PÉROU

Proposition des travailleurs

Confederación General de Trabajadores del Perú (CGTP)
Soutien du CEDEP
Mario Huamán Rivera1

Le plan de relance économique du Gouvernement, lancé pour faire face à la crise, ajoute 3 milliards d’USD au budget annuel. Le Gouvernement, en partenariat avec des entreprises privées, s’en servira pour construire des logements, pour  financer le secteur exportateur et pour développer des programmes d’aide sociale. Pour leur part, les travailleurs ont présenté un plan dont les objectifs sont les suivants : le maintien des niveaux de croissance économique adéquats et la génération d'emploi, la préservation des postes de travail, l’assistance aux secteurs moins favorisés et la relance de la croissance et de la consommation de la production nationale.

Le Pérou n’est pas une exception dans le contexte de la crise mondiale. En 2008, la croissance économique représentait près de 10 % du PIB, alors qu’en 2009 elle a chuté en-dessous de 4 %, selon l'Institut National de Statistique et d’Informatique. On estime que les exportations qui tournaient autour de 32 milliards d’USD l’année dernière sont estimées à 22 milliards d’USD pour cette année. D’après le Président de la République, ceci représente jusqu’à présent la perte de 200.000 postes de travail et un effondrement du pouvoir d’achat du salaire et de l’épargne des péruviens. L’industrie minière métallique et non métallique, la fabrication de ressources non primaires, l’agro-industrie, le commerce et les services sont les secteurs les plus affectés. Si l’on n’applique pas les mesures correctives nécessaires, la situation deviendra de plus en plus grave pendant le deuxième semestre.

Le plan de relance de l'économie proposé par le gouvernement ajoutera 10 milliards de PEN  (sols péruviens-environ 3,4 milliards d’USD) au budget 2009. Cette somme sera obtenue via l’émission d'obligations de dette publique. Le Gouvernement, en partenariat avec des entreprises privées,  dépensera cet argent pour la construction de logements, le financement du secteur exportateur et le développement de programmes d'aide sociale. Le tout coûtera 500 millions de PEN (169 millions d’USD).

Normalement, en temps de prospérité, on demande aux travailleurs d’attendre patiemment les bénéfices de la croissance, alors que, pendant la crise ils n’ont qu’à se serrer la ceinture. Pour affronter les conséquences nocives de la crise, il est donc indispensable de renforcer la demande interne, c'est-à-dire augmenter la consommation des travailleurs et protéger la production nationale, ainsi que d’annuler les Traités de Libre Commerce (TLC) qui se soldent par une ouverture inutile du marché péruvien alors que les marchés internationaux sont en pleine contraction.  

Le graphique montre la forte chute des rémunérations réelles de la population économiquement active du Pérou pendant la période 1970-2006 calculée en sols péruviens par an (1 USD = 2,95 sols en juillet 2009). Si en moyenne, un travailleur gagnait 6.000 sols annuels en 1974, en 2006 son salaire réel était de 1.700, soit trois fois moins environ. La petite reprise de la période suivante à l’application du modèle néolibéral des années 1990 est bien plus faible que celle obtenue par les travailleurs lors des années 1970. Pendant cette période, l’État a appliqué le modèle keynésien et s’est activement impliqué dans l’économie, l’organisation des syndicats, la négociation collective et la stabilité de l’emploi. 

Proposition de la CGTP

Face à cette réalité, la Confédération Générale des Travailleurs du Pérou (CGTP) a présenté au gouvernement et à l’opinion publique, en collaboration avec un groupe d’économistes, une proposition alternative2 résumée ci-après.

1) Objectifs. Au lieu de permettre l’approfondissement de la récession, le pays devrait répondre à la crise en encourageant un nouveau type de croissance économique. Il faudrait encourager la création de nouveaux postes de travail et leur préservation au lieu de licencier les travailleurs. Nous croyons qu’il est possible d’encourager la croissance basée sur l’équilibre entre la consommation de la production nationale et des exportations. L’investissement de l’État doit être focalisé sur les secteurs productifs et sur les régions où l’emploi chute massivement, et de préférence, il faut prendre en charge les plus pauvres, les filles et les garçons, et les personnes âgées.

2) Des mesures concrètes. Pour que ce qui précède devienne une réalité, il faut penser à appliquer des mesures concrètes dans les domaines suivants : mesures fiscales ; mesures visant la dynamisation du marché interne ; protection de l’emploi digne et décent ; augmentation de la productivité agraire et souveraineté alimentaire ; encouragement à la petite entreprise et protection des secteurs pauvres de la population.

a) Politiques fiscales. Du point de vue fiscal, nous proposons une augmentation des dépenses publiques en infrastructure pour la création rapide d’emplois à niveau massif, en tant que mesure contre cyclique en vue d’obtenir des revenus pour des familles pauvres qui consomment des produits nationaux.Ce plan de relance doit être accompagné de la mise en place d’une politique fiscale de redistribution basée aussi bien sur des impôts directs pour le financement des mesures proposées, sur un impôt extraordinaire sur le patrimoine à appliquer aux entreprises minières que sur un impôt sur les plus-values destiné à compenser la réduction des revenus fiscaux issus d’autres sources.Les impôts sur les carburants qui, au Pérou, atteignent 40 % du prix de l'essence et du pétrole, doivent être diminués. Ceci permettra de baisser les prix des aliments et du transport, et d’améliorer la demande et la compétitivité des petites entreprises.
b) Défendre la production nationale pour dynamiser le marché interne.Un plan spécial d’investissement de fonds publics est proposé au niveau régional pour supprimer les barrières bureaucratiques et pour assurer des mécanismes de transparence des dépenses publiques et privées.Il faut suspendre l’application des TLC qui portent atteinte à la production nationale. Des mesures tarifaires et para tarifaires sont nécessaires pour protéger la production nationale et l’emploi des péruviens des importations subventionnées.Pour relancer l’économie familiale, il nous faut un programme de crédit à taux d’intérêt réduits favorisant l’agriculture et les petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que le développement des crédits hypothécaires pour la population aux revenus moyens ou modestes.Les réserves internationales doivent être sauvegardées et la valeur du sol péruvien doit pouvoir augmenter graduellement afin d’améliorer la concurrence des entreprises et d’équilibrer la balance commerciale.
c) Protéger le travail digne et décent.L’État doit promouvoir la négociation collective et la liberté syndicale par le biais desaccords tripartites négociés par secteur entre les travailleurs et les employeurs en vue de maintenir les niveaux d’emploi. Il est nécessaire d’appliquer un programme de reconversion du travail pour les travailleurs licenciés victimes de la crise. Ce programme sera financé par le Fonds de Stabilisation Fiscale et par l'aide internationale au développement. Ces travailleurs doivent être protégés par une assurance chômage temporaire.Les entreprises soutenant les programmes de formation et l’innovation technologique doivent bénéficier de mesures d’incitation fiscale.
d) Augmenter la productivité agraire et défendre la souveraineté alimentaire.Le gouvernement doit promouvoir une politique concertée pour augmenter la productivité de l’agriculture et de l’élevage.Cette politique devrait inclure le rétablissement des contrôles de prix, des taxes anti-dumping et des impôts exceptionnels sur les oligopoles alimentaires.Le gouvernement doit également faciliter l’obtention et le refinancement de crédits dans le secteur agraire ; il doit aussi abroger les décrets qui facilitent l’évincement des terres appartenant aux communautés paysannes et amazoniennes.
e) Défendre les petites et moyennes entreprises (PME). Le gouvernement devra favoriser les achats aux PME ainsi que leur financement en augmentant la contribution de la Société Financière de Développement (SOFIDE) au Fonds de Garantie des Crédits aux PME.
f) Protéger les plus pauvres. Le gouvernement doit favoriser les programmes sociaux combinant l’emploi temporaire par le biais de l’amélioration de l’infrastructure de production ainsi que celle des services médicaux, éducatifs et de nutrition de base.Il est aussi nécessaire de mettre en œuvre un programme de transfert d’argent pour les paysans et les éleveurs pauvres ne participant pas à des programmes d’emploi temporaire afin d’éviter la vente aux enchères de leurs terres et de leurs animaux. Le gouvernement doit aussi allouer des pensions vieillesse aux plus de 65 ans sans revenus, et mettre en place une assurance médicale universelle qui garantisse une prise en charge de qualité.

La proposition de la CGTP est favorable à l’intégration économique et à l’échange commercial au niveau régional et sous-régional.Elle soutient aussi l’internationalisation des entreprises péruviennes et la diversification du marché.

1 Secrétaire général de la Confédération Générale des Travailleurs du Pérou (CGTP).

2 Voir : <www.cgtp.org.pe>.