Politiques insuffisantes

Corporación Cactus, Secretaría Técnica Nacional de la Plataforma Colombiana de Derechos Humanos, Democracia y Desarrollo

La Colombie a centré  l’investissement sur la réduction de la pauvreté et sur l’amélioration des Droits économiques, sociaux et culturels (DESC) afin d’atteindre les OMD. Malgré cela, les progrès de ces dernières années n’atteignent même pas les niveaux de base établis par ces Objectifs et encore moins les standards établis par le Comité des Droits économiques, Sociaux et Culturels de l’ONU. La Colombie a connu une croissance économique considérable jusqu’en 2008 mais cela ne s'est pas traduit par une amélioration de la situation sociale.  La centralisation de la coopération internationale par le Gouvernement  constitue un obstacle pour la mise en œuvre de projets alternatifs.

Depuis plus de 40 ans, la Colombie a été déchirée par des conflits armés internes provoquant une grave crise humanitaire, mise en évidence par le déplacement interne forcé et l’asile. La Colombie est considérée comme le deuxième pays au monde ayant le plus grand nombre de population réfugiée de manière interne. On estime que près de 4 millions de personnes ont été forcées à se déplacer ce qui représente presque 9 % de la population nationale[1].

C´est également le deuxième pays de la région ayant la plus grande inégalité en termes de distribution des revenus, le coefficient de Gini étant de 0,576[2]. Le régime fiscal est clairement régressif avec une lourde proportion de taxes indirectes qui retombe sur la population à faibles revenus alors que les secteurs plus aisés sont exemptés de payer certaines taxes. Cette situation a été aggravée par les réformes au régime de transfert de ressources du niveau central aux départements[3] du fait de la réduction radicale des montants destinés à la santé, à l’éducation et à l’eau potable. En 2005, la réduction a représenté 0,6 % du PIB, en 2006 1,1 %, alors qu’en 2007 on a estimé un perte de 1,3 % du PIB[4], mettant en évidence une régression soutenue de l’affectation de ressources pour la santé, l’éducation et l’eau potable. On estime que pour la période 2008-2016 entre COP 66,2 milliards (environ USD 34 millions) et COP 76,6 milliards (environ USD 39 millions) ne seront plus investis dans ces secteurs.

Suivant les données officielles, 27,7 % de la population présente des necesittés de base insatisfaites (NBI)[5]. Environ 40,8 % des foyers est atteint par l’insécurité alimentaire, plus de 20 % des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition, 63,7 % de la population de carences énergétiques et 36 % d’un manque de protéines[6].

Les Objectifs du millénaire pour le développement

L’État colombien a limité sa politique publique en matière de réduction de l’extrême pauvreté et de la faim aux objectifs sociaux contenus dans les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Concrètement, en mars 2005 le Conseil national de politique économique et sociale (CONPES) a émis le "Document CONPES 091" proposant le cadre institutionnel et politique pour atteindre ces objectifs en 2019, c’est-à-dire quatre ans après le délai prévu par les OMD. Le Gouvernement colombien a déclaré que son intention est de faire coïncider cela avec le bicentenaire de la bataille de Boyacá, un événement marquant de l'indépendance du pays[7].

Bien qu’elle soit cohérente avec la Déclaration du millénaire, cette décision a eu des conséquences négatives vis-à-vis des obligations générales en matière de DESC assumées par l’État colombien. La raison : du fait d’avoir focalisé la politique sociale sur une stratégie de valeurs minimales, le processus pour établir certains droits a stagné car les ressources sont mobilisées en faveur de programmes visant seulement une partie de la population et en délaissant une autre, touchée par des facteurs tels que la pauvreté ou le chômage[8].

En outre, même si le fait d'accomplir les OMD a réduit les efforts tels que les progrès des DESC, l’État n’a pas non plus progressé correctement sur cette question. Par exemple, la Colombie est le seul pays de la région ne garantissant pas l’éducation de base universelle aux enfants[9]. Sauf le cas de certaines mairies qui de leur propre initiative ont réussi à éliminer ou à diminuer les coûts de l’éducation, en Colombie l’éducation gratuite n’existe pas. Ceci provoque d’énormes inégalités pour accéder au système. Malgré les progrès dans ce domaine et suivant la situation économique des familles, à peine 34,1 % de la population entre 5 et 17 ans a le droit à une éducation de qualité[10].

La situation à l’égard de la mortalité maternelle est similaire. Les indices pour cette variable sont toujours trop élevés – 80 morts tous les 100 mille nouveaux nés vivants – et sont pratiquement les mêmes qu'il y a  25 ans. Alors que les OMD visent à réduire ces valeurs de 75 %, le document CONPES envisage une réduction de 55 % seulement[11].

L’action du Gouvernement

Ce volet est étroitement lié au modèle de développement présenté par le Gouvernement pour la période 2006-2010, dénommé « Plan national de développement (PND) 2006-2010, État communautaire : développement pour tous ». En somme, le PND propose  deux sources de financement pour la réduction de la pauvreté et l’accomplissement des OMD : des politiques d’aide focalisées et la croissance économique des secteurs générateurs d'emplois[12].

Le programme principal du Gouvernement national dénommé « Familles en action » propose une subvention pour les familles sous le seuil de la pauvreté à condition que la mère puisse garantir l’assistance régulière de ses enfants à l’institution éducative où ils sont inscrits. Dans la pratique, les résultats de ce schéma n’ont pas été satisfaisants, notamment parce que des situations comme les suivantes persistent toujours : « le manque de ressources pour la pleine disponibilité des conditions suffisantes en infrastructure, quotas, programmes et enseignants ; barrières géographiques, sociales et économiques pour accéder aux espaces et au service d’éducation ; et attentats contre les communautés éducatives dans le cadre de la violence sociopolitique caractérisant le pays »[13].

D’autre  part, « Familles en action » reproduit une conception patriarcale de la famille où la fonction de la femme est celle de s’occuper des enfants alors que l’homme doit accéder au système productif pour pouvoir acquérir des biens et des services. À partir de ce Programme, « les femmes sont les responsables, devant fournir les soins essentiels à la famille et il ne permet pas d’avancer dans une approche de politiques basées sur la pleine reconnaissance de leurs droits, amplement reconnus dans les traités internationaux »[14].

En somme, comme le programme n'est pas associé à des politiques favorisant l’augmentation de la productivité et  la création d’emplois, les subventions deviennent des politiques à court terme n’ayant pas d’impact réel en termes du développement humain et ne permettent pas d’accéder à l’éducation de manière plus équitable.

La croissance économique

La première période de l’administration actuelle (2002-2006) a coïncidé avec l’approfondissement du cycle ascendant de l’économie internationale.  Pendant cette période il y a eu plusieurs aspects qui ont favorisé la croissance de l’économie, à savoir : entre autres, la relance de la demande sur les marchés internationaux, l’augmentation des prix des produits exportés (notamment le pétrole), l’augmentation de l’offre monétaire et la diminution des taux d’intérêt.

Cependant, cette croissance ne s’est pas traduite par une amélioration du niveau de vie des secteurs les plus pauvres de la société. Selon les experts, l'économie colombienne de nature spéculative en est la principale raison. En effet, le Gouvernement a donné la priorité à l’achat de Titres de la dette publique émis par la Trésorerie de la nation (TES selon son sigle en espagnol) au secteur financier. La conséquence en est que, d’une part, de nombreux organismes d’État négligent les « fonctions de leur mission car les ressources sont destinées à l’achat de TES »[15] et d’autre part, le secteur financier, qui prête de l’argent à l’État colombien, a obtenu des bénéfices importants ce  qui implique une diminution du crédit destiné aux entreprises et aux familles.

La croissance économique de la période 2006-2010 a eu un motif additionnel : l’augmentation des dépenses publiques pour financer la guerre. Cela veut dire l’application du Keynesianisme militaire où l’État augmente ses dépenses de défense pour favoriser la croissance. Les conséquences de cette démarche sont positives vis-à-vis de la macroéconomie mais il n’y a ni création d’emploi, ni réduction du fossé de la pauvreté.

De plus, le Gouvernement a confronté  l’absence de création d’emploi en changeant les régulations légales de l’embauche. Pour le pouvoir exécutif, le chômage structurel ne s’explique ni par la désindustrialisation ni par les cycles de l’économie internationale à eux seuls, mais du fait qu’en Colombie les lois du travail octroient des garanties excessives aux travailleurs décourageant les entreprises de créer de nouveaux postes de travail avec des pleines  garanties. Dans ce contexte, le Gouvernement a entrepris un programme de réforme du travail ayant rallongé la journée de travail diurne, réduit le supplément de congé et limité les indemnités par licenciement sans motif valable. Cependant, malgré ces mesures, le taux de chômage a augmenté en Colombie : en 2008 il était de 11,3 %, en 2009 de 12 % et en janvier 2010 il a augmenté à 14,6 %[16].

Le rôle de l’aide internationale

En Colombie, la coopération internationale est basée sur la Déclaration de Paris. Cet accord vise, entre autres choses, à canaliser la plupart des aides pour le développement et la démocratie à travers les États nationaux et à standardiser les procédures sur la gestion des ressources[17]. Ainsi, l’Agence Présidentielle pour l’Action sociale et la coopération internationale (Action Sociale) reçoit une grande partie des ressources provenant des pays coopérants et les investit en phase avec la politique gouvernementale (Stratégie de renforcement de la démocratie et du développement économique, 2007-2013).

Le cas le plus frappant est celui du G-24, le groupe des 24 pays ayant des programmes de coopération pour le développement, la démocratie et les droits humains en Colombie.  Cette instance, créée sous l’initiative du Gouvernement national, essaie de centraliser les ressources provenant notamment des États-Unis et d’Europe pour les investir suivant le modèle actuel de développement, même avec les conséquences négatives découlant de son application (tel que mentionné ci-dessus).

Comme résultat de ce qui précède, les initiatives de la société civile, dont la vision sur le développement et la démocratie diffèrent de celle du Gouvernement, ne sont plus financées, ce qui réduit sensiblement la mise en œuvre de programmes pouvant représenter une alternative au modèle dominant. De même, des agences de coopération indépendantes, appartenant à des pays du G-24, ont souffert une réduction significative de leurs ressources alors que les agences d’État les monopolisent dans leurs pays et les envoient ensuite en Colombie à travers l’Action Sociale. Dans de nombreux cas, ces coopérants ont dû quitter le pays ou adopter des stratégies de fusion ou de consortium avec d’autres agences pour éviter le manque de fonds. Ceci limite le nombre d’initiatives admissibles et continue à laisser de côté plusieurs secteurs de la population.

 Bien que l’objectif visant à canaliser la coopération pour le développement à travers des plans nationaux de développement et des budgets n’étant pas en fonction des priorités des donateurs est digne d’éloges,  il y a toujours le besoin de soutenir le travail de promotion des organisations de la société civile, démarche essentielle pour que ces plans soient vraiment nationaux, inclusifs et efficaces.

[1] Information obtenue du Conseil pour les droits humains et les déplacements forcés (Codhes). Disponible sur : <www.codhes.org/Publicaciones/infocartagena.pdf>.

[2] Ricardo Bonilla et Jorge Iván González (coords.), Bien-estar y macroeconomía 2002-2006: el crecimiento inequitativo no es sostenible, Bogotá, CID, Université nationale de Colombie, Inspection des finances de la république, 2006, p. 37.

[3]   Acte législatif 01 de 2001 et acte législatif 011 de 2006.

[4]  Centre des recherches pour le développement (CID), Bien-estar y macroeconomía 2007. Más allá de la retórica, Bogota, Université nationale de Colombie, Centre de recherches pour le développement, 2007, p. 142.

[5]   Cfr DANE, Recensement national, 2005, cit. for Family Wellbeing, 2007, pp 323, 243, 245.

[6]   Institut colombien du bien-être familial (ICBF), Encuesta Nacional de la Situación Nutricional de Colombia ENSIN 2005, Bogota, Institut colombien du bien-être familial , 2007, pp. 323, 243, 245.

[7]  Alberto Yepes, "¿Desarrollo para todos?", dans Sin democracia, sin derechos, Plate-forme colombienne des droits humains, démocratie et développement (PCDHDD), Bogotá, Colombie, avril 2008, p. 89.

[8] Ibid. p. 92.

[9] PCDHDD, Informe Alterno al Quinto Informe del Estado Colombiano ante el Comité de Derechos Económicos, Sociales y Culturales, Bogotá, Colombie, mars 2010, p. 105. Disponible.    

[10] Ibid, pp. 10-11.

[11] Alberto Yepes, op. cit., p. 92.

[12] Département national de planification, Plan Nacional de Desarrollo 2006 – 2010. Disponible.

[13] Ibid. p. 102.

[14] Ibid. p. 200.

[15]  Jorge Iván González, "Los banqueros se enriquecen mientras que la indigencia aumenta", à PCDHDD, ¿Continuidad o desembrujo?, Bogota, Colombie, décembre 2009, p. 20. Disponible sur : <www.ciase.org/?apc=i-------&x=1000>.    

[16]   Carmen Salcedo, "Evolución de la tasa de desempleo", Portafolio, février 2009. Disponible.  

[17]  Les conclusions de cette Déclaration ont visé la rationalisation des activités, l’élimination de la multiplication des efforts, l’obligation de la planification, la définition des indicateurs et l’homogénéisation des procédures de la gestion financière des ressources