SLOVAQUIE
Les plans sont révisés
Slovak Political Institute
Faculty of Economics, Technical University of Košice
Daniel Klimovský
La Slovaquie a réussi à réformer son économie pour son adhésion àl'Union Européenne (UE). Toutefois, la croissance ralentit, et l’industrie automobile –la fierté nationale- a déjà commencé à réduire sa production. Pour pour faire face à la crise le Gouvernement a pris plusieurs mesures, dont beaucoup visent à augmenter l’emploi et à réglementer le marché. Pour leur part, les ONG doivent immédiatement remédier à leur manque de préparation à la crise. La discrimination envers les roms et les femmes, ainsi que l’autoritarisme du Gouvernement sont toujours présents. L’aide officielle au développement (AOD) est devenue institutionnelle du point de vue légal et elle est toujours en augmentation ; toutefois, elle est encore en-dessous des standards de l’UE.
La Slovaquie a mis en œuvre plusieurs réformes sociales et économiques douloureuses, avant et après sa pleine adhésion à l'Union Européenne (UE) en 2004. Grâce à celles-ci le pays a atteint une croissance économique au-dessus de 7 % en 2008, la plus élevée de l'UE. De plus, la Slovaquie a rempli les exigences de l’Union Économique et Monétaire Européenne en remplaçant la Couronne slovaque par l’Euro le 1er janvier 2009. Au mois de novembre 2008, la Commission Européenne a déclaré que la Slovaquie (conjointement avec la République Tchèque et la Pologne) ne présentait aucun panorama dramatique en ce qui concerne la crise mondiale. En revanche, elle projetait une croissance économique de 2,7 % pour 2009 et de 3,1 % pour 2010, prévoyant que son économie resterait parmi les plus performantes au sein de l’UE pour 2009 et très probablement pour 2010.
Toutefois, un panorama plus inquiétant1 est apparu en 2009. La Banque Nationale de la Slovaquie a prédit au mois d’avril que l’économie diminuerait de 2,4 % au cours de l’année et qu’elle augmenterait ensuite de 2 % en 2010 et de 3,2 % en 2011. Au début du mois de mai la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement a fait une prédiction plus pessimiste, car elle a prévu que l'économie slovaque diminuerait de 3,5 % en 2009 et qu’elle augmenterait ensuite de 0,8 % en 2010. En même temps, les données du Gouvernement montrent que le chômage a augmenté abruptement en décembre 2008 jusqu'à atteindre presque 8,4 % (au mois de novembre ce pourcentage était de 7,8 %). Au mois de janvier 2009, après avoir estimé que plus de 15.000 emplois étaient à risque, le Ministère de l'Économie a recalculé ce chiffre en avril, prévoyant que les pertes d’emploi s’élèveraient à 30.000.
La Slovaquie est considéré comme la « Detroit de l’Europe ». Les usines de Kia, Peugeot et Volkswagen, conjointement avec leur réseau de fournisseurs, constituent une industrie qui mobilise plus de 20 milliards d’euros par an et qui offre plus de 75.000 emplois. Néanmoins, les entreprises dépendent de la demande européenne, en raison du marché automobile slovaque trop petit et conservateur, et début 2009, elles ont dû réduire leur production.
Les mesures pour faire face à la crise
Au mois de janvier 2009 le Gouvernement a lancé un plan pour un montant de 332 millions d’euros (431 millions d'USD) dans le but de soutenir l’emploi et d'augmenter la demande interne pour faire face à la crise. Un Comité de Crise composé des représentants du Gouvernement, de la Banque Centrale, des banques commerciales, des syndicats, des entrepreneurs, des municipalités et de l'opposition parlementaire2 a été créé pour analyser les impacts de la crise et proposer des mesures pour y faire face. Le mois suivant le Ministère de l’Économie a annoncé quelques 62 mesures pour éliminer ou du moins atténuer certains impacts, parmi lesquelles, l'utilisation des fonds de l'UE, l'élaboration de projets d'association entre les secteurs public et privé pour la construction de routes et l’augmentation des dépenses publiques pour plusieurs projets de recherche et de développement.
En outre, le Gouvernement a montré plus d’initiative quant au contrôle des prix, à l’approbation de mesures de soutien sélectif pour le tourisme et à la publication des conditions et/ou des recommandations pour les banques et les entreprises. En mars 2009 le Gouvernement a racheté 49 % des actions de Transpetrol pour un montant de 240 millions d'USD, lesquelles avaient été vendues à Yukos Internacional en 2002 pour un montant de 74 millions d'USD. Cela pourrait signifier un soutien important à la détermination de la politique énergétique du pays.
Jusqu’à présent, les ONG slovaques n’ont pas traité le sujet de la crise économique mondiale. Elles devront le faire pour plusieurs raisons: les donateurs suspendront les contributions consacrées à des activités philanthropiques ; compte tenu du manque de ressources, les ONG devront reconsidérer leurs priorités et leurs activités ; la crise créera une demande d'aide ou de coopération plus forte de la part des ONG, et les interventions politiques ou du Gouvernement deviendront plus envahissantes et fréquentes par rapport aux ONG et à leurs activités. À titre d'exemple, le Gouvernement pourrait demander le soutien des ONG pour les activités qu'il considère les plus significatives ; étant donné que seules quelques ONG sont vraiment indépendantes du point de vue politique, le Gouvernement se trouverait dans une situation unique en finançant les membres des partis et en punissant les opposants en distribuant des subventions et des prêts officiels.
La « tyrannie de la majorité » continue
En dépit des réussites au niveau européen, le panorama politique interne reste très tendu. Le Parti Populaire (HZDS-LS), la coalition du Gouvernement composée de trois partis : le Smer-Démocratie Sociale (Smer-DS), le Parti National slovaque (SNS) et le Mouvement pour une Slovaquie Démocratique, a poursuivi sa "tyrannie de la majorité" en 2008 et début 2009. L'indifférence totale face à l'opposition politique est devenue un événement quotidien. À titre d’exemple, les représentants du Smer-DS ainsi que le Gouvernement – y compris le Premier Ministre – ont souligné à plusieurs reprises que l’opposition ne devrait pas avoir l’intention de discuter les propositions du gouvernement ou de participer dans quelque processus de prise de décision que ce soit.
En plus, le Gouvernement a rencontré un autre ennemi : les médias. Le Premier Ministre a qualifié les journalistes d’imbéciles, de prostitués et de hyènes stupides, en les accusant d’être d’anciens agents de la Sécurité Nationale de la République Socialiste Tchèque (quelques uns parmi ses propres partisans le sont aussi). L’affaire de la « Carte Hongroise » a été utilisée au cours de la campagne pour les élections présidentielles du mois de mars 2009, lorsque le candidat gagnant et actuel président ainsi que la plupart de ses partisans (le Smer et le SNS) ont publié une déclaration dans laquelle ils accusaient leur principal opposant d'avoir reçu le soutien des membres de la minorité hongroise. Cela a divisé la société slovaque et a offensé les citoyens hongrois.
Le populisme et la politique nationaliste sont immédiatement apparus après que la coalition du gouvernement ait pris ses fonctions en 20063. Début 2008 le Premier Ministre a commencé à créer une mythologie de l’histoire slovaque, et a inventé le terme de « vieux slovaques4 » alors qu’il défendait la figure historique du bandit de grands chemins Juraj Jánošík, le surnommant « le premier socialiste5 ».
Un autre problème très sévère est celui de la corruption et du clientélisme. La coalition dirigeante plaide constamment pour son droit à privilégier les membres de son propre parti ou d’autres partisans. Toutefois, plusieurs ministres ainsi que de hauts fonctionnaires ont dû démissionner ou ont été licenciés en raison de la pression internationale (par exemple, de la Commission Européenne), des médias nationaux et de l’opposition politique.6
Discrimination
Le Centre pour le Droit au Logement contre les Expulsions dont le siège se trouve à Genève, a attribué le Prix de Violeur du Droit au Logement 2007 à la Slovaquie (conjointement avec la Birmanie et la Chine) et a condamné la discrimination permanente contre les roms, que ce pays sépare et/ou expulse fréquemment de chez eux. Plus de 120.000 roms habitent dans des quartiers pauvres et n’ont pas accès aux services essentiels tels que l'eau et l'électricité. Le Gouvernement n’a pratiquement rien fait pour améliorer cette situation, et les conditions de vie des roms restent bien en-dessous de la moyenne européenne. L’un des cas d’abus le plus notoire a eu lieu en mars 2009 lorsque la police a obligé six jeunes roms à se déshabiller, se battre et s’embrasser entre eux. L’incident a été enregistré sur une vidéo et les officiers et leurs supérieurs directs ont été renvoyés. Néanmoins, la directrice de la fondation Charter 77, Zuzana Szatmáry, a protesté contre cette mesure, en remarquant que la sévérité des sanctions devrait correspondre à la gravité de l’infraction – ce qui n’a absolument pas été le cas.
Le Comité contre l'Élimination de la Discrimination envers les Femmes, au cours de sa séance nº 41 à New York en 2008, a remarqué plusieurs sujets inquiétants y compris les derniers rapports nationaux de la Slovaquie, et a prié instamment le Gouvernement de prendre des mesures pour s’en occuper.
Assistance au développement
La période 2004-2007 a été considérée comme une transition durant laquelle l’agence slovaque pour la Coopération Internationale au Développement (aide slovaque) a approuvé 229 projets pour un montant estimé à 14 millions d’euros environ (18 millions d'USD). L'institutionnalisation de l’aide slovaque a été complétée du point de vue légal le 1er janvier 2008, lorsque l'Acte concernant l'Aide Officielle au Développement est entré en vigueur.
Au mois d'avril 2008, le Programme National concernant l’Aide Officielle au Développement a été approuvé. Les ressources financières ont été destinées principalement à l'Afghanistan, la Biélorussie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, le Kasakhstan, le Kenya, la Serbie et l’Ukraine. En outre, une somme globale a été destinée à d'autres pays (l'Albanie, le Kirguistan, la Macédoine, la Mongolie, le Mozambique, le Soudan, le Tadjikistan et l’Uzbékistan). Cependant, bien que l’AOD slovaque ait été plus importante en 2008 par rapport à 2007, elle restait en-dessous des standards de l’Union Européenne7.
1 Pokorný, J. Global crisis – a traumatizing factor or an opportunity for Slovakia?.Disponible sur :<www.stavebne-forum.sk/sk/article/12474/global-crisis-a-traumatizing-factor-or-an-opportunity-for-slovakia/>.
2 L’opposition parlementaire n’a pu désigner qu’un expert sans aucune appartenance politique.
3 Sáposová, Z. y Šutaj, Š.. “ Národnostné menšiny ” [Minorités nationales]. À M. Bútora, M. Kollár et G. Mesežnikov (eds.), Slovensko 2008. Súhrnná správa o stave spoločnosti. [Eslovaquia 2008. Un rapport global concernant l’état de la société]. Bratislava: Inštitút pre verejné otázky, pp. 175-210. Mesežnikov, G.. “ Vnútropolitický vývoj a systém politických strán ” [Développement politique interne et système de partis]. À M. Bútora, M. Kollár et G. Mesežnikov (eds.), Slovensko 2008. Súhrnná správa o stave spoločnosti. [Eslovaquia 2008. Un rapport global concernant l’état de la société]. Bratislava : Inštitút pre verejné otázky, pp. 17-125.
4 Bien qu’il existe quelques controverses en ce qui concerne l’emplacement de la Grande Moravie (l’État slave qui a existé entre le IXième et le Xième siècle), l’historiographie dominante le place sur les deux rives de la rivière Morava, dans les territoires actuels de la Slovaquie et de la République Tchèque, ce qui veut dire que leurs habitants devraient être considérés comme les ancêtres des Moraves et des Slovaques modernes. Toutefois, l’expression « vieux Slovaques » semble être plus liée à « vieux Hongrois » ou « vieux Magyars ».
5 Mesežnikov, G. “ National populism in Slovakia: actors, issues, strategies ”. À O. Gyárfášová y G. Mesežnikov, National populism in Slovakia. Bratislava : Institut des Affaires Publiques, 2008. pp. 7-34.
6 Dans une occasion, au cours d’une interview réalisé au mois de mars 2007, le Ministre de l’Économie a soutenu officiellement l’utilisation des pots de vin pour gagner des contrats liés aux armements, afin que l’État puisse entrer en concurrence avec des entreprises privées. Voir Sičáková-Beblavá, E. “ Slovakia ”. À D Zinnbauer y R Dobson (eds), Global Corruption Report 2008. New York: Cambridge University Press, p. 268.
7 D. Klimovski. « La Slovaquie : Plus d’aide au développement, la même discrimination ». Rapport Social Watch 2008.