Il faut améliorer et augmenter l’aide au développement

Publication_year: 
2010
Summary: 
Le Portugal a manifesté son intention de respecter les engagements internationaux assumés en matière d’Aide publique au développement (APD). Cependant, les effets de la crise économique mondiale mettent en doute leur accomplissement. Outre l’augmentation des volumes d’assistance, il est nécessaire d’améliorer la transparence des processus, de sélectionner les secteurs cible avec des critères plus humanitaires et de réussir à atteindre une plus grande prévisibilité à moyen et long terme. Pour ce faire, la société civile devra assumer un rôle plus actif et surtout plus constant pour surveiller les politiques officielles d’aide au développement.

Social Watch Portugal; Oikos
João José[1]
Catarina Cordas[2]

Le Portugal a manifesté son intention de respecter les engagements internationaux assumés en matière d’Aide publique au développement (APD). Cependant, les effets de la crise économique mondiale mettent en doute leur accomplissement. Outre l’augmentation des volumes d’assistance, il est nécessaire d’améliorer la transparence des processus, de sélectionner les secteurs cible avec des critères plus humanitaires et de réussir à atteindre une plus grande prévisibilité à moyen et long terme. Pour ce faire, la société civile devra assumer un rôle plus actif et surtout plus constant pour surveiller les politiques officielles d’aide au développement.

La Déclaration du Millénaire, signée en l'an 2000, a été suivie de plusieurs conférences internationales plaidant en faveur de l’engagement envers l’aide internationale, qu’il s’agisse de l’augmentation du montant de l’APD ou de sa qualité et de son efficacité, de manière à accroître le plus possible les effets de promotion d’un développement mondial plus juste et équitable. C’est ainsi que lors des conférences de Monterrey (2002) et de Doha (2008) sur le financement du développement, des Déclarations de Paris (2005) et du Programme d’Action d’Accra (2008), des engagements importants sur l’amélioration de l’efficacité de l’aide ont été assumés.

Dans les Grandes Options du Plan 2005-2009, le Gouvernement du Portugal a établi que l’un des objectifs de la coopération portugaise serait celui de « respecter les engagements internationaux sur la quantité et la qualité de l´APD, car le contexte international actuel (...) exige du Portugal un grand dynamisme et efficacité, notamment pour pouvoir atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement » (OMD)[3]. Dans ce même sens, l’un des objectifs du Gouvernement établi par les nouvelles Grandes Options du Plan 2010-2013 est celui « d’augmenter graduellement l’APD portugaise suivant les objectifs et le calendrier établis dans le cadre européen de l’APD, et de renforcer la position négociatrice du Portugal dans les discussions multilatérales, en mettant l’accent sur les Objectifs du millénaire pour le développement à développer tout au long de l’année 2010 »[4].

Cependant, les effets de la crise économique mondiale au Portugal ont éloigné les possibilités du pays de respecter les engagements assumés en matière d’aide. La qualité de la coopération portugaise devrait également faire l’objet d’une révision puisque, suivant la plainte déposée par la société civile, le pourcentage destiné par exemple à la promotion des droits humains est trop faible. Une plus grande transparence et prévisibilité ont aussi été réclamées à l’APD à moyen et long terme.

APD en chiffres

Malgré les engagements assumés, le Portugal n’a pas enregistré d’augmentations substantielles du volume de l’aide entre les années 90 et la période 2005-2008 (voir figure 1). Exception faite de l’année 2008, où l’APD a représenté 0,27 % du Revenu national brut (RNB), ce pourcentage a varié entre 0,21 % et 0,23 %. Les objectifs intermédiaires établis successivement pour 2006 (0,33 %) et pour 2009 (0,30 %) n’ont pas été atteints.  En 2009, l’APD a diminué de 15,7 % et elle a représenté à peine 0,23 % du RNB.

Dans le but de respecter ses engagements - une APD de 0,7 % du RNB en 2015 - le Portugal a établi un nouveau calendrier prévoyant les augmentations graduelles de son aide, dont l’objectif  intermédiaire est d’atteindre 0,34 % du RNB pour 2010[5]. Cependant, compte tenu de l’aggravation de la crise économique portugaise – avec des réductions et des politiques budgétaires  restrictives destinées à contrôler le déficit des  comptes publics – il s’avère pratiquement impossible d’atteindre les objectifs proposés dans le nouveau programme pour 2010. Pour la même raison, il est peu probable que le Portugal puisse atteindre 0,7 % en 2015.

Affectation et distribution de l’APD

Bien que la plupart de l´APD soit octroyée de manière bilatérale, depuis 2002 des efforts importants ont été faits pour augmenter les contributions multilatérales qui ont représenté 43 % du total de l'APD portugaise entre 2005 et 2008, face à 27,4 % en 1990 et 34 % en 2000.

La plupart de l’aide multilatérale est destinée au Fonds européen de développement (FED) et au budget d’aide externe de la Commission européenne qui finance les pays en développement n’étant pas considérés par le FED. Au cours des quatre dernières années, ces deux instruments ont reçu près de EUR 450 millions (USD 576 millions) représentant  une moyenne annuelle de 33 % de l’APD du Portugal.

L’APD bilatérale est principalement destinée aux ex-colonies portugaises, les PALOP[6] et le Timor Oriental. Bien que la plupart de ces pays se trouvent en Afrique subsaharienne (sauf le Timor Oriental et  le Cap-Vert) et qu’ils soient qualifiés comme étant des « pays moins avancés », des « états post-conflit »[7] ou des « états insulaires », leurs liens historiques, linguistiques et culturels justifient ce choix.

Le Gouvernement établit les priorités de sa politique externe en tenant compte de la défense et de l’affirmation de la langue et de la culture portugaises raison pour laquelle il renforce son soutien aux pays lusophones. Les secteurs où l’aide portugaise montre une tendance à la concentration sont principalement l’éducation, le soutien à la gouvernance[8] et à la coopération technique mais peu d’accent est mis sur les services sociaux qui ont à peine dépassé 3,1 % du total de l'APD bilatérale entre 2007 y 2008[9].

La qualité de l’aide

Le soutien au secteur productif est presque résiduel si on le compare avec les composantes de la coopération technique. De ce fait, certaines organisations appartenant à la société civile considèrent que l’APD du Portugal manque toujours d’une orientation effective vers l’éradication de la pauvreté. Le faible investissement destiné au soutien de l’agriculture et de la pêche, secteurs fondamentaux pour la promotion de la sécurité alimentaire dans les pays en voie de développement, est un aspect spécialement négatif.  En grande partie, ce sont les Organisations non-gouvernementales (ONG) qui mènent à bien cet effort bien qu’elles ne reçoivent qu’une petite portion de l’APD bilatérale (1,9 % en 2008)[10].

Le poids des lignes de crédit dans l’APD bilatérale est toujours critiqué par les ONG portugaises et par la Confédération européenne des ONG (CONCORD) à la coopération portugaise. À titre d’exemple, on peut mentionner qu’en 2008, près de 25 % de l’APD bilatérale a été liée à la comptabilisation de EUR 66 millions (USD 84 millions) d’une ligne de crédit pour le Maroc.  Finalement, un autre aspect critique est celui de l’aide conditionnée à l’obtention de biens et services de la part d’entreprises portugaises. En effet, l’aide conditionnée a augmenté de 17 % en 2006 à 42 % en 2008. Cette augmentation est étroitement liée à la comptabilisation de la concession des lignes de crédit[11].

L’effort pour améliorer la programmation de l’aide et l’ouverture croissante au dialogue entre les parties intéressées constitue un élément à mettre en relief vis-à-vis de la coopération portugaise depuis 2005. Cet effort a été mis en œuvre en particulier grâce à la création du Forum de Coopération pour le Développement et à la réalisation annuelle de journées nationales de coopération connues comme « Journées du Développement ».  En effet, outre l’approbation d’une stratégie mondiale pour la coopération portugaise[12], plusieurs stratégies sectorielles sont en voie de préparation (entre autres celles concernant la santé, l’éducation, l’égalité entre les sexes, la gouvernance et le développement rural). Certaines d’entre elles étaient déjà terminées vers la fin de 2009 ou début 2010. Il faut signaler également l’approbation de la Stratégie nationale d’éducation pour le développement,  en novembre 2009.                                                                                                                                                                                    

Il reste pourtant encore un long chemin à parcourir dans le domaine de la programmation et de la prévisibilité.  Parmi les principales faiblesses de la coopération portugaise on peut mentionner l’absence absolue d’une stratégie d’orientation en matière d’aide humanitaire, ainsi que la faible prévisibilité de l’aide à moyen et long terme. Trouver une solution à ces deux faiblesses n’est pas seulement une question d’augmentation des ressources mais aussi de définition claire de l’architecture institutionnelle.  Juridiquement, la coordination de la coopération portugaise correspond au ministère des Affaires étrangères et de la coopération, à travers le Secrétariat d’État à la coopération et de l’Institut portugais de soutien au développement. Pourtant, en matière de prévisibilité de l’aide, la décision dépend fondamentalement du ministère des Finances, alors qu’en matière d’aide humanitaire, le ministère de l’Administration interne et de la protection civile jouent un rôle de plus en plus important.

Pour finir, l’augmentation de la transparence est une exigence de la société civile vis-à-vis de l’APD portugaise. Le fait de souscrire à l’Initiative internationale de transparence pour l’aide devrait être une démarche importante. Il est essentiel de clarifier les critères de comptabilisation de l’APD et de fixer un délai pour disposer de données ventilées, notamment pour ce qui est des questions controversées comme par exemple la comptabilisation des dépenses des Forces Armées dans des missions de paix, les coûts et les critères des missions humanitaires de la Protection Civile, les dépenses des universités portugaises pour le soutien aux étudiants en provenance de pays lusophones, la comptabilisation de la concession de lignes de crédit avec l’aide liée et l’ajout de mesures de soutien financier pour la lutte contre le changement climatique. 

Le rôle de la société civile

Pendant les cinq dernières années on a réalisé et soutenu des campagnes de mobilisation en rapport avec les OMD et l’éradication de la pauvreté mondiale  – entre elles, la campagne « Pauvreté Zéro »[13], coordonnée par l’ONG Oikos, ou la campagne « Objectif 2015 » de l’ONU. Cependant, selon la Plate-forme des ONG portugaises de développement[14], le Portugal n’a pas de « culture d’aide régulière ». Cela veut dire par exemple que, lors d’une catastrophe naturelle, les citoyens portugais subissent une forte réaction émotive et solidaire, mais dans le quotidien des ONG de développement et d’autres mouvements de la société civile organisés en fonction de l’éradication de la pauvreté extrême dans le monde, la participation des citoyens est rare et peu claire. 

[1] Directeur d’Oikos.

[2] Bénévole d’Oikos.

[3] Ministère des Finances, Grandes Options du Plan 2005-2009. Disponible en portugais sur : <www.gpeari.min-financas.pt/arquivo-interno-de-ficheiros/gop/GOP2005_2009_AR.pdf>.

[4] Ministère des Finances, Grandes Options du Plan 2010-2013. Disponible en portugais sur : <www.min-financas.pt/inf_economica/OE2010/GOP_2010-2013.pdf>.

[5] Ministère des Finances, Rapport sur le Budget d’État pour 2009. Disponible en portugais  
<>.

[6] Les Pays Africains de langue officielle portugaise (PALOP) est un groupe de pays formé par cinq anciennes colonies portugaises (l’Angola, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Mozambique et São Tomé & Principe).

[7] L’Angola, le Timor-Leste et la Guinée-Bissau ont connu de violents conflits pendant les dix dernières années.

[8] Programmes de formation institutionnelle dans plusieurs secteurs de l’Administration Publique et d’autres organismes de l’État.

[9] Institut Portugais d’Aide au Développement. Voir : <www.ipad.mne.gov.pt/index.php>.

[10] Ibid.

[11] Ibid.

[12] Décision nº 196/2005, disponible .

[13] Voir : <www.pobrezazero.org>.

[14] Voir : <www.plataformaongd.pt/>.

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