Récupérer l’esprit original des OMD
  
      Summary: 
    
            
                    L’accomplissement des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) exige que tous les États démontrent leur volonté politique d’agir, tant pour améliorer les indicateurs spécifiques que pour élaborer des politiques mondiales. La nouvelle stratégie de développement devrait retrouver l’esprit original des OMD et se concentrer sur les besoins de la population, l’amélioration de sa qualité de vie, la capacité d’atteindre les plus pauvres, l’égalité entre les sexes et la notion selon laquelle le bien-être et une meilleure qualité de vie sont des valeurs indissociables        
         
 
Organisations françaises de la société civile, ONG, syndicats et collectivités  territoriales[1]
L’accomplissement des  Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) exige que tous les États  démontrent leur volonté politique d’agir, tant pour améliorer les indicateurs  spécifiques que pour élaborer des politiques mondiales. La nouvelle stratégie  de développement devrait retrouver l’esprit original des OMD et se concentrer  sur les besoins de la population, l’amélioration de sa qualité de vie, la  capacité d’atteindre les plus pauvres, l’égalité entre les sexes et la notion selon  laquelle le bien-être et une meilleure qualité de vie sont des valeurs  indissociables
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Comme ce fut le cas récemment avec le plan de sauvetage des banques, la véritable  lutte contre la pauvreté et les inégalités est avant tout une question de  courage et de volonté politique des dirigeants français et européens. En 2005,  les organisations civiques et les collectivités territoriales françaises  soutenaient dans leurs discours qu’il n’y avait plus d’excuses pour que la France ne respecte pas ses  engagements. En 2010, cinq ans après la date fixée pour l’accomplissement des  OMD, ces mêmes organisations exigent que leurs dirigeants assument enfin leurs  responsabilités en s’engageant dans trois domaines complémentaires : le  respect des droits de l´Homme, la solidarité avec la population et l’inclusion  de toutes les parties prenantes dans les plans de développement et dans leur  mise en œuvre.
Respecter et faire respecter  les droits de l´Homme
La lutte contre la pauvreté et l’inégalité n’est pas seulement une question  humanitaire, mais implique également le respect de la dignité des personnes et,  par conséquent, le respect de leurs droits fondamentaux. Les OMD devraient donc  faire partie d’une approche fondée sur l’indivisibilité et l’interdépendance de  tous les droits de l´Homme, condition indispensable pour leur accomplissement.  Pour cela, la France  doit :
- Signer et       ratifier le protocole facultatif se rapportant au Pacte international       relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels (DESC). La       ratification de ce document permettra de soutenir les efforts visant à       obtenir une plus grande reconnaissance des DESC par la législation       nationale et dans les tribunaux. Jusqu´à présent, le Protocole facultatif       a été signé par 32 pays. La        France a soutenu l’élaboration de ce protocole, et par       ce fait s’est engagée à mettre en œuvre ces droits, mais elle ne fait pas       encore partie des États signataires. Sans un nombre suffisant de       ratifications, ce Protocole sera lettre morte ; pour que ces droits       soient mis en œuvre, le document doit être ratifié par 10 États. Les pays       du Sud attendent avec impatiente cette ratification, car cela permettrait       à leurs peuples d’exiger la mise en œuvre de leurs droits.
- Signer et       ratifier la Convention       internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants et leurs       familles (CTM) afin de lui conférer une portée nationale, européenne et       internationale. Les immigrants sont souvent utilisés comme des boucs       émissaires face au chômage, au terrorisme et à l’intolérance raciale et       religieuse. Une des priorités établies par la CTM est que tous les       travailleurs migrants et les membres de leurs familles aient des droits       fondamentaux, quel que soit leur statut juridique dans le pays d’accueil. La Convention       garantit la protection des droits supplémentaires pour les travailleurs       migrants en situation régulière en vue de leur intégration dans la société       d’accueil, afin qu’ils l’enrichissent sans perdre les liens avec leur lieu       d’origine.
- Soutenir       l’initiative de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour mettre       en œuvre le Programme pilote pour un travail digne. Dans une nouvelle       étude sur les différents aspects du travail forcé dans le monde, l’OIT       souligne que, dans une situation de crise « ce sont les plus       vulnérables qui souffrent le plus. Dans ce contexte, il est indispensable de       veiller à ce que les ajustements ne se fassent pas au détriment des       garanties offertes pour prévenir le travail forcé et les abus liés à la       traite des êtres humains »[2].
- Veiller à ce que       les entreprises respectent les droits fondamentaux. Selon les       recommandations du représentant spécial auprès du Secrétaire général de       l’Organisation des Nations Unies, les États ont le devoir de protéger les       droits de l´Homme ce qui suppose l’application de recours juridiques pour       défendre les victimes des violations commises par les filiales établies       dans les pays du Sud ou dans les chaînes d’approvisionnement des       entreprises européennes. En outre, les États doivent veiller à ce que les       entreprises qui reçoivent une aide publique (financement, crédit à       l’exportation) respectent les droits de l´Homme, les conventions relatives       à la consultation des populations, les droits fondamentaux des       travailleurs et la protection de l’environnement.
Renforcer la solidarité
Les gouvernements ont fait preuve de solidarité pour renflouer les banques  et tenter de minimiser les dommages causés par les crises financières.  Maintenant, nous revendiquons la même solidarité avec la population  en général afin d’éliminer la pauvreté et les  inégalités.
Dans un monde où en 2006 la moitié des richesses était détenue par 2 % de  la population[3],  la redistribution des richesses et l’accès aux biens publics à l’échelle  mondiale devraient être des objectifs prioritaires. La crise financière,  alimentaire, sociale, environnementale et énergétique a été déclenchée par les  politiques néolibérales des pays riches, mais ce sont les peuples, notamment ceux  du Sud, qui paient les pots cassés. Il est temps que les responsables de ces  politiques assument les conséquences de leurs décisions.
Les avancées vers la réalisation de certains OMD ne doivent pas faire  perdre de vue le chemin qui reste a parcourir. Les OMD semblent beaucoup plus  difficiles à atteindre s’ils ne sont pas associés à des mécanismes de  solidarité financière et de redistribution des richesses qui assurent leur  universalité. Par conséquent, les OMD ne seront pas atteints à moins qu’un  véritable partenariat mondial pour le développement permette de libérer des  ressources. En effet, les investissements des États du sud, souvent accablés  par les services d’une dette insoutenable et un très faible accès aux bénéfices  d’exploitation des ressources naturelles de leur pays, ne leur permettront pas  de financer eux-mêmes leurs services publics. Il est donc important pour la France de :
- Mettre en place l’Aide       publique au développement (APD) et la diriger vers les secteurs sociaux       des pays les plus pauvres. L’APD devrait faire l’objet d’un engagement       budgétaire pluriannuel dans la prochaine loi de programmation triennale       des finances publiques afin de concrétiser les engagements européens et       internationaux de la        France en matière d’APD pour atteindre 0,7 % du Revenu       national brut (RNB ) en 2015. La        France devrait assurer une répartition plus transparente       et plus efficace des ressources de concert avec les pays bénéficiaires et avec       d’autres donateurs afin de répondre aux exigences liées à l’efficacité de l’aide       énoncées dans la        Déclaration de Paris. Le pays doit fournir des       subventions de manière prioritaire, notamment en ce qui concerne le       soutien aux secteurs sociaux, une ressource de plus en plus importante et systématique       pour des prêts qui peuvent conduire à une crise de ré-endettement dont la       bulle spéculative naissante constitue un premier signe.
- Mettre en oeuvre       un mécanisme de redistribution de la richesse sous la forme de taxes sur       les transactions financières. Ces taxes permettraient de libérer des       ressources prévisibles complémentaires du financement public traditionnel       pour lutter contre les inégalités et assurer la réalisation des OMD,       l’adaptation au changement climatique et la préservation des biens publics       mondiaux. Il s’agirait, dans une première étape, d’appliquer une taxe sur       les transactions interbancaires d’échange qui inclurait les devises       européennes (euro et livre sterling) partout dans le monde. Aujourd’hui,       la viabilité technique d’une telle taxe est parfaitement démontrée. À court       terme, un impôt européen est politiquement plus viable que les taxes       mondiales sur toutes les transactions financières ; ces dernières       pourraient être abordées dans une seconde étape. Il conviendrait de       proposer l’assignation thématique et institutionnelle du produit de cette       taxe à l’ONU, car cette organisation est la seule qui a une légitimité       suffisante pour décider du financement des nécessités internationales       prioritaires.
- Annuler toutes       les dettes illégitimes. Les pays du Sud doivent pouvoir investir pour       promouvoir le développement social et économique de leurs habitants.       Malheureusement, un grand nombre de pays pauvres sont toujours très       endettés. Dans certains cas, les prêts ont été accordés il y a longtemps       sans une véritable responsabilité de la part des créanciers et avec peu ou       pas d’impact positif réel sur ceux qui étaient censés en être les       bénéficiaires. Ces dettes sont illégitimes. Dans certains cas, parce que       l’emprunt a été contracté par un régime despotique qui a volé l’argent       pour augmenter ses capacités militaires ou pour opprimer la population (ce       que l’on appelle la « dette odieuse »). Dans d’autres, parce que l’emprunt a été       contracté pour réaliser des projets de développement très mal conçus ou       contaminés par la corruption qui ont échoué ou qui n’ont jamais vu le jour.       Il est essentiel de procéder à une réforme en profondeur des règles du jeu       afin d’éviter des crises récurrentes provoquées par une dette insoutenable       et illégitime. Nous pensons qu’aujourd’hui plus que jamais il est nécessaire       d’établir un nouveau cadre de dette dans lequel les créanciers et les       débiteurs arrivent à un accord commun qui mette l’accent sur la       responsabilité mutuelle des deux parties. Ceci implique le respect des       principes de transparence et de responsabilité. En cas de problèmes, les       différends devraient être réglés par le biais de procédures justes et       transparentes, fondées sur le partage des responsabilités entre créanciers       et débiteurs. Par ailleurs, de nombreuses banques du Nord sont des       véritables paradis pour les fonds volés par des dictateurs corrompus.       Cette richesse illégitime et les biens qu’elle a permis d’acquérir doivent       retourner dans le pays d’où ils proviennent.
- Renforcer la       transparence des entreprises en matière fiscale, sociale et environnementale.       L’accomplissement des OMD, et principalement de l’objectif numéro 8, exige       une plus grande transparence de la part des entreprises, notamment des compagnies       multinationales. Cela présuppose aussi que les États soient dotés de       dispositifs d’échange d’informations fiscales plus systématiques et plus       efficaces. Dans ce sens, la        France et l’Union européenne devraient promouvoir un       cadre juridique approprié pour forcer les entreprises à rendre compte de       l’impact que leurs activités exercent sur le développement. Cela devrait       inclure un rapport complet de la répercussion sociale et environnementale       dans chaque pays dans lequel ces compagnies exercent leurs activités       conformément aux normes internationales de l’IASB (International       Accounting Standards Board) et à la directive européenne sur l’obligation       de transparence. Ce cadre devrait également faciliter l’échange       automatique d’informations fiscales aux niveaux européen et international.       Dans une première phase, les pays les plus pauvres ne seraient pas       directement touchés par de telles mesures étant donné que leur application       serait progressive, d’abord en Europe et plus tard dans les pays de       l’OCDE, en contribuant ainsi à l’APD fournie par ces pays. Les ressources       obtenues par ce biais pourraient renforcer les capacités des       administrations fiscales des pays du Sud. Ainsi, ces pays pourraient       améliorer le recouvrement d’impôts et la lutte contre la fraude et       l’évasion fiscale qui actuellement sont en train de miner leurs économies.
Garantir la participation de  tous au développement
La crise offre une occasion unique de repenser les politiques et les  stratégies pour la croissance et le développement étant donné qu’elle assigne  aux personnes - à commencer par les secteurs les plus pauvres - un rôle central  dans le processus de développement.
Les OMD ne peuvent être atteints que s’ils se recentrent sur les besoins  les plus urgents des personnes et, en particulier, des secteurs les plus  pauvres, en établissant une véritable égalité entre les hommes et les femmes et  en respectant le principe fondamental qui soutient que le bien-être et  l’amélioration de la qualité de vie sont des valeurs interdépendantes.
Les citoyens et la société civile, ainsi que les collectivités locales, les  parlements et les entreprises, ont un rôle vital à jouer dans ce changement de  perspective qui consiste à construire une nouvelle solidarité fondée sur le  niveau local et impliquant non seulement chaque pays mais la relation entre les  différentes nations. Pour ce faire, nous proposons :
- Incorporer       systématiquement la société civile et les populations vivant dans la       pauvreté à l’élaboration des politiques publiques. Nous demandons au       Gouvernement français que les politiques publiques, locales et nationales,       élaborées dans la perspective de la réalisation des OMD, incorporent       systématiquement les sociétés civiles dans toute leur diversité. En       particulier, ces politiques doivent assurer la participation des       organisations représentant les personnes vivant dans la pauvreté et       l’exclusion sociale. 
- Promouvoir la       participation des gouvernements locaux dans la mise en œuvre d’un       partenariat mondial. Les administrations régionales réunies au Sommet       mondial de Cités et Gouvernements locaux unis, tenu à Canton en novembre       2009, se sont engagées à l’unanimité à promouvoir l’accomplissement du 9e       OMD par les gouvernements locaux. Ces gouvernements régionaux et leurs       représentants devraient participer à l’élaboration de politiques publiques       pertinentes. Sur la scène internationale, il faut que la France reconnaisse que       les gouvernements régionaux ont un rôle important à jouer en tant       qu’acteurs du développement et qu’elle encourage des actions       décentralisées et des investissements gérés localement.
- Promouvoir le       contrôle des engagements des gouvernements par le parlement. Comme       principe général, un parlement devrait recevoir une information complète       et des données solides permettant à ses membres d’évaluer et de surveiller       les engagements de son gouvernement pour atteindre les OMD. La France, en particulier,       devrait veiller à ce que son Parlement surveille les politiques de       coopération pour le développement comme un moyen de garantir qu’elles       soient compatibles avec les objectifs de développement et avec la lutte       contre la pauvreté. 
 
[1] OMD 2015 : Il est  encore temps d’agir. Disponible en français sur : <www.ODM2015.fr>.