ÉTATS-UNIS

Opportunité dans la crise ? Naviguant la tempête parfaite

Global-Local Links Project
Tanya Dawkins
Institute for Agriculture and Trade Policy
Alexandra Spieldoch
Center of Concern
Aldo Caliari
Action Aid USA
Karen Hansen-Kun
Hunger Notes
Lane Vanderslice

 La crise du chômage souligne la réalité d'un système qui ne reconnaît  ni ne garantit les droits sociaux et économiques essentiels. À partir de décembre 2007, le nombre de chômeurs  a augmenté atteignant 13,1 millions – 5,6 millions de plus qu'au début de la récession. Les mouvements pour les Droits de l’Homme, les emplois écologiques, le commerce équitable, les soins de santé et le logement, présentent des propositions et exigent des changements réels et structurels. Les États-Unis ne peuvent pas laisser passer l’occasion d’effectuer un réel changement.

La crise économique mondiale a rebaptisé la diversité de crises interconnectées – logement, aliments, climat, inégalité et responsabilisation – qui se sont développées aux États-Unis et partout dans le monde. Alors que les américains commencent à prendre conscience de la nature profonde, systémique et globale de la crise, le monde attend des États-Unis une action rapide et définitive pour contenir les crises que le pays a contribué à créer.

Une confiance aveugle en le marché « libre »  en tant que meilleur arbitre des questions sociales, environnementales et économiques a créé « une tempête parfaite1 » d'institutions financières en faillite, une infrastructure démocratique faible et un réseau de protection absolument inapproprié pour combattre la portée de la souffrance et du déplacement des êtres humains. Les résultats de plans financiers peu règlementés et dépourvus de scrupules continuent à s’étendre en provoquant des pertes de logement, la déstabilisation de Communautés et la vulnérabilité économique. Des millions d'Américains déplacés par la crise du logement et de l'emploi rejoignent leurs semblables invisibles pendant de longues années à l'intérieur et à l’extérieur du pays, qui ont vécu au cœur de cette tempête pendant des décennies. Ceci offre une rare occasion de tracer la voie d’une nouvelle ère de leadership et de partenariat pour un véritable changement, un développement, une durabilité et des droits de l’homme, dans le pays et partout dans le monde.

AVIS DE RECHERCHE : Le droit à un endroit nommé maison

Quand la bulle immobilière a éclaté aux États-Unis, il y a eu une réaction en chaîne à la bourse – le plus grand réservoir de richesse des américains. La chute de valeur des biens immobiliers a annéanti ou réduit le capital d'un grand nombre de propriétaires particuliers ou institutionnels de biens immobiliers. Par exemple, une famille qui a acheté une maison en 2006 pour 189.000 d’USD a vu sa valeur baisser de 26 % jusqu'à 139.000 d’USD en 2008. La baisse des prix du logement a signifié que beaucoup de chanceux, propriétaires d'un logement, ont tout perdu ou grande partie de leur capital, ou sont pris au piège dans des hypothèques qui dépassent actuellement de loin la valeur de leur maison. Les fonds propres des banques et d'autres institutions détenant des hypothèques et d'autres titres connexes ont été également énormément réduits ou ont disparus. Ce panorama est le résultat d'une génération de politique gouvernementale qui a gravement miné l'infrastructure régulatrice et de supervision de l'économie et des marchés financiers.

Cette dynamique a aggravé la crise nationale existante pour les personnes sans domicile fixe (SDF) et l’accès au logement. Le manque de logement augmente, en grande partie en raison de l'augmentation des exécutions hypothécaires, aggravé par la perte de travail, la hausse des prix alimentaires et d’autres frais qui minent la capacité de la population à payer son logement. Une enquête menée en octobre 2008 dans 12 états a révélé que la quantité de familles avec enfants en passe de devenir SDF augmente2. De juin 2007 à juin 2008 le nombre de demandes d’abris a doublé3. En mars 2009, on a signalé qu’une personne sur neuf était en retard de paiement d’hypothèques ou à une certaine étape de l'exécution hypothécaire fin 2008, lorsque la perte croissante des postes de travail a exacerbé la crise du logement4. En 2008 plus de 2,3 millions de logements ont été hypothéqués, c'est-à-dire, 81 % de plus qu'en 2007 et 225 % de plus qu'en 20065.

AVIS DE RECHERCHE : Le droit à un travail décent

Depuis décembre 2007, le nombre estimé de personnes au chômage est passé à 13,1 millions – 5,6 millions de plus qu'au début de la récession6. En outre, ces chiffres sous-estiment le problème réel car le taux de chômage officiel inclut seulement ceux ayant cherché un emploi activement au cours des quatre dernières semaines. Cette définition exclut les travailleurs découragés7 et ne tient pas compte de ceux qui sont sous-employés et sans possibilité de générer des revenus suffisants pour couvrir les nécessités de base.

Les minorités ont été affectées de manière disproportionnée par la baisse des perspectives d’emploi. Depuis mars 2009, le chômage entre les populations noire, hispanique et blanche a augmenté de 4,4 %, 5,2 % et 3,5 %, respectivement, en reflétant des tendances d'inégalité existantes depuis longtemps, en particulier par rapport à l'éducation, l’emploi et l’accès à la justice. Le 30 juin 2009, ces augmentations ont été reflétées dans les taux de chômage national établis à 14,7 %, 12,2 % et 7,8 %8.

La crise du chômage met en évidence la réalité d'un système qui ne reconnaît ou ne garantit pas les droits sociaux et économiques essentiels. Car l'accès à l’éducation, à l’alimentation, aux soins de santé et au logement sont généralement fonction de l'accès à l’emploi, être au chômage a d’énormes répercussions sur la capacité d’un individu ou d’une famille pour accéder aux nécessités de base. Les États-Unis sont au deuxième rang des allocations chômage les plus basses parmi les pays de l'OCDE ; presque deux tiers de ces pays offrent le double ou plus d’allocations chômage – en plus de l'assistance sociale – que les États-Unis9.

AVIS DE RECHERCHE : le droit à la sécurité alimentaire

Les Américains ont également été durement touchés par la crise alimentaire. Les banques alimentaires, par exemple, ont eu beaucoup de mal à satisfaire les demandes parce que les gens font moins de donations et il y a moins de stocks alimentaires disponibles10. Dans le Centre et le Sud du pays la crise alimentaire a été aggravée par les inondations et les ouragans, causant une diminution des récoltes allant sur les  marchés agricoles et de la distribution locale d'aliments11.

Les statistiques du Département d'Agriculture indiquent qu'au moins 36 millions de personnes, dont plus de 4 millions d'enfants, vivent dans des foyers en insécurité alimentaire12. Foodlinks America informe que, « davantage d’américains à faibles revenus ont reçu une aide alimentaire du Programme d'Aide de Nutrition Supplémentaire (SNAP, sigle en anglais) en janvier 2009 qu’à une quelconque époque dans toute l'histoire de ce programme. Plus de 32,2 millions de personnes ont dépendu du programme ce mois-ci, en effaçant le record mensuel de 31,8 millions. L'augmentation du nombre de cas a été alimentée par les 11 états qui ont eu des pourcentages d'augmentation supérieurs à 20 % entre janvier 2008 et janvier 2009 : l’Utah, la Floride, le Nevada, l’Arizona, le Wisconsin, la Géorgie, le Vermont, le Maryland, le Texas et le Massachusetts13 ».

Avec cette crise alimentaire, les industries agro-alimentaires américaines ont profité de l’étranglement qu'exercent quelques grandes corporations sur la production et la distribution, alors que les plus petits agriculteurs luttent contre les coûts croissants de la production et des rendements plus faibles14.

Se réincorporer au monde : les détails comptent

 

Au niveau international, l'Administration Obama a rapidement fait preuve de leadership depuis l'élection présidentielle. Au début du mois d’avril 2009, le Département d'État a annoncé qu'il chercherait un siège au Conseil des Droits de l’Homme, en disant que « les Droits de l’Homme sont un élément essentiel de la politique étrangère mondiale américaine ». L'Administration a également accordé un niveau de ministre de cabinet à l'ambassadeur américain récemment désigné auprès des Nations Unies.

Le président Obama s’est engagé dans le processus du G-20, en promettant de nouveaux fonds pour pallier le ralentissement économique. Toutefois, les organisations de la société civile ont manifesté un scepticisme profond concernant les 100 milliards d’USD de nouveaux fonds pour le FMI  parce qu'elles remettent en question le fait que cet organisme soit équipé pour mettre en oeuvre de véritables packages de relance économique plutôt que ses programmes d'austérité traditionnels et nuisibles.

L'Administration a aussi promis de doubler l'aide américaine jusqu’à plus d’un milliard d’USD en 2009 pour soutenir le développement agricole à long terme, et a étendu son offre à 3.500 d’USD millions d’aides pour la sécurité alimentaire sur une période de trois ans. Bien que cet argent soit très nécessaire, la manière dont il sera dépensé est un sujet de grande préoccupation, et il existe de grandes différences d'opinion. Par exemple, le Congrès et l'Administration continuent à promouvoir des solutions technologiques, y compris des investissements en biotechnologie et Organismes Génétiquement Modifiés. Les activistes américains de l'alimentation font pression sur les moyens qui donnent la priorité à des systèmes alimentaires locaux et des pratiques agricoles ne nuisant pas au climat.

Quant au climat, l'Administration s'est engagée dans le processus des pourparlers de décembre pour un nouveau traité climatique mondial, mais ses positions ne sont encore pas claires. Par exemple, il faut encore ratifier le Protocole de Kyoto et définir ses engagements mondiaux de réduction d'émissions, à un moment où des actions urgentes sont nécessaires.

De brillantes idées et des mesures dans la bonne direction 

L'Administration du président Barack Obama a essayé de répondre à la crise des fonds supplémentaires et des initiatives politiques se sont focalisées sur la stabilisation des marchés financiers, la création d’emplois au niveau interne (y compris des emplois écologiques), des allocations plus étendues pour les chômeurs récents et des initiatives destinées aux propriétaires ayant récemment perdu leurs logements ou qui risquent de les perdre.

Les élus subissent une  plus grande pression pour répondre à une population chaque fois plus consciente que les marchés doivent aussi servir à des objectifs sociaux, économiques et environnementaux plus larges. Les réponses politiques proposées comme la réduction obligatoire des taux d'intérêt, la restructuration de la loi de protection contre la faillite et les mesures pour freiner la spéculation financière nationale et internationale excessive, entre autres propositions, traversent aussi le processus législatif.

L'Administration a instauré des nouvelles restrictions conçues pour en finir avec la porte giratoire entre les entreprises et le gouvernement qui contribuerait profondément à des politiques mal orientées dans des secteurs clé comme le logement, les finances, le commerce, la santé et l'agriculture. Elle a aussi manifesté son soutien à la production organique, à des mesures de concurrence plus fortes pour réguler l'activité des entreprises et à une plus grande supervision de la sécurité alimentaire. Il a aussi promis d'augmenter le financement pour soutenir l'énergie renouvelable et les standards de carburants propres. La Farm Bill de 2008 a aussi inclus 100 millions d’USD supplémentaires pour soutenir les systèmes alimentaires locaux, augmenter l'accès aux aliments sains et le soutien aux  agriculteurs organiques naissants ou appartenant à des minorités. Bien que ces mesures soient insuffisantes pour satisfaire les demandes, ce sont des étapes importantes et encourageantes.

Regardant vers l’avenir

L'intervention du Gouvernement est un élément crucial pour assurer la reprise économique et une nouvelle direction du développement économique national. Assurer une surveillance citoyenne et de responsabilité reste encore le chaînon manquant. Par exemple, des initiatives comme <www.recovery.gov> mettent en évidence l'utilisation sans précédents et innovatrice de la technologie faite par l'Administration pour maintenir la population informée. L'information, toutefois, ne remplace pas le modèle d’engagement et de responsabilité qui doit être au coeur d’un véritable changement et d’un redressement national.

Les mouvements nationaux pour les Droits de l’Homme, les emplois écologiques, le commerce équitable, les soins de santé et le logement présentent des propositions innovatrices en intensifiant leurs demandes pour un réel changement structurel. Par exemple, le mouvement qui lutte pour que les États-Unis se responsabilisent en ce qui concerne les standards internationaux des Droits de l’Homme prend force, à travers l’organisation et l’éducation sur la nature interdépendante des droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels15. Une Enquête d'Opinion Publique Mondiale de 2008 a montré que la grande majorité des américains se déclare en faveur de la pratique de tous les droits et principes de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, y compris l'égalité, les droits de la femme, la justice raciale, les droits à l'alimentation, l'éducation et les soins de santé et ils croient fermement que leur gouvernement a la responsabilité de les protéger16. Traduire le changement d'attitudes vers une volonté publique soutenue et de nouvelles politiques reste encore un défi majeur. Des actions et des solutions courageuses sont nécessaires. Les États-Unis ne peuvent pas se permettre de gaspiller cette opportunité.

1 La tempête parfaite fait référence à une situation critique ou désastreuse créée par la forte concurrence de divers facteurs. Voir : <www.merriam-webster.com/dictionary/perfect+storm>.

2 “ Homeless numbers alarming ”, USA Today, 22 octobre 2008.

3 Ibid.

4 Scholtes, S. “ US home loan arrears affect one in nine ”. 6 mars 2009. Disponible sur : <www.ft.com/cms/s/0/61598348-09e0-11de-add8-0000779fd2ac.html>.

5 McNulty, S. “ Foreclosure fears spread to middle class ”. Financial Times, 29 janvier 2009.

6 Shierholz, H. y Edwards, K. “ Jobs report offers no sign of light at end of tunnel ”. 3  avril 2009. Disponible sur : <www.epi.org/publications/entry/jobspicture20090403/>.

7 Les travailleurs découragés sont ceux qui, désireux et capables de s'engager dans un emploi, ne cherchent pas de travail parce qu'ils croient qu'il n'y a pas d'emplois disponibles. Voir : <stats.oecd.org/glossary/detail.asp?ID=645>.

8 Austin, Algernon. “ Unequal unemployment: Racial disparities in unemployment vary widely by state.” Economic Policy Institute, 21 juillet  2009. Disponible sur : <www.epi.org/publications/entry/ib257>.

9 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Society at a Glance, 2006. OECD Social Indicators. “ Out of work benefits ”, p. 62.

10 Quizon, D. “ Donations down, demand up at food distributors ”. The State Press, 16 septembre 2008. Disponible sur : <www.statepress.com/node/935>.

11 Holt Gimenez, E. “ The World Food Crisis: What’s Behind It and What We Can Do About It ”. Policy Brief. Food First, 16 octobre 2008.

12 Nord, M., Andrews, M. y Carlson, S. “ Household Food Security in the United States, 2007 ”. Economic Research Report, ERR-66, novembre  2008.

13 Foodlinks America Newsletter, 10 avril 2009. ‘SNAP’ est le programme rebaptisé  Bons de Repas, aidant les  familles et les personnes à faibles revenus  à acheter des aliments sains à prix abordables.

14 US Working Group on the Food Crisis (2008). “ Backgrounder on the Global Food Crisis ”.

15 Bien qu'il soit le signataire du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) et de la Convention Internationale sur l'Élimination de Toutes les formes de Discrimination Raciale, les États-Unis n’ont pas encore ratifié l'Accord International des Droits Économiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) et la Convention sur l'Élimination de Toutes les formes de Discrimination  à  l’égard des Femmes (CEDAW).

16 “ 60th Anniversary: New poll shows vast support for Universal Declaration of Human Rights principles. ” The Opportunity Agenda. Voir :  <opportunityagenda.org/60th_anniversary_poll_day_great_degree_consensus_among_americans_principles_enunciated_universal_dec>.


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