BÉNIN

La société civile à l´avant-garde

SW Bénin

La crise, aux origines multiples, a eu différentes répercussions sur la productivité et sur l´économie béninoise, augmentant la vulnérabilité de la population principalement la plus pauvre.  La société civile a agi en tant que partenaire  en liaison avec le gouvernement pour la mise en place de mesures de lutte contre la crise, tout en favorisant entre autres, la révolution verte, l´alimentation scolaire indiscriminée, l´investissement dans la recherche, dans le secteur agricole et sur le changement climatique, ainsi que dans le transfert de technologie.

La crise, aux origines multiples, a eu différents types de répercussions sur la  productivité et l´économie béninoises, augmentant la vulnérabilité des villages et des hameaux, surtout pour les plus pauvres. Les marges de manœuvre se sont déjà réduites et les ressources pour le financement des petites et moyennes entreprises, l´aide publique au développement et les flux d´investissements étrangers directs pourraient également se réduire.

Le président Yayi Boni, banquier de son métier, a exprimé son indignation quand le président sortant des États-Unis, George Bush, a cherché à atténuer la crise financière américaine en mettant à la disposition des grandes banques en faillite de son pays 710 milliards d’USD, une mesure imitée par l´Europe, qui dans le même but a injecté plus de 1,3 billions d’EUR (1,7 trillions d’USD). Boni s´est demandé d´où Bush pouvait obtenir cet argent et il a déclaré qu´en fin de compte ce seraient les pays pauvres qui allaient finir par payer le prix de la crise. Il a appelé à une meilleure gouvernance mondiale et à une réforme des Nations Unies comprenant deux sièges pour l´Afrique au Conseil de Sécurité1.

Crise financière et alimentaire
Au Bénin, le panier de la ménagère est hors de portée de la population, le transport des denrées alimentaires provenant des zones rurales vers les villes est devenu rare et le coût des matériaux pour la construction a augmenté. Un certain nombre de projets de construction ont été arrêtés, y compris des travaux publics. L’État a dû faire usage de son pouvoir pour acquérir les matériaux de construction et continuer les chantiers les plus importants, au détriment de ceux des populations rurales, principalement les plus pauvres. Ces populations-là ont été obligées d’épuiser leurs ressources économiques et elles ne peuvent plus investir dans l´éducation et les soins de santé de leurs familles.

La hausse du prix du pétrole, le développement des agro-carburants et la spéculation internationale ont mené le monde entier et surtout l´Afrique, à une crise sans précédent en 2008. Le Bénin s´est vu frappé par une hausse généralisée du prix des produits de base. Celui du maïs par exemple, le produit le plus consommé, a grimpé à 220 %. La crise actuelle se fait sentir encore davantage en raison de l´ajustement des prix et de la rareté des produits locaux. La basse productivité agricole et la demande croissante ont débouché sur une surenchère des produits alimentaires locaux entravant l´arrivée de vivres dans les foyers, principalement les plus vulnérables.

Les mesures de l´État

De même qu´en 2008, le Gouvernement a réagi par des détaxes fiscales et en créant des réserves alimentaires à travers le Bureau National pour la Sécurité Alimentaire, d´un stock bouchon (stock temporaire, utilisé comme une marge de réserve). Ces mesures-là ont permis d´atténuer en partie les effets de la crise en 2008, bien qu´elles aient surtout enrichi les commerçants qui ont continué à vendre cher et qui ont obtenu d´importants bénéfices payés finalement par les consommateurs et par l´État.
 
Le Gouvernement a aussi supprimé la TVA et a subventionné certains produits alimentaires (le riz, le lait et le sucre par exemple de 25 %). Le contrôle des prix a été instauré, ainsi qu´une campagne de sensibilisation sur tout le territoire national. Le Bureau National pour la Sécurité Alimentaire a choisi des commerces-témoin dans 77 municipalités du pays, et un Comité de gestion du coût de la vie a été créé, décentralisé en Comités départementaux et communaux. Le pays a été favorisé en plus par d´importantes subventions pour les céréales (riz et maïs) et pour le sucre provenant de la Lybie et des pays du Golfe.

Malgré ces mesures-là, les consommateurs les plus pauvres et les plus vulnérables ont toujours du mal à avoir accès aux aliments, sans vraiment voir les bénéfices des subventions. Les Comités mentionnés fonctionnent très peu en raison du peu de fonds disponibles pourtant promis par l´État au moment de leur création. Pour le long terme, deux programmes ont été préparés et appliqués : le Programme Urgent de Soutien à la Sécurité Alimentaire, avec un coût total d´environ 128 millions d’USD et le Programme de Diversification Agricole pour la Valorisation des Vallées qui compte environ sur 20,5 millions d’USD.

Le rôle de la société civile

Les campagnes d´interpellation du Gouvernement par rapport au coût de la vie ont été organisées à travers les organisations de la société civile. Les associations des consommateurs ont accompagné l´État pour une supervision stratégique permanente de l´évolution des prix et ont aidé à élaborer des propositions, au moyen de leur participation dans les travaux des comités de gestion du coût de la vie, la publication de communiqués de presse et l´organisation de conférences de presse.

La crise énergétique

La hausse du prix du pétrole a fait que les populations, habituées à l´utilisation du carburant « kpayo » (frelaté) en aient augmenté la consommation. La fréquentation des stations officielles de produits dérivés du pétrole est rare, ayant pour conséquence une réduction des revenus de l´État.
 
D´autre part, en 2002 les résultats du recensement général de population et de logement (RGPH-3) ont mis en évidence que seul un peu plus d´un foyer sur 5 (22,4 %) a accès à un service public d´électricité. L´éclairage à pétrole prévaut donc dans 77 % des foyers.  Tout semble indiquer que le Bénin n´a tiré aucune leçon de la crise précédente. Après avoir laissé passer un an en attente d´une solution venant de l´étranger – en particulier l´interconnexion entre la Transmission Company of Nigeria et la Communauté Électrique du Bénin – le pays s´est enfin engagé à acheter des turbines à gaz, un engagement qui ne s’est pas encore transformé en réalité.

Pendant ce temps, les activités de la population en général sont paralysées, surtout celles des industries et des micro-entreprises, provoquant la hausse du prix du ciment, l´interruption de la distribution d´eau potable, les pannes fréquentes des appareils (électroménagers, informatiques, etc.) dans les villages, l´impossibilité pour les entrepreneurs de tenir leurs engagements face aux institutions financières et la réduction de la performance dans les administrations publiques et privées.

Pendant longtemps, l´État a subventionné le prix du pétrole, jusqu´à ce qu´il se soit déclaré « désarmé » par le poids de cette subvention sur le budget. Après la chute du prix du pétrole, l´État a renoncé à ses recettes, vendant au prix coûtant afin de décourager la vente informelle du kpayo, car ce carburant est nuisible pour les populations.

Après les engagements de la Communauté Économique des Etats de l´Afrique Occidentale (CEDEAO), lors des sommets de décembre 2001 et de janvier 2002, pour instaurer un système d´échange d´énergie électrique répondant à la demande croissante de la région, les états membres ont créé le Projet d´Interconnexion Électrique 330kV Ghana-Togo-Bénin. Ce projet exige un énorme investissement financier. Il a été conçu pour favoriser la commercialisation de l´électricité, améliorer son approvisionnement, aider à réduire les coûts de production et combler le déficit dans les centrales hydroélectriques pendant les périodes de sécheresse.

D´autre part, dans le cadre de la Stratégie de Réduction de la Pauvreté Croissante (SCRP), le Gouvernement a entamé des réformes dans le secteur de l´électricité qui devraient à long terme, accroître l´efficacité de sa gestion pour permettre une distribution satisfaisante en qualité et en quantité. Il a aussi concédé des avantages fiscaux aux opérateurs privés pour les encourager à se doter d´unités de production de la Société Béninoise d´Énergie Électrique (SBEE).

Crise climatique

La crise climatique se manifeste au Bénin par une plus large variation des pluies, une réduction de la pluviosité par rapport à la moyenne annuelle (réduction prévue de 15 % jusqu´en 2025) dans le nord ouest du pays, une plus fréquente récurrence de phénomènes extrêmes comme de fortes pluies et des orages, une réduction de la saison des pluies, du retard et de l´irrégularité pour le début des pluies, une augmentation à long terme de la température moyenne (+1 à +2 jusqu´à la fin du XXIe siècle). Tout cela retombe sur l´agriculture, les ressources aquifères, les écosystèmes lacustres du Bas-Bénin, le littoral, les parcs et les réserves naturelles du pays. Les trois quarts de la ville de Grand-Popo sont déjà couverts par la mer. La capitale Cotonou, à l´est du port, est en pleine érosion. Pour 2035-2050, des scénarios sont prévus où l´érosion atteindra 40 cm.
 
Des impacts sur la biodiversité sont également prévisibles : une diminution sensible des précipitations au nord du huitième parallèle modifiera sensiblement le rythme des échanges de nappes (réduction de 20 à 40 %) et la surexploitation des réserves d´eau du plateau de Calavi augmentera l´intrusion saline.

Les projections prévoient que pour 2025, 52 % des Béninois vivront dans les villes (37 % actuellement). Il est nécessaire, dès maintenant, de revoir les moyens de transport urbain et la consommation d´énergie afin de diminuer leur effet polluant. D´autre part, le changement climatique aura une retombée directe sur la production rurale. On prévoit que la production du riz se réduira de 25 % et celle du niébé de 15 %, alors que l´igname, aliment de base au Bénin central, augmenterait de 4 % pour 2050. Avec ce scénario, entre 50 et 60 % des populations du Bénin méridional seraient soumises à l´insécurité alimentaire alors que dans la zone centrale du pays le pourcentage se situerait entre 25,9 et 33 %.

Pour ce qui est des stratégies, en vue d´une adaptation au changement climatique de l´exploitation durable des bassins versants du Nord Ouest, le Gouvernement avec le soutien de la Coopération Technique Allemande, a entamé le projet-pilote du ProCGRN. Les axes d´intervention de ce projet sont les suivants :

  1. Sensibilisation des groupes cibles aux changements climatiques, aux effets sur leurs conditions de vie et sur les mesures d´adaptation.
  2. Gestion intégrale des bassins versants pour une réduction de l´érosion et pour une meilleure infiltration de l´eau.
  3. Amélioration de la disponibilité d´eau potable et de ressources hydriques pour l´agriculture.
  4. Diffusion des résultats obtenus.

Le Bénin a d´autre part élaboré son Programme d´Action Nationale pour l´Adaptation au changement climatique (PANA). Lors de la mise en place des activités prévues dans le programme, le pays a reçu  une aide de 3,1 milliards d’USD du Fonds pour l´Environnement Mondial. Dans le cadre de la 15ème réunion du groupe d´experts des Pays les Moins Avancés (PMA) de mars 2009, les participants ont discuté du changement climatique et ont cherché à garantir le succès de l´application des mesures prioritaires, immédiates et urgentes établies dans les PANA sur le sujet. En décembre 2008, il s´est alors avéré que 39 PMA sur 48 avaient fini la préparation de leur PANA mais qu´à ce moment-là, seul le Boutan avait commencé à mettre en place sa première mesure d´adaptation. Cela montre la difficulté et la complexité qui existe pour appliquer les mesures prioritaires d´adaptation. D´après le Ministre béninois de l´Environnement et de Protection de la Nature, Justin Adanmayi, l´un des points critiques pour l´application du PANA c´est l´accès aux ressources du fonds PMA, la mobilisation des financements complémentaires nécessaires et surtout la contrepartie nationale pour garantir la réalisation in situ des activités d´adaptation.

La société civile a fait des campagnes de sensibilisation dans différents villages sur la dégradation des formations de mangroves qui réduisent considérablement la productivité des lacs et menacent leurs écosystèmes.

Recommandations

Crise alimentaire

  1. Faire face, à court terme, aux besoins alimentaires urgents pour prévenir la malnutrition.
  2. Mettre en oeuvre la révolution verte au Bénin afin de doubler les performances agricoles, renforcer la croissance économique et combattre la faim.
  3. Appliquer des programmes d´alimentation scolaire au niveau national, au moyen de produits alimentaires de production locale et essayer de couvrir les besoins en oligoéléments par des programmes nationaux de nutrition.
  4. Investir davantage dans la recherche agricole, principalement pour les cultures et l´élevage intensif, les techniques de production agricole durable, le contrôle de l´eau, et aussi les retombées prévisibles du changement climatique.
  5. Promouvoir la production, la transformation et la consommation d´aliments locaux à forte valeur nutritionnelle.
  6. Encourager les populations défavorisées à devenir économiquement actives à travers les AGR [sigle en français : Activités Génératrices de Revenus] et le développement de micro-financements.

 

Crise climatique

  1. Renforcer les compétences des protagonistes et des responsables au niveau national, départemental et communal.
  2.  Intégrer la problématique du changement climatique aux stratégies et aux plans d´action à différents niveaux.
  3. Intégrer le sujet du changement climatique aux programmes d´études de l´enseignement primaire, secondaire et supérieur.
  4. Soutenir les ONG, véritables instruments de liaison entre les structures gouvernementales et les communautés de base.
  5. Entamer des recherches profondes sur des sujets de transfert de technologie et de mise en valeur des connaissances locales, en vue de l´adaptation aux effets nuisibles du changement climatique.

 

1 Voir: <www.togocity.com/article.php3?id_article=3138>.