ZAMBIE
Le Gouvernement refuse d’accepter la réalité
Women for Change
Prof. Michelo Hansungule
L’effondrement économique mondial affecte déjà gravement la Zambie en raison de sa grande dépendance des prix du cuivre et de sa production, qui constitue sa principale exportation. Bien que pendant les 45 dernières années les politiciens aient promis de diversifier la production avec d’autres produits, pratiquement rien n’a été fait sur ce plan. La réaction du gouvernement vis-à-vis des effets de la crise a été aussi prévisible que décevante. Le budget national 2009 est complètement en dehors de la réalité mais le parlement n’y attache aucune importance.
La Zambie a été l’une des premières victimes de l’effondrement mondial de l’économie. Le cuivre constitue 90 % des revenus nationaux. En septembre 2008 les prix se sont effondrés à la Bourse des Métaux de Londres. Alors que pendant la période d’essor le cuivre atteignait de 9.000 à 10.000 USD par tonne, on en paye moins de 4.000 à l’heure actuelle. Cependant hormis les habitants de Luanshya et de la province de Copperbelt, qui ont été directement lésés par la fermeture de mines ou par la réduction de leur personnel, la plupart des citoyens n’est pas informée de la situation. L’information est donnée à contre cœur et maladroitement conformément à l’article 20 de la Constitution 1. Elle constitue un privilège auquel seuls les professionnels et une poignée de « chanceux » faisant partie du gouvernement ont accès.
Souvent la radio et la télévision locales, et plus particulièrement la radio transmise à des millions de zambiens pauvres et pour la plupart analphabètes, ne transmettent pas dans les langues autochtones les mêmes informations qu’en anglais, langue que beaucoup d’habitants ne comprennent pas.
Au centre de la crise
La Zambie subit la crise mondiale de tous les côtés: énergie, alimentation, eau, environnement et bien évidemment, système financier 2. La chute des prix du cuivre s’aggrave à cause des fermetures de mines et du fait que depuis le retrait des investisseurs de Konkala Deep en 2002, leurs propriétaires quittent le pays en raison de la baisse de la demande provoquée par la diminution de la consommation dans les pays asiatiques et occidentaux. Le resserrement du crédit sur les marchés principaux du cuivre a fait fuir les acheteurs, des milliers de mineurs ont été licenciés et on prévoit que d’autres le seront dans un avenir proche.
Contrairement aux États-Unis et à d’autres pays qui ont fait face à la débâcle de l’économie en destinant de nouveaux fonds aux banques et aux principales industries en faillite afin de garantir leur survie, le président Rupiah Banda n’a pas aucune ressource à distribuer.
Alimentation: flambée des prix
Les prix des aliments flambent. Bien que les prix élevés des aliments et la crise économique ait une portée mondiale, l’absence d’innovation des politiques économiques et de l’agriculture ont exacerbé le problème. Le secteur fermier qui produisait plus de 9.000 tonnes métriques de maïs pendant les bonnes années, en produit 6.000 3 à l’heure actuelle.
Pendant la campagne électorale de 2008 le président Banda a politisé l’échec de l’agriculture et la famine subie par la population. Quant à la pauvreté, il a annoncé avec émotion qu’il réduirait le prix de la semoule de maïs (aliment de base) ainsi que des engrais. Cela lui a permis de rassembler des votes, mais il n’a pas pour autant tenu ses promesses. Bien au contraire en janvier 2009 le panier de base de la ménagère établi par le Centre Jésuite pour la Réflexion Théologique de Lusaka montre d’importantes hausses des prix des produits essentiels: semoule de maïs, haricots blancs, kapenta, (petits poissons frais ou desséchés), légumes, lait, huile, etc. Tous les prix flambent 4.
Il y a eu également d’importantes hausses des prix des produits essentiels non alimentaires comme le charbon de bois, le savon, l’électricité, l’eau, l’assainissement et le logement. Le prix de la paraffine, qui constitue la principale source d’énergie chez les pauvres hormis le bois, est monté en flèche.
La hausse du prix de l’essence et du gasoil a augmenté le coût des moyens de transport, qui est déjà hors de portée pour la population, la plupart étant au chômage. Les Zambiens n’ont pas bénéficié de la récente chute des prix mondiaux du pétrole, qui reste toujours l’un des plus élevés de la région. Ceci a été l’un des principaux facteurs qui ont conduit à la faillite la ligne d’aviation privée Zambian Airways: les lignes aériennes étrangères volent à Lusaka ou à Livingstone avec du carburant qu’elles ont rempli sur leur base d’opérations ou dans d’autres pays voisins, afin d’éviter de l’acheter dans le pays 5.
Bien évidemment ces informations n’apparaissent pas sur le site web du gouvernement. Il en est de même pour l’information de notoriété publique, comme quoi les prix du cuivre se sont effondrés et que les acheteurs asiatiques refusent d'acheter depuis lors.
Dans la " Déclaration faite par le Vice-Président sur la situation générale des inondations dans la Province occidentale " 6, on ne fait allusion à l’aide alimentaire que dans le contexte des inondations qui ont frappé Shangombo dans la Province occidentale. Le parlement ne s’est occupé ni de la crise alimentaire ni de la crise dans « la ceinture de cuivre », et les représentants élus par le peuple n’ont pas exigé de réponses de la part de leurs ministres.
Pour sa part le Rapport de Progrès 2008 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) du gouvernement revendique les réussites de ses politiques économiques et déclare que le pays est sur la bonne voie en ce qui concerne presque tous les objectifs 7. Le rapport, qui dépend du cinquième Plan de Développement National (PDN), fait l’éloge de son excellente « performance ». Il ne fait cependant pas mention du fait que plusieurs acteurs clés, parmi lesquels quelques représentants de l’opposition, ont remis en question la légitimité du plan ainsi que sa rédaction à travers une large consultation. Seules une ou deux brèves séances ont eu lieu en dehors du gouvernement afin de chercher des initiatives apportées par la population, dont on a à peine tenu compte dans le rapport définitif.
D’après le PDN la Zambie atteindra probablement tous les ODM en 2015, excepté l’un d’eux. Il admet également, sans en expliquer la cause, que l’environnement durable constitue l’exception. Cette exception a été confirmée par des sources fiables, dont le Programme des Nations Unies pour le Développement 8. Les experts ont démontré l’existence d’un lien étroit entre la pauvreté et la dégradation de l’environnement : la plupart de la population pauvre n’a pas d’autre possibilité que d’exploiter les ressources naturelles telles que le bois pour la consommation d’énergie.
La pauvreté et l’accroissement démographique, ainsi que l’incapacité de la Corporation d’Approvisionnement d’Électricité de Zambie à fournir de l’électricité à plus de 50 % des pauvres, conduisent à l’usage généralisé du bois comme combustible. Bien que la Zambie ait l’électricité la moins chère de la région, les pauvres n’y ont absolument pas accès. Pour sa part, le ministre Félix Mutati a reconnu de fortes hausses des tarifs. Lors d’une interview M. Moutati a dit à des investisseurs chinois potentiels, que les tarifs rendaient difficiles les investissements 9
Le rapport des avancements des OMD annonce aussi des réussites spectaculaires concernant l’objectif de la parité entre les sexes. Cependant la réalité montre une histoire bien différente. Les nouvelles de la Fondation des Ressources Légales rapportent de façon documentée plusieurs cas où les femmes ont été l’objet de discrimination en raison de lois répressives et d’attitudes et pratiques traditionnelles 10. L’article 23 de la Constitution défend la discrimination contre les femmes, mais dans la pratique cela ne s’est pas traduit par des résultats positifs pour celles-ci.
Politiques économiques libérales
Malgré les éloges du monde occidental sur les politiques économiques libérales de la Zambie, la réalité montre que 64 % des Zambiens, la plupart habitant les zones rurales, est encore piégé dans la pauvreté. Ces mêmes politiques signifient des taux élevés des intérêts et des déficits budgétaires permanents drainant véritablement la main d’œuvre. Dans son Rapport de Progrès des ODM le gouvernement fait l’éloge de sa conduite de l’économie et de son engagement en faveur de politiques visant à assurer la réduction de la pauvreté, qui ont conduit le pays à se trouver à la tête des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). Le gouvernement affirme également que cela influence négativement les niveaux de pauvreté et la plupart des indicateurs sociaux. En d’autres termes, le Gouvernement déclare qu’il est en train de gagner la guerre contre la pauvreté et l’injustice sociale. Cependant dans la pratique, les faits visent une direction tout à fait différente: très peu de foyers, voire aucun, ont bénéficié de l’argent reçu par la Zambie au moment de son nomination au point culminant des PPTE 11.
Le budget 2009
Le budget annoncé par le Ministre actuel des Finances, M. Situmbeko Musokowane en 2009, en plus d’admettre que « comme résultat de l’affaiblissement de la demande mondiale, l’économie mondialisée influencera négativement sans aucun doute notre économie et limitera nous efforts pour réduire la pauvreté », a annoncé « un taux de croissance de 5 %, une réduction de l’inflation de 10 % et une réduction des emprunts privés de 1,8 % du PIB »12.
Il n’y a aucune stratégie fiable pour qu’elle atténue les effets de la débâcle mondiale qui touche déjà la population. Le noyau du budget de Musokowane est basé sur l’investissement étranger, qui a disparu à cause de la crise économique mondiale. Bien que la Zambie ait décrété en 2006 la Loi d’Autonomisation Économique des Citoyens, qui visait à autonomiser la population locale en leur offrant certaines possibilités financières, le budget 2009 met à sa disposition un capital initial d’à peine 10 milliards de ZMK, ce qui représente une somme infime à tout point de vue.
Diversification par rapport au cuivre
Le Dr. Kapil Kapoor, directeur national de la Banque Mondiale en Zambie et président du Groupe d’Associés Coopérants, a remarqué que « la diversification concernant le cuivre a été un objectif souvent signalé par les leaders zambiens pendant plusieurs années. » 13. Mais il met l’accent sur le fait que « cela n’a pas été atteint, et que plus de 70 % des bénéfices du marché de devises provient encore du cuivre », rendant le pays vulnérable aux fluctuations des prix. On n’a pas fait de véritables efforts pour réduire la dépendance du cuivre, malgré sa mauvaise performance. Le cuivre est exploité par une industrie intensive du point de vue technologique. La plupart des usines de transformation dépendent de la disponibilité d’énormes sommes de devises étrangères afin que l’industrie ne se limite pas à être le producteur principal mais qu’elle soit également le consommateur le plus important.
Le crédit s’épuisant sur les marchés monétaires, et les acheteurs des produits en cuivre 14 se retirant des marchés, il n’est pas difficile de voir de gros nuages s’accumuler sur la Zambie. D’aucuns diraient que l’orage a déjà éclaté.
1 1 Plutôt que de protéger le droit à l’information », l’article numéro 20 protège la « liberté d’expression », y compris le « droit de ne pas avoir d’empêchements pour jouir de la liberté de recevoir des idées et des informations sans interférences ». Voir : <www.thezambian.com/wikis.constitution/constitution/of-zambia-1996.aspx>. Voir : <www.norad.no/items/988/38/9645826131>.
2Chongo, A. (s/f). “ Business Review: Genesis of Global Financial Meltdown ”. Times of Zambia. Voir :<www.times.co.zm/news/viewnews.cgi?category=12&id=1230108046>.
3 Voir : <www.norad.no/items/988/38/9645826131>.
4 JCTR. “ Basic Needs Basket, Lusaka ”. Jesuit Centre for Theological Reflection (JCTR), janvier 2009. Voir : <www.jctr.org.zm/bnb/BNB %20Jan09 %20- %20Lusaka.pdf>.
5 En janvier 2009, Zambian Airways a annoncé la suspension des opérations dû notamment aux frais élevés du carburant. En février, le Gouvernement a annoncé son intention d’intenter une poursuite contre la ligne aérienne afin de récupérer l’argent qu’il doit à plusieurs entreprises.
6Voir : <www.parliament.gov.zm>.
7 République de Zambie. Millennium Development Goals Progress Report 2008.
8Voir : Sooka, M. “ Energy Statistics: The Case of Zambia ”. Rapport présenté lors d’un atelier ayant abordé des statistiques sur les environnements, qui a eu lieu du 16 au 20 juillet 2006 à Addis Abeba, en Éthiopie. Voir aussi: UNDP. The Human Development Report for Zambia 1998. Lusaka: Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
9Xinhua. “ Interview: Minister Says High Electricity Tariffs in Zambia Hinder Investment ”. China Wire, le 17 mai 2008. Voir : <www.china-wire.org/2006/ 05/interview-minister-says-high-electricity-tariffs-in-zambia-hinder-investment-2/>.
10 Par exemple, un agent de police a frappé sa petite amie avec une telle force, qu’elle a complètement perdu la vue d’un œil, et une femme âgée de 25 ans, qui a perdu un œil à la suite d’une blessure reçue pendant qu’elle travaillait dans une ferme, n’a été indemnisée que de 100.000 ZMK (20 USD) par son patron
11République de Zambie, op. cit.
12Mussokowane, S. (2009). Discours sur le budget du Ministre des Finances et Planification Nationale devant l’Assemblée Nationale, le 30 janvier 2009.
13The Post. “Adhere to Governance Agenda, Cooperating Partners Urge Government.” Le 31 mars 2009. Voir <www.postzambia.com/content/view/6837>.
14Toovey, L.M. (2008). “ Declining Asian Consumption and a Diving US Dollar Battle Copper Prices ”. Copper Investing News, le 16 juillet 2008. Voir :<www.copperinvestingnews.com/?s=declining+asian+consumption&x=0&y=0>.