Technologies de l’information et de la communication : une voie vers le développement ?

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Development Network of Indigenous Voluntary Associations  (DENIVA)
David Obot

Le Gouvernement de l'Ouganda a mis en place une série de politiques lui permettant d'intégrer les Technologies de l'information et de la communication (TIC) à sa gestion du développement ainsi qu'à divers domaines de la vie sociale. Le Gouvernement espère que l'amélioration des services inspirera confiance aux investisseurs étrangers quant à la conduite de leurs investissements et en même temps, améliorera la participation et le contrôle citoyen sur les affaires publiques. Cependant, pour que les conditions de vie des Ougandais s'améliorent, un effort doit accompagner les stratégies de réduction de la pauvreté et les investissements en développement humain.

L'Ouganda a montré un grand intérêt pour l'intégration des TIC dans ses priorités de développement depuis le milieu des années 90. En même temps, pendant plus de dix ans, le pays a connu une forte croissance économique soutenue. Le budget 2009 - 2010 a montré une croissance économique réelle de 9,4 % sur l'année fiscale 2008 - 2009, que l'on peut comparer au 10,2  % obtenu en 2007-2008.[1]. D'après les données officielles, le Produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 6,7 % sur l'année fiscale 2008-2009, soit une diminution par rapport à l'année 2007-2008, où la croissance a été de 8,3 % (voir graphique 1). De toutes façons, au vu de la crise économique mondiale, cette croissance a été remarquable, et peut s’attribuer à la diversification des secteurs de l'exportation et des services.[2]

Malgré une forte croissance de la demande d’utilisation des TIC, favorisant le développement économique soutenu de l'Ouganda, il est impératif d´apporter en complément à ces technologies, des plans, des stratégies et des programmes de réduction de la pauvreté et de promotion du développement social.

Contexte des TIC

À un niveau mondial, les pays ont fait d'importants progrès pour l'intégration des TIC dans leurs priorités de développement. L'Ouganda a énormément progressé suite à l’implantation des stratégies de TIC du pays. Les réussites incluent la création de la Commission des communications de l'Ouganda en 1997, la formulation d'une politique de TIC en 2003 et la création d'un ministère des Technologies de l'information et de la communication dûment qualifié en 2006. Le secteur des services inclus dans les TIC a augmenté de 31,2 % sur l'année fiscale 2005 - 2006 à 33,3 % en 2006 - 2007, renversant ainsi la tendance des trois années fiscales précédentes au cours desquelles le secteur s'était enlisé[3].

Les réseaux de téléphonie mobile, les communications radiales, les services d'informatique, de courrier électronique et d'internet, les services des moyens de communication et l'accès au matériel pédagogique se sont améliorés dans les zones où il y a une bonne infrastructure de télécommunications. Des travaux pour relier tout le pays sont en cours : 1500 km de fibre optique seront posés afin de relier toutes les villes importantes d'Ouganda entre elles et avec le câble sous-marin d'Afrique de l'Est.

Les TIC incluent aussi d'autres avantages tels que de meilleures possibilités pour la Banque Centrale d’épauler le Gouvernement en ce qui concerne les résultats économiques et le contrôle du secteur financier, l'augmentation de l'utilisation des téléphones portables pour les transactions monétaires et la surveillance du blanchiment d'argent et de la falsification de chèques.

Les TIC et la prestation de services sociaux

L'intégration des TIC dans les services sociaux reste insignifiante, surtout dans les secteurs de l'éducation et de la santé. La mise en place de programmes pour l'enseignement primaire universel et l'enseignement secondaire universel, par exemple, ont eu comme résultat en Ouganda, une augmentation des inscriptions dans les écoles et une demande importante de ressources pour le matériel scolaire, les infrastructures, les professeurs et la surveillance du secteur. L'inscription des garçons et des filles  dans l'enseignement primaire est passée de 2,7 millions en 1997 à 7,6 millions d'élèves en 2003[4].

Dans le même temps, les circonscriptions en charge de la planification et de l'élaboration des budgets des secteurs les plus défavorisés ont donné priorité aux TIC dans leurs plans de développement local. Cependant, les investissements pour équiper les écoles d´ordinateurs et de connexions internet n'ont quasiment pas été pris en compte dans les budgets. Les tendances sont similaires pour le secteur de la santé. Une solution serait d'intégrer les TIC dans les prestations de services et d'assigner des ressources substantielles pour l'équipement et le développement des capacités des TIC.

Alors que la politique de libéralisation a stimulé les investissements des TIC en Ouganda, les investisseurs sont plus poussés à s’enrichir plutôt qu'à améliorer la qualité des services. Ces affaires ont principalement touché la téléphonie mobile, la télévision et la radio. Les secteurs de l'éducation et de la santé n'ont pas encore obtenu de bénéfices liés à la prolifération des TIC. La population contribue indirectement au financement de ces investissements par le biais des exonérations d'impôts que le pays accorde aux investisseurs, alors que le Gouvernement doit encore faire face à l'intégration des TIC dans la prestation de services. L'absence de stratégie du Gouvernement pour aborder ce déséquilibre signifie que les services fournis à la population continueront d´ être de mauvaise qualité.

TIC, pauvreté et gouvernance

Si les TIC avaient des chances d'acquérir, de traiter, de sauvegarder et de récupérer de l'information, ainsi que de la diffuser et de la publier, cela donnerait un avantage à ceux qui cherchent à réduire la pauvreté et recherchent une gouvernance responsable. Malgré la volonté affichée du Gouvernement de garantir la diffusion des TIC vers la plupart des Ougandais, deux grandes raisons empêchent certainement le potentiel des TIC à catalyser les énergies créatives en vue de la réduction de la pauvreté et d'une meilleure gouvernance.

La première raison est que les TIC sont peu intégrées aux stratégies de réduction de la pauvreté. La pauvreté en Ouganda est plus sévère au sein de la population rurale que dans la population urbaine. L'intervention limitée du Gouvernement dans la régulation des prix liée aux TIC – par exemple pour les téléphones portables – enracine la pauvreté et provoque une fracture numérique de la population. Même le temps d'antenne à la radio, qui pourrait être utilisé par les plus défavorisés pour transmettre leurs revendications directement aux autorités et aux preneurs de décisions, est très éloigné de ce que la plupart des habitants des zones rurales peuvent se permettre. Le journal ougandais The Monitor a pu observer qu'alors que l'utilisation des téléphones portables a augmenté dans les différents groupes de la population, l'impôt de 12 % reste le plus élevé de la région (10 % actuellement au Kenya et en Tanzanie, 3 % au Rwanda)[5].

Le fait d'intégrer les TIC aux stratégies de réduction de la pauvreté augmenterait le flux d'information entre la population, le Gouvernement et les autres parties intéressées, et réduirait les obstacles à la participation des personnes dans les activités de réduction de la pauvreté.

La deuxième limite est l'utilisation inappropriée des TIC pour améliorer la gouvernance. Les TIC permettent de partager efficacement l'information, sans restrictions. Plusieurs pays avancent à grands pas dans l'application de leurs systèmes de gouvernance électronique afin de simplifier la transparence, la responsabilité et l'efficacité de la gouvernance. Le Gouvernement ougandais souhaiterait transformer le pays en un leader africain dans l'utilisation des TIC pour la gouvernance électronique. Les TIC et la gouvernance électronique permettent de garantir l'efficacité de l'utilisation des ressources et l'amélioration de la gouvernance. D'immenses économies seraient réalisées si les TIC étaient utilisées efficacement, par exemple pour consulter le public sur des thèmes d'importance nationale afin de respecter ses droits démocratiques et pour suivre l'exercice du Gouvernement et de ceux qui y sont rattachés, dans tous les secteurs. L'intégration des politiques de développement des TIC créerait une base solide pour une gouvernance électronique efficace.

Conclusion 

Le Gouvernement a établi une politique afin d'adopter et d'appliquer les TIC dans ses priorités dans le but de garantir une meilleure prestation de services, une meilleure rentabilité et plus d'efficacité dans l'économie ; cela positionnerait le pays en tant que destination pour les investisseurs et rendrait possible la participation de la population à sa propre gouvernance. Un cadre politique a été ainsi constitué, afin de libéraliser le secteur qui a conduit à son expansion, avec un effet multiplicateur évident pour l'économie et les plus hauts niveaux d'interaction scientifique, pédagogique, politique, sociale et culturelle.

Cependant, les avantages en matière de connaissance et les avantages associatifs inhérents aux TIC se situent toujours à un niveau très bas. L'Ouganda  pourra  récolter les larges bénéfices de l'adoption et de l'application des TIC seulement en assumant le fait que leur entière mise en pratique doit prendre en compte les stratégies de réduction de la pauvreté, les investissements en développement humain, l'attribution de pouvoirs et la promotion d'une gouvernance responsable, transparente et efficace.

[1] Ministère des Finances, de la planification et du développement économique, Background to the Budget, 2009/2010, Kampala, 2009, 6. Disponible sur : <www.finance.go.ug/docs/BTTB09-10.pdf>.

[2] Ibid.

[3] Commission des Communications de l'Ouganda, A Review of The Postal and Telecommunications Sector, June 2006 - June 2007. Disponible sur : <www.ucc.co.ug/endOfFYReview0607.pdf>.
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[4] Antonie de Kemp, Analysing the Effectiveness of Sector Support: Primary Education in Uganda and Zambia, NONIE WORKING PAPER Nº 5, janvier 2008 Consulter : <www.worldbank.org/ieg/nonie/docs/WP5_deKemp.pdf>.

[5] The Daily Monitor, 4 mars 2009.


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