Sans aide, pas de développement

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Social Watch Bénin

Les difficultés de développement se sont aggravées en raison de la crise financière internationale. L’impact sur les pays donateurs a déterminé une diminution du volume de l’aide publique et des investissements directs, et a donné lieu à des retraits massifs de capitaux de la part des investisseurs étrangers. Le pays doit prendre des mesures pour contrôler les mouvements de capitaux et promouvoir les investissements étrangers à son avantage. Le respect des droits humains est un impératif du développement et doit devenir une fin en soi.

Les organisations de la société civile qui composent Social Watch (SW) Bénin et les autorités du Gouvernement[1] sont radicalement opposés à un système économique et financier prédateur et inégal. On estime que les perturbations des marchés financiers internationaux exigent une surveillance plus efficace au niveau mondial et l’application de mesures préventives pour protéger l’économie mondiale.

Le Fonds monétaire international (FMI), qui garantit la surveillance de la stabilité de l’échange de devises, a fonctionné de façon non équitable et au détriment des économies les plus pauvres. Comme tant d’autres pays africains, le Bénin a beaucoup souffert du dysfonctionnement de cette institution financière. Le rééquilibrage des voix et du pouvoir de décision des pays les plus pauvres contribuera à atténuer l’inégalité qui caractérise le fonctionnement des institutions de Bretton Woods et permettra désormais de sanctionner les pays qui provoquent les déséquilibres et les crises.

Le principe « un dollar, un vote » pour la prise de décision au sein de la Banque mondiale et du FMI, est antidémocratique[2]. Les citoyens du Bénin recommandent fermement que la communauté internationale opte pour une norme plus démocratique basée sur la formule « un pays, une voix » permettant ainsi à la société civile de s’engager activement.

Le scepticisme de SW Bénin concernant les recommandations et les engagements (minimaux) assumés lors du sommet du G-20 à Pittsburgh relatifs à la réforme de l’architecture financière mondiale en septembre 2009 est dû au manque de courage pour affronter les causes responsables de la crise financière. SW Bénin exige l’humanisation de l’architecture financière internationale et une plus stricte supervision citoyenne des institutions financières internationales.

Le financement pour le développement

En 2009 et 2010, la crise financière mondiale a diminué les remises de fonds et les Investissements directs étrangers (IDE) au Bénin. Aujourd’hui, « le poids des investissements directs étrangers reste faible. Les IDE, qui maintiennent une évolution irrégulière au cours de ces dernières années, ont seulement permis de mobiliser, en moyenne, environ 30 milliards de francs CFA (USD 60 millions) par an qui ont profité principalement à l’industrie. À court et moyen termes, les effets de la crise dans ce domaine n’affecteront que faiblement la population »[3].

D’autre part, déjà avant la crise, les IDE n’ont pas bénéficié à l’économie béninoise en raison de retraits massifs et systématiques des capitaux et des gains réalisés par certains investisseurs étrangers qui ont envoyé ces fonds à leur société mère ou à leurs pays d’origine. Il y a des investisseurs qui ne déposent  ni dans la Banque centrale ni dans les banques locales. Par ailleurs, il existe des exonérations qui élargissent les avantages d’exemption fiscale sur les revenus des opérateurs économiques. Cela est assez révélateur de la relation trompeuse du Bénin avec les investisseurs étrangers car le pays ne reçoit aucun bénéfice concret. Le Bénin doit adopter des mesures de restriction (par exemple, le contrôle des mouvements de capitaux) afin de pouvoir tirer profit des investissements étrangers.

L’impact de la dette extérieure

Bien que la dette extérieure du pays soit bien en dessous de la norme dans l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), « le niveau d’endettement reste un fardeau qui empêche le développement de l’économie nationale »[4]. La dette extérieure est passée de USD 539 millions  en 2006 à USD 846 millions en 2008. Cette situation est aggravée par l’augmentation de la dette intérieure, qui était d’environ USD 7 millions en 2005 et de USD 608 millions en 2008. Le service de la dette publique a atteint USD 91 millions en 2008[5].

La baisse de la dette extérieure en 2006 est principalement due à des remises de dettes qui ont eu lieu dans le cadre de l’Initiative pour les Pays pauvres très endettés (IPPTE) et de l’Initiative pour l’allégement de la dette multilatérale (IADM). En effet, l’IADM a permis au Bénin d’obtenir un allégement de sa dette multilatérale d’environ USD 1,1 milliard, étalé sur une période de 50 ans à partir de 2006.

Les ressources IPPTE ont été destinées à quatre secteurs prioritaires : la santé, l’accès à l’eau potable, l’éducation et la solution du problème de l’isolement rural. Dans un rapport sur le profil social national, édition 2005, appelée  "La IPPME et la réduction de la pauvreté", l’Observatoire du changement social souligne que la contribution des ressources de secours est encore faible par rapport aux besoins de financement des secteurs sociaux. Ces ressources représentent moins de 20 % du budget annuel des quatre secteurs prioritaires étudiés et seulement 2 % du budget général de l’État.

L’aide étrangère

L’aide publique pour le développement que reçoit le Bénin consiste essentiellement en un soutien budgétaire. Les pourcentages des ressources extérieures mobilisées pour couvrir le déficit budgétaire de l’État en 2005, 2006, 2007 et 2008 représentent respectivement 12 %, 13 %, 15 % et 16 % des recettes propres du pays[6]. En 2009 il a été impossible de mobiliser 27 % de l’aide budgétaire prévu.

La prévision de ressources extérieures est passée de USD 661 millions en 2009 à USD 507 millions en 2010, une baisse due principalement à la crise financière qui touche la majorité des pays donateurs et les organismes de financement concernés ou au délai relativement long qui s’est écoulé jusqu’à l’entrée en vigueur des accords de financement. Les aides budgétaires estimées, qui consistent principalement en un soutien indirect du FMI au budget, ont subi une forte baisse (57,5 %) en 2010[7].

D’autre part, jusqu’au 30 juin 2009, les ressources extérieures mobilisées avaient atteint USD 150 millions pour une prévision annuelle de USD 645 millions, c’est-à-dire, un taux de réalisation de seulement 23,2 % à mi-chemin de la gestion[8].

Le Bénin peut-il financer son propre développement ?

Les enjeux liés au développement du Bénin sont de telle envergure qu’il est impossible d’envisager un processus autarcique : « la réalisation des OMD risque d’induire une augmentation significative des dépenses publiques. Ainsi, au cours de la période 2007-2015, les besoins du Bénin ont été estimés à USD 11,5 milliards. Pour la réalisation des OMD, sur les USD 758 millions nécessaires en 2007, les dépenses atteindraient environ USD 1,92 milliard en 2015, ce qui correspond à une moyenne annuelle de USD 1,27 milliard »[9].

Pour réaliser les OMD il est essentiel de mobiliser de plus en plus de ressources, qu’elles soient extérieures ou intérieures. L’engagement du Gouvernement ne sera possible que si le secteur privé et la société civile sont étroitement associés dans l’effort visant à mobiliser et à gérer correctement les ressources.

D’autre part, la situation des finances publiques est globalement déficitaire. Le budget général de l’État, gestion 2010, prévoit un déficit global de 7,2 % du PIB, avec un déficit de la balance budgétaire de 2 % du PIB, ce qui veut dire que le Bénin ne serait pas en mesure de respecter le critère budgétaire du Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité, auquel adhèrent les États membres de l’UEMAO. Dans ce contexte, le Bénin ne pourra pas financer son développement sans aide étrangère.

Les questions de genre et le financement du développement

Le Bénin a élaboré son document de Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté (SCRP) 2007-2009[10] en incorporant pour la première fois les questions de genre dans les différents sujets traités. L’inclusion des questions de genre vise, d’une part, à corriger les lacunes apparentes dans le premier document de Stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) 2003-2005[11] et, d’autre part, à assurer la durabilité des résultats attendus par le document SCRP actuel. Ainsi, toutes les actions proposées, depuis la préparation des programmes sectoriels, ont l’ambition de satisfaire les besoins spécifiques des hommes et des femmes.

Une expérience innovatrice visant à inclure l’égalité des sexes dans la SCRP de Bénin est encadrée par la coopération danoise et suisse, soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement à travers le Programme de soutien pour le renforcement de l’étude sur le genre dans les Politiques et les stratégies de croissance pour réduire la Pauvreté (PSREGP/ SCRP). Grâce à ce programme, la perspective de genre est clairement exprimée dans le financement pour le développement du Bénin. Le programme est mis en œuvre par le ministère de la Famille et par d’autres acteurs nationaux avec le soutien technique et financier des alliances pour le développement à travers un financement conjoint cherchant l’alignement, l’harmonisation et l’appropriation dans l’esprit de la Déclaration de Paris. Toutes les actions proposées priorisent la synergie entre tous les acteurs concernés.

Quelques résultats obtenus :

  • L’inscription de la section de genre dans les Révisions annuelles et conjointes de la SCRP dont le mémorandum a été extrait de la synthèse des points de mise en œuvre des actions de genre sectorielles et de leurs progrès.
  • Processus d’élaboration de la Politique nationale de promotion du genre en cours, réalisé avec le soutien des Alliances techniques et financières (ATF) et du Gouvernement, et basé sur l’initiative inscrite dans les PSREGP/ SCRP .
  • La réalisation de l’Étude nationale sur la violence contre les femmes, avec le financement conjoint des ATF.
  • Dans la continuité de l’aide extérieure pour assurer des soins de santé adéquats pour la mère et l’enfant, le Gouvernement béninois a renforcé la mise en œuvre de la gratuité de la césarienne et des soins médicaux pour les enfants jusqu’à l’âge de 5 ans[12].

Le rôle de la société civile

Le rôle des organisations de la société civile consiste essentiellement à essayer d’éduquer et d’informer le public, à renforcer la capacité de gestion et d’organisation, à assurer le relais et l’intermédiation, à participer au dialogue et à fournir des services à la population. Ces organisations contribuent ainsi au développement dans tous les secteurs de la vie publique, y compris l’éducation, la santé, l’eau et l’assainissement, l’agriculture, l’environnement, les services financiers, la promotion et la défense des droits économiques, sociaux et culturels, l’émancipation des femmes, la promotion de la bonne gouvernance, la reddition de comptes, la lecture et l’analyse des budgets et le suivi des politiques de développement.

Le domaine le plus important pour les organisations béninoises de la société civile est le respect des droits humains, notamment en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels. Il faut aller au-delà des OMD et s’attaquer à la vulnérabilité de la population concernant les violations de leurs droits. La mise en exergue de l’importance fondamentale des droits humains est un impératif pour tous les modèles de développement ; chaque aspect particulier de ces droits doit devenir un objectif en lui- même.

[1] « Les perturbations des marchés financiers et bancaires induisent en effet des conséquences économiques qui anéantiront les efforts de développement des pays pauvres. Leur marge de manœuvre en matière de gestion de la politique économique pourrait se réduire, en raison de la diminution attendue des ressources pour le financement des petites et moyennes entreprises, de la réduction des crédits à l’économie, de la baisse probable des cours des matières premières ainsi que de la réduction prévisible de l’aide publique au développement et des flux d’investissements directs étrangers ». (extrait de la lettre du Président du Bénin Boni Yayi au Président français Nicolas Sarkozy, 28 octobre 2008). Disponible en français sur : <www.afrik.com/article15550.html>.

[2] Les États-Unis détiennent 17,35 % des voix, leur donnant le droit de veto, car pour modifier la Charte du FMI et de la Banque mondiale, 85 % des voix sont nécessaires. En revanche, 22 pays africains partagent 1,17 % des voix.

[3] Commission nationale de gestion de l’impact de la crise financière et économique internationale sur le développement économique et social du Bénin, "Impact de la crise financière et économique mondiale sur le développement économique et social de Bénin" (mai 2009).

[4] Ministère de l’Économie, prévision, développement et évaluation de l’action publique, Stratégie nationale pour la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, (2007), p. 35. Disponible en français sur : <www.undp.org.bj/docs/omd/plaidoyer_omd.pdf>.

[5] Assemblée Nationale, "Loi des finances", gestion 2010.

[6] Assemblée Générale, "Loi de finances", gestions 2005, 2006, 2007, 2008 ; Commission nationale de gestion de l’impact de la crise financière et économique internationale sur le développement économique et social du Bénin, op. cit., p. 73.

[7] SW Bénin, Document d’analyse et rapport de la loi de finances, gestion 2010, p. 19.

[8] Ibid.

[9]Ministère de l’Économie, prévision, développement et évaluation de l’action publique, p. 13.

[10] Disponible en français.

[11] Commission nationale pour le développement et la lutte contre la pauvreté, Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté en Bénin 2003 - 2005, (décembre 2002). Disponible en français.

[12] SW Bénin, Rapport alternatif 2009 des organisations de la société civile pour les Objectifs du millénaire pour le développement au Bénin, p. 57.