Des moments critiques

Publication_year: 
2010
Summary: 
La situation politique et économique de la Moldavie – l'un des pays d’Europe ayant la plus faible capacité à attirer l'investissement direct étranger (IDE) – connaît aujourd’hui un moment critique et définira les tendances de développement à long terme. Actuellement, le progrès vers la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) se trouve menacé en raison de l'impact de la crise économique. Sur les 28 objectifs nationaux fixés par la République de Moldavie, six d’entre eux ne seront sans doute pas atteints en 2015. Les efforts réalisés pour renforcer la participation de la société civile dans les politiques de développement ont été considérablement efficaces et ont augmenté les possibilités de dégager des analyses et des diagnostics indépendants des principales tendances nationales.

La situation politique et économique de la Moldavie – l'un des pays d’Europe ayant la plus faible capacité à attirer l'investissement direct étranger (IDE) – connaît aujourd’hui un moment critique et définira les tendances de développement à long terme. Actuellement, le progrès vers la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) se trouve menacé en raison de l'impact de la crise économique. Sur les 28 objectifs nationaux fixés par la République de Moldavie, six d’entre eux ne seront sans doute pas atteints en 2015. Les efforts réalisés pour renforcer la participation de la société civile dans les politiques de développement ont été considérablement efficaces et ont augmenté les possibilités de dégager des analyses et des diagnostics indépendants des principales tendances nationales. 

Partnership for Development Centre

Si à première vue la performance économique de la Moldavie pendant les dernières années paraît assez réussie – avec un taux de croissance moyen du PIB de 5 % entre 2006 et 2008 et des indicateurs monétaires et fiscaux contrôlés – cette croissance s’est principalement fondée sur la consommation, surtout celle de marchandises importées, et elle a été alimentée par les envois de fonds de l’étranger qui ont représenté 30 % du PIB en 2008 (parmi les plus élevées au monde), enregistrant des taux de croissance à deux chiffres pendant la plus grande partie de la décennie[1]. La crise économique mondiale a cependant eu un impact énorme et abrupt sur l'économie du pays. En 2009, les rentrées de fonds ont chuté de 27 %, reflétant l'effondrement de l'activité économique dans les pays qui accueillaient un grand nombre de travailleurs temporaires moldaves[2].

La Moldavie a été l'un des pays d'Europe centrale et orientale avec la plus faible capacité pour attirer l'investissement direct étranger. Les entreprises fragiles du secteur privé ne génèrent aujourd’hui que 65 % du PIB. Il s’agit d’un pourcentage très bas par rapport aux contributions du secteur privé dans les pays d'Europe en transition : 70 % du PIB en Lettonie, Roumanie et Slovénie, 75 % en Bulgarie, Croatie, Lituanie, Pologne et au Kirghizstan, et 80 % en République tchèque, Estonie, Hongrie et Slovaquie[3].

L’Investissement direct étranger (IDE)

L'IDE a joué un rôle important à long terme dans la croissance économique du pays. La participation d'entreprises et d’initiatives étrangères dans le PIB a augmenté de 1 % en 1995 à environ 19 % en 2008, et beaucoup de secteurs, dont les télécommunications mobiles, ont été mis en route ou sauvés du  collapsus – comme dans le cas de la production et de la distribution d'énergie – grâce à des entreprises de capital étranger. Par ailleurs, en 2004-2008, les secteurs dont les recettes ont connu la plus grande croissance ont été ceux bénéficiant d'une participation d’IED relativement haute ou très haute. Malgré tout,  les entreprises étrangères jouent encore un rôle assez modeste dans la création d’emplois pour la population moldave (même si ce rôle ne cesse d’augmenter, passant de 9,3 % en 2004 à 14,3 % en 2008).

En 2005-2008, l’IDE a augmenté et s'est diversifié. Alors qu'à la fin de 2005 il se concentrait en grande partie sur l'industrie manufacturière, l'électricité, le gaz et l'eau, ainsi que sur le commerce de gros et de détail, la réparation de véhicules motorisés, les motocyclettes, l'électroménager et les biens à usage personnel, vers la fin de 2008 la proportion a augmenté dans les activités financières, les opérations de valeurs, les activités de location et les affaires des entreprises. Il faut cependant signaler que ces investissements n'ont pas été attribués aux secteurs produisant des biens d'exportation et des services. En fait, seul 16,8 % des réserves totales est destiné à la fabrication, ce qui met en évidence que l’IDE joue un rôle à peine modéré dans le développement de la compétitivité du pays sur le plan international. 

Selon l’Expert-Group (un think tank moldave indépendant), pour augmenter le volume d'IDE dans l'économie nationale, le Gouvernement doit poursuivre la privatisation d'entreprises d'État et mettre en place des réformes pour développer la ressource la plus précieuse du pays : le capital humain. De même, il doit lever l'interdiction aux étrangers d'acheter des terres agricoles et simplifier l'obtention de terres non cultivées ainsi qu'éliminer les obstacles bureaucratiques à la construction et à la création de parcs industriels, surtout dans l'industrie des boissons et des aliments.

La dette et l'assistance internationale

L'aide publique au développement (APD) par tête en Moldavie a constamment augmenté – de 18,2 % en 1995 à 33,7 % en 2000 et à 269,2 % en 2007. Une analyse de la durabilité de la dette réalisée au début de 2008 a conclu que la perspective pour la dette extérieure de la Moldavie est favorable, avec un risque faible de surendettement, et a qualifié la Moldavie comme un pays à « endettement bas ». Compte tenu cependant de la volonté exprimée par les pays en développement associés lors de la réunion du Groupe consultatif en mars 2010 de consacrer environ USD 2,6 millions (pour financer le développement, la moitié en subventions et le reste en prêts avec des conditions favorables) afin de soutenir la Moldavie pendant la période 2011-2013, la dette extérieure du pays augmentera considérablement.

Il faut signaler, en outre, que l'assistance internationale ne s'est pas toujours traduite en une meilleure efficacité[4]. Par ailleurs, la concession de prêts à des conditions non préférentielles au début de la transition a fait considérablement augmenter la dette extérieure : en 2000, la dette extérieure brute avait atteint 133 % du PIB, alors que la dette extérieure publique se situait à 60,4 %[5].

Dans les années 2000, la Moldavie avait atteint une dette extérieure très élevée dépassant 100 % du PIB. Ceci était dû en grande partie au déclin économique de la décennie antérieure et à la dépréciation significative du taux de change. Alors que la valeur nominale de la dette extérieure est restée pratiquement stable pendant cette période, la forte croissance économique alliée à une appréciation réelle du taux de change, a contribué à situer le taux de réserve de la dette extérieure par rapport au PIB à 56 % à partir de 2005[6]. Après avoir atteint un plafond en 2006, le service de la dette extérieure s'est significativement réduit en 2007. La prestation de services de la dette extérieure et de garantie publique de la dette a chuté d'environ 10 % dans les revenus du secteur public, bien en-dessous de 5 % en 2007[7].      

Selon une étude récente du FMI, la dette extérieure brute de la Moldavie en 2010 représente 78,6 % du PIB et l'on s'attend à ce qu'elle atteigne 85,9 % du PIB en 2012. Elle est structurée de la façon suivante[8] :

  • La proportion de la dette publique a diminué pendant les cinq dernières années, atteignant 25,4 % en 2009. Étant donné que la dette extérieure a été contractée auprès des Institutions financières internationales (IFI) à des conditions favorables, en dessous des taux d'intérêt du marché, il n'y a pas de pression par rapport au budget au service de cette dette.
  • La dette à long terme augmente, ce qui représente un niveau de confiance plus élevé dans le pays.
  • La dette extérieure bancaire est contractée auprès des maisons-mères et des IFI. Elle pourrait augmenter encore plus car le capital étranger est moins cher et peut aider à réduire le coût des prêts à l'économie.

 

Tous ces facteurs sont relativement stables et bénéficient d'un long délai,  ils peuvent même ne pas avoir d'échéance. Toutefois, le danger concernant la dette extérieure vient de la dette à court terme car elle peut quitter le pays très rapidement. Dans les dernières années, le Gouvernement a fait des efforts soutenus pour solder la dette extérieure brute ainsi que la dette extérieure publique en les réduisant respectivement à 67,5 % et à 12,9 % en 2008. D’autre part, à cause de la crise financière mondiale, l’augmentation du niveau brut de la dette extérieure a été beaucoup plus élevé dans certains pays développés qu'en Moldavie (Luxembourg 3,733 % du PIB, Irlande 881 % et Royaume Uni 338 %)[9].

Pendant les neufs premiers mois de 2009, les revenus budgétaires ont chuté de plus de 10 % par rapport à 2008, surtout en raison d'une réduction des recettes de la TVA, des revenus non fiscaux et des impôts douaniers. Une série d'augmentations des salaires et de pensions promulguées par le Gouvernement précédent a épuisé encore davantage les ressources budgétaires déjà limitées. Le déficit fiscal est passé de 1 % du PIB en 2008 à environ 6 % du PIB entre janvier et septembre 2009, et il a été financé principalement par une réduction des soldes accumulés précédemment dans la comptabilité budgétaire et par le fort endettement intérieur[10].

Les OMD en danger

Pour la Moldavie, pays en transition, la création d'associations pour le développement est cruciale, pour obtenir une augmentation du niveau de vie de la population et pour l'intégration du pays dans l'Union Européenne[11]. Mais cela implique une coopération constante entre les différents pays dans le but d'atteindre les sept premiers OMD et d'obtenir des progrès dans des domaines importants qui ne sont encore pas couverts par les OMD comme le commerce extérieur, le transport et l'infrastructure des communications.   

L'agenda des OMD, qui paraissait être à portée de main en 2007, se voit actuellement menacé en raison de la récession économique. Sur les 28 objectifs nationaux fixés par le gouvernement, six d’entre eux – concernant l'éducation, le VIH / SIDA, l'accès à l'eau et à l'assainissement – ont une faible probabilité d'être atteints avant 2015[12]

Les OMD traduisent les problèmes nationaux les plus urgents en objectifs concrets et mesurables de développement ; la question de l'égalité des sexes, qui est au cœur des OMD, traverse tous ces objectifs[13]. Même si l'éducation, la santé publique et la protection sociale sont les secteurs qui absorbent la plus grande partie des dépenses publiques en Moldavie, celles-ci sont loin d'être optimales. Selon le Gouvernement, « l'optimisation des établissements éducatifs augmenterait l’efficacité des dépenses dans le domaine de l’éducation. De même, on pourra faire des économies grâce à la réforme sanitaire, bien que les coûts initiaux pour la modernisation du système hospitalier soient élevés. En ce qui concerne la protection sociale, l´enjeu est d'apporter une assistance sociale à ceux qui en ont le plus besoin et qui sont restés en marge du vieux système de 13 programmes différents d'assistance sociale. En 2007, la Moldavie a assigné 1,8 % du PIB aux programmes d'assistance sociale et en moyenne 8 % du PIB à l'éducation pour les 26 pays en transition »[14].

L’égalité des sexes

Depuis 2006, l'égalité des sexes est un sujet de préoccupation spécial pour le Gouvernement et il a été abordé par la signature d'une série de documents internationaux, par la ratification des traités et par un engagement formel à réaliser les OMD. Le gouvernement a déclaré en 2010 à propos d’une série d'actions mises en place : « On a adopté la Loi sur l'égalité des sexes et la Loi sur la prévention et la lutte contre la violence domestique ; on a mis en place la Commission gouvernementale pour l'égalité entre femmes et hommes et le Département des politiques pour garantir l'égalité des genres et la prévention de la violence ; on a adopté le Programme national pour garantir l'égalité des sexes (PNGIG) 2010-2015 et le Plan d'action pour l'application du PNGIG pour 2010-2012 ; on a développé et diffusé des statistiques de genre (plus de 250 indicateurs séparés par genre) »[15]. Il existe cependant beaucoup d'obstacles à l'obtention des résultats désirés :

• Même si la proportion de sièges occupés par des femmes au parlement a atteint 30 %, il y a très peu de possibilités pour la participation des femmes sur le marché du travail.
• La conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle est un vrai enjeu, car 97 % du soin des enfants reste à la charge des femmes .
• Les femmes sont majoritairement employées dans les secteurs à bas salaires (éducation, santé, assistance sociale) et occupent des positions inférieures quels que soient les domaines de compétence.
• La proportion de femmes employées à leur compte est en augmentation.
• Le nombre de femmes qui ont abandonné la force de travail est en augmentation[16]

Le développement et la société civile

PASOS (Policy Association for an Open Society) a souligné que la situation actuelle en Moldavie est critique et qu’elle est en train de créer une scène favorable pour le développement du pays à long terme. Le processus de renforcement de la société civile dans les politiques de développement a progressé de manière satisfaisante, en augmentant la capacité de celle-ci de produire des analyses et des diagnostics indépendants concernant les diverses tendances nationales[17]. Malgré le besoin d'améliorer encore plus la qualité de la contribution apportée par les ONG et de rendre plus consistants leurs intrants et plus réalistes leurs recommandations, il existe déjà de nombreux exemples de participation de la société civile dans la vie publique qui incluent des changements dans les domaines les plus problématiques de la société.

Les plus gros obstacles se situent surtout dans le domaine des droits de l'Homme, de la justice et du développement économique, ainsi que dans tout ce qui a trait à la corruption et à la liberté de la presse. En 2009, de nombreuses organisations de la société civile ont été très actives et  ont souvent  été proactives dans toutes ces sphères. Au début de 2010, un Conseil national de participation composé de 30 ONG nationales a été créé afin de faciliter le dialogue entre le Gouvernement et la société civile sur diverses questions politiques. Étant donné toutefois que les ONG abordent en général ces problèmes à travers le prisme de leurs propres missions, il existe une tendance à couvrir un spectre plus étroit qui aboutit au manque d’une vision holistique[18]. Il faut espérer qu'une telle vision se concrétisera rapidement. 

[1] Gouvernement de la Moldavie, Rethink Moldova, Rapport du Groupe consultatif à Bruxelles, mars 2010. Disponible.

[2] Ibid.

[3] Voir : <expert-grup.org/library_upld/d265.pdf>.

[4] Voir : <rapc.gov.md/file/ECOSOC%20Report_discutions.doc>.

[5] Ibid.

[7] Voir : <ec.europa.eu/economy_finance/evaluation/pdf/Moldavie_eval_en.pdf>.

[8] Voir : <pc.gov.md/file/ECOSOC%20Report_discutions.doc>.

[9] Ibid.

[10] Rethink Moldova, op. cit.

[11] Ibid.

[12] Ibid.

[13] Rapport national de la République de Moldavie sur l'application des Objectifs du millénaire pour le développement.

[14]  Rethink Moldova, op. cit.

[15] Voir : <www.un.org/en/ecosoc/julyhls/pdf10/Moldavie_presentation_ecosoc.pptx>.

[16] Présentation nationale volontaire dans la réalisation des OMD, Gouvernement de la République de Moldavie, ECOSOC, New York, 2010.

[17] Valeriu Prohnitchi, Alex Oprunenco, Moldova 2009 : State of the Country Report, PASOS, 8 avril 2010. Disponible.

[18]  Ibid.

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