CHILI
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Les répercussions sociales de la crise et les réponses de la société civile
Hugo Fazio y Martín Pascual
Centro de Estudios Nacionales de Desarrollo Alternativo (CENDA)
Tandis que la récession et le chômage augmentent, les fonds de pensions se vident, les revenus diminuent et le Gouvernement fait pression sur les revenus pour décontracter l’économie, les syndicats et la société civile proposent d’autres solutions. Alors que les travailleurs insistent sur la défense salariale, des droits, des fonds et du travail digne pour tous les travailleurs, les ONG, elles, expriment le besoin de commencer à construire, ensemble, une économie centrée principalement sur les personnes et l’environnement.
Le Chili subit durement le coup, pendant cette année 2009, de la crise internationale qui a commencé à la mi-2007 quand la « bulle » de l’immobilier aux États-Unis a éclaté, conduisant à une crise financière qui s’est rapidement mondialisée. Comme l’économie du Chili est particulièrement ouverte, permettant que les évènements extérieurs se fassent sentir de façon très forte, la crise économique mondiale a différents effets dans le pays. La chute de la plupart des produits de base sur les marchés internationaux, à partir de 2008, a eu un effet très important puisque la structure économique et l’exportation du pays dépend énormément des débouchés sur les marchés extérieurs de quelques matières premières à faible valeur ajoutée.
La livre de cuivre est arrivée à son prix nominal le plus élevé début juillet 2008 quand elle dépassait 4 USD la livre. A la fin de cette année la moyenne était de 1,40 USD, avec un léger rebondissement pendant les premiers mois de 2009. La diminution du prix du cuivre se transmet parmi d’autres variables sur la parité du change, les termes d’échanges, la balance de paiement et l’activité économique, entraînant des conséquences sociales négatives.
Pendant le dernier trimestre de 2008 l’économie du Chili est entrée clairement et ouvertement en récession, quand son activité s’est effondrée suivant la même tendance mondiale, ce qui a clairement démontré la correspondance entre la réalité nationale et l’évolution générale de la crise. Pendant la période d’octobre à décembre 2008 les chiffres corrigés des variations saisonnières et annualisés sont tombés pour le deuxième trimestre consécutif, par rapport aux trois mois précédents. Pendant le troisième trimestre sa diminution d’après les chiffres des Comptes Nationaux a été de 0,1 %. Pour le dernier trimestre en faisant le même calcul on estime que la contraction a été de 5 %.
La production industrielle s’est contractée en douze mois pendant le quatrième trimestre de 3,6 %, la plus grande chute depuis 1999. En décembre, la diminution calculée pour l’année a été encore plus grande : 4,3 %. Pendant le dernier trimestre les ventes totales ont diminué, par rapport aux mêmes mois de 2007, de 4 %, alors que les ventes du marché intérieur ont diminué de 4,7 %1.
La consommation et l’inflation
Lors du quatrième trimestre la consommation a sensiblement diminué et s’est accentuée jusqu’à atteindre, en décembre, 9 % annuel. La diminution de la consommation s’est produite fondamentalement parmi les familles à plus faibles revenus.
En contrepartie, la diminution du cours des produits de base a permis que le taux d’inflation élevé, un des plus importants problèmes sociaux de 2008, surtout pour la population la plus défavorisée, s’atténue. En octobre 2008, le taux d’inflation est arrivé à 9,9 % sur un an. Ce pourcentage a été plus élevé pour les deux quintiles de la population au revenu le plus faible à cause d’une hausse du prix des aliments plus élevée que la moyenne, au détriment de leur niveau de vie. Comme il s’est également produit une diminution de la demande intérieure, les pressions inflationnistes se sont affaiblies, entraînant en partie à partir de novembre 2008 le début de la diminution de l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) se poursuivant jusqu’à la fin de l’année.
Une autre très forte raison qui explique la diminution inflationniste est la diminution internationale des cours du pétrole qui représente en pourcentage la part la plus importante des importations du pays. Par contre, en raison de la politique du gouvernement pour relancer les investissements sectoriels en transférant les charges sur les consommateurs, les tarifs d’électricité continuent à être élevés. Ainsi que ceux de l’eau potable et des services d’assainissement.
Le chômage
Une des plus graves conséquences sociales de la récession est l’augmentation du taux de chômage. D’après les statistiques du Département d’Economie de l’Université du Chili, dans le « Gran Santiago » (la capitale et sa zone métropolitaine) pendant le trimestre décembre-février, le chômage a frôlé les deux chiffres quand il est passé de 7,7 % à 9,7 %, bien que la période estivale soit plus favorable pour l’emploi. Il faut en plus ajouter les chiffres officiels récents de chômage national pour le même trimestre : 8,5 % – 0,5 points de pourcentage plus élevé que le trimestre précédent2.
Les fonds de pension
Une autre conséquence sociale très forte de la crise a été la chute des fonds de pensions dont les ressources sont placées en actifs financiers au Chili et à l’étranger. La détérioration des marchés financiers pendant la crise a représenté une diminution considérable de l’épargne de prévoyance de la population qui a atteint 27 milliards d’USD de pertes fin 2008, ce qui représente plus du 26 % du fonds total.
Un rapport de la Banque Asiatique de Développement, qui analyse les effets de la crise de 2008, place le Chili comme le pays latino-américain où il s’est produit la plus grande perte de richesse pour les ménages. Une grande responsabilité est imputable à la gestion des fonds de pensions. En dépit des nombreuses mesures de protestation réalisées par ceux qui ont subi les dommages, ni les administrations privées des fonds de pensions ni le Gouvernement n’ont fait quoi que ce soit pour les indemniser.
Les rémunérations
Les politiques officielles pour confronter la contraction de l’économie, erronées, ont fait pression – malheureusement avec succès – pour réduire les rémunérations réelles. Si avec une forte inflation sur l’année comme celle en vigueur jusqu’à octobre, et quand il était évident qu’elle devait nettement diminuer en raison de la forte chute des produits de base sur les marchés internationaux et l’évidente décélération de l’économie intérieure, introduire l’idée de réajustement en fonction de l’inflation officielle dans le futur – comme cela se faisait continuellement depuis 1990 pendant les Gouvernements de « la Concertación » (concertation) – et non pas en fonction des pertes effectives des rémunérations, est une atteinte aux revenus des travailleurs.
Les tentatives officielles de mettre en oeuvre cette politique se sont heurtées fin 2008 à un gigantesque mouvement de protestation des travailleurs du secteur public. Néanmoins, l’augmentation réelle des rémunérations des fonctionnaires d’état, par rapport à l’année 2007, a été légèrement supérieure à 1 %.
L’évolution de l’indice général des rémunérations horaires et du coût de la main-d’oeuvre, que l’Institut National de Statistiques élabore chaque mois, montre clairement les conséquences. Le premier, négatif depuis juin 2008, après avoir été stable pendant le mois de mai, a cependant été moins négatif que le deuxième, dont le point de vue de l’évolution des rémunérations est celui du patronat.
A la diminution présente dans les tableaux des rémunérations il faut rajouter la diminution sur les crédits qui touchent toute la population, mais particulièrement les plus défavorisés et les PME.
Les propositions civiles
La Central Unitaria de Trabajadores de Chile (Centrale Unitaire des Travailleurs du Chili), pendant cette crise, a concentré ses propositions pour “Un Chili juste” dans 5 revendications principales:
a) empêcher une perte des droits acquis par les travailleurs en utilisant la crise comme excuse,
b) défense de l’emploi,
c) défense des salaires,
d) défense des fonds de prévoyance touchés par la crise et la demande de compensations et de l’intervention de l’état dans le système de prévoyance et
e) défense du travail digne dans tout son ensemble.
A un niveau social plus étendu et hors frontières, ACCIÒN, l’Association Chilienne d’ONG qui regroupe plus de 70 organisations de développement, a envoyé une lettre adressée aux principaux dirigeants du monde qui se réuniront au G-20, où elle propose 4 grands axes pour confronter la crise :
a. Assurer que l’économie soit gouvernable démocratiquement par le biais de la régulation des activités financières, de la création de nouvelles mesures fiscales, de la mise en oeuvre d’actions de découragement et de restriction à la spéculation, de l’interdiction des produits financiers « de casino » et de la garantie que les ressources de l’épargne privée ou publique soient effectivement destinées à la production. Insister sur la réforme de la gouvernance de la Banque Mondiale et du FMI pour garantir qu’ils soient convenablement démocratisés. Faire que toutes les institutions financières, les produits financiers, et les multinationales agissent avec transparence et rendent des comptes publiquement. Pour cela il faut éliminer le secret bancaire et les paradis fiscaux et introduire des contrôles publics dans tous les pays par le biais de normes comptables internationales.
b .Créer du travail digne et des services publics pour tous assurant un investissement massif sur un green new deal afin de construire une économie verte soutenue par le travail digne et une rémunération juste, investissant et renforçant les services essentiels publics, et travailler pour assurer le financement au développement à tous les pays qui en ont besoin, sans conditions préjudiciables connexes.
c. En finir avec la pauvreté mondiale et l’inégalité, en consacrant 0,7 % du revenu national à la coopération au développement pour l’année 2013, faire en sorte que ces ressources soient plus efficaces et faire pression pour annuler toutes les dettes illégitimes et impayables des pays en développement.
d. Construire une Economie Verte en faisant pression pour un accord sur le changement climatique lors du sommet de Copenhague pour convenir de réductions substantielles et vérifiables des gaz à effet de serre et en s’engageant à de nouveaux et substantiels transferts de ressources du Nord vers le Sud soutenant l’adaptation et le développement durable dans les pays pauvres. La mise en place urgente de politiques opposées aux mesures de libéralisme et de manque de régulations qui ont caractérisé les années 1990. On appelle les Gouvernements du G-20 et d’autres pays à profiter de cette occasion pour commencer à construire une économie qui soit centrée sur les personnes et l’environnement afin d’obtenir une société plus juste.