Plus de restrictions à l’État de Bien-être

Ecumenical Academy Prague
Tomáš Tožička – ed.
Economy and Society Trust
Petr Gočev
Gender Studies, o.p.s
Linda Sokačová
Fórum 50%
Marcela Adamusová
Gender & Sociologie SOÚ AV ČR
Zuzana Uhde
European Contact Group
Hana Víznerová 
ADEPTTs
Saša Uhlová
Nesehnutí
Milan Štefanec

Début 2009, le Gouvernement tchèque a reconnu que le pays n’allait pas échapper aux effets de la crise financière mondiale, situation qu’il avait essayé de transmettre au préalable aux citoyens. Cependant, les mesures pour protéger la population la plus vulnérable des effets nocifs n’ont pas été prises. Sur la scène politique on perçoit une augmentation flagrante de la corruption alors que la société est profondément atteinte par l’inégalité, la discrimination, le racisme et la ségrégation. L’exportation d’armes est en hausse, en contradiction avec les objectifs de la politique extérieure officielle de soutien aux droits humains, au développement et à l’assistance humanitaire.

La chute du taux d’inflation due à la crise financière mondiale a été la seule nouvelle économique positive pour la République Tchèque en 2009. En un an, le chômage a augmenté de deux tiers[1] alors que le Produit interne brut (PIB) a diminué de 4,1 %[2]. Bien que ces résultats diffèrent sensiblement des prévisions optimistes du Gouvernement (le budget 2009 prévoyait une augmentation du PIB de 4,8 %), ils auraient été pires (étant donnée la dépendance des exportations de l’industrie automobile)  sans le programme allemand par lequel les gens reçoivent une compensation pour l’achat d’une  nouvelle voiture si l’ancienne est jetée à la ferraille..  

Cependant, il est possible que la diminution graduelle des paquets d’incitation fiscale des pays de l’Union Européenne (UE) en 2010 provoque la chute tardive de l’économie tchèque. Vers la fin 2009, le chômage a atteint 9,2 % (539 000 personnes d’après l’Office tchèque des statistiques). L’Office a aussi enregistré une faible diminution du nombre de personnes qui « ne cherchaient pas un emploi de manière active », mais qui en accepteraient un. À la fin de l’année, il y avait 173 000 personnes dans cette catégorie totalisant ainsi 712 000 personnes au chômage. En même temps, l’office de l’emploi n’a enregistré que 31 000 postes vacants.  La diffusion d’une émission de la télévision publique tchèque intitulée « N'abandonne pas ! » où les gens rivalisaient pour un emploi a été significative.

Démantèlement de l’État de Bien-être

Les partis de droite au Gouvernement utilisent la crise pour réduire davantage l’État de Bien-être, aggravant de ce fait la chute des dépenses des consommateurs et donc, la crise. On a approuvé une augmentation de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les produits de consommation de base de 5 % à 9 %, ce qui entraînera l’augmentation des aliments de base, des médicaments, du bâtiment et de l’énergie qui représentent la plupart des dépenses des personnes à faibles revenus. L’impôt sur le revenu a été réduit comme une compensation partielle.  Cependant, le groupe des hauts revenus – ceux qui gagnent quatre fois plus que la moyenne ou même plus – bénéficient de réductions d’impôts bien plus significatives. De plus, l’impôt sur les bénefices diminuerait à 19 % en 2010. Cela veut dire que les impôts commerciaux auraient une diminution de 26 % depuis 1993.

Il y a aussi une campagne pour privatiser le système des retraites. Les médias de droite ont convaincu le public que la solution au problème du vieillissement de la population sera le financement des pensions par des fonds financiers (sans pourtant de fondement dans la théorie économique). D’autre part, les solutions offertes par les sociaux-démocrates visent plutôt le potentiel anticyclique des impôts progressifs et la redistribution en faveur des personnes à faibles revenus. Aucun des partis ayant une représentation parlementaire ne propose de restreindre l’évasion générale d’impôts, alors que le site Web du ministère de l’Industrie et du commerce propose toujours l’ « optimisation des impôts » à travers les paradis fiscaux et les centres financiers à l‘étranger[3]. Suivant la revue Ekonom, début 2009, quelque 7 000 entreprises avaient un domicile fictif dans des paradis fiscaux et l’évasion d’impôts atteignait environ CZK 23 000 millions  (près de USD 1,1 milliard)[4].

Il existe un scepticisme croissant du public vis-à-vis de la politique en raison du haut niveau de corruption. Le pays est tombé du 45ème au 52ème rang dans la période 2008-2009 selon l’Indice de perception de la corruption de Transparence internationale et il occupe le  22ème rang sur 27 états membres de l’UE. D'après le directeur de Transparence internationale de la République Tchèque, « il n’y a pas de stratégie anti-corruption, le Gouvernement précédent faisait semblant d’en avoir une mais il a ouvert les portes pour que les intérêts privés puissent peser sur la prise de décisions politiques »[5].

Inégalité des sexes

La Chambre des députés a actuellement 22 % de femmes.  Après les élections du Parlement Européen en 2009, la représentation des femmes parmi les eurodéputés tchèques s’est réduite à 18 %. Les partis politiques ne considèrent pas la disproportion de la représentation masculine et féminine au niveau des postes de prise de décision comme un problème important. De plus, il manque des programmes d’éducation et de motivation ainsi que des incitations pour chercher systématiquement plus de femmes pour des postes électifs.  

Avec l’adoption longuement retardée de la dite « loi anti-discrimination » en 2009, la République Tchèque a été le dernier membre de l’UE – et l’un des derniers pays européens en général – à interdire la discrimination de race, origine ethnique, nationalité, genre, orientation sexuelle, âge, handicap, croyances, religion et d´opinion, notamment pour accéder à l’emploi, l’éducation, les soins médicaux ou d’autres services ou bénéfices sociaux. Le retard pour approuver cette loi révèle les attitudes ancrées chez les représentants politiques tchèques vis-à-vis de l’égalité des sexes.

Discrimination contre les immigrants, notamment les femmes

Pendant les deux dernières décennies la République Tchèque a subi un changement important dans le secteur de l’immigration et de l’intégration. Le nombre de citoyens étrangers ainsi que celui des personnes qui veulent résider dans le pays à long terme ou de façon permanente, s’est accru. Les statistiques officielles montrent que 436.116 étrangers ont été enregistrés jusqu’au 31 octobre 2009 dont 178.223 étaient des femmes[6]. On estime que 30.000 étrangers vivent en République Tchèque sans permis de résidence[7].

L’un des problèmes constants signalé par les ONG a trait à l’accès des étrangers aux soins médicaux.  Selon la législation en vigueur, seuls ceux ayant droit à la résidence permanente ou temporelle et ayant un emploi peuvent accéder au service public de soins médicaux. D’autres étrangers, y compris les travailleurs indépendants, sont obligés de s’assurer auprès des compagnies d’assurances commerciales et doivent payer une somme élevée, en un seul versement, pour avoir le droit à une gamme de soins médicaux bien plus restreinte. À partir de janvier 2010 les membres dépendants de la famille, au cas d’unification familiale ou d’union de couples mixtes, doivent aussi payer cette somme. Cependant, les compagnies d’assurance ne garantissent pas la couverture et certains étrangers (par ex. les personnes âgées,  les nouveaux nés,  les femmes enceintes) ne sont pas assurés.

Ces barrières institutionnelles lèsent notamment les femmes. Les femmes immigrantes font face à plusieurs formes de discrimination (genre, ethnie, nationalité, âge, position sociale, niveau éducatif, etc.) notamment dans le marché du travail mais aussi pour accéder à l’éducation, aux institutions de soins aux enfants et à l’information. Les possibilités de travail des femmes immigrantes sont limitées principalement au marché du travail secondaire (travaux inférieurs, sans formation et mal rémunérés) ou à l’économie informelle (protection des droits du travail insuffisante, travaux sans contrat, etc.). Il y a actuellement une tendance marquée à restreindre l’entrée des étrangers, même si cela signifie une discrimination indirecte des citoyens tchèques de mariages mixtes.

Racisme et ségrégation

En 2009, dans la banlieue d’Opava, des agresseurs inconnus ont lancé des bouteilles incendiaires à l’intérieur de la maison d’une famille rom où dormaient plusieurs personnes, y compris des enfants.  Après une enquête intense qui a duré plusieurs mois, quatre hommes, tous des sympathisants d’un mouvement d’extrême droite, accusés de tentative d’homicide pour des motifs racistes, ont été emprisonnés. Ce cas représente un progrès parce que, à différence d’autres attaques précédentes et probablement en raison de la diffusion massive dans les médias, les actes ont été typifiés comme tentative d’homicide[8].   

La diffusion dans les médias peut également avoir contribué à la croissance présumée de l’activité criminelle liée aux extrémistes. D´après le ministère de l’Intérieur, cette catégorie d’actes a augmenté de 10 % (de 169 en 2008 à 186 en 2009). Le nombre d’accusés s’est accru de 16 % environ (de 163 en 2008 à 189 en 2009). Cependant, cette croissance apparente peut découler du fait que les tribunaux soient plutôt enclins à typifier les cas d’agressions comme étant motivés par le racisme.

Selon une enquête ordonnée par le ministère de l’Éducation en 2009, un enfant rom sur quatre d'âge scolaire  est considéré comme handicapé mental léger. Suivant l’arrêté du Tribunal européen des droits humains de Strasbourg, les anciennes « écoles spéciales » ont été rebaptisées comme « écoles pratiques » mais elles n’ont essentiellement aucune différence. Les intentions de modification de cet état de choses se heurtent non seulement aux préjugés, notamment des directeurs, des enseignants et des psychologues, mais aussi à des intérêts purement financiers puisque l’éducation spéciale est subventionnée. La ségrégation existe aussi dans les écoles primaires normales et certains directeurs admettent, ouvertement, qu’ils n’inscrivent pas d'enfants roms en raison de la pression exercée par les parents d’enfants non roms qui refusent que leurs enfants étudient avec des enfants roms. Voilà pourquoi il existe des écoles « roms » et des écoles « tchèques » séparées dans certaines régions.
En 2004, le Centre européen des droits des roms (CEDR) a publié une information sur le soupçon de l’existence de la stérilisation forcée de femmes roms en République Tchèque ; depuis lors, les organisations de la société civile contrôlent cette question. En 2009 un cas de stérilisation forcée ayant eu lieu en 2007 a été rendu public : une femme a été forcée d’accepter la procédure par un assistant social sous menace de loger ses enfants plus âgés dans un foyer d’accueil.

Armes au lieu de développement

En 2009 un nouveau projet de loi sur la coopération pour le développement a été discuté avec les représentants de la plateforme nationale des organisations pour le développement. Alors que cela facilite la transparence de la structure des activités de développement, l’administration des subventions pour la coopération bilatérale est toujours caractérisée par le manque de transparence et les critères de sélection peu clairs. La réduction des fonds pour le développement est un autre problème sérieux. L´Aide publique au développement (APD) a atteint USD 249 millions en 2008 mais elle est passée à USD 224 millions en 2009. Ce ne fut qu’aux dépens d’une chute du Produit national brut (PNB) que la relation de 0,12 % entre l´APD el le PNB a été maintenue ; le pays ne sera en mesure de répondre à la promesse de l’UE d’augmenter l’Aide publique au développement (APD) à 0,33 % du PNB en 2015. 

Une diminution précédente de la production d’armes a été motivée par le désir de réduire le commerce d’armes, considéré anti-éthique, et l’on s’attendait à une réduction de presque 90 % jusqu’en 1992 avec un programme de reconversion de l’industrie. Après l’établissement d’une République Tchèque indépendante, le programme a été graduellement aboli pour des raisons économiques et une fourniture obsolète est fréquemment cédée à des pays infestés par des conflits internes, (par exemple : l’Afghanistan et l’Iran), à des pays soupçonnés de réexporter du matériel militaire et à des pays ayant des conflits armés (comme la Géorgie).

Les exportations légales d’armes ne sont possibles qu’avec le consentement du ministère de l’Industrie et du commerce, dépendant des déclarations d’autres ministères. Dans de nombreux cas, la politique d’exportation d’armes est l’antithèse des objectifs de la politique extérieure officielle : soutenir les droits humains, le développement et l’aide humanitaire. Dernièrement, le pays a envoyé des armes dans des pays qui violent les droits humains de manière impitoyable,dans des régions où les armes sont vendues aux deux factions des conflits armés (Liban, Israël, Syrie) ou dans des pays où elles sont le facteur fondamental pour déclencher le conflit (comme la guerre de l’Ossétie du Sud en 2008).

Les exportations légales de matériel militaire augmentent constamment et elles ont atteint un plafond sans précédent de EUR 189,6 millions (USD 260,8 millions  environ). Vers mi-2009, malgré les protestations des ONG tchèques et internationales ainsi que de certaines autorités, le Parlement a approuvé un amendement à la loi de commerce extérieur qui diminue les droits de contrôle des autorités sur les exportations d’armes et qui permet aux entreprises non autorisées de négocier des transactions d’armements. Suivant František Janda, d’Amnesty International, les exportations d’armes tchèques autorisées sont faites « sans aucune transparence »[9].

[1]  Office tchèque des statistiques, “Nejvyšší meziroční pokles zaměstnanosti od roku 1999”, 5 février 2010. Disponible sur : <czso.cz/csu/csu.nsf/informace/czam020510.doc>.    

[2]  Office tchèque des statistiques, “Meziroční pokles HDP za 4. čtvrtletí byl upřesněn na 3,1%,” 11 mars 2010. Disponible sur : <czso.cz/csu/csu.nsf/informace/chdp031110.doc>.      

[3]   Voir : < www.businessinfo.cz>.

[4]    Adam Junek, “Vyhnáni do ráje” (Expelled into Paradise), Ekonom, 12 mars 2009. Disponible sur : <ekonom.ihned.cz/c1-35655550-vyhnani-do-raje>. 

[5] Benjamin Cunningham, “Czech Republic ranks among Europe's most corrupt”, The Prague Post, 25 novembre 2009. Disponible .     

[6] Office tchèque des statistiques, Foreigners: by type of residence, sex and citizenship, 31 octobre 2009. Disponible sur : <www.czso.cz/csu/cizinci.nsf/t/8200578577/$File/c01t01.pdf>.       

[7]  Office tchèque des statistiques, Foreigners in the CR 2008. Annual Report  (Praga: Scientia, 2008).  

[8]  Ministère de l‘Intérieur, “Problematika extremismu na území CR v roce 2009” (La problématique de l’extrémisme en RC en 2009). Disponible sur :  <www.mvcr.cz/soubor/extrem-leden-zari-2009-pdf.aspx>.

[9]  Markéta Hulpachová, “Arms export law raises concern”, The Prague Post, 21 mai 2009. Disponible.