NGO GAPAFOT
Pastor Rodonne Siribi Clotaire
Après la mise en oeuvre du Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) des progrès ont été enregistrés, cependant leur lenteur et la situation critique de départ rendent les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) difficiles à atteindre dans les délais impartis. Le processus de relance économique, de la santé, de la sécurité et de la gouvernance qui grâce à la pacification politique, aux mesures gouvernementales et à l’aide internationale est en train de s’effectuer, se heurte à d’innombrables difficultés structurelles. De plus, les programmes visant à réduire la pauvreté doivent respecter l’engagement pris envers l’environnement.
La République Centrafricaine (RCA) souffre de sous-développement dans tous les domaines malgré son énorme potentiel économique, car il s’agit d’un pays possédant d’abondantes ressources minérales, un riche réseau hydrografique propice à l’agriculture, à l’élevage et à la pêche, et comptant sur plus de 6 millions d’hectares de forêt humide au sud du territoire, qui abritent une infinité de richesses naturelles exploitables.
Pendant des années, en raison des conflits politiques et armés qui ont mis en pièces le tissu socioéconomique du pays, le chômage et la pauvreté se sont aggravés, l’infrastructure s’est affaiblie et au niveau économique les activités informelles et précaires se sont généralisées. Dans ce contexte, si l’on n’obtient pas une amélioration sensible et durable de la situation économique, sociale et en termes de sécurité, il semble difficile que la RCA puisse atteindre les OMD dans un délai raisonnable.
Après la rébellion du genéral François Bozizé en mars 2003, des élections présidentielles ont été convoquées en 2005, à l’issue desquelles Bozizé a obtenu la victoire et la reconnaissance internationale. Cette normalisation politique – quoique partielle encore du fait que des groupes armés continuent à occuper une partie du territoire – a entraîné avec elle une très lente reprise économique, impulsée par le Gouvernement et soutenue par la communauté internationale [1]. Le DSRP est l’emblème de ce processus qui compte depuis le début sur une large base de soutien puisqu’il a été élaboré après de nombreuses consultations faites à tous les experts impliqués [2].
Vers la réduction de la pauvreté
Le DSRPa quatre objectifs principaux :
Situation économique
Selon les données de la Note économique et sociale 2008 de la Direction Générale de Politiques et Stratégies, l’économie nationale a maintenu une croissance relativement faible par rapport à 2007. Le Produit intérieur brut (PIB) en volume, est passé de XOF 798 millions (soit environ USD 1,6 millions) en 2007 à XOF 912 millions (USD 1,7 millions) en 2008, le taux de croissance diminuant de 3,7 % à 2,2 % sur cette période.
Quant à la situation monétaire, les actifs extérieurs nets ont régressé (USD 62,72 millions en 2008, contre USD 63,23 millions en 2007), mais au cours de l’année 2008, le crédit interne et la masse monétaire ont augmenté.
Les difficultés d’approvisionnement en électricité, le ralentissement des principales exportations (bois et diamants) et une certaine réduction du pouvoir d’achat due à l’augmentation de l’inflation ont situé la croissance du PIB à 3,5 % en 2008. L’inflation s’est établie à 7 %, dépassant le taux prévu du fait de l’évolution des prix alimentaires et du combustible.
Situation sociale
La précarité de la situation sociale est reflétée dans les indicateurs de l’Indice de développement humain, selon lequel le pays occupait le 179e rang en 2009 sur un ensemble de 182 pays [3]. En effet, même si les efforts fournis (campagne de vaccination, distribution de médicaments et suivi) ont permis de réduire légèrement le taux de maladie et de mortalité des enfants, la situation sanitaire des mères reste préoccupante. Le taux de prévalence du VIH/sida dans le pays était de 6,2 % en 2006, ce qui le situait parmi les plus touchés d’Afrique.
La situation de l’éducation dans le pays est alarmante : le taux d’analphabétisme est de 51,4 % [4]. Un enfant centrafricain a seulement 40 % de possibilités d’accéder à l’enseignement primaire, à peine 30 % des femmes sont scolarisées, alors que le pourcentage atteint 50 % chez les hommes. La situation est encore plus grave en milieu rural, où seulement 15 % des femmes et 40 % des hommes sont scolarisés [5].
Selon les résultats du Recensement général de la population et du logement 2003, plus des deux tiers de la population centrafricaine (67,2 %, soit 2,6 millions d’habitants) vivent en dessous du seuil national de pauvreté, la situation étant pire en zone rurale (72 % des habitants) qu’en zone urbaine (60 % des habitants). Cette pauvreté des conditions de vie est liée aux difficultés pour satisfaire les besoins essentiels tels que l’accès à l’eau potable, à un logement décent, à l’assainissement, aux sources d’énergie pour cuisiner, aux centres de soins et de santé et aux revenus, entre autres.
Dans ce contexte, les femmes souffrent deux fois plus : non seulement elle subissent les conséquences d’une précarité généralisée dans les conditions de vie, mais elles sont en plus discriminées et traitées sans équité dans pratiquement tous les aspects de leur vie. Elles sont représentées à l’excès dans le secteur agro-pastoral (80,8 %) – le secteur dominant de l’économie centrafricaine – et sous-représentées dans le commerce (10 %).
Les indicateurs du marché du travail montrent un niveau d’activité élevé, un chômage pratiquement inexistant (environ 2 %) et une très nette prédominance du secteur informel. Huit personnes sur dix âgées de 15 ans ou plus sont présentes sur le marché du travail. Ce niveau de chômage si faible ne signifie pas que le pays soit en train de créer des postes de travail décent. De fait, 64 nouveaux postes de travail sur 100 sont créés dans le domaine de la petite agriculture extensive et 26 dans le secteur informel des zones urbaines. Finalement, le secteur formel (public et privé) représente 10 % des emplois. La situation du travail peu productif constitue un facteur aggravant de la pauvreté.
Financement et dette
Le financement des actions de développement constitue un des plus grands enjeux auquel doit faire face la stratégie de reconstruction que souhaite mettre en marche le Gouvernement pour atteindre les OMD. Ainsi, depuis 2006, le gouvernement a adopté une dynamique orientée vers le réengagement de tous ses partenaires de coopération au développement à travers la rédaction d’un Document - cadre de politique économique et sociale (DCPES, selon son sigle en français) qui sert de base d’intervention pour les arriérés du remboursement de la dette face à certains partenaires multilatéraux comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) et l’UE, et des partenaires bilatéraux tels que la France et la Chine, entre autres.
Le pays a déjà obtenu l’annulation de USD 9,9 millions et la renégociation de USD 26,2 millions accordée par le Club de Paris. En octobre 2008, la France avait concédé une réduction de USD 48 millions pour ouvrir la voie à d’autres réductions de la dette. Cette décision a permis au pays de voir provisoirement sa dette allégée de 90 % du service de sa dette multilatérale, permettant le service régulier de la dette restante et de bénéficer de nouveaux prêts accordés à des taux d’intérêt subventionnés par des banques de développement.
En 2009, la Banque mondiale a destiné USD 70 millions aux secteurs productifs et à la création d’infrastructure, y compris le secteur énergétique. Le FMI, de son côté, a affecté USD 50 millions destinés à l’aide budgétaire et à la balance des paiements. Il faut ajouter à cela les financements du Programme Fast Track [6] en faveur de l’Éducation nationale, pour un montant de USD 34 millions, comprenant la construction de nouveaux établissements scolaires, la formation des enseignants et diverses dotations en matériel didactique.
Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, USD 16 millions ont été affectés – financement accordé conjointement par la BAD et la Banque mondiale – à un programme de développement communautaire et de soutien aux groupes vulnérables dans les cinq préfectures. Ce programme facilitera les différentes activités des ONG, de même que celles de la population civile.
La régularité des salaires et l’apurement des trois arriérés de salaires, y compris le paiement des pensions et des bourses en 2009, totalisent environ USD 60 millions. C’est un signe encourageant pour l’économie nationale qui permet d’établir les bases pour une meilleure distribution des revenus, créant ainsi un impact positif dans de nombreux foyers.
Aide
Après la suspension de l’aide entre mars 2003 et juillet 2005, en septembre 2007 la République Centrafricaine a adhéré à la Déclaration de Paris. Le dispositif institutionnel mis en marche s’est aligné sur les principes de la Déclaration et une nouvelle planification économique a été élaborée à moyen terme. Celle-ci a réuni des bailleurs de fonds à travers le DCPES – qui constitue une première esquisse du plan d’actions sur trois ans (2006-2008) – et le DSRP (2008-2010).
La signature du 10e accord sur les Fonds européens de développement [7] en juin 2008 a mis fin aux concertations prolongées entre l’État et la société civile, d’un côté, et la Commission européenne (CE)de l’autre. Dans le cadre de la programmation de l’accord, la politique d’intervention de la CE continuera à s’intégrer pleinement dans la stratégie gouvernementale de la lutte contre la pauvreté et à répondre aux grands principes de la coopération pour le développement que soutient l’UE.
Les principaux domaines d’intervention choisis sont:
Lors de la révision du DSRP effectuée en novembre 2008, les ressources mobilisées se sont élevées globalement à USD 840 millions au lieu des USD 96 millions prévus. La partie de ces ressources correspondant à la période 2008-2010 est de USD 755 millions, soit 56,5 % des besoins définis lors de la table ronde.
OMD – Enjeux et problèmes
Le pays devra vaincre une série d’obstacles qui s’interposent dans son avancée vers la réalisation des OMD. L’un des plus sérieux est l’augmentation du volume et de l’efficacité de l’aide extérieure. Il est urgent de mettre en marche une stratégie dans ce sens, conformément aux recommandations de la Déclaration de Paris, qui mettent particulièrement l’accent sur :
L’accélération de la croissance pour réduire la pauvreté pourrait se heurter à certaines contraintes structurelles importantes : le déficit en main d’oeuvre qualifiée –dû à l’inadéquation entre l’éducation, la formation et l’emploi – et le difficile accès des opérateurs économiques aux crédits bancaires classiques, compte tenu de la nature et des conditions du crédit qui leur sont offerts, corrélativement avec la fragilité du système bancaire et la place encore marginale qu’occupe le microfinancement, empêchant les gens d’obtenir des fonds de façon immédiate.
Finalement, les ambitions et les priorités financières peuvent mener le pays à un développement endogène, qui suppose l’exploitation et la gestion de ses ressources naturelles. Il est indispensable donc qu’en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté l’accent soit mis sur les politiques, les stratégies et l’engagement en termes d’environnement et d’écologie.
[1] Le Consensus de Monterrey de 2002 a adopté un cadre suivant lequel les pays de bas revenus qui s’engageraient à la stabilité économique et à la bonne gouvernance recevraient de plus grands montants d’aide au développement.
[2] Le Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) a été élaboré par le ministère de l’Économie, de la planification et de la coopération internationale. Il a été adopté en septembre 2007 et présenté à la communauté internationale un mois plus tard, lors d’une table ronde des pays donateurs organisée à Bruxelles, Belgique. Disponible sur : <www.cf.undp.org/DSRP/CAR_PRSP_FRA.pdf>. [en français].
[3] PNUD, Rapport sur le Développement Humain 2009: République Centrafricaine. Disponible sur : <www.hdrstats.undp.org/en/countries/country_fact_sheets/cty_fs_CAF.html>.
[4] PNUD, Rapport sur le Développement Humain 2009. Disponible sur : <www.hdrstats.undp.org/es/indicators/99.html>.
[5] PNUD, Rapport sur le Développement humain 2007-2008. Disponible sur : <www.hdr.undp.org/en/media/HDR_20072008_SP_Complete.pdf>.
[6] Programme d’alphabétisation auquel participent cinq ministères et qui a le soutien du Gouvernement français, de l’UNESCO et de la Banque mondiale. Disponible sur : <www.educationfasttrack.org/media/library/CARESP.pdf>. [en français].
[7] Disponible . [en français].
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