La crise économique: l’heure est à l’exécution d’un nouvel accord social

Edward Oyugi
Social Development Network, Nairobi, Kenya

L’idée que la crise financière mondiale n’est qu’un symptôme d’un trouble systémique – une crise de l’« économie réelle » – est chaque fois plus forte. Cependant les responsables ne veulent pas le voir. Il est impossible de réformer ou de réparer le système capitaliste avec des mesures insuffisantes pour la sécurité sociale qui ne révisent pas le noyau de sa logique sociétale. Seule la transformation totale de la société, centrée sur une nouvelle logique, peut mener à un monde où la priorité serait de satisfaire les besoins des êtres humains et non pas les profits des entreprises. 

Le dynamisme et la richesse mondiale que le système capitaliste a produit pendant les deux siècles précédents ont été obtenus à un coût élevé. La surprenante flexibilité du système lui a permis de relever de nombreux enjeux internes et externes, mais ceci au détriment des parties prenantes humaines et, toujours plus, de l’environnement.

Alors que la prospérité historique du capitalisme s’affaiblit, ses victimes et ses bénéficiaires doivent faire face à la difficile perspective de traiter les questions de la dégradation de la productivité, du manque d’équité, de la pauvreté généralisée et de l’aggravation de l’inefficacité distributive. Les personnes qui reconnaissent que la crise financière mondiale de nos jours n’est qu’un symptôme d’un problème plus systémique sont de plus en plus nombreuses.
L’« économie réelle » est en crise ; une crise du capitalisme qui a dépassé l’étape des troubles passagers et se trouve en phase terminale[1].

Dans le passé, le capitalisme a survécu grâce à la l’utilisation réitérée du mécanisme de l’auto-assainissement de la dette et du déficit social démocratique endémique en faisant passer le coût des ajustements nécessaires sur les faibles et les pauvres. Les crises terminaient par une dévaluation massive ou la destruction du capital, ainsi que par le chômage à grande échelle et la chute des salaires. Les bénéfices étaient ensuite restaurés avec de nouvelles et de plus grandes perspectives d’augmentation des taux de croissance.

En augmentant le chômage le capitalisme détruit le tissu social, provoque la destruction de quartiers entiers, la tension sociale et la violence. Le résultat en est l’augmentation de la disparité, le chômage généralisé et des conditions de pauvreté inacceptables pour une grande part de l’humanité. Cette fois-ci les caractéristiques génériques sont presque les mêmes, mais les dommages semblent résister à toutes mesures correctives. On peut constater que :

  • Les besoins sociaux et humanitaires continuent d’augmenter au fur et à mesure que les ressources nécessaires pour les pallier diminuent de façon constante ou simplement, dans beaucoup de cas, s’évaporent. La situation de la Grèce en 2010 en est un exemple.
  • La cohésion sociale est soumise à un stress qui ne s’était pas vu depuis des dizaines d’années. Ceci est surtout dû au fait que les groupes les plus défavorisés concourent pour des services de plus en plus rares, alors qu’il y a de plus en plus de « nouvelles » familles qui deviennent vulnérables et qui ont donc besoin d’un soutien externe provenant de sources non traditionnelles.
  • Les succès obtenus dans différentes régions pendant la dernière décennie risquent de disparaître complètement, non seulement pour les économies les moins avancées mais aussi pour les plus développées.
  • Si la croissance se nourrit du chômage, il s’agit alors d’une croissance artificielle.

 Le cadre systémique de la crise

Les politiques néolibérales appliquées par les intérêts corporatifs des différents secteurs sont directement responsables de cette crise. Cependant il n’est pas tout à fait vrai que le néolibéralisme signifie la dérégulation des marchés ; il s’agit plutôt de la régulation non déclarée des marchés en faveur des intérêts des tenants du capital. Ceci est mis en évidence par le système des brevets. La « propriété intellectuelle » n’était pas régulée et ceci depuis la nuit des temps ; les hommes et les femmes qui ont inventé la roue et les techniques agricoles n’ont pas obtenu de profits grâce à leurs inventions et cependant toutes les générations postérieures en ont profité. Ce n’est que sous le capitalisme que les corporations se pressent de breveter non seulement leurs inventions et découvertes mais aussi celles des autres. Ainsi, par exemple, les compagnies pharmaceutiques obtiennent des profits scandaleux lorsqu’elles vendent des médicaments qui sauvent des vies à des prix qui condamnent à mort la plupart des patients qui en ont besoin. C’est pourquoi lorsque l’on parle de régulation ou du manque de régulation, il est important de se rendre compte que chacune des modalités pourrait favoriser les intérêts hégémoniques dans le cadre d’une économie politique spécifique. Si l’on analyse en profondeur ce qui semble être une légère régulation, on pourra voir qu’il s’agit en réalité d’une régulation subtile qui favorise les intérêts du secteur dirigeant de la société.

En général le néolibéralisme s’est assuré de faire supprimer les régulations qui protègent spécialement les plus défavorisés économiquement et la population en général. C’est pourquoi de 1980 à nos jours, une dérégulation effrénée s’est effectuée dans la plupart des économies capitalistes et s’est propagée rapidement dans tous les régimes qui se trouvent sous l’influence du FMI et de la Banque mondiale. En 1999 la loi Glass-Steagall a été révoquée, ouvrant alors la voie pour que le néolibéralisme puisse étendre ses racines sur l’économie mondiale grâce au consensus de Washington. Cette loi avait été approuvée en 1993 lors de l’effondrement du système bancaire afin de séparer les banques commerciales (réception des dépôts et allocation des prêts) des affaires beaucoup plus risquées des banques d’investissements (garanties et ventes d’obligations et d’actions) et a aidé à stopper la ruée bancaire. Après la dérégulation, l’énergique « révolution de la sécurisation » qui a suivi, a permis de consolider les guerriers par excellence de l’économie capitaliste mondiale : les arnaqueurs de Wall Street.

Le système se fonde sur l’interaction non planifiée de milliers de corporations multinationales et des principaux gouvernements du nord. Il ressemble à un système de circulation sans démarcation des voies, signalisations, feux, limite de vitesse, ni même d’un code clair qui établisse que tout le monde doit conduire du même côté de la rue. En conséquence, il sera sûrement très difficile d’éviter que l’effondrement du secteur financier se généralise et devienne une affaire sérieuse dans les prochains mois ou les prochaines années. Plus vite on reconnaîtra que seule une minorité tire profit du capitalisme, plus vite on trouvera une solution démocratique pour la plupart des gens. Si les causes de ces misères sans fin sont systémiques, leurs solutions doivent l’être aussi.

Les transmetteurs de l’impact

Les processus d’intégration économique internationale laissent les états périphériques – et les états pauvres en particulier – de plus en plus dépourvus d’autorité pour régler les conditions qui définissent les relations entre le capital et le travail, les mécanismes opérationnels et les conditions d’accès aux marchés internes et l’enveloppe budgétaire pour le développement social équitable. Étant donné que les états constituent encore le cadre légitime pour les systèmes formels de participation politique, il risque de se produire un vide de légitimité au fur et à mesure que ces processus étendront leur influence sur toutes sortes de domaines illégitimes.

Pour beaucoup de pays et de sociétés du sud, l’intégration accélérée à l’économie mondiale a été accompagnée d’une disparité et d’une marginalisation de plus en plus grandes. Les cadres et les instruments institutionnels des politiques sociales, aussi bien nationales que locales, se sont affaiblis et sont devenus inefficaces pour faire face aux effets de la mondialisation néolibérale. Les entités supranationales telles que le FMI, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) façonnent non seulement la distribution, la régulation et les prestations sociales dans le monde entier, mais aussi les exemptions des politiques sociales nationales et locales, entraînant la perte de pouvoir pour de grands secteurs de la société[2].

Malheureusement, les pays du sud qui ont la fermeté nécessaire pour recommencer et récupérer l’espace politique leur permettant de protéger les secteurs vulnérables de leurs sociétés ou pour couper les voies de transmission qui ont conduit les effets de la crise au sein des foyers et des lieux de travail des laissés-pour-compte, sont peu nombreux. Du point de vue macroéconomique, les pays en développement ont été touchés par la crise surtout à cause des mécanismes de transmission suivants :

  • La dérégulation des marchés financiers.
  • Le déséquilibre du commerce international qui penche du côté des puissantes économies du nord.
  • La dérégulation des flux de capitaux vers des repaires plus attrayants pour l’accumulation du capital.
  • La mauvaise budgétisation gouvernementale.
  • L’aide contre-productive.
  • La corruption.

Les mécanismes de protection sociale qui pourraient éviter la mauvaise influence de tout ce qui précède appartiennent à différentes catégories avec leurs instruments d’intervention respectifs. En premier lieu, en ce qui concerne la protection, des mesures telles que l’assistance sociale (par le biais des transferts publics et privés), les prestations pour handicapés, les pensions et les services sociaux, pourraient apporter un répit immédiat pour les personnes les plus vulnérables de toutes les sociétés. Par exemple, la Banque mondiale estime qu’au Kenya les transferts d’argent des kényans de l’étranger ont réduit le nombre de personnes qui vivaient dans la pauvreté absolue de 8,5 %[3],  mais le pays a vécu une brusque chute de plus de 10 % des transferts internationaux pendant le deuxième semestre de 2008.

En deuxième lieu, en ce qui concerne la prévention, mettre en œuvre des mécanismes tels que les sécurités sociales, les transferts sociaux et les sociétés d’épargne pourrait contribuer à prévenir les dommages subis par les mécanismes traditionnels de prise en charge. En troisième lieu, au niveau de la promotion il existe une grande variété de possibilités économiques qui pourraient être mises à disposition de la population grâce à des instruments tels que l’accès simple et durable au crédit, l’exonération de l’inscription scolaire, les programmes d’alimentation scolaires, les programmes de travaux publics  et les plans de soutien pour l’initiation agricole. Il est évident que de telles initiatives favoriseraient la flexibilité par le biais de l’augmentation de la diversification des moyens de vie et de la sécurité sociale en général.

En dernier lieu, en ce qui concerne la transformation sociale, les différentes catégories de vulnérabilité sous-jacente pourraient être traitées par des mécanismes de sécurité sociale[4], allant de la promotion des droits des minorités à l’établissement de fonds sociaux adéquats pour l’élaboration de politiques antidiscriminatoires. De telles initiatives rendraient à leur tour plus facile la transformation sociale nécessaire, ce qui conduirait à une notable réduction de l’exclusion sociale qui constitue la cause de conflits intermittents.

Les enjeux de la protection sociale

La crise actuelle a touché beaucoup de secteurs de la société, bien que de différentes façons et selon la situation géographique, la situation socio-économique et la source primaire des moyens de vie. Les pays qui ont des mouvements sociaux solides et une bonne tradition de réponse aux réclamations sociales en faveur des plus vulnérables (tels que l’Indonésie, les Philippines et certains pays d’Amérique latine) se sont servis des dynamiques de la réforme en cours pour construire avec un succès extraordinaire.

En Indonésie par exemple, le Gouvernement a vu l’utilité d’établir une Unité de contrôle et de réponse à la crise comme un premier pas vers une approche coordonnée pour traiter les effets de la crise financière. De plus, il s’est engagé à réviser le budget de façon drastique, afin de pouvoir y inclure les éléments supplémentaires d’une stratégie de stimulation fiscale dont les trois objectifs principaux seraient : augmenter ou maintenir le pouvoir d’achat de la population, stimuler le commerce et promouvoir les activités entrepreneuriales et accélérer la création de postes de travail et favoriser l’essor des petites entreprises. Grâce aux conditions initiales favorables et aux réponses politiques rapides, jusqu’à présent l’économie de l’Indonésie a surmonté la tempête avec des taux de croissance qui continuent d’être relativement élevés et des tendances qui sont toujours positives par rapport à la réduction de la pauvreté. En Afrique, par contre, dans la plupart des pays les mouvements sociaux sont faibles et il existe peu de mesures concrètes pour pallier la situation désespérée des pauvres.

Il n’y a pas de doutes que l’un des problèmes les plus graves causés par la crise économique est le chômage prolongé qui semble s’être installé. En général, le rythme de la récupération économique va loin derrière la croissance du Produit intérieur brut (PIB). Cependant, il existe une intervention prometteuse qui combine la création de postes de travail et l’amélioration des options des moyens de vie. Si elle est conçue en tenant compte des besoins des personnes les plus vulnérables, une politique de protection sociale de ce genre peut favoriser aussi bien le développement que l’égalité des sexes.  Pour cela il sera nécessaire d’établir un cadre politique de sécurité sociale et des instruments qui encouragent le développement social équitable afin qu’il existe une possibilité d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

La protection sociale peut jouer un rôle intégral dans l’atténuation de l’impact affaiblissant de la pauvreté, surtout lors de crises telles que l’actuelle. Dans ce sens, elle représente une importante politique contre-cyclique. Cependant les réponses de la protection sociale à la crise capitaliste néolibérale présente ont été plutôt imperceptibles en plus de chaotiques. Certains pays ont choisi une grande série de mesures  de protection sociale et certains ont mis en œuvre leur intention de tenir les engagements pris avant la crise. Parmi les pays en développement, le Kenya et l’Ouganda se trouvent dans cette catégorie. D’autres, tels que le Ghana, ont fait des efforts encore plus grands pour dépasser le niveau de couverture d’avant la crise, courant même le risque d’augmenter le déficit fiscal déjà presque insoutenable. Cependant un grand nombre de pays ont reporté leurs mesures de protection sociale et ont choisi, par contre, de relever les enjeux de la stabilisation macroéconomique. Par exemple le Nigéria a préféré mettre en œuvre un régime de relance fiscale et en même temps régler le déficit qui est de plus en plus grand. Cela ne sera possible que grâce à une soigneuse réduction des dépenses dans le secteur social, ce qui, dans le cas contraire, pourrait donner lieu à des commotions microéconomiques.

Outre les pressions économiques, certains pays subissent aussi des coups durs contre le développement humain et la stabilité socioéconomique, en raison de la restriction des politiques internes nécessaires pour prendre des mesures décisives. Bien que les économies avancées et les émergentes disposent d’une certaine marge de manoeuvre, de nombreuses économies en développement font face au double obstacle des déficits gouvernementaux et des comptes courants, en conséquence de quoi leur environnement politique et fiscal s’est réduit. À un moment où des politiques contre cycliques devraient être mises en jeu, avec des objectif précis et en étendant les dépenses gouvernementales dans le secteur social, ces pays se voient forcés de prendre le chemin opposé.

Tous les pays devraient être capables d’introduire des politiques contre cycliques avec l’aide internationale, afin de renverser les tendances de la demande insuffisante et de l’augmentation du chômage. Pour cela, il est impératif qu’il existe des facilités spéciales pour des prêts dans des conditions favorables. Des documents récents du FMI et de la Banque mondiale semblent reconnaître et valoriser les leçons des crises précédentes et des politiques d’ajustement structurel qui les ont suivies ; cependant, on écoute encore des voix qui disent qu’il faut maintenir des politiques macroéconomiques
« prudentes ». C’est pourquoi la première question que l’on se pose est de savoir si les pays en développement sont en mesure de « faire face » à la dotation budgétaire nécessaire pour promouvoir la sécurité sociale aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

Un nouvel accord social est nécessaire

Il y a un besoin impérieux d’allouer, de rationaliser et de dépenser les ressources nécessaires à une protection sociale de façon plus efficace. Actuellement les tentatives pertinentes sont toujours fragmentées et mal orientées en ce qui concerne la programmation, les objectifs stratégiques et les façons de les exécuter. Il sera nécessaire de réaliser des dépenses budgétaires à grande échelle et à long terme, en plus d’obtenir le soutien des donateurs, pour que les projets de protection sociale parviennent à ceux qui se sont appauvris en raison de la crise. Les enjeux systémiques sont divers, et sont en rapport avec le besoin d’intégration de la sécurité sociale aux exigences de la réforme démocratique et sociale. Un réajustement général des systèmes économiques est nécessaire. Il faut tenir compte des points suivants :

  • La stabilisation de l’emploi.
  • L’équilibre entre les secteurs privé et public.
  • L’extension de la couverture des systèmes de sécurité sociale de base tant dans le secteur privé que dans le secteur public.
  • De nouveaux rapports de travail visant à réincorporer un équilibre de pouvoirs  adéquat entre le capital le travail.
  • L’équité à l’accès et à la distribution des ressources pour le développement social.

 

La protection sociale ne peut rester isolée et déconnectée de la lutte de la société pour le renouvellement démocratique. Les exigences pour y parvenir doivent être tissées avec l’installation démocratique de l’économie politique des nations ainsi qu’avec leur potentiel démocratique. Ce genre d’économie politique requiert un Nouvel accord fermement basé sur un nouveau contrat social-démocrate allant au-delà du rêve de Franklin D. Roosevelt, qui était de sauver le capitalisme de la dépression de 1929. Il est clair que Roosevelt n’a pas été élu grâce à son programme du « New Deal » et que lorsqu’il a assumé la présidence des États-Unis il n’avait pas l’intention de mettre en œuvre les politiques en rapport avec ce nouvel accord. Il s’est vu forcé de le faire sous la pression et la menace d’émeutes massives qui faisaient écho aux signaux révélateurs d’une crise prédite à de nombreuses reprises par les détracteurs du système. Il s’agissait évidemment d’un choix entre accorder des réformes et  des concessions depuis le sommet ou courir le risque d’une explosion sociale potentiellement incontrôlable venant de la base.

Même si le « New Deal » de Roosevelt a réussi à apaiser un peu les esprits grâce à la création d’emplois pour la réalisation d’énormes projets de travaux publics, il a été tout à fait insuffisant pour assurer la survie à long terme d’un système dont la logique motrice commençait à manquer de motivations  démocratiques. C’est la IIème Guerre mondiale[5] qui a réellement réussi à sortir les États-Unis de la Grande dépression. C’est à dire que c´est la production générée par une guerre qui a tué des millions de personnes et a représenté des milliards de dollars de bénéfices pour les entreprises qui a « sauvé » le capitalisme des États-Unis et l’a transformé en pionnier de l’économie du marché mondial.

Le rôle de la sécurité sociale

Dans un futur probable, la protection sociale sera toujours une série de mesures palliatives fragmentées, sans coordination, mal orientées et toujours réactives, déjà insuffisantes pour relever les enjeux à long terme du capitalisme néolibéral. La situation exige de repenser profondément les principes, ainsi que les politiques sous-jacentes de notre contrat social hérité et du paradigme politique et économique qui inspire sa conception et son architecture. Il est nécessaire de recommencer à zéro et de repenser les fonctions adéquates de tous les secteurs qui composent l’économie : l’état, la société civile, la citoyenneté et l’environnement.

L’accord complexe – et en grande mesure tacite – entre un état démocratique, un marché social et une société non hégémonique, doit fournir la sécurité sociale suffisante pour autonomiser les citoyens et citoyennes de façon à ce qu’ils puissent évoluer dans une économie politique dynamique utile pour tous ceux qui composent une société. Cependant il existe une situation qui empire et qui a défié les explications traditionnelles des apologistes du capitalisme néolibéral. Les programmes de pensions et les opportunités d’emploi fiables disparaissent dans la jungle de l’économie de marché déréglée, et parallélement les conditions sanitaires de la plupart des citoyens se détériorent sans aucun signe que la récupération attendue avec tant d’impatience apporte des changements positifs. Le salaire réel stagne toujours, l’inégalité des revenus et de la richesse atteint des niveaux jamais vus auparavant et de plus en plus de familles passent en dessous du seuil de la classe moyenne. La situation exige un accord totalement neuf, réalisé avec l’objectif de renouveler l’économie moribonde du marché néolibéral.

Cette nouvelle économie sociale de marché devra réajuster l’équilibre de pouvoir entre le capital et le travail, l’état et la société, le milieu rural et urbain, le nord et le sud, le centre et la périphérie. Il faudra élaborer un contrat social qui encouragera la croissance à long terme et la prospérité partagée par tous en plus de fournir un soutien aux individus et aux familles, non pas en tant qu’employés mais en tant que citoyens. Il faudra également réaliser des propositions politiques concrètes concernant les soins de santé accessibles à tous, la propriété des actifs d’accès général, la sécurité des pensions et l’éducation permanente.

Les besoins humains d’abord

Un jour les peuples du monde se rendront compte que tant d’instabilité économique et de misère pour la plupart des membres de nos sociétés sont dues au capitalisme en soi, et non pas à tel ou tel individu ou à un parti malhonnête ou corrompu. Cependant, beaucoup continuent de s’accrocher, sans trop de réalisme, aux illusions de l’efficacité des différents plans de relance essayant de sauver le capitalisme de sa propre logique autodestructrice. Dans un certain sens il ne pourrait pas en être autrement en raison du déséquilibre des forces sociales qui luttent pour la redéfinition démocratique de l’avenir de l’humanité. Malgré l’augmentation de  la pression des forces populaires pour le changement, elles ne sont pas encore suffisamment fortes pour y parvenir.

Bien que l’on ne puisse pas continuer à agir de façon imprudente contre les réformes, même contre celles qui contiennent un minimum de mesures sociales-démocrates et qui offrent surtout des mesures palliatives, il faut maintenir une position ferme contre le réformisme, particulièrement contre celui qui affirme que le système capitaliste peut, dans un certain sens, se transformer en un système plus aimable, paisible et sensible face à la situation grave et croissante de ses victimes. De par sa propre nature, le système se fonde sur l’exploitation de beaucoup par quelques-uns, sur la propriété et le contrôle de la grande majorité des richesses de la société par un minuscule secteur de la population. Il est impossible de réformer ou de réparer le système capitaliste avec des mesures de sécurité sociale éphémères qui laissent intact le noyau de sa logique sociétale. Seule la transformation totale de la société, centrée sur une nouvelle logique, peut mener à un monde où la priorité serait de satisfaire les besoins des êtres humains et non pas les profits des entreprises.

[1] Pour davantage d’information sur ce sujet, voir F. William Engdahl, Financial Tsunami: The End of the World as We Knew It, Global Research, 30 septembre 2008.

[2] Bob Deacon con Michelle Hulse y Paul Stubbs, Global Social Policy: International Organizations and the Future of Welfare, Londres : Sage, 1997.

[3] Kenya – Rapport préliminaire du pays, Banque mondiale, 2008.

[4] Pour plus d’information à ce sujet, voir : Andy Norton, Team Conway y Mick Foster, Social Protection Concepts and Approaches: Implications for Policy and Practice in International Development 
Document de travail 143, Institut pour le développement d’outre-mer (ODI, en anglais), Londres, 2001; Stephen Devereux, Social Protection and the Global Crisis, Brighton: IDS,2009); Charles Knox, Response to ‘Social Protection and Global Crisis’  le 14mai 2009. Disponible sur : <www.wahenga.net/sites/default/files/Response_to_Social_protection_and_the_global_crisis.pdf>.

[5] Chalmers Johnson, Going Bankrupt: The US’s Greatest Threat  Asia Times Online, 24 janvier 2008. Disponible sur : <www.atimes.com/atimes/Middle_East/JA24Ak04.html>.