Progrès inégal

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Equipo Pueblo[1]
Areli Sandoval Terán
Adhésion : Espace DESC

Suivant la version officielle, le Mexique se trouve sur la bonne voie pour assurer les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2015. Cependant, même si on constate des progrès dans les secteurs de la santé, l’éducation et la réduction de l´extrême pauvreté, il reste encore pas mal d’enjeux à surmonter, à savoir l’inégalité entre les régions qui, par exemple, met en évidence un District Fédéral ayant des taux de développement comparables à ceux des pays européens alors que les états du sud montrent des valeurs semblables à celles des régions les plus pauvres du monde. On a besoin d’une gestion publique adéquate, qui s’occupe des véritables priorités.                                                                                       

Jusqu’au premier semestre 2010, l’information officielle sur l'accomplissement des OMD au Mexique n’était pas mise à jour ; le dernier Rapport des Progrès disponible correspondait  à l’année 2006[2]. Sur la base de l’Enquête sur la Population et le Logement 2005 et d’autres enquêtes de la même année concernant les revenus, les dépenses, l’emploi, la nutrition et la santé, le Gouvernement fédéral de l’époque soulignait les progrès obtenus depuis 1990 sur les volets suivants : réduction de l´extrême pauvreté, réduction de l’analphabétisme, diminution de l’incidence du VIH/SIDA, du paludisme et de la tuberculose, réduction de la mortalité maternelle, amélioration de l’égalité entre les sexes à l’école, et l’accès des familles aux services d’eau potable et d’égouts.

Le rapport signale que certains volets n’ont pas été abordés depuis des années. Par exemple, le manque d’attention vis-à-vis des aspects environnementaux des politiques de développement et le manque d’une politique sociale intégrale dont les programmes n’ont pas été articulés et qui ne prévoient pas non plus d’actions de protection sociale, notamment pour réduire le chômage et d’autres risques collectifs. Le rapport a mis également en évidence que la plus grande partie du budget et des programmes concernait la population employée dans le secteur formel de l’économie et que l’exclusion sociale mettait en risque la consolidation de la démocratie.

Le rapport des Progrès 2006 contient aussi l’évaluation de certains objectifs et d’indicateurs supplémentaires étant considérés plus appropriés et pertinents pour le Mexique en tant que pays aux revenus moyens. Par exemple, en ce qui concerne  l’Objectif 1 qui vise à éradiquer l´ extrême pauvreté et la faim, et sa Cible 1 de « réduire de moitié entre 1990 et 2015 le nombre de personnes dont les revenus n’atteignent pas un dollar par jour », le Gouvernement considère que le pays est sur la bonne voie. Mais compte tenu de l’indicateur de la population ayant des revenus per capita de moins d'un dollar par jour, une nouvelle cible a été ajoutée « au-delà des Objectifs du millénaire », qui consiste à réduire de moitié, entre 1990 et 2015 la proportion de personnes qui souffrent de pauvreté alimentaire, aussi bien en milieu urbain que rural[3].

Inégalité  

Un autre enjeu, l’un des plus importants pour le Mexique, est celui ayant trait à l’inégalité. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui depuis 2002 a élaboré des rapports sur le Développement humain au Mexique a enregistré d’énormes différences entre les régions et les 32 entités fédératives du pays en matière de santé, d’éducation et de revenu, bien que le Mexique occupe une place parmi les pays de plus haut niveau suivant l'Indice de développement humain (IDH).

Le nord-ouest du pays est la zone où l’IDH est le plus élevé ;  on trouve là par exemple l’État de Nuevo León qui occupe la deuxième place de l'IHD pour le Mexique et qui, avec le District Fédéral, s'approche de l'IDH de certains pays européens. D’autre part, la région sud du pays présente l’IDH le plus faible : on trouve ici Chiapas, qui  se trouve à la dernière place (32) et qui, avec Oaxaca, ne dépassent pas les indices des territoires occupés de Palestine. Parmi les causes de cette inégalité, le PNUD mentionne la précarité de l’investissement et les obstacles affrontés par la gestion publique au niveau local freinant l’exercice des droits et des libertés individuelles. L’inégalité régionale devient manifeste à partir du phénomène de la migration interne et externe. En fait, les différences régionales sont telles « qu’il y a des zones où l’on peut accéder à une meilleure condition de vie que celle du lieu d'origine »[4].

Pauvreté

Si l’on considère le Rapport Exécutif pour le Diagnostic du Plan national de Développement 2007-2012 préparé par le Conseil National d’Évaluation de la Politique de Développement Social (CONEVAL)[5], nous trouvons une situation similaire dans les entités fédératives de Chiapas et Nuevo León. Le tableau suivant présente les estimations de l’incidence sur la pauvreté alimentaire, sur la pauvreté des capacités et sur la pauvreté du patrimoine[6] pour les deux cas.

Entre 2006 et 2009, le CONEVAL, dans le but de faire une mesure plus appropriée vis-à-vis des dispositions de la Loi générale de développement social, a élaboré une nouvelle méthodologie de mesure multidimensionnelle de la pauvreté en tenant compte non seulement des critères concernant le revenu mais aussi l´analyse du contexte de territoire et de droits, déterminant ainsi de nouvelles lignes de bien-être et bien-être minimum et adoptant des critères spécifiques comme les indicateurs de carence sociale qui identifient des éléments essentiels de certains droits sociaux. Suivant cette nouvelle approche, « une personne se trouve en situation de pauvreté multidimensionnelle lorsqu’au moins un de ses droits pour le développement social n’est pas assuré et si ses revenus sont insuffisants pour acquérir les biens et les services nécessaires pour satisfaire ses besoins »[7].

Les chiffres du CONEVAL sur la pauvreté multidimensionnelle au niveau national et le comparatif entre les entités fédératives choisies pour illustrer l’inégalité au Mexique sont présentés dans le tableau suivant.

Stratégie de financement pour le développement

Face au paysage social que nous venons de présenter et au contexte national et mondial de crise économique il s’avère également nécessaire que l'État mexicain se consacre à appliquer les ressources. Suivant l’analyse du Centre d’analyses et de recherche FUNDAR sur le quatrième rapport trimestriel du Secrétariat du trésor et du crédit public pour l’exercice du budget 2009, le Gouvernement fédéral a connu un échec au moment de canaliser des ressources de manière effective et efficace pour la relance de l’économie et la protection de la population, aussi bien lors du planning que lors de l’exécution. Ce rapport met en évidence que les ressources indispensables pour la protection sociale ont diminué, alors que les dépenses qui favorisent la bureaucratie ont augmenté. La tendance à sous-exploiter les ressources dans des secrétariats clés a continué jusqu’en décembre (avec des sous-exploitations importantes dans des programmes pour combattre la pauvreté et des projets d’infrastructure)[8].  Voici quelques-unes des données les plus importantes de cette analyse :

  • Les dépenses en infrastructure pour le développement social ont diminué globalement de 14,5 % en termes réels en comparaison avec l’an 2008 ; les réductions en investissements physiques dans le volet de l’urbanisation, le logement et le développement régional (21,4 %) ainsi que celui de l’assistance sociale (56,7 %) sont à signaler spécialement. 
  • Pendant le dernier trimestre 2009, les salaires contractuels à juridiction fédérale ont eu une augmentation annuelle de 4,1 % en termes nominaux, notamment dans les secteurs de la souveraineté, l’ordre, la sécurité et la justice ; pendant le bimestre octobre-novembre 2009 les rémunérations réelles par personne occupée dans le secteur des manufactures ont eu une réduction annuelle de 0,6 % : les salaires payés aux ouvriers et aux employés administratifs ont diminué de 2,1 % et 0,8 % respectivement.
  • Sur les 75 programmes de la description du progrès d’exécution budgétaire annuelle, seulement 24 ont progressé de 100 % dans leurs budgets, alors que 23 programmes ont exécuté plus de 100 % des allocations originales. Cela veut dire que seulement 32 % de tous les programmes prioritaires ont exécuté leurs budgets à temps. Les 26 programmes restants ont exécuté moins de 90 % de leur budget original.      Voici les programmes n’ayant pas été complétés au troisième trimestre 2009 : a) programme pour prolonger l’infrastructure d’irrigation avec seulement 33,2 % de progrès ; b) projets d’infrastructure économique d’eau potable, égouts et assainissement avec 39,5 % de progrès ; c) programme de soutien alimentaire administré par Diconsa avec 69,6 % ; d) chemins ruraux avec 73,5 % ; e) le composant éducation du Programme d’opportunités avec 79,5 % de progrès ; f) prestation de soins à la santé aux différents niveaux avec 85,2 % ; g) programme d’eau potable, égouts et assainissement dans les zones urbaines avec 86,4 %.

 

Cela signifie que des MXN 188.395 (USD 14.8 milliards) approuvés pour les principaux programmes contre la pauvreté, USD 1.32 milliard  n’ont pas été utilisés. Le pire des exemples pour ces ressources sous-exécutées est celui du Programme de soutien alimentaire administré par Diconsa S.A. de C.V. (une entreprise consacrée au développement social avec la participation majoritaire de l’État), le programme de soutien à l’emploi et le programme jeune entrepreneur rural et fonds des terres, où le sous-exercice a été de 30 %, 38 % et 56 % respectivement. Quant aux sous-exercices des secrétariats clés, il faut signaler le Secrétariat de la Santé qui n’est pas arrivé à dépenser USD 784 millions (comparé avec le budget modifié au mois de décembre 2009) et le Secrétariat de Développement social qui a sous-exécuté USD 306 millions.

Ces exemples montrent non seulement une gestion publique déficiente au Mexique mais ils mettent également en relief que l’obligation de l’État d’allouer le maximum des ressources disponibles pour la mise en œuvre progressive des droits garantis dans le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels ne peut pas être considérée comme respectée par la seule allocation d’un budget pour le développement social et la lutte contre la pauvreté. Il faut aussi une gestion publique claire et transparente des fonds nécessaires aux besoins vraiment prioritaires. 

[1]   Equipo Pueblo est un  point focal de Social Watch au Mexique et il fait partie de l’Espace DESC, groupe de référence pour Social Watch.

Cabinet de Développement Social et Humain, Les Objectifs de Développement du Millénaire au Mexique : Rapport de progrès 2006. Disponible sur : <www.objetivosdelmilenio.org.mx/PDF/ODM%202006.pdf>.

[3] Il faut souligner que la pauvreté alimentaire est l’un des trois niveaux de pauvreté établis par le Comité technique pour la mesure de la pauvreté (CTMP) en l’an 2002, définie comme l’incapacité d’obtenir un panier alimentaire de base, même si on utilisait tous les revenus disponibles à acheter ces biens indispensables.

[4] PNUD, Rapports sur le Développement Humain au Mexique, 2002, 2004 y 2006-2007. Disponibles sur : <www.undp.org.mx>.

[5] CONEVAL. Rapport Exécutif de la Pauvreté au Mexique, Juin 2007. Disponible sur : <www.coneval.gob.mx>.

[6]     La pauvreté des capacités a été définie par le CTMP comme l’insuffisance du revenu disponible pour acquérir la valeur du panier alimentaire et effectuer les dépenses nécessaires en santé et en éducation, même en allouant la totalité des revenus du foyer à ces fins. La pauvreté du patrimoine a été définie comme l’insuffisance du revenu disponible pour acheter le panier alimentaire, pour faire les dépenses nécessaires en matière de santé, d’ habillement, de logement, de transport et d’éducation, bien que la totalité des revenus du foyer soit destinée exclusivement à acquérir ces biens et services.   

[7] Méthodologie de mesure multidimensionnelle de la pauvreté au Mexique. Disponible sur :
<www.coneval.gob.mx/contenido/med_pobreza/8803.pdf>.

[8] Analyse de FUNDAR sur le 4ème rapport trimestriel de la SHCP : “Rapport sur la situation économique, les finances publiques et la dette publique, 2009”. Positionnement de FUNDAR nº 99, février 2010. Plus d’information sur : <www.fundar.org.mx>.