du PIB en 2010. La mission du FMI prévoit que l’inflation restera modérée, autour de 2,2 %, tandis que le chômage devrait passer d’une moyenne estimée de 7,8 % en 2009 à 9,2 % en 2010[2].

Mais les projections des syndicats et des organisations de travailleurs sont plus pessimistes encore et estiment que le taux de chômage sera de deux chiffres et atteindra même 20 %. Le taux de chômage moyen enregistré était de 9,9 % en janvier 2010, et dans certaines régions il dépasse déjà 15 %.

Sur la base des recommandations du FMI, le Gouvernement s’attend à ce que les secteurs privé et public se conforment à la nouvelle situation, et il a commencé à établir ses politiques à partir de cette hypothèse. Par exemple, pour l’organisation multilatérale, le secteur privé devra détourner des ressources du secteur non exportateur vers le secteur exportateur afin d’assurer la croissance du PIB. Mais, selon le FMI, cette mesure ne sera efficace que si elle parvient à limiter significativement l’augmentation des salaires qui est passée d’un pic de 25 % au deuxième trimestre 2008 à 10,6 % au quatrième trimestre 2009 (dans les deux cas, pendant la même période de l’année).

Le Gouvernement soutient qu’à travers ces ajustements des politiques publiques, le pays se prépare à une éventuelle transition vers la zone euro, ce qu’il considère comme la seule stratégie de sortie viable à la crise. Le Gouvernement considère également qu’en maintenant la discipline fiscale et en approfondissant les politiques structurelles il parviendra à renforcer les bases économiques et la viabilité de l’économie bulgare. Ainsi, le Gouvernement s’est fixé pour 2010 l´enjeu de parvenir à un déficit de trésorerie de 0,7 % du PIB. Pour atteindre cet objectif, il prévoit, entre autres mesures, une réduction du budget qui impliquera le gel des salaires du secteur public et des retraites, la réduction des effectifs de l’administration publique et un contrôle plus strict des dépenses de santé. Le FMI estime que, même si une réduction des cotisations de la sécurité sociale pourrait en principe contribuer à réduire les coûts du travail et de la compétitivité, une politique de ce genre risque d’aggraver la brèche de financement dans le système de la sécurité sociale, exigeant une plus grande quantité de transferts gouvernementaux. Cela pourrait mettre en danger les objectifs budgétaires que le Gouvernement s’est fixés à moyen terme et la viabilité du projet, notamment du système de retraite.

Pour éviter cette situation, le FMI recommande une réforme urgente du système de retraite. Parmi les mesures recommandées, se trouvent le gel des retraites pour l’année 2010, la faible augmentation de leur montant dans les années à venir et un ajustement des paramètres du système de retraite, notamment l’augmentation de l’âge de la retraite ou du minimum d’années de cotisations.

Pendant les premiers mois après les élections, le Gouvernement a prétendu ouvrir le débat sur une augmentation de l’âge de la retraite et des années de travail nécessaires pour y accéder mais, compte tenu de la montée du chômage, il a décidé de reporter cette réforme. En même temps, le Gouvernement a cessé de payer les allocations que l’État est légalement tenu de verser aux personnes de moins de 18 ans, aux retraités et aux bénéficiaires de l’aide sociale ou de l’assurance-chômage. Ces allocations représentent un tiers du budget de l’assurance maladie et elles n’ont pas été payées afin de limiter le déficit budgétaire. La caisse d’assurance maladie ne dispose pas d’assez d’argent pour payer les services de ses médecins et de son personnel, ce qui a conduit à la fermeture d’hôpitaux de petites villes situées loin des grands hôpitaux régionaux. Cela a donné lieu à des protestations massives et, depuis le mois de mars dernier, à de nombreuses grèves dans le système de santé.

Les débats dans le pays sur les politiques contre la crise et sur leur efficacité continuent. Toutes les mesures prises par le Gouvernement jusqu’à présent sont pro-cycliques, étant donné qu’elles réduisent les dépenses et ralentissent l’économie, provoquant une augmentation du chômage et de l’économie informelle. Cette situation démontre que le Gouvernement ne concentre pas vraiment ses efforts sur l’accomplissement de l’objectif de 0,17 % du PIB.

Un retard soutenu

Malgré un certain optimisme officiel quant à l’accomplissement des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)[3], il est certain que, dans le domaine du développement, la Bulgarie doit relever une série d´enjeux importants qui sont aggravés par la crise économique mondiale. Lors de la publication du deuxième rapport sur les OMD[4], en octobre 2008, le pays était sur la bonne voie pour en atteindre certains, parfois avec de meilleurs résultats que prévu. Par exemple, le taux de mortalité infantile, prévu pour 2015 à 7 pour mille naissances vivantes, était de 11,8 en 2006, c’est-à-dire, inférieur au chiffre correspondant à 2001 (14,4). Le chômage à long terme, prévu à 7 % pour 2015, est tombé à 6 % en 2005 et il était déjà de 3,9 % en juin 2007, loin du chiffre de 9,59 % recensé en mai 2001[5].

Quoi qu’il en soit, il est nécessaire de contextualiser les progrès vers les OMD avec la transition vers l’adhésion à l’Union européenne. Dans ce cadre, le premier rapport national des OMD de la Bulgarie[6], publié en 2003, avait adapté ses objectifs pour 2015 au processus d’intégration à l’Union européenne (UE). Mais si certains indicateurs, tels que l’éducation et le chômage, ne différaient pas à l’époque de la moyenne européenne, d’autres - tels que le revenu mensuel, le revenu minimum, le taux de mortalité infantile et certains indicateurs environnementaux – montraient un retard considérable[7]. Avec un salaire minimum encore inférieur à l’objectif fixé pour 2015 de 170 EUR, la Bulgarie reste dans la catégorie des pays membres de l’UE considérés comme des pays à
« revenu moyen bas ».

Par ailleurs, le progrès vers les OMD a été accompagné d’inégalités et d’exclusion : 10 % de la population bulgare monopolise 40 % des revenus et de la dépense. Cette disparité, aggravée par la détérioration de la qualité et par la hausse du coût de l’éducation élémentaire et de la santé, entraîne à son tour une augmentation de l’inégalité des chances. En particulier, le faible niveau des revenus et de l’éducation, et l’accès limité aux services de santé donnent lieu à des disparités sociales, régionales et ethniques qui affectent surtout la minorité rom.

De récepteur à donateur d’aide

Depuis plus de 15 ans, la Bulgarie a bénéficié de nombreux programmes d’aide au développement au sein de l’Union européenne (initiatives financées par l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni) et a reçu le soutien de différents pays qui n’appartiennent pas à l’UE, tels que le Japon, la Suisse et les États-Unis.

Le deuxième rapport national présentait une révision des progrès vers les OMD selon la perspective d’un pays qui était déjà membre à part entière de l’UE (à partir du premier janvier 2007). Pour cette raison, le rapport modifiait entièrement les buts de l’Objectif 8 – promouvoir un Partenariat mondial pour le développement – afin de refléter le nouveau statut de la Bulgarie, qui était passé de pays bénéficiaire à pays donateur émergent.

Le nouvel engagement de la Bulgarie concernant sa participation active dans les politiques de développement de l’Union européenne établit son obligation d’atteindre les objectifs de l’Aide publique au développement (APD) fixés pour les nouveaux États membres, ces objectifs sont les suivants : 0,17 % du Revenu national brut (RNB) en 2010 et 0,33 % du RNB en 2015. Loin de ces résultats, l’APD correspondant à la Bulgarie a diminué en 2008 de EUR16 millions à EUR13 millions, ce qui représente 0,04 % du RNB. Un rapport officiel de 2007 signalait que l’assistance pour le développement de la Bulgarie « aura comme principales cibles l’éradication de la pauvreté et la lutte contre le sous-développement économique dans les pays partenaires (de l’UE)... » en identifiant les régions du sud-est de l’Europe et de la mer Noire comme zones géographiques prioritaires[8].

 

Enjeux et opportunités

La plupart de l’APD de la Bulgarie est canalisée vers des organisations internationales telles que les agences de l’ONU, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Croix-Rouge. Depuis 2008, la Bulgarie contribue également au Fonds européen de développement (European Development Fund, EDF), le principal instrument de l’aide communautaire pour la coopération au développement. Selon un rapport publié en 2008[9], le rôle des donateurs privés et des organisations humanitaires d’assistance a été sous-estimé par les fonctionnaires du Gouvernement chargés de la mise en œuvre de l’APD bulgare, ce qui est considéré comme une des plus grandes faiblesses dans la stratégie actuelle d’aide au développement.

Bien qu’il existe un cadre clairement défini pour la mise en œuvre de l’APD, la Bulgarie ne dispose pas de mécanismes ni de procédures spécifiquement créés pour fournir une assistance technique et financière à d’autres pays. L’absence de ces modalités pratiques, ainsi que le manque de clarté quant à l’infrastructure institutionnelle pour fournir de l’aide, l’administrer et l’évaluer, sont de sérieux obstacles à la mise en œuvre efficace de programmes d’aide au développement.

Jusqu’en 2008, il n’existait pas de rapports annuels ou d’évaluations de la mise en œuvre de l’aide. Bien que cela puisse être en partie dû au statut encore récent de la Bulgarie comme pays donateur, il semble y avoir une sous-estimation des processus de surveillance et d’évaluation. Il n’existe pratiquement aucune information sur les progrès réalisés (si progrès il y a eu), ce qui est particulièrement perceptible dans le cas des dépenses financières. Il n’existe pas non plus de preuve qu’un plan quelconque ait été exécuté puisque aucun rapport public sur les projets et sur les domaines dans lesquels des fonds ont été investis avant l’année 2008 n’a été élaboré.

Le besoin de transparence

La transparence est donc un des points les plus faibles de la mise en œuvre de l’APD en Bulgarie. L’information sur la prise de décisions en matière de développement n’est pas accessible au public, et les informations sur le flux de l’aide publique sont très difficiles à obtenir. Parmi les sources diffusées par le Gouvernement, tel que son site Internet, pratiquement aucune information n’est fournie.

Les décisions en matière de développement sont généralement prises unilatéralement par le Gouvernement. Les ONG bulgares ont commencé à jouer un rôle plus important dans le processus d’aide, mais il reste encore un long chemin à parcourir. Les ONG ont été consultées pendant la préparation de la stratégie à moyen terme de l’aide (2009-2011), mais si l’on prétend que les mécanismes d’aide en Bulgarie soient démocratiques, il est essentiel que les processus de consultation s’élargissent afin d’inclure des discussions sur des sujets de développement plus spécifiques et d’engager les acteurs du développement dans les pays partenaires.

Les recommandations de la société civile

Les ONG de la Bulgarie ont fait une série de recommandations au Gouvernement qui sont les suivantes :

  • Mettre fin à la stratégie de soutien, y compris les rapports de stratégie nationale pour les pays qui sont prioritaires pour la Bulgarie.
  • Renforcer les contacts de la Plateforme bulgare pour le développement international (Bulgarian Platform for International Development, BPID) avec des experts idoines appartenant à des institutions gouvernementales.
  • Réserver les ressources nécessaires et offrir une formation aux fonctionnaires du Gouvernement et aux représentants de la société civile comme moyen de renforcer le dialogue et la transparence.
  • Mettre en œuvre et conduire des évaluations de l’aide (y compris pour les questions de genre) dans les pays prioritaires afin de déterminer leurs besoins réels et que ceux-ci soient reflétés dans la stratégie nationale pour l’APD.
  • Travailler sur l’inclusion de thèmes liés au genre en tant que programme thématique spécifique et renforcer la coopération entre les OSC qui travaillent sur des questions de genre et les institutions de l’État.
  • Créer un forum pour promouvoir des rencontres régulières entre les différents acteurs (y compris les OSC) afin de discuter des priorités de la politique de l’APD.
  • Mettre en œuvre une campagne d’information publique pour faire connaître les obligations de la Bulgarie en matière d’APD.

 

[1] Fonds monétaire international, 1er mars 2010. <www.imf.org/external/np/ms/2010/030110.htm>.

[2] Ibid.

[3] PNUD,  “La Bulgarie a de bonnes raisons d’être optimiste en ce qui concerne l’accomplissement des OMD”, Bulgarie, 24 octobre 2008. Disponible.

[4] PNUD, Rapport des Objectifs du Millénaire pour le développement en Bulgarie 2008, Bulgarie, octobre 2008. Disponible sur : <www.undp.bg/publications.php?id=2691>.

[5] L’objectif de la Bulgarie pour 2015 concernant le revenu mensuel moyen est de EUR 280 à partir d’une base de EUR 91 en 2001. En 2009, le revenu mensuel moyen était déjà de EUR 300.

[6] PNUD, Millennium Development Goals Report for Bulgaria 2003, Bulgarie, mars 2003. Disponible sur: <www.undp.bg/publications.php?id=1161&lang=en>.

[7] Selon le rapport 2008 sur les OMD, le taux de mortalité infantile pour 1000 naissances en Bulgarie était de 10,4, tandis que la moyenne de l’UE était de 4,7. D’autre part, le pourcentage d’énergie produite à partir de ressources renouvelables en Bulgarie varie entre 4 et 7 %, tandis que la moyenne de l’UE est supérieure à 20 %.

[8] Ministère des Affaires étrangères, “Bulgaria’s policy on participation in international development cooperation”, Concept paper, Bulgarie, le 18 juin 2007.

[9] Vessela Gertcheva. “Bulgarian Official Development Assistance and Peacebuilding”.
Initiative for Peacebuilding; Partners for Democratic Change International. novembre 2008..

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Une APD qui stagne et une pauvreté non résolue

Publication_year: 
2010
Summary: 
En juin 2010, après deux ans d'obstacles, le Gouvernement suisse a finalement présenté une proposition visant à accroître son APD. Les pressions internationales ont contraint ce paradis fiscal à faire quelques concessions : le secret bancaire commence à disparaître. Toutefois, le manque de disposition de la Suisse à fournir des informations concernant les délits fiscaux demeure pratiquement le même. Bien que l’État soit d’accord avec l´ouverture des frontières à des fins commerciales, il continue à mettre des barrières pour freiner l'immigration provenant de pays non européens. Le Conseil fédéral a élaboré une loi qui prévoit le gel et le rapatriement des actifs volés.

Alliance Sud – Swiss Alliance of Development Organizations

En juin 2010, après deux ans d'obstacles, le Gouvernement suisse a finalement présenté une proposition visant à accroître son APD. Les pressions internationales ont contraint ce paradis fiscal à faire quelques concessions : le secret bancaire commence à disparaître. Toutefois, le manque de disposition de la Suisse à fournir des informations concernant les délits fiscaux demeure pratiquement le même. Bien que l’État soit d’accord avec l´ouverture des frontières à des fins commerciales, il continue à mettre des barrières pour freiner l'immigration provenant de pays non européens. Le Conseil fédéral a élaboré une loi qui prévoit le gel et le rapatriement des actifs volés.

Jusqu’à présent la Suisse a relativement bien résisté à la crise économique actuelle. Il est vrai que le Produit intérieur brut (PIB) a diminué de 1,5 % en 2009 et que d’ici à la fin de l’année 2010, le taux de chômage officiel pourrait augmenter et atteindre 4,5 % ou 5 %, un pourcentage élevé pour les standards de la Suisse. Toutefois, en comparaison avec l'Union européenne, où le chômage est de 10 %, et avec les pays les plus pauvres du Sud du monde, ce petit pays situé au cœur de l'Europe n’a pas trop de soucis à se faire dans ce domaine. La Suisse a préservé sa capacité de résistance en dépit de la faible envergure de ses programmes de relance économique (un total de CHF 2,5 milliards / EUR1,7 milliard) par rapport à ceux des autres pays industrialisés. En effet, une économie fortement orientée vers les exportations a permis au pays de s'appuyer sur des plans de relance mis en place par ses principaux partenaires commerciaux.

Les perspectives pour l’année prochaine ne s’avèrent pas plus mauvaises. L’économie a expérimenté une croissance depuis septembre et on s’attend à une croissance totale de 1,4 % pour l’année 2010. Malgré la crise financière, en 2009 le budget présentait un excédent de CHF 2,7 milliards (EUR 1,8 milliard). Le Gouvernement majoritaire de droite continue à appliquer une politique d'austérité rigide. Au début de l’année, le Gouvernement a décidé d’appliquer une réduction radicale des dépenses publiques de l’ordre de CHF 5 milliards (EUR 1 milliard) par an entre 2011 et 2013. Les intentions de  réduire les prestations sociales ont engendré une forte réaction contre la politique gouvernementale avec trois quarts des votants qui ont rejeté les compressions du régime de retraite lors d'un référendum lancé par les syndicats début mars. Cette défaite est un indicateur de la forte opposition que vont engendrer les réductions des services sociaux prévues par le Gouvernement et par la majorité parlementaire de centre-droite, comme celles concernant l’assurance-chômage et l’âge de la retraite pour les femmes.

La stagnation de l'APD

Dès le début, le Gouvernement suisse a donné un solide appui verbal à la Déclaration du millénaire et aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), mais ce soutien ne s’est jamais traduit par des actions concrètes. Dans une tentative pour augmenter l’engagement envers les OMD, en mai 2008 une alliance composée de plus de 70 ONG et de différents syndicats et organismes de protection de l’environnement, a déposé une demande signée par plus de 200.000 personnes exigeant que le Gouvernement augmente l'APD à 0,7 % du RNB.

Cette quantité exceptionnelle de signatures a eu une répercussion : vers la fin de 2008, le Parlement a approuvé une augmentation de l’APD à au moins 0,5 % du RNB d'ici à 2015. Toutefois, jusqu’à l´heure actuelle, le Gouvernement a refusé de fournir le crédit nécessaire en invoquant la situation économique instable. Au printemps 2011, le Parlement prendra une décision finale. Pour atteindre le chiffre de 0,5 % le pays devrait ajouter environ CHF 2 milliards (EUR 1,5 milliard) à l’APD d’ici à 2015.

Officiellement, l’APD suisse a atteint 0,47 % du RNB en 2009. Toutefois, une grande partie de cette assistance est une « aide fantôme » (allocations surévaluées erronément classées comme aides ou qui ne contribuent nullement à aider la population pauvre). Les dépenses destinées aux demandeurs d’asile qui se trouvent déjà en Suisse et les assignations nominales de la dette bilatérale déjà soldée depuis longtemps représentaient 22 % du total. En excluant ces catégories, l’augmentation de l’APD équivaudrait en fait à environ 0,36 % du RNB.

Dans le même temps, il existe une tendance croissante à exploiter l’aide au développement dans le domaine de la politique extérieure. Le Secrétariat d'État aux Affaires économiques, le second membre le plus important de la coopération publique au développement après l’Agence suisse pour le développement et la coopération (SDC), est en train d’abandonner les pays les moins développés pour se concentrer sur les pays à revenu moyen, comme la Colombie, l’Indonésie et l’Afrique du Sud, auxquels la Suisse a manifesté son intérêt pour développer les relations commerciales.

En outre, il est probable que l’argent destiné à financer les politiques sur le changement climatique dans le sud provienne de l’APD et non pas d’autres financements. Lors de la Conférence sur le climat tenue à Copenhague en décembre 2009, la Suisse s’est engagée à allouer un total de CHF 150 millions (EUR 100 millions) pour l'adaptation et la protection des pays du Sud, entre 2010 et 2012. Il n’est pas clair d’où viendront ces fonds. La SDC et les ONG pour le développement insistent sur le fait que le financement des politiques climatiques ne devrait pas interférer avec l’objectif de réduire la pauvreté ; c'est-à-dire, qu’il ne devrait pas provenir de l’APD. Il reste à voir si ces positions réussiront à s’imposer.

Outre les problèmes dûs à l’insuffisance de l’APD, le manque de cohérence de la politique suisse en ce qui concerne les pays du Sud représente un autre point d’achoppement. Comme décrit ci-dessous, dans le domaine des politiques relatives au secteur financier et commercial et à l’immigration, la Suisse est en train de compromettre les objectifs explicites de son travail pour contribuer au développement, c'est-à-dire, lutter contre la pauvreté et promouvoir les droits de l´Homme. La Suisse possède les mécanismes nécessaires pour mettre en œuvre des politiques cohérentes. Cependant, comme l’indique son refus d'augmenter l’APD, le Gouvernement n’a pas la volonté politique de le faire. La seule solution serait d’introduire un mécanisme d’évaluation de toutes les décisions gouvernementales, les lois et les politiques sectorielles afin d’établir quels sont leurs effets sur le développement. Une mesure qui est très loin de se concrétiser.

Des politiques commerciales agressives

Lors de la Conférence ministérielle de l’OMC tenue à Hong Kong en 2005, la Suisse s’est manifestée fermement à faveur du libre accès au marché pour les pays les plus pauvres et, en avril 2007 la Suisse a permis le libre accès au marché pour les produits des pays les moins avancés (PMA). Tous les tarifs douaniers et les quotas ont été officiellement supprimés, en soutenant ainsi l’initiative de l’UE : « Tout sauf des armes ».

Cependant, tel que l’a démontré Alliance Sud, il reste encore des taxes douanières occultes[1]. Ces impôts sont perçus sur toutes les importations de sucre, de riz, de café et d’huiles comestibles, même celles provenant des PMA, grâce à une taxe appelée « contribution au fonds de        garantie »  qui finance des réserves alimentaires pour assurer que le pays soit suffisamment approvisionné en cas de guerre, de catastrophes naturelles ou autres crises. Alliance Sud a dénoncé cette violation du principe de libre accès au marché et a exigé l’abolition immédiate de cette taxe. Il est incompréhensible que les PMA, comme l'Éthiopie, le Bangladesh et le Cap-Vert, soient responsables du financement indirect des stocks d'urgence d’un des pays les plus riches du monde. Cette taxe occulte permet de collecter environ CHF 12 millions par an ; son annulation n’entraînerait pas de problème financier.

La politique commerciale bilatérale du pays en ce qui concerne les pays du Sud a des conséquences plus graves. La Suisse fait partie de l'Association européenne de libre-échange (EFTA, selon le sigle en anglais) qui inclut également la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, et c´ est la force motrice qui encourage les accords de libre - échange avec les pays tiers. En outre, la Suisse tente en permanence d’ajouter des dispositions qui vont au-delà des règles de l’OMC pour protéger les droits de propriété intellectuelle et pour l’accès aux marchés des produits industriels et des services financiers, des acquisitions publiques et des investissements.

Ces dispositions peuvent avoir des effets très négatifs sur les pays partenaires, y compris sur le droit à la santé, la politique industrielle et les droits de l´Homme. Par exemple, la Suisse exige l’extension de la protection des brevets et des droits de propriété exclusifs sur les résultats des recherches pour favoriser ses laboratoires pharmaceutiques et ses compagnies agroalimentaires (Novartis, Roche, Syngenta, etc.). Ces restrictions déterminent qu’il soit extrêmement difficile pour les pays pauvres de produire des médicaments génériques et de fournir des médicaments à bas prix à leurs habitants. Elles peuvent également affecter la sécurité alimentaire si les agriculteurs perdent la possibilité d’accéder librement aux semences. Dans les négociations en cours sur un accord de libre-échange avec l’Inde, la Suisse a l’intention d’obtenir des réductions draconiennes dans les taxes douanières industrielles, ce qui augmenterait la possibilité pour ses sociétés d’accéder au marché. Cette attitude ne tient pas compte de l’importance des droits de douane pour les pays du Sud, autant comme source de financement pour le développement que comme instrument de politique industrielle.

En 2009, la Suisse est devenue le premier pays développé qui a ratifié un accord de libre-échange avec la Colombie. Jusqu’à présent, la Norvège et les États-Unis avaient refusé de ratifier des accords similaires en raison des antécédents questionnables de la Colombie concernant les droits de l´Homme. Le Gouvernement suisse a réussi à vaincre des objections similaires provenant de son propre Parlement, en signalant que les accords commerciaux ne devraient pas être liés aux droits de l’hHomme ni aux normes environnementales : le commerce passe avant l’éthique.

Les investissements directs étrangers favorisent peu les pays pauvres

Les opposants à l'augmentation de l’APD invoquent souvent le fait que les investissements directs suisses dans le Sud contribuent à la création d’emplois et, par conséquent, sont plus importants que l’aide au développement pour le développement durable. À vrai dire, les pays pauvres ne sont bénéficiés que marginalement. Les Investissements directs étrangers (IDE) suisses sont exceptionnellement élevés : les investissements nouveaux ont totalisé EUR 45,2 milliards en 2007 et EUR 37 milliards en 2008[2], mais les pays non industrialisés n’ont reçu que EUR 9,7 milliards en 2007 et EUR 8,3 milliards en 2008, et seulement 3 % du total de 2008 à été dirigé vers les pays moins développés ou à faible revenu[3].

La ségrégation dans les politiques migratoires

Bien que la Suisse défende l’ouverture des frontières pour le commerce des biens et  des services, en ce qui concerne la circulation des personnes, le pays s’isole de l’immigration provenant des pays non européens. Seuls les migrants hautement qualifiés peuvent s’attendre à obtenir un permis de travail dans ce prospère pays alpin. Les immigrants moins qualifiés provenant de pays en voie de développement ou qui n’appartiennent pas à l’UE ont peu de possibilités de travailler légalement en Suisse. De cette façon, la Suisse n'offre pas de possibilités aux migrants qui pourraient contribuer au développement de leurs pays d’origine (par le biais d’envois de fonds ou l’acquisition de compétences). Cette politique d’immigration très restrictive a conduit à une situation dans laquelle des dizaines de milliers de personnes vivent et travaillent illégalement. On a estimé que ces migrants, souvent appelés les sans-papiers, sont entre 90.000 et 180.000 personnes. Au printemps 2010, le Parlement a finalement décidé que les enfants des sans-papiers non seulement pourraient aller à l’école (ils étaient déjà autorisés à le faire) mais pourraient aussi recevoir une formation professionnelle. Toutefois, cette autorisation ne leur donne pas droit à un statut civil, et leurs parents courent toujours le risque d’être rapatriés.

Dans ce cadre, le mandat reçu par la SDC de la part du ministre des Affaires étrangères pour la rédaction d’un nouveau programme d’immigration dans le but, entre autres, de faire cesser l’immigration
« indésirable » provenant de pays non européens, est particulièrement regrettable. La directive du ministre a provoqué une gêne considérable, même au sein du Comité d’aide au développement de l’OCDE (CAD). Lors du dernier Examen par les pairs réalisé en Suisse (2009), il a été déclaré que le pays « doit veiller à ce que sa contribution au développement ne soit pas au service d’une politique d’immigration qui sous-estime les besoins du développement »[4].

Un paradis fiscal déchu

Un facteur positif est que le célèbre principe des banques suisses de refuser la divulgation de renseignements aux autorités fiscales étrangères s’est vu considérablement affaibli en 2009. La nouvelle volonté de permettre une plus grande transparence dans l’échange d’information et de contribuer aux efforts visant à lutter contre l’évasion fiscale est une concession à la pression internationale. Malgré ces réformes, la Suisse n’a pas encore modifié sa politique d’information sur les questions fiscales concernant les pays en voie de développement.

Des estimations prudentes suggèrent que les banques suisses gèrent au moins USD 360 milliards en actifs privés non imposables provenant des pays en voie de développement. Pour les pays du Sud, les recettes fiscales qui pourraient découler de l’intérêt portant sur ces biens, ainsi que les impôts sur des revenus qui ont quitté le pays illégalement et ont été secrètement déposés dans des banques suisses, seraient une contribution importante au financement pour le développement et la réduction de la pauvreté. La protection que la Suisse confère aux évadés fiscaux des pays en voie de développement est en flagrante contradiction avec les OMD établis par l’ONU et avec l’engagement proclamé à aider les pays les plus pauvres à mobiliser leurs ressources nationales.

Début mars 2009, lorsque l’OCDE l’a inclus dans la liste noire des paradis fiscaux non coopératifs, le pays a couru le risque de souffrir des sanctions économiques de la part du G-20. Pour éviter cela, le Gouvernement a agi rapidement et a retiré ses objections à l’article 26 sur le Modèle de convention fiscale (DTC selon les sigles en anglais) de l’OCDE afin d’éluder la double imposition et a annoncé qu’il était prêt à fournir une assistance administrative en cas de fraude fiscale et même dans des cas d’évasion fiscale simple. La Suisse a également entamé des négociations avec plusieurs pays de l’OCDE afin d’examiner et d’adapter les accords existants. Les nouveaux protocoles ne permettent pas encore l’échange automatique d’information. Pour obtenir des renseignements bancaires sur des personnes soupçonnées d’évasion fiscale en Suisse, les autorités étrangères doivent présenter des arguments solides et fournir le nom du suspect et des informations détaillées sur le compte.

Jusqu’à présent, la Suisse a négocié seulement la révision des conventions et a convenu  de fournir une assistance internationale en cas d’évasion fiscale simple avec des pays de l’OCDE et avec le Kazakhstan. Il a été rapporté que, une fois que le Gouvernement Kazakh  a annoncé son intention de mettre la Suisse sur sa propre liste noire des paradis fiscaux et d’interdire ses investissements dans le pays, la demande de négociation a été traitée très rapidement. Ce cas représente une exception notable. Les rapports stratégiques du Conseil fédéral sur la nouvelle politique financière mettent en exergue le fait que dans la renégociation du DTC il faut donner la priorité aux pays de l’OCDE. Pour l’instant, les banques suisses poursuivent leurs activités comme d’habitude à l’égard des biens qui ont bénéficié d’une évasion fiscale dans les pays en voie de développement.

Toutefois, au cours de la Conférence des Nations Unies sur le Financement pour le développement tenue à Doha fin 2008, la Suisse a signalé sa volonté d’offrir aux pays en voie de développement un accord en matière d’impôts sur l’épargne semblable à celui présenté à l’UE. En vertu de cet accord, la Suisse imposerait une taxe sur les revenus des investissements étrangers et transférerait une partie des revenus obtenus au pays d’origine. Au printemps 2009, le Conseil fédéral a réitéré l’offre, mais il a précisé que c’était aux gouvernements des pays en développement de faire le prochain pas.

Avances concernant les biens volés

Il est réconfortant de savoir que fin 2009, le Conseil fédéral a commencé à rédiger une loi sur le gel et le rapatriement des biens volés. Le projet de loi établit des procédures pour empêcher les dirigeants étrangers et leurs alliés d’avoir accès à des biens acquis illégalement et pour que ceux-ci puissent être rendus aux populations des pays concernés. Toutefois, certaines organisations de la société civile, y compris Alliance Sud, ont déclaré que les conditions établies pour la récupération et la restitution de biens étrangers volés sont trop restrictives. Dans le cas de la restitution, ce sont les autorités du pays impliqué qui doivent en faire la demande ; cette procédure ne peut pas être engagée par la Suisse ni par les organisations de la société civile. Le projet est actuellement en phase de consultation mais il faut espérer qu’il sera consolidé avant son approbation.

[2] Banque nationale suisse : Direktinvestitionen 2008, Berne, décembre 2008, A3.

[3] Agence suisse pour le développement et la coopération, Entwicklungshilfe der Schweiz, Statistiken 2008, Berne, novembre 2008, 7.

[4] OCDE CAD, Examen par les pairs de la Suisse, Paris, 2009, 43. Disponible sur : <www.oecd.org/document/22/0,3343,en_2649_34603_44020118_1_1_1_1,00.html>.

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Une nouvelle façon de commettre les mêmes erreurs

Publication_year: 
2010
Summary: 
Après une période de boom économique entre 2004 et 2008 – à l´aide de la hausse des prix internationaux du pétrole - les politiques sociales du Gouvernement ont amélioré les indicateurs et les Objectifs du Millénaire pour le développement ont commencé à faire partie de l'ordre du jour officiel et du débat public. Aujourd'hui, la crise financière internationale et l’augmentation des conflits sociaux résultant de l'affaiblissement des programmes sociaux menacent les progrès réalisés. C’est ce que l’on pouvait attendre d'un modèle de développement qui, en répétant les anciennes erreurs, n’a pas développé de politiques anticycliques et paie maintenant très cher les conséquences de la crise mondiale.

Programa Venezolano de Educación-Acción en Derechos Humanos (PROVEA)
Rafael Uzcategui

Après une période de boom économique entre 2004 et 2008 –  à l´aide de la hausse des prix internationaux du pétrole - les politiques sociales du Gouvernement ont amélioré les indicateurs et les Objectifs du Millénaire pour le développement ont commencé à faire partie de l'ordre du jour officiel et du débat public. Aujourd'hui, la crise financière internationale et l’augmentation des conflits sociaux résultant de l'affaiblissement des programmes sociaux menacent les progrès réalisés. C’est ce que l’on pouvait attendre d'un modèle de développement qui, en répétant les anciennes erreurs, n’a  pas développé de politiques anticycliques et paie maintenant très cher les conséquences de la crise mondiale.

En 1999, après l'élection d’Hugo Chavez à la Présidence, un processus visant à modifier la Constitution à travers un projet national décidé par la majorité a été entrepris. En raison des larges garanties offertes en matière de droits sociaux, cette nouvelle Constitution a suscité de grandes attentes et a popularisé la question des droits de l' Homme dans les différents secteurs de la population.

Dans le même temps, la hausse soutenue des prix internationaux du pétrole - principal moteur de l'économie vénézuélienne – au cours de la période 2004-2008, a permis au Gouvernement d'obtenir des résultats positifs sur plusieurs indicateurs. Deux ans plus tard, cependant, la situation a commencé à s'inverser et cela pour deux raisons principales.

Tout d'abord, après la ratification pour un deuxième mandat présidentiel de Chavez, le Gouvernement a tenté de modifier la Constitution par référendum - en décembre 2007 - bien que la proposition ait été rejetée. Depuis lors, différentes organisations des droits humains ont donné l’alerte sur l'adoption de diverses lois, règlements et actes administratifs qui sont contraires à la Constitution adoptée en 1999.

Ensuite, la baisse des prix du pétrole et la crise financière internationale ont eu un impact négatif sur les politiques sociales visant à réduire la pauvreté, sans qu’il existe de réponse du Gouvernement aux revendications populaires, augmentant ainsi considérablement  les conflits sociaux.

 

Baisse de la pauvreté

Jusqu'en 2008, le Gouvernement Chávez  se vantait des progrès réalisés pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), avec en premier lieu les résultats ayant trait à l'éradication de l'extrême pauvreté [1].

Entre 2004 et 2006, les chiffres officiels ont estimé à 20% la diminution du nombre de familles pauvres dans le pays. Pour le premier semestre de 2007, les estimations de l'Institut national de statistiques ont montré que le pourcentage de la population vivant dans l'extrême pauvreté était de 9,4 % [2]. En termes de population, les chiffres officiels indiquent qu’entre 1999 et 2009, 4.324.075 personnes ont réussi à sortir de la pauvreté.

Ces progrès ont été reconnus par des organismes internationaux comme la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, pour laquelle le taux de pauvreté au Venezuela avait chuté de 49,4 % en 1999 à 28,5 % en 2007 [3] . Dans son rapport annuel de 2009, Provea indique que cette baisse est en partie due aux efforts réalisés dans le domaine du développement de plans sociaux pour la distribution d’aliments à bas prix, tels que la Mission Mercal, dont la couverture mensuelle estimée pour 2008 atteignait une moyenne de 13 millions de personnes, environ 45 % de la population du pays [4].

En termes d’égalité entre les sexes et d’éducation, une augmentation du pourcentage d'élèves pris en charge par le système éducatif a été enregistrée, passant de 31,25 % pour la période 1990 -1998 à 47,56 % entre 1999 et 2006. En ce sens, le taux net de scolarisation dans l'enseignement de base est passé de 84,7 % en 1999 - 2000 à 93,6 % entre 2006 et 2007, ce qui équivaut à l'incorporation dans le système éducatif de 684.782 élèves. Des résultats similaires se retrouvent dans les niveaux supérieurs de l’enseignement. En 2005, le nombre de personnes inscrites dans les missions éducatives atteignait quatre millions.

En outre, la politique de santé, appelée Barrio Adentro (Au sein du quartier), a permis d’avancer vers l'objectif visé de réduire des deux tiers le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans. Ainsi, la mortalité infantile est passée de 25 en 1990 à 14,2 pour mille naissances en 2007. Ces missions ont permis d’augmenter en très peu de temps les soins médicaux directs, avec la participation de 14.345 professionnels et la construction de modules de soins de santé dans tout le pays. Concernant les soins pour les personnes vivant avec VIH/ sida, les registres ont montré une augmentation de la distribution gratuite de médicaments, passant de 335 patients traités en 1999 à 21.779 en 2007.

Bénéfices financés par les hydrocarbures

A partir de 2004, l’économie du Venezuela a connu une situation d’abondance tout à fait inconnue lors des trois décennies précédentes. Depuis lors, les prix du pétrole ont atteint des sommets historiques sur les marchés internationaux jusqu'en 2008, date à laquelle ils ont atteint des records. En conséquence de ce boom le Produit intérieur brut (PIB) au Venezuela a vécu quatre années consécutives de croissance, les réserves internationales du pays se sont consolidées et la balance des paiements est devenue excédentaire. La hausse des recettes fiscales d’origine pétrolière a permis de financer d'importants programmes d'investissement public et des politiques sociales appelées missions. L'État a pu se développer dans différents domaines, tels que la création d'emplois. On estime qu’en 2008, le secteur public employait 18,2 % de la population économiquement active [5].

En Juillet 2008, le prix du baril de pétrole vénézuélien est parvenu à son zénith atteignant USD 122,40. A partir de cette date, il a commencé à chuter et quatre mois plus tard, il valait la moitié de cette somme, soit USD 63,49 [6].

Ajustement et politiques sociales

L’organisation des élections de gouverneurs et de maires en novembre 2008 et l’adoption d’un amendement constitutionnel en février 2009, ont reporté la discussion sur les possibles conséquences de la crise économique mondiale au Venezuela. Après la période électorale, le 21 mars 2009, le président Chávez a annoncé un train de mesures économiques :

  • Réduction des dépenses publiques.
  • Augmentation de l’impôt sur la valeur ajoutée.
  • Réduction des dépenses somptuaires et inutiles.
  • Promulgation d'une loi qui limiterait les salaires perçus par les hauts fonctionnaires de l'administration publique.

 

La contraction des revenus du pétrole a entraîné le ralentissement, la stagnation et, dans certains cas, le déclin des politiques sociales visant à réduire la pauvreté et les inégalités. Au-delà des annonces officielles concernant le maintien des politiques sociales en dépit de la crise, l'augmentation de 20 % du salaire minimum est inférieure au taux d'inflation qui,  seulement dans le secteur alimentaire, a atteint 43 % en 2008[7].

Contrairement à la baisse importante enregistrée entre 2004 et 2006, la réduction des foyers vivant dans la pauvreté entre 2007 et 2009 n’a pas dépassé 1,1 %. Les derniers chiffres officiels indiquent que 26,4 % des foyers vénézuéliens demeurent incapables de satisfaire leurs besoins fondamentaux.

En outre, à l'exception du secteur de l'éducation, les dépenses publiques en pourcentage du PIB ont diminué depuis 2008 pour tous les secteurs de la société. Selon la Loi du budget de 2010, le montant alloué aux 13
« missions sociales » n’atteint pas 4 % du total, bien que les ressources soient plus élevées en raison de postes budgétaires affectés par voies extraordinaires, ce qui entrave la transparence et le contrôle social de leur mise en œuvre. Pour rendre cette situation encore plus complexe, l'inflation réduit la capacité des plus pauvres à améliorer leur condition de vie. Selon la Banque centrale du Venezuela, l'inflation correspondant à l’année 2008 était de 30,9 %, tandis que celle de 2009 était de 25,1 %, mais même ainsi, le pays affiche un des taux d’inflation les plus élevés de la région [8].

De graves conséquences

La crise de la politique sociale est particulièrement aiguë dans deux domaines : la santé et le logement. Depuis des années, Provea met les autorités en garde contre la fragmentation du système de santé du pays et  la détérioration de la Misión Barrio Adentro. Bien que ces préoccupations aient été écartées par différents porte - parole du Gouvernement, en septembre 2009, le président Chavez a reconnu l’existence d’irrégularités : « Nous déclarons l’état d’urgence dans le domaine de la santé. Nous avons détecté 2000 modules de Barrio Adentro abandonnés, sans médecins. Une négligence de nous tous. Le phénomène s’est développé et des mesures ont été prises, mais nous n'avons pas pu résoudre le problème »[9].

Cette situation est aggravée par des problèmes de structures et d’équipements existant dans le réseau hospitalier du pays et par le manque de professionnels médicaux, ce qui a eu de différentes conséquences dramatiques telles que le phénomène dénommé
« ruleteo » (promenade en taxi) des femmes enceintes, qui avant d’accoucher doivent se rendre dans plusieurs centres de santé pour localiser celui qui pourra les prendre en charge.

La question du logement digne est l'une des plus grandes faiblesses du Gouvernement de Chavez, qui n'a jamais été en mesure pendant sa gestion, d’atteindre ses propres objectifs. La pénurie de logements atteint trois millions de foyers, un calcul qui inclut les maisons devant être déplacées parce qu'elles se trouvent dans des zones à haut risque. Au cours des 10 dernières années, selon les données officielles, un total de 300.939 logements a été construit, ce qui place Hugo Chavez au deuxième rang des présidents démocratiques qui, depuis 1958, ont fait construire le moins de maisons au cours de son mandat.

Le rôle de la société civile

Diverses organisations qui observent la situation des droits de l'Homme ont mis les autorités en garde contre le manque de planification, à moyen et long terme, permettant aux politiques sociales d’être durables indépendamment des périodes de revenus pétroliers élevés. À leur tour, d'autres chercheurs ont démontré que la vulnérabilité de l'économie vénézuélienne face aux fluctuations du prix du pétrole sur le marché international est restée intacte au fil du temps. Par conséquent, le modèle de développement promu par le président Chavez, la consolidation du secteur de l'économie exportateur de produits primaires, possède essentiellement les mêmes caractéristiques que les projets promus dans le passé [10].

L'année 2008 a été l’année du plus grand nombre de mobilisations populaires de la décennie avec 2.893 manifestations, soit une augmentation de 64,09 % par rapport à l'année précédente. Sur ce total, 67,30 % étaient motivées par la revendication de droits économiques, sociaux et culturels, trois des principales revendications étant les conditions de travail (33,97 %), le logement (20,34 %) et la sécurité personnelle (12,34  %). Par ordre d'importance les principaux mécanismes de protestation ont été les barrages de rues, les rassemblements, les manifestations et l’occupation des lieux de travail. Dans cette période une manifestation sur quinze a été réprimée, entravée ou interdite par les organismes de sécurité de l'État.

En outre, sept manifestants ont été tués, cinq parmi eux  abattus par la police ou par des militaires. Face à la perte de patience des autorités en ce qui concerne la mobilisation populaire, le processus de criminalisation de la protestation s’est accru. Depuis 2005 au moins 2.240 cas ont été enregistrés de personnes qui ont dû se présenter en justice pour avoir participé à une action revendicative. Un cas emblématique est celui du dirigeant syndical Ruben Gonzalez, qui, depuis septembre 2009, est privé de liberté pour avoir participé à une occupation paralysant les activités de la compagnie Ferrominera,  propriété de l'État, située dans l'état de Bolivar, pour exiger l'exécution d'une convention collective[11].

Conclusion

Le modèle de développement promu par le Gouvernement Chavez n’a pas réussi à échapper à la dépendance historique dont fait preuve l'économie vénézuélienne envers les prix internationaux du pétrole. Les programmes sociaux ont souffert des caprices de cette variable dont la dimension échappe totalement aux intentions et aux politiques de l'État.

Cette situation a déterminé que les indicateurs sociaux montrent une évolution positive pendant les périodes de boom commercial et stagnent ou même reculent, lorsque ces tendances sont inversées, ce que les organisations de la société civile et divers spécialistes dénoncent depuis un certain temps.

Ainsi, pour les Vénézuéliens, la lutte contre la pauvreté, pour l’accès aux soins de santé, à l'éducation et surtout au logement adéquat a fortement dépendu des courbes internationales de l'offre et de la demande de pétrole brut, d'une part, et d’autre part du manque de prévision et du manque de politiques anticycliques appropriées.

[1] Pour un suivi complet des résultats dans les Objectifs du Millénaire pour le développement par le Gouvernement vénézuélien, voir sur : <www.sisov.mpd.gob.ve/metas_milenio/>.

[2]Ministerio del Poder Popular para la Comunicación e Información (Ministère du pouvoir populaire pour la communication et l'information), le Venezuela se distingue pour la mise en oeuvre des critères visant à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (2008).

[3] Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, Panorama Social de América Latina - 2008. Disponible sur : <www.eclac.cl/publicaciones/xml/2/34732/PSE2008_Cap1_Pobreza.pdf>.

[4] Provea, Informe anual 2009. Disponible sur : <www.derechos.org.ve/titulares/informe-anual-2009-1607>.

[5] Institut national de statistiques. Voir : <www.ine.gov.ve/ine/indexine.asp>.

[6]  Ibid.

[7] Ibid.

[8] Banque Centrale du Venezuela. Voir : <www.bcv.org.ve/>.

[9]« Chávez admet la fermeture de modules de Barrio Adentro et il déclare l’état d’urgence dans le domaine de la santé », La Cl@se.info. Disponible sur : <laclase.info/nacionales/chavez-admite-cierre-de-modulos-de-barrio-adentro-y-declara-en-emergencia-la-salud>.

[10] Margarita López Maya et Luis Lander. « El socialismo rentista de Venezuela ante la caída de los precios petroleros internacionales ». Cuadernos del Cendes, 67 mai-août 2009.

[11] Voir : <www.derechos.org.ve>.

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Une perspective incertaine

Publication_year: 
2010
Summary: 
Le manque d’informations mises à jour et fiables rend difficile de déterminer l´augmentation de la pauvreté en Croatie suite à la crise économique . Cependant, les indicateurs suggèrent que la récession de l’an 2009 a tourné au désavantage des améliorations récentes dans la sphère sociale, ce qui est un obstacle à la gestion de l’appauvrissement croissant du pays. Par conséquent, les circonstances deviennent de plus en plus défavorables pour accomplir le premier Objectif du millénaire pour le développement : l’éradication de la pauvreté. Tenter de réduire l’inégalité et la pauvreté alors que l’on adopte des recettes néolibérales semble non seulement être peu réaliste mais aussi imprudent.

Croatian Law Centre
Inge Perko-Šeparović, PhD
Kristina Babić

 Le manque d’informations mises à jour et fiables rend difficile de déterminer l´augmentation de la pauvreté en Croatie suite à la crise économique . Cependant, les indicateurs suggèrent que la récession de l’an 2009 a tourné au désavantage des améliorations récentes dans la sphère sociale, ce qui est un obstacle à la gestion de l’appauvrissement croissant du pays. Par conséquent, les circonstances deviennent de plus en plus défavorables pour accomplir le premier Objectif du millénaire pour le développement : l’éradication de la pauvreté. Tenter de réduire l’inégalité et la pauvreté alors que l’on adopte des recettes néolibérales semble non seulement être peu réaliste mais aussi imprudent.

La période 2001-2009 considérée pour ce rapport représente presque les deux tiers du délai octroyé pour l’accomplissement des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Pendant cette période, les données du Produit interne brut (PIB) de la Croatie montrent une croissance de près de 4,4 % jusqu’en 2008, année où il chute pour la première fois à 2,4 %.  Puis il y a eu une brusque chute de 5,8 % en 2009[1]. La dette externe, origine principale de ressources additionnelles pour faire face aux dépenses publiques, a augmenté en moyenne de 12,5 % par an pendant la même période[2], alors que la croissance des dépenses publiques a été de 6,7 % en 2008 et de 2,3 % en 2009. Cela n’a contribué qu’à aggraver la crise.     

Pauvreté en augmentation

Malgré l’augmentation du PIB per capita de HRK 25.538 (USD 4.474) en 2001 à HRK 45.379 (USD 7.951) en 2009[3], l’indice de pauvreté pendant la même période n’a pas été influencé. Lors du début de la crise économique et financière de 2008, les indicateurs de pauvreté montraient déjà des signes de régression. Le coefficient Gini – la mesure de l’inégalité des revenus appliquée  par la Banque mondiale – est passé de 0,28 en 2007 à 0,29 en 2008 et le rapport des quintiles, comparant le revenu total équivalent des deux quintiles supérieur et inférieur (20 % des plus riches et 20 % des plus pauvres) est passé de 4,3 en 2007 à 4,6 en 2008.

Par manque d’information disponible lors de l’élaboration de ce rapport, l’indice de pauvreté ne peut être présenté que sur la base de simulations faites par la Banque mondiale ; les données exactes de cette variable seront publiées par l’Office central des statistiques (OCS) en octobre 2010. La simulation des changements de la pauvreté à court terme entre 2008 et 2009 montre une croissance par rapport aux dépenses de 3,5 %. La proportion de ménages au-dessous du seuil de pauvreté accepté de USD 380 par adulte, est passée de 10 % en 2008 à 13,5 % en 2009[4]. La plus grande augmentation de la vulnérabilité, de 5,3 % à 15,8 %, s’est produite dans les ménages avec deux enfants ou plus[5]. Ainsi, au cours d’une année seulement, la récession de 2009 a effacé les récentes améliorations sociales.

Le développement économique entre 2005 et 2008 a favorisé la création de nouveaux postes de travail et la réduction du chômage. Pendant cette période, la pauvreté a été principalement liée au chômage à long terme et à l’inactivité, concentrés notamment chez les travailleurs peu qualifiés. Le taux du risque de pauvreté de 32,6 % en 2008 a été le plus élevé pour les chômeurs.  Cependant, les pertes d’emploi découlant de la crise économique ont provoqué une augmentation de 20 % du nombre des chômeurs enregistrés en janvier 2010 par rapport à l’année précédente. La réduction de l’emploi, la diminution du salaire réel (par rapport à l’indice des prix au consommateur) et le gel salarial du secteur public ont fait basculer beaucoup de gens dans la pauvreté. Les « nouveaux » pauvres se différencient nettement des "anciens" pauvres[6] : ils ont  une meilleure éducation, ils sont plus jeunes et économiquement actifs, ce sont en général des hommes travaillant dans l’industrie et ils vivent dans des régions économiquement plus développées.

Transferts sociaux

Les transferts sociaux peuvent être définis au sens large et au sens strict. Au sens strict, suivant l’Eurostat, ils comprennent les revenus relatifs au chômage, les congés maternité, les bénéfices des soins aux nouveaux nés, les allocations familiales, les bénéfices de congé maladie de plus de 42 jours, les bénéfices pour blessures personnelles et soins aux tiers, les bénéfices sociaux, les bénéfices de réinsertion et l’emploi des handicapés, les pensions pour handicapés, les frais d’éducation et les bénéfices de logement. Les transferts sociaux suivant le sens strict ont trait aux bénéfices octroyés aux individus, à savoir,  de l’argent liquide, et non pas sous forme de services (par exemple, le soin gratuit de la santé) ou de biens matériels.  

Les transferts doivent être effectifs et efficaces lorsqu’ils abordent la pauvreté pour qu´il y ait un effet de redistribution important, de façon à réduire le taux de pauvreté. Ainsi, les réductions les plus importantes ont été produites par les dépenses publiques destinées aux bénéfices sociaux.  

L’OSC n’a pas encore adopté la méthodologie d’Eurostat pour collecter les données des dépenses destinées à la protection sociale et aux transferts sociaux. Par exemple, la catégorie « autres recettes liquides » du questionnaire sur les dépenses des foyers est similaire à celle des transferts sociaux d’Eurostat, bien qu’il existe la variable « pension à titre familial ». 

Les frais des transferts sociaux et la croissance économique ont stabilisé le taux de pauvreté pendant la première partie de la période étudiée, malgré ses effets sur la réduction de l’inégalité sociale, très peu significatifs. Le manque de données complètes et fiables pour 2009 et l’incertitude vis-à-vis de la situation de la Croatie d’ici fin 2010 rendent impossible la présentation d’une description complète de l’impact de la crise. Des indicateurs montrent cependant que cet impact sera important et que les circonstances seront de plus en plus défavorables pour arriver à éradiquer la pauvreté. La croissante paupérisation sera difficile à contrôler.

Tous les facteurs en jeu – la diminution du PIB ajoutée à l’augmentation de la dette et des dépenses publiques – montrent clairement qu’il est nécessaire de faire des réductions radicales dans le budget. Le budget 2010 n’a pas encore été rééquilibré et on se demande où se produiront les réductions. Certes, ces réductions ne devraient pas toucher le secteur des transferts sociaux, indispensables pour atténuer la situation de plus en plus difficile des bénéficiaires. 

La ligne budgétaire des bénéfices du chômage en 2009 a été corrigée à trois reprises : le 9 avril la quantité prévue de USD 150 millions  a été augmentée de USD 20 millions ; le 18 juillet, USD 42 millions ont été rajoutés et le 3 août, la quantité a été réduite de quelque USD 22 millions (en raison de l’incidence du travail saisonnier sur la réduction du chômage). En conséquence, la ligne budgétaire des bénéfices en argent liquide pour les citoyens et les ménages a été corrigée : la somme prévue de USD 68,6 millions a augmenté de 10 % avec le premier amendement, puis a encore augmenté de USD 3 millions et s’est finalement réduite de USD 228.500. Ces exemples montrent que le Gouvernement s’est mal préparé pour la crise et qu’il n’a pas prévu les mesures appropriées pour y faire face. Le manque de prévision a laissé le pays mal équipé pour y répondre et il a réagi de manière ad hoc.   

Conclusion 

La Croatie a pris la route de la récession et sa récupération ne sera ni simple ni rapide. Il faut des connaissances, de la capacité et du courage pour choisir les politiques correctes ainsi que les instruments et les mesures visant à leur mise en application, leur monitoring et leur évaluation efficaces. Il est peu probable que les problèmes sociaux puissent être résolus de manière efficace par le biais de mesures ad hoc. Il est indispensable d’utiliser de manière optimale les moyens disponibles dans ces conditions de restrictions croissantes pour être en mesure de surmonter la crise et, à la fois, réduire la pauvreté.  

La réponse à la question « la Croatie, aura-t-elle du succès sans renoncer au modèle néolibéral dominant ? » est négative.  Croire qu’il est possible de réduire la pauvreté et l’inégalité en appliquant des recettes néolibérales est peu réaliste et insensé.

[1]    Banque nationale de Croatie, "Real GDP growth rate – Croatia." Disponible sur : <www.hnb.hr/publikac/epublikac.htm>.

[2]  Ibid.

[3]    Banque nationale de Croatie, "General information on Croatia – economic indicators." Disponible sur : <www.hnb.hr/statistika/e-ekonomski_indikatori.htm>.

[4]Banque mondiale, Croatia: Social Impact of the Crisis and Building Resilience, 10 juin 2010, 38–39. Disponible sur : <go.worldbank.org/SPXPLMBLM0>.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

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Victime des relations de pouvoir asymétriques

Publication_year: 
2010
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La crise financière mondiale a généré un chômage endémique, un déficit budgétaire croissant et une augmentation de la dette. Le Gouvernement doit mettre en oeuvre une politique fiscale visant à stabiliser l’économie et modifiant le montant et la structure des impôts et des dépenses, ainsi que la distribution de la richesse. Il doit également garantir une attribution efficace des ressources publiques et une transformation sociale à tous les niveaux. D’autre part, le financement du développement doit être accompagné de la réforme démocratique. Le processus devrait défier la logique centralisatrice du pouvoir, naissant d’un débat public soucieux d’équité et de dignité.

Prof. Edward Oyugi, P. Thigo, J.Kipchumbah, A. Matunga, Social Development Network (SODNET)
Oduor Ong’wen, SEATINI KENYA
Vitalice Meja, Kenya Debt Relief Network (KENDREN)
Rebecca Tanui, BEACON
Don Bonyo, Daraja - Civic Initiatives Forum
James Maina Mugo, Social Watch/Futa Magendo Chapters
Opiata Odindo,  Elimu Yetu Coalition
James Kamau, Kenya Treatment Access Movement (KETAM)

La crise financière mondiale a généré un chômage endémique, un déficit budgétaire croissant et une augmentation de la dette. Le Gouvernement doit mettre en oeuvre une politique fiscale visant à stabiliser l’économie et modifiant le montant et la structure des impôts et des dépenses, ainsi que la distribution de la richesse. Il doit également garantir une attribution efficace des ressources publiques et une transformation sociale à tous les niveaux. D’autre part, le financement du développement doit être accompagné de la réforme démocratique. Le processus devrait défier la logique centralisatrice du pouvoir, naissant d’un débat public soucieux d’équité et de dignité.

La crise actuelle du néo-libéralisme offre aux acteurs des politiques de développement la possibilité de relancer le débat sur les politiques publiques et de reprendre les pourparlers sur le genre de développement souhaité et la manière de le financer de façon durable.  De même, elle nous oblige à repenser les conditions financières nécessaires au développement dans le contexte de la réduction des entrées financières publiques et privées, du poids de la dette plus lourd chaque jour et d’une augmentation du déficit budgétaire. Cette nouvelle analyse doit reconnaître avant tout qu’à l’échelle aussi bien mondiale que nationale, les finances sont davantage un outil intervenant dans le relations de pouvoir qu’une ressource neutre. Il faut commencer à considérer l’argent en tant que valeur, ainsi que les institutions qui le gèrent, fondamentalement les corporations, les institutions financières et les agences gouvernementales qui abordent les fonctions essentielles de la règlementation, du budget, des dépenses et des audits.

Depuis son adoption en 2002 en tant que cadre politique pour le  financement du développement à travers la coopération internationale, le Consensus de Monterrey est devenu le point de référence le plus important en ce qui concerne la mobilisation des ressources financières pour le développement des économies du Sud. Les six domaines analysés dans le consensus s’appuient sur des méthodes traditionnelles basées sur le marché destiné à recueillir des fonds pour le développement, incluant l’engagement formel vis-à-vis du processus et de la mise en oeuvre. Cependant, la Conférence internationale de suivi sur le financement du développement (FdD) qui s’est tenue à Doha en 2008, n’est pas parvenue à donner l’élan nécessaire. Le problème des contradictions entre le capitalisme financier, en pleine frénésie spéculative, et les impératifs éthiques du développement social équitatif n’a pas été abordé. Il faut absolument arriver à un nouvel accord basé sur de nouvelles perspectives.

La recherche d’un lien entre le financement et le développement

Les perspectives majoritaires du financement du développement se sont trop ciblées sur les outils du financement, sur le volume des ressources mobilisées – aussi bien nationales qu’internationales – sur la durabilité de la dette et sur des affaires systémiques et de cohérence. Tous ces aspects détournent l’attention de l’impératif réel : le besoin de créer un lien durable entre le financement et le développement.

Au cours des 20 dernières années, le Kenya a essayé de rédiger une nouvelle Constitution afin de redéfinir les relations de pouvoir entre les citoyens et leur gouvernement. Ce processus de révision constitutionnelle a été pris en otage par les rivalités tribales autour du pouvoir. Aujourd’hui, alors que le conflit ethnique constitue une véritable menace, les autorités du Kenya n’ont pas l’intention de divulguer à la population les effets nocifs de la crise financière mondiale sur l’économie nationale.

La crise financière mondiale a débouché sur une situation de chômage endémique, une aggravation du déficit budgétaire et une augmentation du portefeuille de la dette. En 2008, le taux de croissance est descendu à 2,1 %. Au  premier trimestre 2009, il est monté à 4 %, mais il est redescendu à 2,1 % au deuxième trimestre. Ce ralentissement de la croissance économique a réduit l’emploi et augmenté la pauvreté[1]. Afin d’en atténuer les effets, le Gouvernement a mis en place une série de mesures telles que le Plan de relance économique visant différents secteurs de l’économie. Il semblerait cependant que les répartitions des fonds d’aide aient été décidées sans tenir compte des priorités sectorielles : la stratégie mise en œuvre a été élaborée sans aucune consultation généralisée de la base. Concevoir une stratégie efficace supposerait la redéfinition des relations de pouvoir afin de les centrer sur l’équité, sur la dignité, sur la participation et sur la délégation. Cela rendrait possible l’établissement d’un contrat social capable de constituer le cadre d’un processus de financement du développement stimulé par l’ensemble des citoyens.
 
Pauvreté transgénérationnelle

L’ordre constitutionnel actuel du Kenya est l’héritage du gouvernement colonial. Il perpétue une culture de suprématie politique et économique des secteurs privilégiés de la société et soumet grande partie de la population qui, de génération en génération, vit dans la misère malgré les changements illusoires des élections successives. Dans une société en soi pacifique, la soudaine explosion de violence suite aux élections, ainsi que les épisodes violents de conflits précédents surgissent des disputes tribales briguant l’autorité patrimoniale dans les républiques post-coloniales successives du pays.
 
Malgré ces difficultés, le pays jouit d’un rendement fiscal élevé, puisque le rapport impôts/PIB dépasse 20 %. Il est capable de financer une bonne partie du budget ; les dons externes financent une portion bien moindre que dans les autres pays de la région. En ce qui concerne les revenus, le Gouvernement poursuit ses efforts pour mobiliser les ressources internes afin de réduire la pauvreté ; l’assiette des impôts a été augmentée grâce à des réformes de la politique fiscale et à la modernisation de l’administration interne des impôts et des douanes. Cependant, l’efficacité mise dans la génération de revenus et la collecte des impôts n’ont pas suffi pour garantir la réduction de la pauvreté.

Le Gouvernement nécessite une politique fiscale qui stabilise l’économie et qui établisse des contrôles sur le montant et la structure des impôts et des dépenses, et qui encourage à la fois la redistribution de la richesse. Il doit également garantir une adjudication efficace des ressources publiques, ceci étant fondamental pour le développement économique et la transformation sociale à tous les niveaux.  La génération de revenus ne doit pas se limiter à l’administration, au respect et au suivi du système fiscal. Les citoyens doivent exiger la transparence et la justification des comptes sur l’utilisation des ressources publiques destinées à l’amélioration des prestations des services publics. Le Tableau 1 reflète le degré d’asymétrie de la composition des revenus.

La Loi relative au Fonds de développement des circonscriptions : la cimentation des structures de pouvoir

On a essayé plusieurs fois de dévier le noyau du pouvoir vers les bases. Ce mouvement adhère au concept de subsidiarité pour justifier le glissement de pouvoir du Gouvernement central aux sphères locales de l’autorité publique. Cependant, la mise en œuvre de ce concept n’a pas eu le succès attendu. Il en a été ainsi de l’introduction des fonds d’apport et, plus précisément des Fonds de développement des circonscriptions (CDF, d’après son sigle en anglais), établis par la Loi de CDF de 2003[2]. Cette législation propose d’affirmer les droits, les rôles et les responsabilités des citoyens, notamment en ce qui concerne les bases, la définition des priorités et le financement du développement. Au départ, elle était prévue et a été élaborée pour aborder les injustices historiques ayant trait à la répartition des ressources par le Gouvernement central, surtout à l’époque des présidents Jomo Kenyatta et Daniel Moi (de 1963 à 2002), lorsque la distribution des ressources se basait sur la loyauté au régime politique. À ses débuts en 2003, après la déroute du régime de Moi, le CDF fut acclamé pour l’audace que représentait le glissement de la planification des priorités de développement du Gouvernement central aux domaines des circonscriptions locales. Il est devenu un pilier fondamental du processus de réforme qui devait en principe contrôler la démocratie néo-libérale et renforcer la logique et les principes de la subsidiarité.

Le CDF a été établi pour venir en aide aux sous-régions dont le financement du développement avait été fortement restreint comme mesure de répression et pour contrôler le déséquilibre du développement régional généré par la politique partisane. En dernier ressort, il n’a fait que cimenter l’emprise des élites gouvernantes sur les moyens de subsistance et sur la vie de la communauté. Dans la plupart des cas, les fonds d’apport ont permis aux parlementaires chargés d’administrer ce fonds commun colossal de se convertir en membres du parlement à vie. Il échoit aux parlementaires, en tant que promoteurs des fonds, le pouvoir de nommer les Commissions des Fonds de développement des circonscriptions, ainsi que les commissaires comptables[3]. Ce pouvoir absolu sur la distribution des ressources au niveau des bases, est un reflet du paradigme actuel de la démocratie néo-libérale, qui se fonde sur la prétendue efficacité des forces du marché[4]. Dans la pratique, il garantit aux parlamentaires la détention du pouvoir et les ressources pour maintenir une culture de parrainage et de clientélisme et, par extension, il perpétue la culture de parrainage des régimes précédents, qui refusaient à leurs adversaires politiques et aux zones de l’opposition les fonds de développement si nécessaires.

Los citoyens doivent être impliqués

Ne pas impliquer les citoyens dans la mobilisation et la distribution des ressources dans les sphères locales risque d’avoir des retombées négatives sur les systèmes de subsistance des communautés au niveau des foyers. Les parlementaires sont connus pour leur propension à affecter des ressources, comme les fonds de développement pour l’infrastructure, à leurs propres régions et à leurs bastions politiques, et pour avoir transféré des fonds destinés aux bourses d’étude à leurs propres supporters politiques[5]. Les Commissions des CDF ont la charge d’administrer le fonds commun, mais elles se composent de parents et d’amis. Par exemple, l’enquête pour la transparence internationale dans la province côtière a démontré que 73 % des personnes enquêtées n’avaient aucune idée de la façon dont ces fonds étaient gérés. Cette même enquête révèle que 60 % des habitants de la zone attribuent leur manque de participation aux projets du CDF à leur affiliation politique[6]. En sept ans d’affectation de fonds, et malgré une croissance économique de 6 %[7] pendant les cinq premières années qui ont suivi l’époque de Moi, la pauvreté a non seulement augmenté, mais elle s’est également approfondie et a empiré ces derniers temps : plus de 56 % de la population de Kenya vit en dessous du seuil de pauvreté, ce qui constitue une forte augmentation par rapport au 42 % de l’année 2007[8].
 
La décentralisation des ressources sans une décentralisation du pouvoir de décision sur l’usage réservé à ces ressources, c’est là une simple prolongation du paradigme actuel du développement dans des pays comme le Kenya et ceux du Sud global qui fait douter de l’existence d’un intérêt véritable pour que les communautés gagnent en autonomie et contrôlent leur propre destin.

Les politiques des partenaires occidentaux qui soumettent le financement de l’aide au développement à la réforme démocratique, n’édifient pas de nouvelles structures de pouvoir qui pourraient déboucher sur l’utilisation équitable et efficace des ressources destinées à améliorer la vie des communautés. De fait, cette sorte de financement du développement, notamment quand il se canalise à travers les organisations de la société civile d’encouragement au développement local, est lié à un paradigme d’aide qui, dans presque tous les cas, n’est qu’une tentative d’évasion du pouvoir vers des compagnies et des gouvernements étrangers.
 
Il faut remodeler le paradigme actuel du FdD pour qu’il défie la logique centralisatrice du pouvoir et qu’il le décentralise vers les communautés et les collectifs. La logique centralisatrice du concept de la démocratie libérale dérive implicitement vers la marginalisation et l’oppression des majorités. Il faut un nouveau paradigme qui aspire à créer un monde favorisant l’épanouissement des individus et des collectifs, au lieu d’un monde de profits et de rendements.
 
Ce nouveau paradigme du FdD devra être établi à partir d’un débat populaire qui fera intervenir les valeurs d’équité et de dignité.  Il faudra demander à tous les hommes, les femmes, les jeunes et les enfants de contribuer à cette démarche et d’aider à définir les objectifs du développement. Le nouveau paradigme issu de ce processus peut générer des niveaux de pouvoir décentralisé qui incluront une nouvelle logique de développement basée sur les besoins de croissance sociale de tous les citoyens.  

[1] Francis M. Mwega, Paper 17: Kenya ("Document 17: Kenya"), Overseas Development Institute, Global Financial Discussion Series (Institut de Développement d’outremer, Série sur l’analyse financière mondiale). Voir sur : <www.odi.org.uk/resources/download/4723.pdf>.

[2]  Loi de CDF, Kenya Gazette Supplement No. 107.

[3]  Ibid.

[4]  Corinne Kumar. South Wind, Towards A New Political Imaginary (Vent du sud; vers un nouvel imaginaire politique) in Dialogue and Difference, (Londres; Palgrave Macmillan, 2005).

[5]  George Ochieng, CDF Social Audit Report-Nyanza (Rapport CDF d’audit social-Nyanza), 2009.

[6]  Pwani Coalition on Good Governance (Coalition Pwani sur la bonne gouvernance), Citizen’s Monitoring Report 2010 (Rapport de suivi des citoyens 2010).

[7]  Discours sur le budget du ministre de l’Économie, 2007. Voir sur : <www.treasury.go.ke> (visité le 20 février 2010).

[8]  Voir sur : <www.kbc.co.ke/story.asp?ID=62203>.

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Vulnérabilité et violence, des réflexes de la pauvreté

Publication_year: 
2010
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Le pays, qui a pour la première fois un gouvernement de gauche, essaie d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). La baisse du taux de pauvreté et de l’extrême pauvreté, la réforme du système de santé pour le rendre accessible à toute la population, l’élaboration de politiques de prévention des catastrophes naturelles et les progrès vers l’égalité des sexes sont des priorités que le nouveau Gouvernement doit fixer. Si le Salvador veut atteindre les OMD d’ici à 2015, il est impératif qu’il mette l’accent sur la lutte contre la vulnérabilité d’une grande partie de sa population, sans oublier le combat contre la violence et la criminalité.

Social Watch El Salvador

Jeannette Alvarado

Scarlett Cortez

Mario Paniagua

Le pays, qui a pour la première fois un gouvernement de gauche, essaie d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). La baisse du taux de pauvreté et de l’extrême pauvreté, la réforme du système de santé pour le rendre accessible à toute la population, l’élaboration de politiques de prévention des catastrophes naturelles et les progrès vers l’égalité des sexes sont des priorités que le nouveau Gouvernement doit fixer. Si le Salvador veut atteindre les OMD d’ici à 2015, il est impératif qu’il mette l’accent sur la lutte contre la vulnérabilité d’une grande partie de sa population, sans oublier le combat contre la violence et la criminalité.

L’année 2009 a été marquée par des événements qui ont changé le cours du pays aux niveaux politique, économique et social. L’élection présidentielle du mois de mars représente un des principaux événements historiques pour la nation car pour la première fois, un candidat de gauche, le journaliste Mauricio Funes, du Front Farabundo Marti pour la libération nationale, a été élu à la présidence du pays pour un mandat de cinq ans.

Les préoccupations marquantes des citoyens et du Gouvernement lors de la prise de fonctions étaient la crise économique - 50 % de la population était au chômage ou sous-employée - et l’insécurité sociale ; selon des estimations de l’ONU, seulement deux travailleurs sur 10 avaient un contrat de travail, bénéficiaient de la sécurité sociale et touchaient un salaire décent. Selon des sondages publiés dans différents médias, les trois principaux problèmes qui ont affecté les Salvadoriens en 2009 étaient le taux élevé de criminalité, le chômage et le prix élevé des denrées de base.

La nécessité d’une réforme fiscale

Le dernier rapport présenté par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en 2009, Pas d’excuses. Atteignons les Objectifs du millénaire pour le développement en 2015, affirme que le taux d’extrême pauvreté a été réduit de plus de 50 % puisque l’on est passé de 28,8 % des foyers vivant dans cette situation en 1991 à 10,8 % en 2007[1].

Toutefois, ces chiffres ne signifient pas que le pays ait totalement éliminé le fléau de l’extrême pauvreté, un problème qui continue à être un des principaux enjeux du Gouvernement. Il y a encore plus de 800.000 personnes vivant dans des conditions d’extrême pauvreté, ce qui indique que ce problème mérite une attention prioritaire et intégrale avec un plus grand investissement des ressources.

Selon l’analyste W. Marroquín, dans la lutte contre l’extrême pauvreté il existe des différences entre les pays de la région ; cet objectif est un peu plus accessible pour le Salvador que pour ses voisins. On estime que le pays pourrait éradiquer l’extrême pauvreté en destinant à cet objectif 6 % de son revenu, tandis que le Honduras et le Nicaragua devraient investir 8 % de leur revenu, un but difficile à atteindre sans aide extérieure[2].

La réduction des inégalités des revenus n’est possible que par le biais d’une réforme fiscale et de la redistribution équitable des richesses. Dans son discours inaugural, le président Funes s’est engagé à travailler sur la réduction de la pauvreté et du chômage à travers un plan de relance économique globale qui inclut des mesures visant à stabiliser l’économie, augmenter l’investissement dans des projets d’infrastructure (y compris l’approvisionnement d’énergie électrique dans les zones rurales) et l’indemnisation des travailleurs et de leurs familles pour la perte de leurs emplois. Parmi les mesures innovatrices se trouvait l’extension du système de sécurité sociale aux travailleurs domestiques, dont 90 % sont des femmes. Le ministère du Travail a lancé une campagne visant à éradiquer le travail des enfants et à renforcer la protection du travail par le biais de la légalisation de 75 nouveaux syndicats.

Les changements dans le système de santé

Il est important de signaler que le nouveau Gouvernement, qui a assumé ses fonctions en juin 2009, essaie d’interrompre le processus de démantèlement et d’abandon de la santé publique et de la sécurité sociale. Parmi les problèmes les plus graves il faut signaler la pénurie chronique et délibérée de médicaments, l’établissement des quotas soi-disant volontaires[3], les compressions budgétaires pour les hôpitaux et les conflits d’intérêts entre les ministres et les services privés responsables de fournir le système public et de sécurité sociale[4].

En mai 2009, une nouvelle politique de santé dénommée Construyendo la esperanza (Construire l’espoir) a été inaugurée, reflétant les intentions des diverses organisations sociales et l’engagement public du nouveau Gouvernement en matière de santé[5]. Ainsi, pour la première fois, l’État reconnaît la santé comme un droit et s’oppose explicitement à la commercialisation de celle-ci car il la considère comme un bien public[6].

Au cours des premiers mois de la nouvelle gestion du ministère de la Santé publique et de l’assistance sociale (MSPAS) un processus d’achat de médicaments a été mis en œuvre afin d’approvisionner les hôpitaux et les centres de santé auquel le ministère a assigné 17.900 SVC (un peu plus de USD 2 millions), destinés à renforcer le budget de 2010, à amplifier les contrats des appels d’offre de 2009 et à acquérir des médicaments essentiels pour les hôpitaux[7]. Pendant le deuxième semestre 2009, le MSPAS a dû faire fait face à l’épidémie de grippe H1N1 avec un investissement de près de USD 150.000, lui permettant de maintenir un faible taux de mortalité par rapport aux autres pays de la région.

Le Salvador est le pays d’Amérique centrale où les médicaments sont les plus chers (médicaments de marque et génériques). Il n’existe pas de politique de règlementation des prix ou de la qualité des médicaments consommés. Lorsqu’en février 2010 le MSPAS a présenté un projet de loi garantissant la réglementation des prix et de la qualité des médicaments, les médias ont réagi par une attaque dirigée par la plus grande entreprise pharmaceutique nationale et soutenue par les partis de droite. Cela a provoqué la stagnation du projet de loi au Parlement.

Les dépenses publiques en santé, qui ont diminué au cours de ces dernières années, n’ont pas dépassé 3,6 % du PIB. Le Gouvernement actuel s’est engagé à atteindre 5 % dans les cinq ans à venir. L’accomplissement de cet objectif devrait se traduire par des améliorations au niveau de l’accessibilité, la disponibilité et la qualité des soins offerts par le MSPAS. Bien qu’en 2009 on ait constaté des améliorations concernant les indicateurs officiels de la couverture des services de santé, la continuité d’un bon nombre de ces stratégies est en péril, car elle dépend des financements extérieurs.

Le rapport final de l’Enquête nationale sur la santé familiale (FESAL) 2008 signale une diminution du taux de mortalité infantile (pour les enfants de moins d’un an) de 9 points. En ce qui concerne la population de moins de 5 ans, la baisse a été de 12 points à l’échelle nationale[8]. Cependant, il existe un écart considérable entre les niveaux d’amélioration dans la population urbaine, plus avantagée, et les zones rurales, où la vulnérabilité reste élevée. En conclusion, la plupart des enfants décédés vivaient loin des grandes villes, dans la pauvreté et sans accès aux services de santé.

La mortalité maternelle est toujours une priorité dans le cadre de la réalisation des OMD étant donné que, selon les déclarations du Gouvernement, il ne sera pas possible de respecter l’engagement pris lors du Sommet du Millénaire de réduire la mortalité maternelle de 75 % avant 2015. Les taux de mortalité maternelle au fil du temps sont les suivants : 82 décès pour 100.000 naissances en 2006, 64 décès pour 100.000 naissances en 2007, 62 décès pour 100.000 naissances en 2008 et 82 décès pour 100.000 naissances en 2009. La diminution du taux correspondant à la période 2007-2008 est principalement attribuable à la sous-déclaration des cas et elle ne reflète pas une véritable amélioration de l’indicateur[9].

En ce qui concerne l’infection par le VIH/SIDA, jusqu’à novembre 2009 on estimait que le total de personnes affectées était de 23.731, dont plus de 15.000 sont VIH-positifs étants les autres atteintes de SIDA[10]. L’ONUSIDA a suggéré qu’il pourrait y avoir une sous-estimation de jusqu’à 25.000 cas. Avec ces données, on a du mal à assurer que la tendance se soit arrêtée, tel que l’exige l’OMD 5. Actuellement, le programme national pour le VIH/sida est financé exclusivement par des ressources externes, à travers le Fonds mondial[11] ce qui menace sa continuité.

En Juin 2009, le sujet de la participation sociale et du contrôle social a été introduit dans le document Construyendo la esperanza. Actuellement le Forum national de la santé est en cours de création (programmé pour 2010), un organisme qui assurera le suivi de ces aspects et sera coordonné par les organisations sociales.

Davantage de vulnérabilité environnementale

Les pluies provoquées par la dépression tropicale Ida, en novembre 2009, on mis à nu une fois de plus le haut degré de vulnérabilité du Salvador. En quatre heures, 355 mm de pluie ont été enregistrés dans l’ensemble du pays, un chiffre d’énorme magnitude si l’on pense que lors de l’ouragan Mitch 400 mm de pluie sont tombés en cinq jours[12].

Les zones les plus touchées par le phénomène ont été les hauts plateaux et les régions côtières des départements de San Salvador, San Vicente, La Libertad, La Paz et Cuscatlan. À l’échelle nationale, on recense 198 morts, 77 disparus et 7428 familles sinistrées. Cent dix sept centres d’hébergement ont été équipés pour prendre en charge les quelque 14.300 personnes évacuées. Les glissements de terrain et les inondations ont provoqué l’effondrement des ponts et la fermeture de routes, ce qui a isolé plusieurs municipalités du pays. On signale également des pertes considérables liées aux cultures de haricots, de maïs, de canne à sucre et de café.

L’impact de la tempête tropicale Ida était prévisible, étant données les importantes vulnérabilités sociales et environnementales du Salvador et la réticence des administrations précédentes à affronter de façon responsable la crise environnementale exacerbée par le modèle économique néolibéral.

Les organisations sociales réunies à la Table permanente de gestion des risques au Salvador, ont dénoncé l’absence de politiques publiques sur la gestion des risques et l’aménagement des terres, ainsi que la nécessité de réformer la loi actuelle sur la Protection civile pour la prévention et l’atténuation de catastrophes naturelles[13].

La violence : une barrière à l’éducation

En 2009, la Police nationale civile a enregistré 4365 homicides, représentant 1186 homicides de plus qu’en 2008 et une moyenne de 12 à 13 meurtres par jour. Selon le Rapport sur le Développement humain en Amérique centrale 2009-2010, en 2008 le pays occupait la deuxième position (après le Honduras) pour le nombre de meurtres : 52 homicides pour 100.000 habitants contre 58 au Honduras[14]. Il est impératif de mettre fin aux actions des gangs qui opèrent en toute impunité.

Pendant ces dernières années la violence et la criminalité ont sérieusement affecté le secteur de l’éducation nationale. Seulement pour le mois de juin 2009, le ministère de l’Éducation a déclaré qu’il y avait 742 écoles à risque concernant la criminalité, un nombre supérieur à celui de 2008, qui était de 500 écoles. Ces chiffres reflètent un niveau élevé de violence chez les jeunes, ce qui rend difficile l’accès à l’éducation de milliers de jeunes qui, pour la plupart, ont suivi une éducation primaire et secondaire.

Selon le dernier rapport d’accomplissement des OMD au Salvador, présenté en mars 2009, entre les OMD difficiles à atteindre se trouve la possibilité de terminer le cycle de l’enseignement primaire.

Dans ce sens, le travail infantile et la pauvreté jouent un rôle principal en empêchant les mineurs d’achever leurs études primaires. En ce qui concerne l’élimination des inégalités d’éducation entre les sexes, bien que le rapport du PNUD affirme que cet objectif a été pleinement atteint, seule la population inscrite à système éducatif officiel est prise en compte, laissant en dehors des indicateurs du pays toute la population qui n’a pas encore les moyens d’accéder à ce droit fondamental[15].

Dans le domaine de l’enseignement en 2009, les principales propositions du Gouvernement étaient les suivantes : la réduction de l’analphabétisme (en cinq ans le taux d’analphabétisme devrait passer de 16 %[16] à 3,2 %), le programme d’alimentation scolaire, la fourniture de kits scolaires et d’uniformes gratuits aux élèves et le renforcement des programmes d’enseignement qui permettront d’améliorer la qualité du projet éducatif au niveau national.

L’égalité entre les sexes : un objectif lointain

Bien que du point de vue légal le Salvador soutienne l’égalité entre les sexes et favorise le développement des femmes, au-delà des formalités diplomatiques et des conventions et des engagements internationaux assumés, on peut dire que les progrès des femmes salvadoriennes 15 ans après la Conférence de Beijing sont faibles. Les avancées dans ce sens ont été possibles grâce aux efforts du Mouvement des femmes et à la volonté de certains partis politiques[17].

En ce qui concerne l’engagement pris à Beijing par le Gouvernement salvadorien en matière de promotion de l’équilibre entre les sexes dans leurs institutions, on constate que l’État n’a pas fait les efforts nécessaires pour réduire l’écart entre les sexes, car les hommes sont toujours plus nombreux que les femmes aux postes clé. La participation des femmes à l’Assemblée législative ne représente actuellement que 9 % de la composition totale[18].

Social Watch El Salvador considère important de tenir compte des observations faites en 2004 par Mme Yakin Ertürk, rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes au Secrétariat général des Nations Unies. Yakin Ertürk affirmait que l’absence d’enquêtes nécessaires visant à juger et à punir les auteurs de violence contre les femmes crée un climat d’impunité qui alimente le manque de confiance dans le système judiciaire. Le résultat est une société dans laquelle les femmes sont des victimes constantes de la violence sexuelle, économique et psychologique et se trouvent en situation de disparité économique et vivent dans une culture sexiste qui limite leur chance de parvenir à une qualité de vie digne.

Conclusion

Si le Salvador veut atteindre les OMD d’ici à 2015, il est impératif que les autorités responsables mettent l’accent sur la lutte contre la vulnérabilité d’une grande partie de sa population et contre la violence et la criminalité dans l’ensemble de la société. La vulnérabilité se reflète dans les taux toujours élevés de pauvreté et d’extrême pauvreté, dans les problèmes de santé causés, entre autres, par les coûts élevés des assurances maladies et des médicaments, dans le manque d’une politique plus efficace concernant la prévention des catastrophes naturelles et dans l’absence de mise en œuvre de politiques de genre qui éliminent les inégalités. En outre, il faut mettre fin aux activités des gangs qui opèrent en toute impunité.

 

[1] PNUD, Rapport annuel PNUD El Salvador 2009. Disponible sur le site Internet : www.pnud.org.sv/2007.

[2] Marroquín, W., "El Salvador pobreza extrema y reforma fiscal",(El Salvador pauvreté extrême et réforme fiscale) Musée ¡Ajá!, (2009). Disponible sur le site Internet.

[3] Il s’agit d’un système de financement de la santé publique instauré par le Gouvernement précédent dans lequel les fonctionnaires des hôpitaux demandent de l’argent aux patients pour leur fournir une gamme complète de soins. Ces ressources s’utilisent pour couvrir les coûts de gestion et de salaires.

[4] Alliance citoyenne contre la privatisation de la santé, Bilan de santé 2009, décembre 2009.

[5] Ibid.

[6] Rodríguez, M., Construyendo la Esperanza, Estrategias y Recomendaciones en Salud, Ministère de la Santé publique et de l'assistance sociale, 2009.

[7] Alliance citoyenne contre la privatisation de la santé, op. cit.

[8] Association démographique salvadorienne, Enquête nationale sur la santé familiale 2008. Rapport final. Disponible sur : <www.fesal.org.sv/2008/informe/final/default.htm>.

[9] MSPAS, Mortalité maternelle au Salvador, années 2006 à 2009 (2010).

[10] Ibid.

[11] Le Fonds Mondial, crée en janvier 2002, siège à Genève, en Suisse. Son but principal est d’attirer, de gérer et d’assigner des ressources pour le contrôle et la prévention de l’infection par le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme partout dans le monde dans le cadre des OMD.

[12] Fondation Maquilishuatl, Rapport de l’urgence IDA, novembre 2009.

[14] PNUD, Informe Sobre Desarrollo Humano para América Central 2009-2010 (2009). (Rapport sur développement humain pour l´Amérique centrale 2009-2010) Disponible sur le site Internet :

<www.enlaceacademico.org/uploads/media/IDHAC_2009-2010.pdf>.

[16] Association Intersectorielle pour le développement économique et le progrès social (CIDEP), Bilan éducatif 2008-2009.

[17] Dina Sales, Rapport Beijing + 15 El Salvador (CIDEP, décembre 2009).

[18] Concertation Féministe Prudencia Ayala ; Las Mélidas ; Las Dignas ; Organisation des femmes Salvadoriennes, Circulaire "La violence contre les femmes est toujours une urgence nationale" (novembre 2009).

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À la merci des pirates

Publication_year: 
2010
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Étant l'un des pays les moins développés du monde, la Somalie dépend de l'assistance internationale. L’aide est cependant rare et insuffisante en raison de la crise économique mondiale. Par ailleurs, les donateurs sont peu disposés à se confronter aux groupes armés de la région ainsi qu'aux autorités nationales. Les ressources obtenues par le biais de la piraterie sont presque aussi importantes que celles provenant de la Commission européenne (CE). Dans une société sans égalité des sexes comme la Somalie, ce sont les femmes qui subissent les pires effets de la guerre et de la pauvreté.

Somali Organisation for Community Development Activities  (SOCDA) hébérgeant le Secrétariat de la coalition SW Somalia.
Ali Mahamoud Osoble

Étant l'un des pays les moins développés du monde, la Somalie dépend de l'assistance internationale. L’aide est cependant rare et insuffisante en raison de la crise économique mondiale. Par ailleurs, les donateurs sont peu disposés à se confronter aux groupes armés de la région ainsi qu'aux autorités nationales. Les ressources obtenues par le biais de la piraterie sont presque aussi importantes que celles provenant de la Commission européenne (CE). Dans une société sans égalité des sexes comme la Somalie, ce sont les femmes qui subissent les pires effets de la guerre et de la pauvreté. 

Après 20 ans de conflits internes, la Somalie est régie par une logique belliqueuse. Plusieurs groupes armés s'affrontent entre eux et se sont emparés du pays depuis le début de 1991. Les nombreuses tentatives de la communauté internationale pour établir la paix entre ces groupes n'ont pas eu de résultats clairs et la violence et la pauvreté ont continué à se propager. À cause de cette situation chaotique, cela fait déjà plusieurs années que l'on n’effectue pas de mesures internationales de la pauvreté, mais l'on estime que plus de 43 % de la population vit dans l'extrême pauvreté, avec des revenus inférieurs à USD 1,00  par jour[1].

L'insécurité, l'instabilité et le manque d’un Gouvernement central n’ont pas permis aux Somaliens de profiter des richesses de leurs ressources naturelles et ont complètement paralysé de nombreux secteurs. L'économie est en grande partie portée par des activités individuelles et la plupart des gens s'en sortent avec des moyens de survie tels que le ramassage et la vente de bois ou la mendicité. Beaucoup de gens se privent simplement de repas. Ainsi la Somalie est progressivement devenue un bénéficiaire net de l’assistance, surtout de l’assistance humanitaire. D’autre part, les donateurs internationaux sont peu disposés à traiter avec les groupes qui contrôlent les diverses régions et restreignent également le versement de fonds aux autorités somaliennes en raison du manque de transparence et l’inexistence d’une reddition des comptes.

Les nombreuses crises qui frappent le monde ont en outre un effet direct sur la population. Comme les principaux donateurs ont consacré leurs ressources à étayer les entreprises affaiblies dans leur propre pays, l'Aide publique au développement (APD) s'est réduite. Le manque de politiques en matière de sécurité alimentaire et de souveraineté a rendu la Somalie extrêmement vulnérable aux effets des techniques agricoles déficientes, du faible investissement dans le secteur productif et du changement climatique. Ce climat délétère ne permet pas aux Somaliens de profiter des aspects positifs du commerce mondial, du transfert de technologies, du flux de capitaux ou des programmes universellement accordés comme les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le manque d'investissement et d'attention a surtout touché l'infrastructure, le secteur productif, la santé, l'éducation et l'égalité des sexes.

L'infrastructure, l'aide et la piraterie

La guerre civile a causé la dévastation totale de l'infrastructure physique du pays. Si l'ONU a annoncé qu'en 2007 elle consacrerait USD  253 millions à la reconstruction de la Somalie, plus de 55 % de ce montant a été destiné à des programmes alimentaires et de réinstallation pour faire face à la grande famine et à l'une des pires situations de déplacement de personnes en Afrique. Ces deux opérations ont absorbé la quasi totalité des fonds.

La capitale du pays, Mogadiscio, a connu les pires conséquences de la guerre. Pendant les conflits, les services publics – l'électricité, l'eau, le traitement des eaux usées, les télécommunications et le réseau routier – ainsi que les systèmes bancaires ont été complètement détruits. Après deux décennies de chaos, les services téléphoniques et les systèmes d'eau et d'électricité seraient les seuls à se rétablir grâce à de lourds investissements du secteur privé. On a cependant plus investi dans les télécommunications que dans l'eau et l'électricité réunies. Dans les régions du nord du pays, l'investissement et le financement restent rares et se fondent sur les bénéfices et la rentabilité.

La plupart des fonds – à part ceux de la Commission européenne – se concentrent dans la région du centre-sud et sont destinés à des projets d'approvisionnement en eau des régions affectées par la sécheresse et par la guerre. En avril 2005, l'Union Européenne (UE) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont lancé un projet d'urbanisation de trois ans et de USD 8 millions destiné à toutes les villes et villages de la Somalie, centré sur l'infrastructure, les services de base, l’aménagement et la conception en zones urbaines.

En raison de la dégradation de la situation humanitaire et de la forte augmentation du besoin d'aide, le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé un projet opérationnel spécial en février 2005 afin de réhabiliter les ports de Mogadiscio et de Kismayo et d’éliminer les obstacles sur les réseaux routiers du Bas Juba, du Moyen Juba et des régions de Bay et de Bakol, pour faciliter la distribution de l'aide alimentaire d'urgence dans le sud de la Somalie. En mars 2008, le PMA a prolongé le projet d'un an grâce à l’accord d'environ USD 13 millions.

En décembre 2004, le raz de marée qui s’est abattu sur les pays de l’Asie du Sud-est a atteint les côtes somaliennes. L'UNICEF et le Bureau pour la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (sigle anglais : OCHA) ont annoncé qu'ils accorderaient plus de USD 1,5 million pour la réinstallation et la reconstruction du tronçon côtier le plus affecté, au Nord-est du pays, qui a subi de graves dégâts en termes d'approvisionnement en eau et de moyens de vie.

Les revenus économiques de la piraterie obtenus avec les rançons joueraient apparemment un rôle clé dans le développement du pays. Les villes se sont étendues et on a le sentiment actuellement que l’accélération de la construction d’immeubles neufs dans tout le pays – y compris à Mogadiscio – est essentiellement financée par les pirates.

 

Le secteur productif

L'agriculture est le secteur le plus saillant de l'économie et représente 60 % du Produit intérieur brut (PIB). Les cultures principales sont le sorgo, le sucre et le maïs[2]. Cependant, il n'y a quasiment pas d’investissements dans ce secteur, et le pays craint sans cesse la famine et le manque de nourriture, surtout lorsqu'il est en proie à la sécheresse. On prévoit toutefois pour 2010 une bien meilleure production agricole dans le sud du pays en raison des précipitations qui ont été plus intenses ces sept dernières années.

Environ 50 % de la population est nomade et se consacre à l'élevage, qui représente les deux tiers de la valeur économique de la production agricole et les deux tiers du revenu provenant des exportations. Les Somaliens se consacrent aussi à la pêche pour la consommation mais pas à grande échelle[3].

Jusqu’à l'heure actuelle, on n'a pas réalisé d'investissements significatifs dans le secteur productif. Cependant, durant la période de pèlerinage de 2009, l'Arabie Saoudite a levé l'interdiction d'importer du bétail de Somalie qui avait cours depuis 9 ans. Selon les commerçants locaux, sur le marché de Burao, dans la région de Togdheer, au nord du pays, les ventes se sont multiplié par dix ces derniers temps. Ces investissements ont apporté un soulagement surtout pour les bergers et les Somaliens en général et constituent un bon auspice pour les perspectives commerciales dans le nord du pays.

Par ailleurs, en mars 2010, la Banque islamique de développement et le Fonds international de développement agricole (FIDA) ont signé un accord pour constituer un fonds commun de USD 1,5 milliard pour la mise en place de projets de développement en Afrique et en Asie. Il reste à voir quels en seront les effets sur le secteur agricole somalien.

 

Les services de santé

Pendant le régime militaire de Siad Barre (1969-1991), la situation de la santé s'est améliorée et il y a eu une augmentation du personnel médical et des installations sanitaires, bien que cela n'ait pas suffi à couvrir les besoins des Somaliens. La chute du régime en janvier 1991 a donné lieu à une dégradation de la situation sanitaire. Si la variole avait déjà été quasiment éliminée, les épidémies sporadiques de rougeole ont eu des effets dévastateurs. La prévalence élevée de maladies a reflété l'instabilité ambiante, la malnutrition et l'insuffisance des soins médicaux.

Dans les années 90, la santé publique s'est dégradée et le Gouvernement a cessé de prêter des soins de santé gratuits ; la santé privée s'est généralisée dans les plus grandes villes. Heureusement, certaines organisations médicales internationales sont arrivées dans les régions du sud, y compris Mogadiscio. L’organisation Médecins sans frontières (MSF) et le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) par exemple ont fait venir par exemple des médecins de différents pays et ont distribué des médicaments gratuitement aux personnes qui en avaient besoin. Dans les grands hôpitaux, ils ont également engagé du personnel soignant et infirmier somalien pour travailler aux côtés des médecins étrangers. Bien que MSF et le CICR aient dû ensuite abandonner le pays en raison de l'insécurité ambiante, ces médecins somaliens ont continué de prêter une assistance médicale gratuite.

 

L’éducation 

Au milieu du chaos qui a suivi la chute du président Barre, le secteur de l'éducation s'est effondré. En Somalie, l'éducation et les opportunités d'apprentissage en classe sont limitées. Même si le pays a connu une augmentation significative du nombre d'écoles et du taux d'inscription, il existe toujours d'énormes disparités dans la qualité et l'accès à l'éducation primaire dans de nombreuses régions, dues à la situation anarchique.

La plupart des écoles se concentrent dans les villes principales et leurs alentours et sont financées par les parents et les communautés. Selon l'Enquête sur les écoles primaires en Somalie 2003-2004, « il existe 1.172 écoles en fonctionnement, avec un total de plus de 285.574 enfants inscrits (filles et garçons), ce qui représente un taux de 19,9 % d'inscription brute. Ceci place la Somalie parmi les pays avec le taux d'inscription le plus faible du monde »[4]. Il a été impossible de recueillir des informations dans certaines régions inaccessibles à cause des inondations et de l'insécurité.

Sur une population d'un peu plus de huit millions, environ un million d’enfants ne vont pas à l'école, et selon l'UE[5] la plupart d’entre eux sont des filles. Cette réalité a prévalu pendant de nombreuses années et a causé des disparités de genre dans le domaine de l'alphabétisation des adultes. Seul un quart des femmes (25,8 %) est alphabétisé alors que la proportion est de 49,7 % pour les hommes[6].

Le Réseau d'éducation scolaire privée de Somalie (en anglais : FPENS), un réseau d'institutions éducatives fondé à Mogadiscio en 1999, travaille aujourd’hui assidûment pour rétablir les installations éducatives et pour fournir les services éducatifs dont on a tant besoin. En 2007, il a atteint le nombre de 150 écoles affiliées, soit plus de 90.000 élèves[7]. L'objectif de la FPENS est d’aider au transfert de savoir-faire, de connaissances et d'information entre les organisations membres.

 

C'est la femme qui souffre le plus

En Somalie c'est la femme qui souffre le plus des catastrophes naturelles, ainsi que de celles causées par les êtres humains. La discrimination de genre est profondément ancrée dans la société et l'insécurité résultant de plus de 20 ans de guerre civile n'a fait qu’aggraver davantage la situation des femmes dans un milieu dominé par les hommes. Dans cette société brisée par la guerre, les hommes ont recours aux armes pour obtenir le contrôle de la scène politique. Ce même pouvoir est employé pour exclure les femmes des postes ouvrant à la prise de décisions. Dans ce contexte, la violence contre les femmes et les filles est devenu un gros outil de pouvoir politique.

Plus encore, les rivalités autour des ressources et du pouvoir font pencher la balance en défaveur des femmes, qui ont chaque fois moins d’accès aux capitaux, y compris la propriété foncière et le bétail qui ont une très grande valeur dans les communautés agricoles et de bergers nomades. Le fait de consacrer plus d'argent à l'armement et aux milices a des conséquences directes sur les femmes et les autres groupes vulnérables. Celles-ci ne participent presque pas aux actions militaires mais par le fait même d'être des civils désarmés, elles subissent des massacres, des blessures, des viols, des déplacements et d’autres types d’abus qui les frappent physiquement et moralement.

 

Conclusion

De nos jours, des millions de Somaliens restent enlisés dans la pauvreté et il est fort improbable que le pays puisse tirer profit des ambitieux programmes internationaux et régionaux, tels que ceux de l’OMD, le Plan d'action de Bruxelles, la Nouvelle alliance pour le développement en Afrique et les Accords d'alliance économique, qui pourraient contribuer à améliorer la situation. La plupart des maigres fonds accordés pour la construction et les services de base trouvent sans doute leur origine dans les catastrophes naturelles, les initiatives de la Commission européenne, les bénéfices générés par les entreprises et les revenus de la piraterie.

 

[1] PNUD Somalie, “Progress in achievement of MDGs in Somalia” [données de 2006 et 2007]. Voir sur : <www.so.undp.org/index.php/Download-document/142-Progress-on-achievement-of-MDGs-in-Somalia.html>.

[2] Finance MapsofWorld.com, Somalia economy (“L'économie de la Somalie”). Voir sur : <Finance.mapsofworld.com/economy/somalia/>.

[3] Ibid.

[4] UNICEF, Somalia: Education (“Somalie : l'éducation”). Voir sur : <www.unicef.org/somalia/education.html>.

[5] Union européenne , The EU marks International Women’s Day on 8 March 2010, recognizing the essential role of Somali women in peace and development (“L'UE commémore la Journée internationale de la femme le 8 mars 2010 et reconnaît le rôle fondamental de la femme somalienne pour la paix et le développement”), communiqué de presse. Voir sur : <www.delken.ec.europa.eu/en/news.asp?newsid=140>.

[6] Index Mundi, Somalia Literacy (“Alphabétisation en Somalie”). Voir sur : <www.indexmundi.com/somalia/literacy.html>.

[7] Lee Cassanelli y Farah Sheikh Abdikadir, Somalia: Education in Transition (“La Somalie : une éducation en transition”), dans Bildhaan: An International Journal of Somali Studies, Vol. 7, 2007.Voir sur : <www.digitalcommons.macalester.edu/bildhaan/vol7/iss1/7>.

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À la merci des spéculateurs

Publication_year: 
2010
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Les intentions du Gouvernement de lutter contre la crise financière sans avoir recours à des réductions et à des ajustements nuisant à sa politique sociale ne sont pas parvenues à se cristalliser. En 2010, le Président Zapatero a annoncé une série de mesures fortes visant à réduire le déficit public et une réforme du travail fortement critiquée par les syndicats. Une des graves conséquences de ces ajustements est la réduction de l Aide publique au développement (APD), dont l'Espagne a été un ardent défenseur. Le Gouvernement a perdu une grande opportunité de réglementer le rôle des entreprises espagnoles à l'étranger qui jouent un rôle essentiel dans le développement international.

Plataforma 2015 y más
Pablo Jose Martinez Osés

Les intentions du Gouvernement de lutter contre la crise financière sans avoir recours à des réductions et à des ajustements nuisant à sa politique sociale ne sont pas parvenues à se cristalliser. En 2010, le Président Zapatero a annoncé une série de mesures fortes visant à réduire le déficit public et une réforme du travail fortement critiquée par les syndicats. Une des graves conséquences de ces ajustements est la réduction de l Aide publique au développement (APD), dont l'Espagne a été un ardent défenseur. Le Gouvernement a perdu une grande opportunité de réglementer le rôle des entreprises espagnoles à l'étranger qui jouent un rôle essentiel dans le développement international.

Le Rapport annuel de Social Watch 2009 rendait compte de l'intention du Gouvernement espagnol de faire face à la tempête de la crise financière sans céder aux pressions visant à réduire le déficit public croissant ou les coûts des licenciements. La question était de savoir comment il allait pouvoir maintenir les politiques et les systèmes de protection sociale dont bénéficiaient les personnes les plus touchées par la crise. Un an plus tard, en plein exercice de la présidence tournante de l'Union européenne (UE) , ce même Gouvernement n'a pas tardé à approuver un décret de sévères ajustements budgétaires réduisant les dépenses publiques, et à proposer une réforme du travail qui relève l'âge de la retraite à 62 ans et élimine les restrictions pour les licenciements des travailleurs à plein temps, tout en réduisant les incitations à l'embauche de travailleurs temporaires. Cette réforme a été critiquée par les syndicats de travailleurs qui ne voient pas comment ces mesures peuvent résoudre la crise de l'emploi.

Au cours du premier trimestre 2010, le taux de chômage a augmenté de 1,22 point par rapport au trimestre précédent, affectant 20,05 % [1]de la population active. Bien que ces derniers mois on ait assisté à une légère baisse, il reste à voir si elle est due à la nature saisonnière de la structure de l'emploi - où pendant les mois d'été on assiste à une hausse de la création d’emplois - ou si elle doit être considérée comme un signe de reprise. La persistance d’un taux de chômage élevé et la stagnation de l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises a eu un coût politique élevé pour le Gouvernement dont l’opposition a su tirer parti. Mais les mesures les plus sévères en matière de réduction des dépenses publiques et de réforme du travail semblent avoir été motivées par des pressions extérieures en provenance des États membres de l'UE et des marchés internationaux.

L'orthodoxie libérale des marchés

Depuis le début de l’année 2010, l'économie espagnole souffre pour différents motifs. En février, les fluctuations de l'euro ont particulièrement affecté les positions de la dette publique espagnole qui augmente peu à peu. Par la suite, les agences de notation – les mêmes qui n'avaient pas prévu la crise de 2008 – ont abaissé la note de la solvabilité espagnole, émettant leurs doutes quant à la capacité du pays à satisfaire ses obligations de dette à court terme. Ceci, ajouté à la grogne générale provoquée par le Plan de sauvetage élaboré pour la Grèce, a réduit les capacités de manœuvre du Gouvernement espagnol, qui a finalement dû accepter sans réserve les propositions orthodoxes émises par le système européen, en ligne avec celles imposées par les institutions financières internationales à tous les pays au cours des trois dernières décennies.

Après la réunion du Conseil des Affaires économiques et financières (ECOFIN selon son sigle en anglais)[2] en mai 2010, le président du Gouvernement, José Luis Rodríguez Zapatero, a annoncé la mise en œuvre de mesures d’austérité pour réduire le déficit public. Le président a également annoncé qu’il avait l’intention de ratifier un décret visant à réduire de 6 milliards d’euros les investissements publics ainsi que des mesures telles que la réduction de 5 % des salaires des employés du secteur public, le gel des pensions, l'annulation de la prime de naissance, le retard dans la mise en œuvre de l’aide aux personnes dépendantes et la réduction de l'Aide publique au développement (APD)[3]. L'annonce peut être considérée comme une correction des propositions de sortie de crise qui alliaient des investissements publics importants à travers les autorités locales avec des politiques anti-cycliques et la maintenance des systèmes de protection sociale.

Quand l'Espagne a assumé la présidence de l'UE durant le premier semestre de 2010, les propositions qui devaient être mises en œuvre dans le cadre de celle-ci ont été laissées de côté et annulées par la lutte contre la crise, qui, comme à d'autres occasions et sous d'autres latitudes, s’est caractérisée par l'annonce d'ajustements budgétaires successifs dans différents pays. Les accords de l'Union européenne (UE) – parmi lesquels ne figure pas la politique fiscale commune – retirent à leurs membres la possibilité d’utiliser la dévaluation comme solution à la crise, comme cela s’est fait traditionnellement.

En échange, un programme d'ajustement structurel d’orthodoxie libérale dont le but est de calmer les marchés remet à nouveau en cause la souveraineté des gouvernements démocratiques en matière de conception et de mise en œuvre des politiques économiques. Ainsi, toutes les propositions annoncées par le Gouvernement pour résoudre la crise demeurent en arrière -plan, suspendues ou reportées jusqu’à ce que les spéculateurs le permettent.

La réforme du travail

Par ailleurs, pendant les premiers mois de l’année 2010, le Gouvernement a présenté au parlement une proposition de réforme du travail, après l'échec des négociations avec les partenaires sociaux. Le texte de la réforme, encore en cours de négociations avec les partis politiques, intègre des mesures visant à réduire la dualité du marché du travail en raison du grand nombre d’emplois temporaires. Cette particularité a permis à l'Espagne de créer plus d'emplois que n'importe quel autre pays européen au cours du cycle de croissance antérieur, mais elle est également responsable du fait qu’au cours de cette crise, c’est le pays qui a perdu le plus grand nombre d’emplois au rythme le plus accéléré.

La question est de savoir si cette dualité peut être combattue en donnant davantage de sécurité aux travailleurs temporaires et précaires ou en réduisant la sécurité des nouveaux contrats permanents. La mesure présentée abaisse le coût des licenciements des travailleurs sous contrats à durée déterminée et augmente celui des contrats temporaires. La dévalorisation des licenciements est une réponse à la demande persistante du patronat qui justifie le taux élevé d’emplois temporaires par les coûts élevés du recrutement pour les contrats à durée déterminée.

Les syndicats ont énormément critiqué la réforme, en faisant valoir qu’elle contribue à la détérioration des droits des travailleurs et leur porte atteinte en élargissant les motifs de licenciement (et en réduisant le coût) et en augmentant la marge de manœuvre des employeurs pour modifier unilatéralement certaines conditions. En fin de compte, la réforme répond à la politique de libéralisation du marché du travail et contribuera sans aucun doute à augmenter la précarité de l'emploi.

 

La stagnation de l'APD

Au cours de la première législature, l’augmentation des fonds destinés à l’APD a été spectaculaire – ils sont passés de 0,23 % du revenu national brut (RNB) en 2004 à 0,45 % en 2009 [4] - et pour la première fois, il s’est retrouvé au dessus de la moyenne des pays de l'Union européenne. En outre, les consensus de base de l'agenda international du développement ont été incorporés aux thèmes de coopération, tels que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), la promotion d'un nouveau multilatéralisme actif et démocratique et les questions relatives au développement durable, à l’égalité des sexes et à l'approche fondée sur les droits humains[5].

C'est la première fois qu'un président de Gouvernement assume publiquement son engagement envers des plans de lutte contre la pauvreté internationale, donnant ainsi une visibilité et une importance aux politiques de coopération sans précédent dans la démocratie espagnole. Cet engagement a tenté de s’associer aux revendications historiques de la société civile en Espagne, en annonçant qu’à la fin de cette seconde législature, la part du RNB destinée par le pays à l'APD atteindrait 0,7 %. En décembre 2007, une grande partie des revendications des Organisations non gouvernementales (ONG) ont été largement satisfaites lorsque tous les partis politiques présents au parlement ont signé le pacte de l’État contre la pauvreté[6].

Toutefois, à partir de 2008, une stagnation a commencé à se produire dans la croissance budgétaire, probablement à cause de la réticence à améliorer le système de capacités professionnelles et la structure organique de l’État responsable de la gestion des politiques de coopération.

L'inertie de la coopération pour le développement

L'impulsion de départ pour entreprendre les réformes semble s’être rapidement épuisée. Parmi les initiatives qui ont échoué, il faut mentionner la réforme de la Loi de l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement[7], qui aurait dû établir un nouveau modèle de gestion adapté aux enjeux d’une politique ambitieuse et cohérente de coopération au développement. Cependant, nombre des secteurs appartenant à la politique et à l’administration sont encore peu enclins à comprendre la politique de coopération dans une perspective de construction des biens publics mondiaux, c'est-à-dire, indépendamment des intérêts nationaux représentés tant par les services diplomatiques à l'étranger que par les techniciens commerciaux de l’État.

La politique de coopération et l’agenda international de développement humain exigent une nouvelle carrière professionnelle dans l'administration de l’État et un nouveau discours portant sur le développement international qui abandonne la pensée traditionnelle fondée sur la compétitivité ou sur la rivalité stratégique et diplomatique.

Le rôle de l’Espagne dans le développement international

Avec plusieurs années de retard, en 2010, le Gouvernement a présenté un projet de loi pour réformer l’instrument le plus controversé du système de coopération internationale : le Fonds d'aide au développement (FAD), qui essayait vainement de relier des subventions pour promouvoir les exportations espagnoles avec les objectifs d’aide au développement des pays bénéficiaires. Le FAD avait prévu une série de projets difficiles à défendre dans le cadre de stratégies de développement local répondant exclusivement aux intérêts d'un petit groupe d'exportateurs espagnols ; ces derniers, en faisant du lobbying, ont obtenu des aides publiques pour subventionner leurs projets et leurs ventes à l'étranger. Tout cela au détriment de l'augmentation de la dette extérieure des pays bénéficiaires, puisque l'instrument se composait d'un fonds de crédit nécessitant des garanties souveraines.

Le Gouvernement, incapable d'imposer une vision qui soit en cohérence avec le programme de développement international, a présenté une solution salomonique, en créant un instrument remboursable pour les activités de coopération au développement - appelé FONPRODE - et un autre instrument de crédit, exclusivement pour subventionner les exportations des entreprises espagnoles : le FIEM. Bien que l'UE interdise ce type d’aides à l'exportation les considérant comme de la concurrence déloyale pour les entreprises des autres pays de l'UE, l'accord d'Helsinki prévoit une exception qui exige que les pays bénéficiaires aient des niveaux de développement plus faibles et que les prêts accordés comprennent certaines concessions[8]. En fait, il s’agit d’une supercherie visant à justifier le fait que chaque donateur dispose d’outils qui privilégient des entreprises exportatrices.

Les organisations sociales espagnoles ont uni leurs forces pour élaborer des propositions destinées à limiter ces nouveaux outils en vertu de critères de développement : certaines pour empêcher que ces prêts soient utilisés pour augmenter la dette extérieure des pays pauvres très endettés - en violation des accords internationaux - et d'autres pour prévenir les transactions avec ce type de fonds qui ne respectent pas les conventions internationales en matière de droits du travail et droits environnementaux ou qui subventionnent l'exportation d'armes et de matériel militaire et policier. La principale résistance à l'introduction de ces propositions provient du secteur public et du Gouvernement.

En ces temps de crise économique, le Gouvernement a perdu une grande opportunité de réglementer le rôle des entreprises espagnoles à l'étranger, en tant que contributeurs au développement international, et a cédé à la vision axée sur l'amélioration de la compétitivité grâce à la réduction des contraintes et des règlementations.

Le retour de l’ancienne vision

En ce qui concerne les politiques de coopération, la stagnation signalée au cours des deux derniers exercices budgétaires[9] s'est aggravée avec l'annonce du Gouvernement d’une réduction de EUR 800 millions  pendant les deux prochaines années ; il faudra aussi admettre que pour que la part du RNB atteigne 0,7 % il sera nécessaire d’attendre au moins jusqu'en 2015, si les conditions économiques s'améliorent.

Au-delà des effets directs de la réduction budgétaire, les organisations sociales ont affirmé que cette annonce forme un clivage dans le discours, et que l’on considère à nouveau les politiques de coopération comme une politique déficitaire et de subventions, c'est à dire, comme un luxe des époques de boom économique et d’essor de la croissance. Au lieu de considérer les politiques anti-cycliques comme la possibilité d’offrir des alternatives en temps de ralentissement et de considérer les possibilités que la coopération offre pour transformer des systèmes et des modèles de production, le Gouvernement est revenu à l'orthodoxie néolibérale, selon laquelle il faut réduire le déficit et les dépenses publiques en réponse aux demandes du marché plutôt que d’être à l’écoute des propositions et des revendications des peuples souverains.

[1] Institut national de statistiques. Disponible sur le site : <www.ine.es/daco/daco42/daco4211/epa0110.pdf>.

[2] ECOFIN fait partie du Conseil européen et est composé de 27 ministres de l’Économie des pays membres de l'UE. Il possède des compétences budgétaires et dans ce cas, les ministres du Budget des pays membres assistent également aux réunions.

[3] “Les nouvelles mesures grâce auxquelles le Gouvernement veut économiser 15 milliards de dollars” El país.com, le 12 mai 2010. Disponible.

[4] Déclarations faites par le secrétaire d'État à la Coopération internationale, Soraya Rodriguez, à l'ouverture du Ve Forum international sur la démocratie et la coopération qui s'est tenu à Cáceres, Estrémadure, en Juin 2010. Disponible.

[5] La profusion de documents programmatiques et politiques durant cette période est remarquable. Il a fallu réélaborer des Plans directeurs généraux, des stratégies sectorielles et des programmes spécifiques. Au début de cette législature l'ancien Bureau de la planification et de l'évaluation a été remplacé par une Direction générale de la planification, beaucoup plus importante et dotée de davantage de ressources.

[6] Voir : <www.coordinadoraongd.org/index.php/contenidos/index/id_contenido/4159>.

[7] Adoptée dans une quasi absence de dialogue avec les partenaires sociaux à la fin de la législature, elle modifie légèrement le nom de l’organisme en ajoutant la lettre "D" de Développement et renforce en quelque sorte le rôle prédominant du service étranger dans les postes supérieurs. Dans l’organigramme elle se limite à introduire un département qui traiterait de transversalité, de priorités politiques et de programmes opérationnels relatifs au nouveau programme de la qualité.

[8] Le degré de concessionnalité d’un prêt est directement proportionnel aux avantages majeurs ou mineurs qu’il offre à toute personne qui le contracte, par rapport à ceux que les prêts du marché offrent.

[9] Voir “La Reforma del Sistema de Cooperación español en tiempos de crisis” (La réforme du système de coopération espagnol en temps de crise),dans le rapport annuel de 2008 de Plataforma 2015 y más. Disponible sur le site : <www.2015ymas.org/spip.php?rubrique23&entidad=Textos&id=6506>.

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Égalité des sexes: l’Histoire doit être honorée

Publication_year: 
2010
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Contrairement à d’autres parties du monde, les droits de la femme ont été concédés très tôt en Arménie. Avec l’avènement de la République moderne, ils ont à nouveau été consacrés et ont été élargis durant l’ère soviétique. Cependant, la transition vers la démocratie et l’économie de marché ont détérioré la situation des arméniennes qui souffrent aujourd’hui de discrimination dans tous les aspects de leur vie. Le Gouvernement n'a pas saisi l'ampleur du problème, et toute tentative pour se conformer à ses engagements internationaux en la matière a été faible et insuffisamment prise en charge.

Center for the Development of Civil Society
Svetlana A. Aslanyan[1]

Contrairement à d’autres parties du monde, les droits de la femme ont été concédés très tôt en Arménie. Avec l’avènement de la République moderne, ils ont à nouveau été consacrés et ont été élargis durant l’ère soviétique. Cependant, la transition vers la démocratie et l’économie de marché ont détérioré la situation des arméniennes qui souffrent aujourd’hui de discrimination dans tous les aspects de leur vie. Le Gouvernement n'a pas saisi l'ampleur du problème, et toute tentative pour se conformer à ses engagements internationaux en la matière a été faible et insuffisamment prise en charge.

En Arménie, contrairement à presque tous les pays, le souci de l'égalité des sexes est enraciné dans une longue histoire, ancienne et récente, et se reflète dans les législations adoptées dans différents contextes politiques. Compte tenu de cette tradition, il ne devrait pas être trop difficile pour l'Arménie de corriger les inégalités existantes. Cependant, la situation des femmes s'est détériorée au cours des vingt dernières années. Les raisons en sont le manque de vision et d'un engagement fort de la part de l'État, le manque de coordination entre les acteurs concernés et le faible niveau de sensibilisation parmi la population.

 

Il ne peut y avoir de développement durable pour l'Arménie que si elle intègre dans sa politique les questions relatives à l’égalité des chances entre femmes et hommes. La société civile, soutenue par l’action de certaines institutions internationales, plaide pour un changement de politique pour permettre de rétablir les femmes à la place qu’elles ont toujours occupée dans la société arménienne.

Une tradition d’égalité

L’égalité des droits des femmes ont une longue histoire en Arménie : les anciens codes et normes légales démontrent qu’auparavant, les femmes étaient traitées de manière égalitaire dans la société concernant les héritages, la propriété, etc. Ainsi, par exemple, le code de Shahapivan (443 av. JC) disposait que « la femme a le droit de posséder une propriété dans le cas où son mari l’ait abandonné sans raison apparente ». Il mentionnait également qu’« une femme a le droit d’amener un nouveau mari au foyer ».

Shahamir Shahamirian, un écrivain et philosophe du XVIIIe siècle, auteur de la première Constitution  arménienne2, avait établi: « Chaque personne, qu’elle soit arménienne ou pas, homme ou femme, née en Arménie ou arrivée en Arménie depuis l’étranger, vivra dans l’égalité et exercera ses occupations en toute liberté. Personne n’aura le droit d ‘asservir qui que ce soit, et la main d’œuvre devra être rémunérée pour son travail, comme la législation arménienne l’exige »3.

La première République d’Arménie (1918-1920), a été l’une des premières à concéder aux femmes le droit de vote et à être élues. Aussi, 8 % des membres de son Parlement étaient des femmes et le Dr Diana Abgar a été désignée ambassadrice du Japon, ce qui l´a transformée en la première femme de l’histoire à occuper ce poste, puisque la russe Alexandra Kollontai, habituellement reconnue comme la première ambassadrice, a été nommée plénipotentiaire pour la Norvège seulement en 1923.

Durant l’ère soviétique, l’État a garanti l’enseignement scolaire gratuit et obligatoire, l’enseignement universitaire et les services médicaux gratuits et accessibles, 24 jours de congés payés, et des congés payés pré et postnatal, etc. En 1920, le droit à l’avortement a été légalisé et l’attention médicale afférente à celui-ci à été garantie. Cependant, il faut souligner que la législation sur l’avortement était fortement liée au rôle changeant de la femme dans la société puisque l’objectif principal de l’administration soviétique était d’intégrer les femmes aux forces de travail.

Discrimination : théorie et pratique

En dépit de ces progrès, les femmes en Arménie soviétique devaient porter un double fardeau et souffraient de discrimination structurelle. Elles travaillaient à la fois au sein et à l’extérieur de leur foyer, cuisinant, nettoyant, lavant et gagnant leur nourriture par leur emploi. Ce double fardeau est devenu de plus en plus lourd en raison de l´absence d’infrastructure de soutien et du manque de technologie pour aider à rendre les tâches ménagères moins consommatrices de temps.

Durant cette période, aucune femme n’a accédé à des postes hiérarchiques, ni au sein du Gouvernement, ni au Parlement. Bien qu’il eût été stipulé que les deux genres devaient être à égalité de salaire, les femmes ont été employées pour les tâches les moins rémunérées. L’idée que les femmes ont été utilisées comme main d’œuvre bon marché par le pouvoir soviétique se reflète dans le refrain d’une vieille chanson folklorique de l’époque qui disait : « la femme laboure, la femme récolte et l’homme contrôle et dirige ».

Même si cette situation fût contemplée dans la Constitution postsoviétique de 1995, selon laquelle les hommes et les femmes jouissaient des mêmes droits en politique, au travail et au sein de la famille, et que dans la plupart des cas ces dispositions étaient conformes aux lois internationales, ses principes ne s’appliquent pas dans la vie quotidienne.

Plus récemment, la transition vers la démocratie et l’économie de marché ont provoqué une dégradation de la situation des arméniennes dans la société, y compris leur situation économique. Aujourd'hui, le pays ne dispose pas d'une politique nationale pour faire face aux inégalités que les femmes doivent affronter dans leur vie quotidienne.

Le Gouvernement n’a fait que de faibles tentatives pour changer cette situation car il considère que la problématique de l’égalité des sexes a été résolue durant l’ère soviétique. La législation appropriée existe, mais il n’existe pas de mécanismes efficaces pour la faire respecter, ce qui signifie que les femmes sont victimes de discrimination dans tous les aspects de leur vie y compris la participation à la vie politique.

Les femmes qui se voient exclues des processus économiques et politiques, continuent avec leurs rôles traditionnels dans la société et reçoivent de plein fouet l’impact produit par l’irréfléchie et hasardeuse transition d’une société totalitaire (avec une planification centralisée et une économie rigide) à une économie de marché basée sur la démocratie.

Il n’existe aucun organe représentatif de la femme, ni groupe parlementaire, ni de conseillers en questions liées au genre en Arménie. De manière exceptionnelle, une vice-ministre a été nommée au ministère de la Sécurité sociale en 2002 pour coordonner les activités destinées à aborder les questions de la femme. Cependant, elle a été rapidement évincée de son poste et une autre femme a été nommée à sa place puis remerciée à son tour. De nos jours, les problèmes de la femme sont traités par le Département de la femme et de l’enfance créé en 1997 au sein du ministère de la Sécurité sociale, ainsi que dans la Division du ministère de la Santé pour la protection de la santé de la mère et de ses enfants.

Cette absence d’entités efficaces pour traiter les questions de genre se reflète dans les rapports du pays à propos de ses engagements internationaux. L’Arménie a été l’un des 191 pays à avoir signé la Déclaration du Millénaire. Le respect et l’engagement pour l’égalité des sexes ainsi que l’autonomisation de la femme sont reconnus comme des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) : « Objectif 3 : Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme. Éliminer les inégalités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire, de préférence pour 2005 et à tous les niveaux de l’enseignement pour 2015 » .

En 2005, l’Arménie a publié son premier rapport intermédiaire sur l’accomplissement des OMD. Il était clair que les politiques étaient étroitement adaptées à la situation du pays, fixant des objectifs plus souples que ceux accordés au niveau mondial.
Ce rapport a été réalisé grâce au travail conjoint du Gouvernement, de la société civile, des organisations internationales et des organisations des Nations Unies en Arménie.

Le rôle de la société civile

Suite à la Conférence de Pékin en septembre 1995, les organisations de femmes déjà présentes en Arménie sont devenues plus actives et de nouvelles se sont formées depuis. De plus, plusieurs organisations internationales, dont le PNUD, Programme des Nations Unies pour le développement et l’Organisation pour la sécurité et la coopération européenne, ont commencé des enquêtes sur l’équité de genre. Ces organisations, conjointement avec trois autres donateurs internationaux, ont octroyé de nombreuses bourses à des ONG de femmes, permettant de les encourager et de les renforcer.

Un des principaux objectifs de ces groupes a été l’autonomisation des femmes, qui constitue l’idée unificatrice au-delà de la diversité des champs d’activités spécifiques de chacun. Depuis le début, ces groupes ont promu les droits civils des femmes ou se sont organisés pour aborder les problèmes sociaux qui les affectent. Ils ont déployé de gros efforts en faveur des droits de la femme, du leadership et du combat contre la violence de genre et de la traite des femmes.

 

Réussites et échecs

Le Gouvernement a élaboré des plans et a créé des organismes pour promouvoir l’équité de genre. Cependant, le manque de ressources financières, qui a déterminé quelques erreurs d’implémentation, et le manque de conscientisation de la population ont empêché l´obtention des résultats attendus.

Dans le cadre de l’implémentation du Plan d’Action de Pékin en 1997, le Premier ministre a émis un décret pour la création d’un Comité mettant en œuvre le Programme de développement des politiques de genre 1998-2000. Ce programme sur trois ans était destiné à améliorer la situation de la femme mais il n’a jamais été mis en pratique par manque de financement. En 2000, le Conseil de la Femme, un organe consultatif volontaire a été créé sous le mandat du Premier ministre. Il a été ensuite aboli par son successeur.

La réussite la plus importante a été l’adoption du "Plan national d’action 2004-2010 de la République d’Arménie pour améliorer la situation de la Femme et renforcer son rôle dans la société". Ce plan définit les principes, priorités et objectifs clés de la politique publique pour s’attaquer aux sujets liés à la femme. Il se base sur les dispositions pertinentes de la Constitution et il est orienté vers la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur l’Élimination de toute forme de violence à l’égard des femmes et les recommandations de la 4ème Conférence de Pékin. Son mandat couvre également les documents du Comité directif du Conseil de l’Europe pour l’égalité entre femmes et hommes, les ODM et les compromis de la République arménienne avec d’autres instruments internationaux.

Le plan d’action comprend sept sections relatives à :

  • Garantir l’égalité des droits et opportunités entre femmes et hommes pour la prise de décisions et dans la sphère politique et sociale.
  • Améliorer la condition sociale et économique de la femme.
  • Améliorer le secteur éducatif.
  • Améliorer la santé de la femme.
  • Eliminer la violence à l’encontre des femmes.
  • Examiner le rôle des médias et des institutions culturelles dans la présentation des rapports sur les sujets liés à la femme et la construction d‘un modèle de la féminité
  • Réformer les institutions.

 

Plusieurs brochures d'information ont été publiées afin de clarifier certains de ces points. Une des brochures contenait les conclusions et les recommandations d'une étude sur la violence de genre, y compris des données statistiques ventilées par genre. Durant la dernière décennie, plusieurs organismes ont été créés pour aborder des sujets sociaux, de santé et d’emploi, y compris l’Institut de l’ombudsman inauguré en 2004. Toutefois, ils ont manqué d’un financement adéquat ou ils n'avaient pas le pouvoir de développer ou de soutenir des politiques efficaces pour pouvoir surmonter les inégalités entre les sexes et établir des droits et des opportunités égaux pour les femmes et les hommes. D’autres obstacles se sont présentés en raison du manque de coordination des différents individus et organismes impliqués. Le faible niveau de sensibilisation du public face à ces questions doit également être pris en compte.

En 2006, le PNUD a publié une brochure sur l’Égalité des sexes et un Bulletin électronique sur le genre et le changement (BEGC). La brochure avait pour objectif de fournir une information générale sur les sujets liés au genre, les cadres nationaux et internationaux et les mécanismes de protection et de promotion des droits de la femme. Elle était destinée aux décideurs du Gouvernement aux niveaux central et local, aux organisations de la société civile, aux défenseurs des droits de la femme, aux chercheurs ainsi qu’à toute personne cherchant une information basique sur l’égalité des droits.

Trafic de femmes

Des femmes et des filles sont victimes de la traite de personnes vers les Émirats arabes et la Turquie pour être soumises à l’exploitation sexuelle commerciale et des arméniens, hommes ou femmes, sont envoyés en Russie aux travaux forcés4.

En octobre 2002, une Commission sur la Traite des femmes a été créée, à laquelle ont participé les représentants de tous les ministères et organismes intéressés ainsi que les ONG.

La Commission a élaboré le concept de lutte contre la traite des personnes et a créé un Plan d’action national pour la période 2004-2006 et un autre pour 2007-2009. Ces plans couvrent tous les aspects relatifs à la traite de personnes, tels que l’amélioration de la législation s’y afférant, la recherche et la portée de ces sujets, l’adoption de mesures préventives, la diffusion de l’information et l’assistance aux victimes. Cependant, tout comme les autres organismes déjà mentionnés, la Commission n’a pas compté avec l’autorité et le financement nécessaire pour mettre en place ces politiques de manière efficace. La Police Nationale a également établi en juin 2005, un Département de lutte contre la traite des personnes.

Conclusions

L’utilisation de la libération féminine comme outil de propagande politique durant l’ère communiste a été très effective. De nos jours, il est habituel en Arménie de considérer que l’équité était instaurée depuis longtemps. C’est uniquement à partir de l’enseignement des femmes à propos de l’importance de la démocratie qu´elles ont commencé à comprendre l’importance de l’activisme pour combattre la
« discrimination occulte » et le manque de mécanismes pour mettre les lois en vigueur. Les académiques féministes et les activistes devraient s’unir pour orienter leurs actions vers la situation des femmes arméniennes et établir une véritable équité de genre.

 

 

 

 

 

[1] Chercheuse principale, chef du Groupe de recherche de l’Institut de linguistique de l’Académie nationale des sciences d’Arménie. Une version de cet article a déjà été publiée par Social Watch, Cuadernos Ocasionales 06, La hora de la economía de género (mars 2010). Disponible sur : <www.socialwatch.org/es/node/11578>.

2 Ce fut le premier projet connu pour une démocratie constitutionnelle. 

3 Shahamir Shahamirian, Vorogayt parats (Les pièges de la gloire), Madras, Inde, 1773, réédité à Tiflis en 1919, Article 3.

4 Voir, par exemple, Département d’État des États-Unis, Trafficking in Persons Report, Washington, DC, 2009. De plus, selon des chiffres officiels, en 2009, 60 trafiquants de personnes ont été officiellement identifiés, ce qui représente le double par rapport à l’année précédente.

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Évaluation de l’engagement réel avec l’aide au développement

Publication_year: 
2010
Summary: 
Depuis l’entrée de Malte dans l’UE, l’Aide publique au développement (APD) s’est considérablement améliorée. En 2009, elle a augmenté de 65% par rapport à l’année précédente. Le pays a créé un cadre promissoire vis-à-vis de son engagement envers l’éradication de la pauvreté dans les pays en voie de développement, le respect des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), la promotion d’une bonne gouvernance et le respect des droits de l’Homme. Néanmoins, en examinant la question plus en profondeur, il n´est pas clair que le pays se montre disposé à mettre en pratique tout ou partie de son agenda pour le développement. Le Gouvernement devrait adopter des critères et procédures claires pour la sélection, les coûts et l’évaluation des projets.

Kopin Malta
Joseph M. Sammut

Depuis l’entrée de Malte dans l’UE, l’Aide publique au développement (APD) s’est considérablement améliorée. En 2009, elle a augmenté de 65% par rapport à l’année précédente. Le pays a créé un cadre promissoire vis-à-vis de son engagement envers l’éradication de la pauvreté dans les pays en voie de développement, le respect des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), la promotion d’une bonne gouvernance  et le respect des droits de  l’Homme. Néanmoins, en examinant la question plus en profondeur, il n´est pas clair que le pays se montre disposé à mettre en pratique tout ou partie de son agenda pour le développement. Le Gouvernement devrait adopter des critères et procédures claires pour la sélection, les coûts et l’évaluation des projets.

Malte est entrée dans l’Union Européenne en 2004 et depuis cette date, le pays a multiplié les efforts pour que son niveau d’APD atteigne 0,17 % de son Produit intérieur brut (PIB) en 2010 et pour que le ratio APD/PIB atteigne 0,33 % en 2015. Malte a également signé la Déclaration du millénaire de l’ONU par laquelle le pays s’est engagé à travailler pour atteindre les OMD.

Est-ce que Malte tient ses promesses ? On peut noter un progrès considérable sur cette courte période de cinq ans (2004-2009) à la suite de  l’entrée du pays dans l’UE et la transition qui a suivi pour devenir pays donateur. Le Gouvernement a déterminé une politique écrite par rapport à l’aide à l’étranger et  a montré avec une transparence « partielle » le mode de distribution des fonds de l´APD.

Un bon cadre de coopération pour le développement

En octobre 2007, le Gouvernement a publié son premier rapport sur la Politique de développement à l’étranger[1]. Ce document s’appuie sur les valeurs de base de la politique extérieure de Malte : la solidarité, le respect de l’état de droit international - comprenant le droit humanitaire – , la promotion de la démocratie, des droits de l´Homme et la bonne gouvernance. Conformément au Consensus européen pour le développement[2], l’objectif général de la Politique est d’éradiquer la pauvreté dans le contexte du développement durable, de façon à respecter les OMD, outre la promotion de la bonne gouvernance et du respect des droits de l´Homme.

Ce document reconnaît l’importance du rôle joué par les acteurs n’appartenant pas à l’État – le secteur privé, les agents économiques et sociaux et la société civile en général – qui sont devenus des éléments clés de la coopération internationale pour le développement. Il pose les bases d’un dialogue efficace entre le Gouvernement et la société civile, il offre à cette dernière l’opportunité de mettre en pratique ses précieuses connaissances, son expérience et son niveau d’expertise. Au même titre que d’autres ONG à travers le monde, beaucoup de celles qui interviennent à Malte ont cumulé des années d’expérience et de travail de terrain, elles gèrent plus de projets et de programmes de développement que ceux financés par les organismes officiels d’aide. Le ministère des Affaires étrangères (MFA pour son sigle en anglais) a invité les ONG reconnues par le Gouvernement à présenter des propositions pour la subvention à de petits projets « de base »  dans l’hémisphère sud.

Le document stipule qu’il ne peut y avoir développement, en particulier économique, à moins que les pays récepteurs de cette aide présentent un climat politique de sécurité et de stabilité et que le manque d’une bonne gouvernance, de développement et de sécurité sont des facteurs contribuant à la migration et à l’exode intellectuel dans le monde en développement, en particulier lorsque les taux d’inflation et de chômage sont élevés. De cette façon, on pose le cadre pour l’aide humanitaire pour laquelle Malte reconnaît un processus continu entre l’aide d’urgence, la réhabilitation et le développement. L’aide à la réhabilitation postérieure à des situations d’urgence, qui comprend les efforts de reconstruction et de réconciliation, est intrinsèquement liée à la réponse humanitaire du pays.

C’est la raison pour laquelle, la Politique de développement à l’étranger est, en soi, un bon document qui met l’accent sur tous les aspects importants de la coopération pour le développement. Subsiste un doute quant à la volonté du MFA de la mettre en pratique dans sa totalité ou seulement en partie.

Toute l’aide n’est pas destinée au développement

En 2004 et 2005, la Commission Européenne (CE) a révélé que Malte est le plus important donateur parmi les 10 nouveaux États membres avec une contribution d’APD à hauteur de 0,18 % du PIB. Cependant, le rapport Aid Watch Report préparé par CONCORD[3], indique que l’APD de Malte a été doublée par erreur par l’ajout des dépenses du pays pour les réfugiés. L’APD authentique correspond à l’argent alloué à l’aide au développement avec l’objectif d’améliorer le bien-être des personnes les plus pauvres dans les pays en voie de développement et non pas l’argent dépensé pour les réfugiés ou étudiants étrangers à l’intérieur du pays donateur.  De plus, Malte a déclaré des pertes pour un montant de EUR 6,5 millions correspondant à une somme que l’Iraq devait lui régler en 2004 ; cette somme a été intégrée comme part de son APD pour la période 2003-2005[4]. Le MFA se refuse à publier un détail clair et transparent de ses déclarations de la CE sur son APD[5].

Les statistiques concernant l’APD pour 2006 laissent apparaître un montant de EUR 6,8 millions équivalent à 0,15% du PIB. Ceci représente une diminution par rapport aux années précédentes. En 2007, la CE a indiqué que Malte avait dépensé EUR 7,5 millions (soit 0,15 % du PIB) en APD, alors que les calculs budgétaires montrent que le MFA a approuvé un montant s’élevant seulement à EUR 209.000 pour ce but. Les ONG estiment que le reste de l’argent a été utilisé à d’autres fins comme la détention de demandeurs
d’ asile. Seules deux des onze subventions allouées étaient destinées à l’Afrique : un projet du Rotary Club pour un centre de télécommunications en Erythrée et une contribution de la Croix Rouge belge à un plan d’action de lutte contre le VIH en Lybie.  D’autres versements d’aide ont été destinés à la construction de cours de récréation à Bethléem et à l’envoi d’un conteneur en Albanie, des dons versés au Secrétariat de la Fédération, aux institutions internationales comme les Nations Unies et d’autres fonds d’aide d’urgences ; des congrès ; de l’argent versé à un cimetière chrétien en Tunisie et à la Fondation Diplo, entre autres. Un autre don apparaît, destiné  à une entreprise privée pour la construction du poste du MFA pour les Journées européennes du développement à Lisbonne[6]. Pour toutes ces raisons, les ONG maltaises qui travaillent sur l’aide au développement ont accusé le Gouvernement de gonfler les chiffres de l’aide[7].

Les chiffres de 2006 et 2007 ont également été très critiquées par CONCORD[8] , puisque l’APD semble en effet avoir été essentiellement destinée aux immigrants, soit sous forme de services au cours de leur première année à Malte, soit pour leur rapatriement. Ces sommes ne constituent pas une aide au développement pour un pays et devraient donc pas être comptabilisées comme APD. De plus, tous les ans un certain nombre de bourses sont attribuées à des personnes issues de pays en voie de développement sans qu’il n’y ait aucun mécanisme indiquant si ces bourses servent à diminuer la pauvreté.

Besoin de transparence

Au cours des échanges avec les institutions européennes et lors de réunions internationales, le ministre des Affaires étrangères de Malte a plaidé en faveur de conditions de délivrance de l’aide au développement qui incluraient le rapatriement des immigrants[9]. Le SKOP, la plateforme nationale des ONG maltaises, émet de fortes réserves quant à cette proposition et estime qu'elle va à contre-sens de l’objectif de l’APD, à savoir, la lutte contre la pauvreté dans le monde. Le rapport Aid Watch 2007 de CONCORD indique également qu’à l’heure actuelle les ONG n’ont pas accès aux informations officielles des autorités maltaises et qu’il est impossible d’évaluer indépendamment les chiffres fournis par le Gouvernement. Le SKOP a demandé en vain un inventaire détaillé et transparent de l’APD de Malte. Le défaut de transparence et d’une évaluation correcte et indépendante de l’aide de Malte met en danger la participation des ONG aux affaires de coopération pour le développement.

Le Dr Tonio Borg, ministre des Affaires étrangères, a déclaré lors d’un séminaire sur les OMD qu’il « n’y a rien de foncièrement incorrect à utiliser l’argent de l’APD pour les réfugiés parce qu'on est en situation d’assistance – qu’il s’agisse d’opérations de recherches et de secours, d’apporter un hébergement ou un repas – ce qui couvre les besoins des personnes nécessiteuses arrivées à Malte et qui seront, finalement, libérées »[10]. Ceci confirme les préoccupations émises par les ONG depuis longtemps. Plus encore, en faisant allusion à la politique de Malte, le rapport CONCORD affirme que le Gouvernement a également indiqué que davantage de fonds d’aide seront alloués à l’assistance technique. Les ONG sont, en général, préoccupés par le fait que l’assistance technique ne réponde pas aux besoins véritables des pays en voie de développement et dans ce cas-là, la reddition des comptes est difficile.

En réponse à une question parlementaire posée par le député travailliste Leo Brincat, en juin 2008[11], le ministre a mentionné que la seule obligation pour Malte était d’informer la Communauté Européenne du montant global de l’APD et à quelle part du PIB ce montant correspondait, afin de garantir que le pays respecte bien les engagements vis-à-vis des OMD.

En 2009, Malte a promis de consacrer EUR 11 millions  à l’APD, soit une augmentation de 65 % par rapport à l’année précédente. Le Gouvernement a justifié EUR 237.000 pour le financement de 80 % des projets menés par les ONG maltaises pour le développement[12]. Le ministre exige que les organismes de la société civile financent 20 % de leurs projets respectifs à partir de fonds de sources alternatives. Ces fonds ont été remis à neuf ONG locales qui conduiront des projets de lutte contre la pauvreté en Afrique et un en Amérique du Sud. Deux dons ont été effectués : EUR 12.750  et EUR 12.224, respectivement, à la Bethlehem University et à un hôpital de Jérusalem.  Ces deux centres proposent des services aux habitants de la région sans distinction de race, de religion ou de nationalité.

Recommandations

Malte doit tenir ses promesses vis-à-vis des pays pauvres de l’hémisphère sud. L’APD doit se concentrer sur son action visant à éradiquer la pauvreté dans les pays les moins développés. Le Gouvernement devrait s’efforcer d’augmenter sa part dans l’aide au développement afin de respecter les objectifs de 2010 et 2015. Le pays devrait élaborer une stratégie de développement avec des objectifs visant à réduire la pauvreté comme critères essentiels pour l’attribution de l’aide et qui concernera précisément la discrimination hommes
- femmes, les engagements pour l’égalité des sexes et l’ autonomisation de la femme.

Le chiffre de l’APD ne doit pas être gonflé en y ajoutant les frais d’hébergement des réfugiés. Le Gouvernement devrait plutôt utiliser pleinement  l’aide apportée par l’UE pour les réfugiés et demandeurs d’asile. Lors de sa visite à Malte en 2009, Jacques Barrot - alors Commissaire européen à la Justice - a répété que plus de EUR 126 millions  avaient été alloués à l'île pour les dépenses liées aux questions d’asile, d’immigration et des frontières pour la période 2007-2013. Barrot a fait part de sa désapprobation sur le fait que le pays n’avait dépensé que EUR 18 millions. D’après les calculs publiés dans la presse locale,  EUR 24,4 millions et EUR 32,5 millions ont été respectivement attribués à Malte en 2007 et 2008, et EUR 18 millions par an jusqu’en 2013 en plus d’autres aides et subventions pour faire face aux situations qui pourraient surgir. Cette aide devrait être utilisée en totalité[13].

Le Ministère des Affaires étrangères devrait établir des critères et procédures claires pour la sélection, les frais et l’évaluation des projets. Les consultations avec les gouvernements et la société civile des pays récepteurs s’avèrent importantes pour que l’aide au développement soit de qualité. Il convient d’établir un chronogramme contraignant pour atteindre les objectifs établis à partir de véritables sources d’aide et garantir qu’une augmentation durable sur les budgets d’aide permette aux pays récepteurs d’atteindre les objectifs dans les délais impartis. La transparence est un facteur très important dans un pays démocratique. Les citoyens ont le droit d’être informés quant à l’usage fait de l’argent de leurs impôts et ceci comprend une analyse claire des chiffres de l’APD. Ce sera donc un exemple de bonne gouvernance pour les pays récepteurs.

L’ enseignement sur la citoyenneté globale et sur le développement devrait être intégrée dans l’ éducation des étudiants maltais. Ceci devrait améliorer leur sens des responsabilités pour l’éradication de la pauvreté au niveau mondial par l’enseignement des principes démocratiques, la promotion du respect par l´ état de droit et les droits humains, la solidarité et l’union collective afin de tenter de renforcer l’alliance mondiale. Ceci permettrait de développer leur connexion avec leurs frères des pays en voie de développement et améliorer l’efficacité de la coopération pour le développement.

[2] Adopté au Conseil de l’Europe, les 15 et 16 décembre 2005. Disponible sur : <www.enpi-programming.eu/wcm/dmdocuments/EU-consensus-development.pdf>.

[3] Le rapport sur Malte a été élaboré par le SKOP, une plate-forme nationale des ONG maltaises. Voir : CONCORD, Aid Watch 2006. Disponible.

[4] C. Calleja, “Blessed are the poor”, Times of Malta, 16 avril 2006.

[5] Ibid.

[6] M. Vella, “Malta aid figures show little cash reaches world’s poorest”, Malta Today, 16 novembre 2008. Disponible sur : <www.maltatoday.com.mt/2008/11/16/t8.html>.

[7] I. Camilleri, “Malta accused of inflating its development aid”, Times of Malta, 23 mai 2008. Disponible.

[9] Ibid.

[10] C. Calleja, “Refugees get lion's share of funds meant for overseas aid”, Times of Malta, 18 octobre 2008. Disponible.

[11] L. Brincat, Parlement de Malte, 2008. Disponible sur :<www.parliament.gov.mt/file.aspx?f=545>.

[12] “Overseas Development Aid 2009”, 3 novembre 2009. Disponible sur : <www.foreign.gov.mt/default.aspx?MDIS=21&NWID=664>.

[13] Only €18 million spent from €126 million in EU migration funds”, Malta Today, 18 mars 2009. Disponible sur : <www.maltatoday.com.mt/2009/03/18/t2.html>.

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