La crise mondiale et le prix des aliments
Sophia Murphy
Consultante principale, Trade and Global Governance Programme (Programme sur le Commerce et la Gouvernance Mondiale)
Institute for Agriculture and Trade Policy (institut pour l’Agriculture et la Politique Commerciale)
Dans les pays en voie de développement, les pauvres dépensent plus de 50 % de leurs revenus en alimentation ; les plus pauvres dépensent 80 % ou plus. La hausse des prix des aliments a provoqué l’augmentation, non seulement de la pauvreté, mais aussi de la faim. La hausse des prix des produits agricoles a été influencée, entre autres facteurs, par le faible approvisionnement d'eau, les coûts élevés de la production, la sécheresse et le changement climatique. Un nouveau système alimentaire respectant les droits politiques, sociaux, culturels et environnementaux s’avère nécessaire, ainsi que l’importance économique de l’agriculture. Les gouvernements doivent respecter le droit d’accès à l’alimentation, garanti par les droits de l’homme, et l’ intégrer aux politiques de planification économique.
Avec une hausse commencée en 2005 et atteignant son point maximal en juillet 2008, les prix des produits agricoles ont atteint leur plus haut niveau depuis lestrente dernières années sur les marchés mondiaux. Dans certains cas, ils ont battu de nouveaux records. Depuis mars 2007 jusqu’en mars 2008, le prix du riz a augmenté de 74 %, et la plus grande partie de cette augmentation n’a eu lieu qu’en quelques semaines au mois de mars 2008. Le prix du blé a plus que doublé, avec une augmentation de 130 % pendant la même période : mars 2007 - mars 20081.
Mais lorsque le prix du pétrole s’est effondré (depuis son niveau maximal de 150 USD le baril en juin 2008 pour chuter à 40 USD quelques mois plus tard), les prix des produits agricoles ont également chuté au niveau mondial. Cependant, tel que nous le rappellent la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation) et d’autres organismes, les prix des aliments n’ont pratiquement pas diminué dans beaucoup de pays en développement ; bien au contraire, ils sont plus élevés qu’il y a deux ou trois ans. Les prix actuels sont les plus élevés ayant été enregistrés dans dix pays. La FAO informe que la persistance des prix élevés est plus évidente en Afrique Subsaharienne ; dans chacun des pays concernés , les prix du riz sont au-dessus de ceux enregistrés douze mois auparavant. Les prix du maïs, du millet et du sorgho ont augmenté par rapport à l'année précédente dans 89 % des pays africains. Suivant l’article, d’autres régions comme l’Asie (prix du riz), l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud (prix du maïs et du blé) ont été atteintes par ce phénomène.
Les personnes pauvres dépensent plus de 50 % de leurs revenus en alimentation, alors que les plus pauvres en dépensent 80 % ou plus. Par conséquent, les aliments deviennent inaccessibles en raison de la récente hausse des prix, avec comme conséquence non seulement l’augmentation de la pauvreté (impossibilité de faire face aux soins médicaux, aux frais d’éducation, d’entreprendre des projets, ou quoi que ce soit d’autre), mais également l‘augmentation de la faim. Ceci se traduit par une diminution de la productivité, par un développement physique et mental insuffisant des fœtus, des bébés et des enfants et, finalement, par la mort. Aucune de ces morts n’est inévitable. Rappelons qu’en 1966, 1 personne sur trois souffrait de faim chronique. A l’époque, 35 % de la population globale avait faim, tous les jours. Vers 2005, la crise atteignait environ une personne sur sept, c'est-à-dire près de 15 % . Cette réduction radicale s’est produite alors que la population mondiale était en pleine croissance. L’effet net a permis d’éviter à des milliards de personnes une vie en mauvaise santé ou avec des capacités mentales réduites.
La faim chronique est quelque chose que nous, les gouvernements, les sociétés, les organisations communautaires et les citoyens en général, sommes en mesure d’éliminer.
Pourquoi en est-on arrivé là ?
Le prix dépend de l’offre et la demande, de l’influence des valeurs monétaires et de la spéculation sur ce que nous réserve l’avenir. Il faut prendre en considération l’offre, la demande, et les facteurs institutionnels.
La diminution de l’offre est fréquente dans le secteur agricole. Généralement, un déficit de l’offre provoque une augmentation de la production ; ceci, dans le but d’obtenir des prix plus élevés (les agriculteurs tendent à semer en fonction d’une récolte pouvant être vendue au prix fort). Normalement il existe un décalage (les produits agricoles ont besoin d’un certain temps de maturation avant la récolte) et bien souvent, la réponse de l’offre accable la demande potentielle, de sorte qu’il existe, en agriculture, un modèle commun : les hausses de prix entraînent des périodes de surabondance d’offre qui entraîne elle-même une dépression relative des prix, celle-ci durant bien plus longtemps que la hausse elle-même. Ce phénomène est associé à ce que les économistes appellent « demande inélastique » : il faut bien que les gens mangent pour survivre, mais, dès que l'alimentation est satisfaite, l’argent est destiné à l’achat d’autres types de biens. Plus les personnes sont riches, plus petite sera la portion de leurs revenus destinée à l’alimentation. Ce principe est aussi connu comme la Loi d’Engel, ainsi nommée en l’honneur du célèbre économiste du XIXe siècle, qui a été le premier à écrire sur ce comportement.
Au XXIe siècle, les choses sont un peu différentes. Il existe notamment une nouvelle source de demande de produits agricoles, théoriquement illimitée, provenant du secteur des biocarburants, associée à une plus grande pression sur la quantité et la qualité du sol, sur l'eau disponible, sur l'incertitude concernant la manière dont le changement climatique va influencer les conditions de croissance des produits agricoles. Il existe des preuves inquiétantes annonçant que l’amélioration constante de l’activité agricole lors des 50 dernières années pourrait arriver à sa fin.
Il s’agit de changements structurels ayant des conséquences dramatiques en termes de politiques publiques destinées à la protection de la sécurité alimentaire et de la future production agricole. Si la crise alimentaire a trait à des problèmes à court terme ou réversibles (par exemple, une loi défectueuse, une nécessité urgente de flux de fonds, le besoin de subventionner les engrais), alors les gouvernements prendront des décisions bien différentes que si l’on comprend qu’il s’agit de problèmes plus profonds concernant les systèmes agricoles et alimentaires.
Nous présenterons ci-dessous un examen rapide des causes de la dramatique et soudaine augmentation des prix des produits agricoles. A l’heure actuelle, un débat est mené sur l'importance actuelle et future de chacun de ces éléments.
Tout d’abord, l’offre :
1. Eau. L’agriculture irriguée représente presque 70 % de l’utilisation mondiale d’eau. Elle produit 40 % des aliments au niveau mondial sur 20 % des terres agricoles de la planète. Il s’agit d’une agriculture très productive mais le volume d’eau employé ne convient pas à une utilisation durable de la ressource. 1,4 milliard d’habitants environ, vivent dans des régions souffrant de pénurie d’eau. Une alimentation riche en viandes et en produits laitiers, normale dans les pays plus développés et de plus en plus habituelle dans la plupart des pays du sud, a besoin de quantités d’eau plus importantes qu’une alimentation basée sur les protéines végétales.
2. Réserves. Les réserves mondiales d’aliments se sont réduites de moitié depuis 2002. On estime que, de nos jours, le monde possède des réserves pour deux mois environ, ce qui représente le quota minimal recommandé par la FAO au cas où l'approvisionnement serait interrompu. Si les réserves diminuent, cela veut dire que les petits changements au niveau de l’offre ont un effet significatif sur les prix. Pour les graines, la relation réserves – utilisation n’avait jamais été aussi faible depuis la période 1972 - 1973 ; les réserves de blé, en particulier, n’ont jamais été aussi réduites. Les gouvernements et les entreprises privées ont pensé que les faibles réserves au niveau national pourraient être compensées par l’accès à un marché global soumis à des traités commerciaux libéralisés. Par conséquent, la diminution des réserves n’a pas provoqué une hausse des prix immédiate, alors que cela se serait produit auparavant. Lorsqu’un climat adverse a frappé plusieurs des principaux fournisseurs mondiaux, simultanément et pendant plusieurs années consécutives, personne n’avait suffisamment de réserves ; les prix ont alors commencé leur hausse, tardive mais rapide.
Il existe un débat concernant le niveau des réserves : on se demande s’il était véritablement aussi réduit. Par exemple David Dawe, membre de la FAO, suggère qu’une grande partie de la baisse est due principalement à la Chine qui a décidé de diminuer ses réserves tout à fait considérables à un niveau plus facile à gérer2. Cependant, il est possible d’argumenter que plus la Chine (plus de 15 % de la population mondiale) dépendra des marchés mondiaux, plus il sera important de maintenir une forte réserve parce que la Chine, à elle seule, a besoin d’énormes quantités d’aliments pour maintenir la sécurité alimentaire au niveau interne. Dawe signale également que les réserves de certains produits agricoles, comme le blé, ont diminué pendant des décennies. Et maintenant, voici la question : que signifie véritablement « trop bas » ? Le blé est toujours fondamental pour la sécurité alimentaire. Le moment arrivera-t-il où la réserve de blé sera simplement trop faible pour penser qu'elle puisse être disponible sur les marchés mondiaux au cas où un ou plusieurs grands exportateurs auraient de mauvaises récoltes ?
« Au Soudan, 69 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté, en particulier les femmes travaillant dans le secteur agricole. Ces dernières années les services de la santé se sont améliorés, mais les pauvres pâtissent encore à cause de la flambée des prix des aliments. La société civile soudanaise réclame plus de financement pour le développement, mais dans une optique multidimensionnelle et pas seulement économique, qui permette d’améliorer vraiment la qualité de vie. Le développement doit être stratégique et compter sur la participation des femmes à la base. » Niemat Kuku (Gender Research and Training Center, Soudan) |
3. Coûts de production. Le prix des engrais, du pétrole, des pesticides et des semences ont augmenté abruptement lors de la période 2007/2008. Les engrais ont augmenté bien plus que tous les autres groupes de matières premières (y compris le pétrole) depuis 2007 et depuis 2008 (c'est-à-dire, aussi bien à court qu’à long terme). L'enchérissement du pétrole a été le responsable de la presque totalité de l’inflation du prix des aliments dans les pays développés ; il a aussi porté préjudice aux pays pauvres. Les coûts des intrants, plus élevés, enchérissent la production d’aliments et réduisent les revenus nets des producteurs agricoles dans les zones rurales qui dépendent des intrants externes pour leur travail.
4. Sécheresse. A présent, la sécheresse est de plus en plus fréquente et bien plus répandue qu’à tout autre moment de l’histoire récente ; ceci, du fait de la désertification et de la déforestation, d’une planification urbaine déficiente et de l’utilisation excessive des réserves d’eau souterraine. En 2007, la plupart des principaux exportateurs de blé - dont l'Australie, l'Argentine et les États-Unis – ont eu des problèmes de récoltes comme conséquence du climat ayant comme résultat la diminution de l’offre sur les marchés mondiaux.
5. Changement climatique. Le changement climatique affecte les précipitations et les températures, toutes les deux essentielles pour la productivité agricole. Une variation d’à peine un ou deux degrés (un seuil qui, d’après la plupart des experts, sera dépassé) réduira la production d’aliments dans les régions tropicales et subtropicales. Les experts prévoient qu’entre 75 et 250 millions de personnes, en Afrique, sentiront l'impact du changement climatique ; l'on s’attend à ce que, dans certaines régions alimentées par la pluie, la production agricole perde la moitié de son potentiel vers 2020. En Asie Centrale, Méridionale et Sud-Orientale, la baisse du niveau des rivières réduira l’irrigation et, par conséquent, la production. La FAO estime que 65 pays – concentrant la moitié de la population mondiale environ – connaîtront une chute de la production de céréales comme conséquence du changement climatique3.
Ensuite, la demande :
6. Population. Chaque année, la population mondiale totale augmente de 78 millions d’habitants. La croissance diminue graduellement, mais il est prévu que l’on atteindra les 9 milliards d’habitants avant la stabilisation de la population mondiale en 2050.
7. Habitudes alimentaires. Encore plus important : les habitudes alimentaires changent en permanence. Chaque année, il y a plus de personnes qui mangent à la manière des occidentaux riches. Autrement dit, ils mangent trop de calories, notamment des graisses, du sucre et des produits tout préparés, traités et transportés, qui consomment excessivement d’eau et d’énergie. Dans les pays développés, presque la moitié des aliments sont gaspillés ; la plupart d’entre eux sont jetés dans les foyers, dans les supermarchés ou dans les restaurants où les portions sont excessivement grandes4. Les habitudes alimentaires occidentales dégradent les écosystèmes et détériorent la santé. Le changement des habitudes alimentaires de la portion riche de la population rend plus chère l'alimentation des plus pauvres du fait de la réduction des terres disponibles pour des cultures traditionnelles telles que le manioc, le millet, le blé et les végétaux cultivés au niveau local.
8. Biocarburants. Les biocarburants (aussi dénommés agrocarburants) sont des carburants liquides, fabriqués à partir de matières végétales. Actuellement, la plupart des biocarburants végétaux sont fabriqués à partir de la canne à sucre, du maïs, du colza, de l’huile de palme et du soja. Il y a de plus en plus de plantations de jatrophe, une plante riche en huile pouvant être utilisée pour la fabrication de biodiesel. Depuis 2006, aussi bien la demande que l’offre de biocarburants ont augmenté de manière exponentielle. On pense qu’en 2007 les biocarburants ont consommé plus de 7 % de l’offre mondiale de semences oléagineuses et environ 4,5 % de la récolte globale de céréales. On estime que cette demande a affecté les prix mondiaux des aliments entre 10 % et 70 % ou plus. Les résultats dépendent de suppositions. Cependant, l’attente d’une croissance continue de la demande de biocarburants, soutenue par d’ambitieux objectifs pour leur utilisation dans l’Union Européenne et aux États-Unis, ont provoqué une augmentation des prix spéculatifs sur les marchés à terme et une production accrue de matières premières pour la fabrication de biocarburants, y compris sur des terres écologiquement sensibles, comme par exemple les tourbières d’Indonésie ou le Cerrado brésilien.
Finalement, un troisième élément dont il faut tenir compte est le marché qui gère l’offre et la demande. La gouvernance du marché a sensiblement changé pendant les vingt dernières années. Les nouvelles règlementations ayant trait au commerce, aux investissements et aux bourses de commerce ont joué leur rôle dans la crise des prix des aliments.
9. Spéculation. La plupart des produits agricoles sont négociés dans les bourses du monde entier. Jusqu’à récemment, les bourses du commerce (pour la plupart situées aux États-Unis ou au Royaume Uni) étaient gérées par des lois limitant la participation des acteurs qui n’avaient pas l’intention d’acheter ou de vendre des matières physiques, mais qui étaient plutôt intéressés par la spéculation des prix. C’est ainsi que les lois contrôlaient le niveau de l’activité spéculative. Depuis la fin des années 1980, les lois ont commencé à changer. Dans la bourse aux céréales, par exemple, les spéculateurs ont été limités à 11 millions de boisseaux5 de grains. En 2008, les deux principaux fonds indiciels, avaient une position cumulée de plus de 1,5 milliard de boisseaux. Lors de la flexibilisation des règlementations, les investissements des spéculateurs ont augmenté rapidement de 13 milliards d’USD en 2004 à 260 milliards d’USD en mars 2008.
10. Investissement. Les gouvernements, dans le monde entier, ont libéralisé considérablement les lois sur les investissements depuis l'apparition des programmes d'ajustement structurel et de la prolifération des traités commerciaux bilatéraux et régionaux. Beaucoup de pays ont réduit ou bien éliminé les lois interdisant la propriété de la terre aux étrangers ; d’autres ont réduit la demande sur les entreprises étrangères de réinvestir leurs bénéfices dans le pays d’accueil, ce qui a diminué les avantages potentiels de l’investissement pour l’économie du pays en question. Récemment, il y a eu une augmentation significative des loyers ou des prix d’achat des terres à l'étranger consacrées à la culture de produits agricoles destinés à l’alimentation ou bien aptes pour la fabrication de biocarburants. Dans ce dernier cas, dans le but de réexporter ces produits vers le pays investisseur ou, s’il y avait des entreprises privées concernées, pour les exporter là où il y aurait une demande. Par exemple, une entreprise située à Londres (Central African Mining and Exploration Company) a loué 30.000 hectares pour cultiver la canne à sucre au Mozambique. Au Kenya, le Gouvernement a signé un bail pour 40.000 hectares destinées à la culture de fruits et légumes pour les exporter au Qatar. Ces affaires commerciales augmentent la pression sur la terre, l’eau et l’infrastructure ; on court donc le risque de ne pas produire suffisamment d’aliments pour les marchés locaux.
11. Commerce. Les traités commerciaux au niveau régional et international ont changé la relation des prix mondiaux sur les marchés alimentaires internes. Lorsque les obstacles commerciaux se réduisent, les prix mondiaux sont de plus en plus liés aux prix nationaux – qui ne sont pas nécessairement les mêmes, mais dont l’impact sur les prix internes est bien plus fort. Bien souvent on encourage l’accès à un fond global d’offres fourni par les marchés globaux. Cependant, l’aspect de cette intégration, dont on ne tient pas compte, c’est la création d’une concurrence globale entre les consommateurs. Sans protection, les consommateurs les plus pauvres perdent la bataille ; ils permettent à la mondialisation de s’approprier de plus en plus de terres pour produire des carburants et des fourrages au lieu de les destiner à l'alimentation humaine.
Causes structurelles
Certaines questions qui sous-tendent la crise sont censées être examinées en détail. Par exemple, il existe un accord généralisé sur le besoin d’investir pour augmenter la capacité productive. La proportion de l’aide officielle pour le développement, destinée à soutenir l’agriculture, a chuté de 11,5 % dans les années 1980 à environ 3 % pendant les dernières années. L’investissement national a également diminué, surtout dans les pays en développement. Cette tendance doit être inversée et il existe des signes prometteurs indiquant que cela est possible. Cependant la question demeure : investissement dans quel type de technologies et pour quel type de systèmes de production ? Le Gouvernement américain, la Fondation Gates, plusieurs groupes d’experts et des entreprises privées favorisent le développement de la biotechnologie pour augmenter la production des pays en développement. Leur devise est la suivante : « Une nouvelle révolution verte pour l’Afrique ». Mais la révolution verte en Afrique a déjà été tentée. Et elle a échoué. Si la question est simplement perçue comme un problème technologique et de productivité, les nouveaux efforts sont alors également condamnés à l'échec.
La Banque Mondiale, entre autres, encourage les pays à libéraliser les marchés des engrais et même à subventionner l’accès aux engrais et aux pesticides (par le biais des ressources nationales et de celles des donateurs). Cependant, ce modèle n’est pas durable. La politique engage aussi les petits producteurs à acheter (et bien souvent à importer) les intrants. C’est ainsi qu’ils augmentent leur dépendance à une économie basée sur l’argent comptant et, de ce fait, ils réduisent leur pouvoir sur le marché.
Il existe pourtant des alternatives. Par exemple, le potentiel pour l’agroécologie est énorme et, également, de mieux en mieux documenté. En 1988, au Bangladesh, une région dénommée Tangail, située au nord-est de Dhâkâ, a été affectée par des inondations. L’ONG Unnayan Bikalper Nitinirdharoni Gobeshona (UBINIG) [Recherche sur des politiques alternatives de développement], qui travaille déjà avec les tisseurs de la région, a proposé son aide. L’équipe de l’UBINIG a interviewé des femmes ; elles se sont plaintes que les pesticides utilisés pour l’agriculture nuisaient à leur santé et à celle de leurs enfants, qu’ils tuaient aussi bien les plantes sauvages que le poisson, base de leur alimentation. Les villageois ont commencé à travailler sur un projet pour développer un système de production agricole n’utilisant pas de produits chimiques. Le projet a avancé ; il s’appelle « Nayakrishi Andolon », ce qui signifie Nouveau Mouvement d’Agriculture au Bengale. Le mouvement comprend plus de 170.000 foyers ruraux sur 15 districts dans tout le pays. Certaines administrations municipales ont déclaré que leurs juridictions sont libres de pesticides6.
L’Evaluation internationale des sciences et des technologies agricoles pour le développement (IAASTD), un projet sur quatre ans auquel ont participé plus de 400 experts et ayant été ratifié par 58 gouvernements, affirme : « Laconnaissance, la science et la technologieagricoles (AKST) doivent aborder les besoins des petits établissements agricoles de divers écosystèmes et créer également des opportunités réalistes pour leur développement où le potentiel pour améliorer la productivité du secteur soit faible et où le changement climatique puisse avoir des conséquences défavorables ».
Pétrole et biocarburants
Si l’on comprend l’importance du pétrole en tant que composant central de l’agriculture industrielle, cela aide à comprendre les causes structurelles les plus profondes de la crise alimentaire. En effet, la révolution verte a utilisé la culture des plantes et la technologie pour augmenter la photosynthèse – le système agricole basé sur l’énergie solaire qui a nourri, depuis toujours, l’humanité et toutes les créatures de la planète – avec des combustibles fossiles. La révolution verte s'est basée sur la culture des semences pour pouvoir répondre aux niveaux plus importants d’engrais inorganiques et d’eau. Et des résultats extraordinaires ont été obtenus, avec une augmentation considérable du rendement par plante. Une révolution technologique antérieure avait déjà substitué le travail rural, humain et animal, par des machines fonctionnant au pétrole. Avec la révolution verte, les combustibles fossiles ont également commencé à fournir des engrais, des pesticides et de l’électricité pour les bombes d’irrigation.
La première conséquence de l’augmentation du pétrole en tant qu’ingrédient vital de la production de denrées alimentaires est, sans doute, que l'agriculture est devenue l'une des sources principales des émissions de gaz à effet de serre. La deuxième : l’agriculture est devenue dépendante d’une ressource non renouvelable. Troisièmement, l’économie des établissements agricoles a été transformée par le remplacement des intrants générés par l’établissement (énergie, semences, engrais, fumigation) avec des intrants qu’il faut acheter. Pour beaucoup d’agriculteurs, tant au Nord qu'au Sud, les intrants achetés sont importés ; leur prix est donc moins prévisible.
Des chiffres récents aux États Unis montrent que les augmentations des coûts agricoles en 2007 et 2008 ont été les plus importantes ayant été enregistrées d’une année sur l’autre : 20,5 milliards d’USD en 2007 et 36,2 milliards d’USD en 2008. Une diminution de 22,7 milliards d’USD est prévue en 2009 ; mais, même dans ce cas, il y aura 9 % de plus qu’en 20077. Les prix des carburants, du fourrage et des engrais ont contribué considérablement à l’augmentation des coûts.
A ce jour, il existe toujours un débat qui fait rage sur le rôle des biocarburants dans la crise alimentaire. Le rôle joué par la demande de biocarburants sur l’augmentation du prix des aliments n'est pas en discussion ; il faut cependant évaluer quelle a été son importance et quels ont été ses effets. Les prix plus élevés pour la plupart des agriculteurs sont une nécessité. Dans le même temps, il faut protéger les intérêts des consommateurs pauvres ; parmi eux, les petits agriculteurs qui, souvent, sont des consommateurs nets de denrées alimentaires. Mais les prix plus élevés pour les agriculteurs ne sont qu'une partie de la réponse. Le défi consiste à assurer une distribution plus équitable de la valeur des matières premières entre les agriculteurs, les intermédiaires et les détaillants. Les décideurs des politiques mises en oeuvre doivent redresser le pouvoir disproportionné sur le marché des grandes entreprises agroalimentaires.
Investissements en terres situées à l’étranger
La crise alimentaire a provoqué un phénomène inquiétant : une explosion d’intérêt parmi les investisseurs pour acheter ou louer des terres à l’étranger. La presse a qualifié ce phénomène comme une usurpation des terres. En octobre 2008, l’ONG GRAIN, située à Barcelone, a publié dans sa revue en ligne, une liste de près de 180 affaires immobilières offertes intitulée : "Ils se sont approprié les terres ! La saisie des terres au nom de la sécurité alimentaire et financière en 2008".Un rapport concernant cette affaire, publié par l’Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI) en avril 2009 estime que, depuis 2006, 20 millions d’hectares ont été vendues comme conséquence d’environ 50 accords économiques, notamment en Afrique8.
Les deux grands moteurs sont les préoccupations sur la sécurité alimentaire et sur la demande de biocarburants. Les pays importateurs nets de denrées alimentaires, comme l’Arabie Saoudite et la Corée du Sud, ne croient pas que les marchés mondiaux puissent garantir suffisamment l’approvisionnement en denrées alimentaires. En attendant, les mandats et les objectifs pour incorporer les biocarburants aux politiques énergétiques – notamment dans l’Union Européenne et aux États-Unis, mais aussi dans d’autres pays - ont éveillé un énorme intérêt chez les investisseurs privés pour la culture des matières premières destinées à la fabrication de biocarburants (soja, huile de palme et jatrophe pour le biodiesel et canne à sucre et maïs pour le bioéthanol).
Les accords préoccupent à plusieurs niveaux. Les relations de pouvoir son asymétriques ; les grandes entreprises et (notamment) les pays les plus riches établissent des rapports avec des pays plus petits et souvent appauvris ; pas mal d’entre eux ayant une gouvernance et des institutions faibles9. Parmi ces pays nous pouvons signaler le Soudan, le Pakistan, l’Ethiopie, Madagascar et le Zimbabwe. Certains pays de grand intérêt pour les investisseurs reçoivent l’aide alimentaire du Programme Alimentaire Mondial : le Cambodge, le Niger, la Tanzanie, l’Ethiopie et la Birmanie10.
Le droit à l’alimentation
L’Observation Générale sur le Droit à l’Alimentation établit : « l’origine du problème de la faim et de la dénutrition n'est pas le manque d'aliments, mais le manque d'accès aux aliments disponibles »11. Un rapport récent de l’IATP (Institut pour la Politique Agricole et Commerciale) affirme que « les États-Unis ont une sécurité alimentaire ; pourtant, le gouvernement ne protège pas le droit de sa population d’accéder à l’alimentation. Le Département de l’Agriculture informe qu’environ 11 % des foyers américains (et 18 % des enfants, garçons et filles) ne peuvent pas accéder à une alimentation appropriée à certaines périodes de l’année. Cette statistique représente 12,6 millions de personnes. Et pourtant, même en déduisant les exportations, l’offre interne d’aliments aux États-Unis permettrait d’alimenter doublement chaque habitant dans le pays »12.
Plus tard, le rapport établit une comparaison entre les États-Unis et le Népal, l’un des pays les plus pauvres du monde ; « le Népal … prend des mesures pour garantir le droit à l’alimentation. Le nouveau gouvernement, formé après dix ans de guerre civile, a incorporé le droit à la souveraineté alimentaire dans sa Constitution préliminaire. Le 25 septembre 2008, la Cour Suprême du Népal, dans le respect de ce droit, a ordonné au gouvernement de fournir, immédiatement, des aliments dans les 32 districts où sévit une pénurie alimentaire ».
Que fait la communauté internationale ?
En avril 2008, le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-moon, a créé un groupe de travail de haut niveau sur la crise alimentaire. L’objectif était de « promouvoir une réponse consensuelle au défi de parvenir à la sécurité alimentaire mondiale »13. Le groupe de travail a été établi pour coordonner les actions des organismes de l’ONU et de Bretton Woods, dans le but d’élaborer une réponse collective à la crise alimentaire. Le groupe de travail est intégré par près de 15 organismes, bureaux et programmes de l’ONU, par la Banque Mondiale, le FMI et l’OMC. Le groupe manque de ressources et son rôle n’est pas encore bien défini.
En fait, le groupe de travail a produit un Cadre Intégral pour L’Action (MIA) en juillet 200814. Le document met en évidence les forces et les faiblesses de sa composition : du bon travail a été réalisé en établissant les causes multiples ayant contribué à la crise et en faisant des recommandations importantes. Par ailleurs, le document favorise les politiques macroéconomiques qui nuisent à ses propres recommandations15. Par exemple, le document met en évidence l’importance de l’investissement à petite échelle en agriculture. En effet, s’il existe un acquis de la crise alimentaire à revendiquer – en commençant par le Rapport du Développement Mondial 2008 de la Banque Mondiale – c’est l’acceptation, dans le discours multilatéral, du rôle des petits agriculteurs et de l’importance de leur voix politique. Cependant, le MIA encourage les gouvernements à compléter la Ronde de négociations commerciales multilatérales de Doha, et soutient le financement de l’Aide au Commerce. L’agenda de Doha n’a pratiquement rien à offrir aux pays qui luttent contre la crise du prix des denrées alimentaires16. L’agenda est le produit d’un autre temps, bien que récent, et il semble de plus en plus inapproprié face à la pénurie des matières premières, à l’ambivalence régnante dans le commerce entre les principaux exportateurs de denrées alimentaires et à une sévère contraction du crédit qui contribue à ce que l’OMC envisage de réaliser, la contraction la plus importante, en volumes commerciaux globaux, depuis la seconde guerre mondiale17.
Le président français Nicolas Sarkozy a eu une autre idée : celle d’un « Partenariat Mondial pour l’Agriculture et la Sécurité Alimentaire ». Présentée tout d’abord lors du sommet de la FAO sur la crise alimentaire en juin 2008, l’idée a été reprise par les membres du G-8 pendant les mois suivants et elle a été très fortement encouragée par le gouvernement espagnol, qui a fait circuler le document intitulé « Le Processus de Madrid : Vers un partenariat mondial inclusif pour l’agriculture et la sécurité alimentaire », quelques jours avant la Réunion de haut niveau sur la sécurité alimentaire pour tous, qui a eu lieu à Madrid en janvier 2009 et qui a mis en mouvement un effort conjoint dans le but d'augmenter l’efficacité de la lutte contre la faim, aussi bien au niveau local que mondial.
L’initiative du Partenariat Mondial a un bon potentiel, mais son objectif reste flou. La proposition initiale de Sarkozy prévoyait une initiative orientée vers les politiques de grande portée qui, en plus d’un nouveau financement, fournirait un espace pour que les gouvernements puissent établir une stratégie globale en faveur de la sécurité alimentaire basée sur le leadership d’un groupe d’experts internationaux en la matière. Les discussions sur ce sujet ont tendu à augmenter la coordination des donateurs, laissant de côté les discussions politiques. Il existe également un désaccord : l’initiative devrait-elle être dirigée principalement par le G-8 ou devrait-elle rester au sein de l’ONU ?
Jusqu’à présent, aucun calendrier ni soutien disponible pour faciliter le processus n’ont été identifiés.
Que pourrait-on faire de plus ?
L’échec de l’éradication de la faim est le résultat de choix politiques. Nous savons comment mettre en œuvre une agriculture plus durable. Nous savons comment mieux réglementer les marchés. Nous savons que la sécurité alimentaire doit être construite à partir d’une forte base locale. Les nouveaux systèmes agricoles et alimentaires devraient promouvoir l’intégrité environnementale, la souveraineté démocratique, la responsabilité extraterritoriale ; ils devraient donner la priorité aux besoins locaux ; et ils devraient protéger l’équité ainsi que l’efficacité des échanges commerciaux18.
Il n’y a pas qu'un seul et simple chemin pour mettre fin à la crise alimentaire et pour transformer le secteur agricole pour protéger les être humains de la faim. Des mesures à court, moyen et long terme sont nécessaires. Les actions doivent inclure différents groupes de pression. Elles doivent inclure également divers secteurs : l’agriculture, l’énergie, les finances, le commerce, l’environnement, la recherche et le développement. Pour obtenir des résultats rapides, voici quelques mesures importantes : contrôler la pression engendrée par la demande de biocarburants (par exemple, en éliminant les objectifs des biocarburants ou en insistant sur des critères bien plus stricts, recevant le soutien des citoyens) ; parvenir à une meilleure et plus efficace aide humanitaire priorisant l'investissement au niveau de la capacité productive locale et régionale ; contrôler la demande spéculative des marchés à terme de produits agricoles ; examiner les restrictions internes sur le commerce agricole ; et augmenter la production agricole.
Un deuxième ensemble d’actions doit signaler le chemin à suivre pour transformer les modèles industriels agricoles et réussir à mettre en œuvre un modèle plus durable du point de vue écologique et plus contrôlé au niveau local. Ces mesures d’action d’un processus plus lent incluent l’investissement en infrastructure et en capacité productive, dans le respect de la production et du traitement à niveau local, l’investissement dans la recherche et le développement, mettant l’accent sur les modèles culturels de consommation d’aliments locaux, le renforcement des institutions (y compris les procédures légales et la responsabilité politique), une mise en valeur des politiques commerciales agricoles, une plus grande régulation du pouvoir du marché (notamment des corporations internationales actives dans le système alimentaire), l’établissement de réserves de céréales de comptes publics, et l’investissement en énergies renouvelables. Il est également prioritaire de mettre fin au colossal gaspillage d’aliments. Au sud, les ordures s’accumulent comme conséquence des mauvais stockages, du transport et des infrastructures déficientes. Au nord, il est dû à un système alimentaire excessif lors de chacune des phases : la production, le traitement et la distribution d’aliments. Tout cela peut être amélioré et il faut y parvenir.
La crise alimentaire signifie bien plus que des problèmes à court terme, réversibles. Les gouvernements doivent établir simultanément des réseaux de protection pour ceux qui souffrent de la faim ; ils doivent investir en production agricole durable et commencer à aborder la problématique de l'accès à l’alimentation. Voilà le quid de la question depuis la perspective du droit à l’alimentation, et le noyau de la véritable crise alimentaire qui sévit dans le monde actuel.
1 L’augmentation des prix a été bien plus dramatique pour le cas des dollars nominaux que pour d’autres devises. Depuis 2002, le prix du riz au niveau mondial a augmenté de 143 % en dollars nominaux, mais de seulement 37 % en euros réels (c’est-à-dire, constants). Les pays en développement qui paient leurs importations de denrées alimentaires dans une monnaie liée au dollar américain, ont supporté une variation des prix bien plus significative que les pays plus indépendants ou ceux dont les monnaies sont liées à l'euro.
2 Dawe, David. “The Unimportance of ‘Low’ World Grain Stocks for Recent World Price Increases”, ESA Working Paper No. 09-01, Genève, février 2009.
3 Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). “Falling prices in perspective, 2009”. Disponible sur : <www.fao.org/docrep/011/ai474e/ai474e13.htm>.
4 L’Institut International de l’Eau, en Suède, estime que les pays en développement gaspillent la moitié des aliments qu’ils produisent : parce qu'ils ne sont pas récoltés, parce que les conditions de stockage ne sont pas idéales, parce qu’il est impossible de les transporter faute de routes appropriées ou d’autres infrastructures de transport.
5 Le boisseau est une unité de poids utilisée pour l’achat/vente sur les marchés de matières premières. Un poids standard est attribué à chaque céréale mesurée en boisseaux. Suivant la céréale et le contenu en humidité, le boisseau peut varier entre 14 et 27 kilos.
6 Voir Mazhar, F. et autres Food Sovereignty and Uncultivated Biodiversity in South Asia, Academic Foundation: New Delhi; International Development Research Centre: Ottawa, 2007 pp. 3-4. Disponible sur : <www.idrc.ca/openebooks/337-9/>.
7 Voir : <www.ers.usda.gov/Briefing/FarmIncome/nationalestimates.htm>. Consulté le 7 mai 2009. Les chiffres sont mises à jour régulièrement.
8 Van Braun, J. y Meinzen-Dick, R. “Land Grabbing by Foreign Investors in Developing Countries: Risks and Opportunities”, IFPRI Policy Brief, 13 avril 2009.
9 Cotula, L., Dyer, N. y Vermeulen, S. Bioenergy And Land Tenure: The Implications Of Biofuels For Land Tenure And Land Policy. International Institute for Environment and Development (IIED) y FAO: Londres et Rome, 2008.
10 World Food Programme Operations List. Disponible sur : <www.wfp.org/operations/list>.
11 Cité à Smaller, C. y Murphy, S. “Bridging the Divide: A Human Rights Vision for Global Food Trade”, 2008 Disponible sur : <www.tradeobservatory.org/library.cfm?RefID=104458>.
12 Cotula, L., Dyer, N. y Vermeulen, S. op. cit.
13 Voir : <www.un.org/issues/food/taskforce/>.
14 Disponible sur : <www.ransa2009.org/docs/Comprehensive_framework_for_action_ransa2009.pdf>.
15 Pour une perspective critique de la MIA voir aussi Foodfirst Information & Action Network (2008).
16 Voir : Institute for Agricultural and Trade Policy (IATP) “Can Aid Fix Trade? Assessing the WTO’s Aid for Trade Agenda”, 22 septembre 2006. Disponible sur : <www.iatp.org/tradeobservatory/genevaupdate.cfm?messageID=120812> y “Seven Reasons Why the Doha Round Will Not Solve the Food Crisis”, mai 2008. Disponible sur : <www.iatp.org/iatp/publications.cfm?refid=102666>. Tembién Trócaire. Briefing Paper: Implementing Aid for Trade (AfT) to Reduce Poverty, mars 2009. Disponible sur : <www.trocaire.org/uploads/pdfs/policy/implementingaidfortrade.pdf> y Caliari, A. “Civil Society Perspectives on the Aid for Trade Debate,” en Njinkeu, D. y Cameron, H. (eds.), Aid for Trade and Development, Cambridge University Press: New York, 2007.
17 Organisation Mondiale du Commerce (OMC). “WTO sees 9 % global trade decline in 2009 as recession strike’, Communiqué de presse, 23 mars 2009. Disponible sur : <www.wto.org/english/news_e/pres09_e/pr554_e.htm>.
18 Voir : De la Torre Ugarte, D. y Murphy, S., “The Global Food Crisis: Creating an Opportunity for Fairer and More Sustainable Food and Agriculture Systems Worldwide.” Ecofair Trade Dialogue Discussion Papers, 11, 2008 Misereor & the Heinrich Böll Stiftung: Allemagne.