OUGANDA 

Objectifs du Millénaire pour le Développement mis en péril

Development Network of Indigenous Voluntary Associations (DENIVA)
David Obot

 La crise financière rendra difficiles les efforts pour réduire la pauvreté en Ouganda. L'aide étrangère, les envois de fonds et les recettes dérivées des exportations se réduisent déjà. Le Gouvernement doit développer de nouvelles stratégies pour identifier les causes profondes de la pauvreté, de l'exclusion et des mauvaises conditions sociales dans le pays, tout en se joignant à d'autres pays au niveau régional et international pour promouvoir une réforme de l'architecture financière mondiale. Il existe plusieurs initiatives de la société civile qui, si elles sont soutenues, pourraient aider à résoudre la crise.

Vers la fin de 2008, les leaders du G-20 ont lancé un appel aux pays développés et en développement et aux institutions financières internationales pour prendre des mesures « urgentes » afin  d’éviter les impacts négatifs de la crise économique mondiale. Un rapport de la Banque Mondiale, préparé pour la réunion des Ministres des Finances du G-20 en mars 2009, mettait en garde contre les implications à long terme pour les pays en développement, y compris la diminution des services d’éducation et de santé pour les pauvres1.

En outre, l'aide officielle au développement (AOD) des pays pauvres pourrait diminuer à mesure que la crise s’accentue dans les pays donneurs2. La Commission du Développement Social de l'ONU signale que la crise actuelle aura des conséquences graves pour les politiques sociales et menacera la stabilité sociale ; les crises alimentaires et climatiques retrancheront les plus vulnérables en marge de la société3.

Le Fonds Monétaire International (FMI) a indiqué que les marchés financiers de l'Afrique Sub-saharienne sont vulnérables en raison du ralentissement de la croissance mondiale et que l'Ouganda est en situation de risque à la suite des prêts pour investissements sur le marché boursier4. La Banque Centrale a signalé qu’avec la diminution des revenus des exportations et du tourisme, la croissance économique du pays se trouvera maintenant de l’ordre de 5  % ou 6 %, au lieu de 8 % prévu auparavant5.

Le Ministre des Finances a informé que bien que l'Ouganda ne soit pas « directement exposé » au risque, le ralentissement économique pourrait conduire à une réduction des flux financiers provenant des investissements étrangers, du tourisme, des envois de fonds de l'étranger et des flux d'aide des pays donneurs6. Il a ajouté que la réduction des envois de fonds de l’étranger et du soutien des pays donneurs a déjà provoqué un déficit dans le recouvrement de recettes de 108 milliards d'UGX (51,4 millions d'USD) de juillet 2008 à février 2009. Les envois de fonds de l’étranger ont totalisé 1.392 millions d'USD durant l'année fiscale 2007-2008 7.

De plus, le commerce extérieur a été médiocre. Bien qu'on ait enregistré une augmentation des exportations entre 2003 et 2007, les importations ont creusé le déficit commercial en 2007 (voir Figure 1). La Banque Mondiale remarque que les pays à faibles revenus en Afrique Sub-saharienne sont sous pression en raison des impacts de la diminution des prix des matières premières8.

Faibles perspectives d'atteindre les OMD

Selon le rapport 2008 du FMI Perspectives de l'Économie Mondiale, une baisse de la croissance mondiale d'un point en pourcentage entraînerait une chute de 0,5 point en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) en Afrique. Le rapport a prévu les effets éventuellement graves de la crise financière mondiale sur ce continent en termes de commerce, d’investissement étranger direct (IED) et de ressources d'aide. Il a aussi souligné que bien que la corrélation entre les PIB africain et mondial entre 1980 et 1999 ait été de 0,5, entre 2000 et 2007 elle n’était que de 0,2. Entre-temps, le Rapport sur les Investissements dans le Monde 2008 de la CNUCED montre que les flux de recettes de l'IED en Ouganda pour les années 2004, 2005, 2006 et 2007 ont été de 295 millions d'USD, 380 millions d'USD, 400 millions d'USD et 368 millions d'USD, respectivement.
           
Celles-ci ont représenté d'importantes contributions à l'économie ougandaise. Une diminution de l'IED pourrait affecter la capacité du pays à réaliser les ODM, spécialement l'objectif relatif à la réduction de la pauvreté. Ceci sera spécialement critique pour les foyers pauvres et ceux qui ont à leur tête des personnes âgées, des jeunes, des personnes handicapées et des femmes et enfants déplacés, et renforcera la pauvreté intergénérationnelle. Actuellement, le Gouvernement révise son Plan d'Action pour l'Éradication de la Pauvreté afin de l'intégrer au Plan National de Développement9.

La population de l'Ouganda en 2008 était de 29.6 millions, dont 49 % avait moins de 15 ans. La distribution de la population est de 85,1 % en milieu rural et de 14,9 % en milieu urbain. Le taux de fécondité totale est de 6,7 par femme, et le taux de croissance démographique se maintient à 3,2 %. Il est à noter que le pourcentage de personnes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté a été ramené de 38,8 % à 31,1 % dans les Enquêtes Nationales de Foyers (ENF) de 2002-2003 et de 2005-2006, cela signifie une réduction de 1,4 millions de personnes en termes absolus10. Toutefois,  beaucoup de gens se heurteront à de grandes difficultés pour faire face aux effets de la crise financière mondiale. La proportion de l'agriculture dans le PIB total continue à diminuer et s’élevait à 21 % en 2007. Cela signifie davantage de stratégies, dont la modernisation, pour améliorer la production agricole et les revenus de la population rurale pour réduire la pauvreté.

En 2005-2006 le taux net de scolarisation dans l’enseignement primaire était de 84 % ; et le taux d'alphabétisation des personnes entre 15 et 24 ans a augmenté de 80 % à 84 %. Bien que les dispositions de l’éducation primaire et secondaire universelle se soient nettement améliorées, le taux d’abandon scolaire est encore élevé : sur un total de 1.914.893 élèves inscrits en premier degré en 2003, seulement 939.804 sont allés à l'école en 2007. En termes de promotion de l'égalité des sexes, la relation filles/garçons en éducation primaire a été réduite de 0.99 à 0.96 ; alors que, la participation des femmes dans les emplois rémunérés du secteur non-agricole a diminué de 39,2 % à 28,2 %.

En matière de santé, les taux de couverture immunitaire varient depuis 89 % pour la tuberculose et de  85 % pour la rougeole et l’hépatite B à 12 % pour le tétanos. Selon l'ENH 2005-2006, le paludisme (60,8%) est encore la maladie mortelle la plus répandue, suivie par les infections respiratoires (14,2 %), la diarrhée (9,5 %, avec un pourcentage plus élevé dans les secteurs ruraux) et les infections cutanées (3,2 %). Le taux de mortalité infantile a diminué  de 88,4 % à 76 %. La mortalité maternelle pour 100.000 enfants nés vivants a diminué de 505 à 435 et la proportion d'accouchements assistés par du personnel de santé qualifié a augmenté de 39 % à  41,1 %. Dans la lutte contre le VIH/SIDA et d'autres maladies de transmission sexuelle,  l'utilisation de préservatifs parmi les personnes à plus haut risque (de 15 à 24 ans)  a augmenté de 49,8 % à 52,9 %, alors que le taux de prévalence d'utilisation de contraceptifs parmi les femmes de 15 à 49 ans, qui sont particulièrement vulnérables à l’ infection, était de 23,6 %.
             
Quant à la durabilité environnementale, la proportion de terres boisées a diminué de 21,3 % à 18,3 %; et la population rurale ayant accès à des sources d'eau améliorées a augmenté de 53,5 % à 58,5 %. En ce qui concerne l'ODM 8, le service de la dette comme pourcentage des exportations des biens et services  a diminué de 20,4 % à 15,8 %.

Gouvernement et société civile: un partenariat très nécessaire

Les mesures gouvernementales pour atténuer l'impact de la crise pendant l’exercice 2008-2009 comprennent : l’amélioration des collectes de recettes pour contribuer avec près de 13,1 % du PIB ; l’assistance à des personnes pauvres et sans terre pour acquérir des parcelles à travers le Système de Prêts pour l'Acquisition de Terres ; l’augmentation des fonds pour les services de mécanisation et des services de vulgarisation agricole afin de couvrir tous les secteurs ; en modifiant la Loi de Sociétés Coopératives de 1991 pour améliorer le contrôle et le règlement de ces sociétés ; soutien à la recherche scientifique pour le développement de technologies et de prototypes commerciaux ; soutien aux PME ; déploiement d’un système de micro-financement pour 800 des 1.020 sous-districts ; et assurer le règlement effectif et le contrôle des banques11.

Le soutien des donneurs à l'Ouganda, soit par un soutien budgétaire direct soit par des projets, devrait produire une hausse de  30 % du budget national de 2008-2009. Le Gouvernement devrait assurer une réduction des frais dans l'administration publique et la baisse des taux d'intérêt pour les prêts bancaires. L'exercice du secteur privé exigera une utilisation du crédit plus saine et prudente, et les personnes qui feront la demande de prêts à des fins commerciales devront également être rigoureuses dans la gestion des fonds prêtés. Cela nécessite des politiques novatrices pour l'industrialisation et le commerce, exigeant de plus grands efforts du Gouvernement pour promouvoir l'intégration économique, spécialement celles en conformité avec la Communauté de l'Afrique Orientale.

Plusieurs organisations de la société civile sont engagées dans différentes questions de développement, y compris le développement humain, la paix, le VIH/SIDA, le contrôle de la corruption, la sécurité alimentaire et le changement climatique. Action AID Ouganda, par exemple, a offert une assistance aux déplacés congolais et aux personnes touchées par des conflits dans le nord de l'Ouganda. DENIVA est en train de donner du pouvoir aux Communautés sous forme  d’allocations de ressources budgétaires, par le contrôle de la corruption et en augmentant la sensibilisation aux droits des rapatriés dans le nord du pays. L’Organisation de Soutien à l’Aids (TASO, sigle en anglais) offre encore des services de prévention et d’aide aux personnes affectées par le virus du SIDA dans tout le pays. L'Association Nationale d'Environnementalistes Professionnels et la Coalition d'Activistes pour le Développement et l'Environnement, qui mettent l’accent sur  la sécurité environnementale, ont réussi à faire réexaminer  la vente prévue de la forêt Mabira par le Gouvernement, une des plus grandes réserves naturelles d'Ouganda. L'Alliance pour le Droit à l'Alimentation préconise une augmentation de la sécurité alimentaire.

Il est important que l’on crée un environnement favorable où les efforts de la société civile - soutenus par le Gouvernement avec des ressources adaptées, ainsi que par les partenaires du développement et les communautés - se cristallisent sur des apports solides pour faire face à la crise.

 

 

1 Banque Mondiale (2009). Disponible sur :  <web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/COUNTRIES/AFRICAEXT/O, ContentMDK:21990236~piPK:146830~theSitePK:258644,00.html>.

2 te Velde, D.W. (2008). The Global Financial Crisis and Developing Countries : Which countries are at risk and what can be done? Londres : Overseas Development Institute (ODI). Disponible sur : <www.odi.org.uk/resources/download/2462.pdf>.

3 Gu, Z. and Wang, X. (2009). “ UN Commission discusses steps to mitigate negative impact of global financial crisis on social development. ” China View online. Disponible sur : <news.xinhuanet.com/english/2009-02/06/content_10770873.htm>.

4 Fonds Monétaire International. Impact of the Global Financial Crisis on Sub-Saharan Africa. Washington, DC: FMI. Disponible sur : <www.imf.org/External/pubs/ft/books/2009/afrglobfin/ssaglobalfin.pdf>.

5 Reuters. “ The Financial Crisis ”. 23 octobre 2008. Disponible sur : <customers.reuters.com/community/stayinformed/middleeastafrica/MEA_23.10.08_Newsletter.pdf>.

7 FMI, op. cit.

8 Banque Mondiale. “ Crisis Takes a Mounting Toll on Developing Countries ”. 13 mars 2009. Voir : <go.worldbank.org/YGK6U1EFI0>.

9 Ministère des Finances, Planification et Développement Economique (MFPDE). Poverty Eradication Action Plan (2004/5-2007/8). Kampala : MFPDE.

10 Bureau des Statistiques d’Ouganda (BSO). 2008 Statistical Abstract. Kampala.
Voir : <www.ubos.org>.

11 Voir : <www.finance.go.ug/docs/BudgetSpeechFY202008_09_12thJune2008_Final.pdf>.