GHANA
L’inégalité : le principal défi
Coalition Social Watch du Ghana
La crise mondiale a déjà largement affecté l'économie du Ghana. Parmi les premiers affectés, la réduction des exportations et des transferts de fonds de l’étranger ainsi qu’une dévaluation soutenue. La crise menace de compromettre les efforts de réduction de la pauvreté qui commençaient à porter ses fruits. Les tentatives du gouvernement pour atténuer l’impact de la crise s'avèrent insuffisantes. Le principal défi consiste à améliorer la distribution des revenus, les zones rurales enregistrant le taux de pauvreté le plus important. Il devient urgent de prendre des mesures pour renforcer l'agriculture, un secteur qui rapportait presque 40 % du PIB.
Les vents rigoureux de la crise financière mondiale ont déjà commencé leur œuvre au Ghana. En 2008, le cedi, la monnaie nationale, a perdu 23 % de sa valeur face au dollar, et 19 % face à l’euro. Les flux de capitaux privés perdent de la vitesse et les projets importants d’investissement sont laissés en suspens en raison des problèmes de flux de liquidités et des doutes concernant leur véritable rentabilité. Les donations se font de plus en plus rares, tant pour le Gouvernement que pour les organisations de la société civile. Les secteurs vulnérables de la société, notamment les femmes et enfants en milieux ruraux et urbains dont la survie dépend d’organismes de charité, philanthropiques ou de programmes de sécurité d’ONG, sont en danger. Selon l’Enquête sur les Niveaux de Vie au Ghana, le pourcentage de la population qui vit en-dessous du seuil de pauvreté a largement diminué, tombant de 51,7 % en 1991/92 à 28,5 % en 2005/06, dont une chute de 17 % en zone urbaine et de 24 % dans les communautés rurales1. S’il est vrai que l’évolution a été plus lente dans les trois régions du nord du pays, cette tendance a tout de même suscité de grands espoirs de voir le Ghana atteindre en quelques années son premier objectif OMD de réduction de la pauvreté.
Cet optimisme a été voilé par l’ombre croissante de la crise mondiale. Les pronostics prévoyaient pour le Produit Intérieur Brut (PIB) une croissance de l’ordre de 7 % en 2008, mais le taux n’a atteint que 6,2 %. L’objectif moins élevé de 5,9 % reflète la conviction qu'une baisse de la croissance économique mondiale fera probablement également baisser le prix mondial du marché du cacao, une des principales exportations du pays.
Pour aggraver les dommages provoqués par la baisse anticipée en quantité et en prix des exportations du Ghana, les économistes prévoient pour 2009 une chute de 20 % des transferts de fonds provenant des Ghanéens qui travaillent à l’étranger2. Ce serait là un coup très dur, puisqu’ils se montent actuellement à 30 % des exportations. Lors d’un discours au Royal Institute of International Affairs de Londres en mars 2009, le président Atta Mills a admis que l’économie du Ghana se retrouvait face à d’importants défis, et a ajouté que « l’évolution négative de l’économie aura des répercussions extrêmement sérieuses sur notre économie ». Il a également annoncé que la réduction des transferts venant de l’étranger serait suivie d’un effondrement du soutien des donateurs et également du commerce.
La diminution des transferts de fonds augmenterait la pression sur le cedi, qui a enregistré une chute de sa valeur en raison de l’augmentation de la demande en monnaie étrangère pour faire face aux dettes du pétrole et aux prix des aliments, pour garantir les besoins en développement d'infrastructures et le paiement des dettes extérieures. Le cedi a perdu du terrain face à toutes les principales valeurs au cours du deuxième trimestre 2008, avec un taux annuel de 31 %. Au premier trimestre 2009, la dépréciation a atteint 10 %. Cela devrait accélérer l'inflation, qui est déjà bien supérieure aux projections en raison de la flambée des prix internationaux des denrées alimentaires et du pétrole brut. En 2008, au lieu d'augmenter entre 6 % et 8 % comme cela avait été prévu, les prix se sont envolés entre 16,5 % et 18,1 %. Les dépréciations de la monnaie ont contribué à la hausse du taux pour atteindre 20,53 % en mars 2009. La hausse du prix des importations de carburant pourrait faire du transport une cause principale de l'inflation pour avril 20093.
Pour répondre au ralentissement de la croissance et à l’inégalité de ses bénéfices, il est probable que le Gouvernement adopte une « stratégie de développement croissant et stable de la distribution » qui s'adresserait aux régions et aux groupes défavorisés. Rien ne permet d’assurer que ses objectifs soient atteints. Pour le moment, il est difficile de dire quelle sera la direction de la politique économique du Gouvernement.
Le budget 2009 a trois objectifs principaux : fournir un premier effort pour mettre en pratique les idées inscrites dans le manifeste du parti du gouvernement, le Congrès National Démocratique (NDC), répondre aux différentes crises mondiales – financière, de carburant et de denrées alimentaires – et aborder les défis socio-économiques actuels. La force motrice se situe au niveau des quatre sujets fondamentaux abordés dans le manifeste du NDC : un gouvernement transparent, une économie forte créatrice d’emplois, un investissement dans la population et une expansion de l’infrastructure pour la croissance. Mais les quelques initiatives du Gouvernement pour ébaucher des politiques qui atténuent les effets de la crise mondiale semblent inadéquates. Il convient également de signaler que les mesures gouvernementales pour stimuler et subventionner la production agricole sont minimes. Selon le FMI, le secteur agricole contribue à hauteur de 40 % du PIB, et emploie plus de la moitié de la population économiquement active, mais c'est aussi le secteur qui subit le plus les effets de la pauvreté. Près de 70 % de la population rurale participe aux activités agricoles4. Malgré cela, le pays importe plus de 40 % de ses aliments, mais il est possible de renverser cette tendance. Le Ghana a en effet la capacité de mener une « révolution verte » en Afrique. Seules 16 % des terres arables du pays sont actuellement labourées5. Pour impulser l’agriculture et contribuer à la création d’emplois, à la croissance économique et au bien-être général de la population, les agriculteurs ont besoin d’un soutien pour investir en produits agricoles, en fertilisants, en formation et accès aux marchés. Pourtant, en cette époque critique, le budget 2009 ne destine que 10 % de ses fonds à l’agriculture.
Le principal défi
Une réduction radicale de la pauvreté exigera, outre une hausse de la croissance, une distribution plus équitable. En ce moment le pays souffre d’inégalités croissantes, de grandes disparités régionales et d’une profonde pauvreté. Dans la savane rurale par exemple, 60 % de la population continue d’être pauvre, et la pauvreté y diminue à un rythme moindre que dans n’importe quel autre endroit du pays. Dans les régions du Haut Ghana oriental et Haut Ghana occidental, le taux de pauvreté n’a pas du tout diminué entre 1991/92 et 2005/06, et dans les régions du Grand Accra et du Haut Ghana occidental, il a même augmenté.
L’Analyse Intégrale de Sécurité et Vulnérabilité Alimentaire pour le Ghana du Programme Alimentaire Mondial a révélé qu’environ 1,2 million de personnes, soit 5 % de la population, souffre d’insécurité alimentaire. Pourtant, la moyenne nationale ne montre pas les différences entre les régions, où 34 % de la population de la région du Haut Ghana occidental, 15 % dans le Haut Ghana oriental et 10 % dans la région Nord souffrent d'insécurité alimentaire, soit un total de 435.000 personnes. De plus, l'étude a identifié environ 2 millions de Ghanéens dont les patrons de consommation alimentaire étaient à peine acceptables au moment de l’étude, et qui pourraient se détériorer rapidement après un impact naturel ou d’origine humaine. Parmi eux, 1,5 million vit en zone rurale dans les régions du Haut Ghana occidental, Haut Ghana oriental et Nord.
A moyen terme, la crise mondiale aura un impact sérieux sur l’économie du Ghana. La question fondamentale pour les citoyens est de décider si le pays doit se reposer sur l'aide de la communauté internationale pour lutter contre la chute de l’économie, ou s’il doit introduire des mesures fiscales et monétaires fortes. Les agricultrices ghanéennes ont besoin d’un soutien urgent sous forme d'investissements en produits agricoles comme les fertilisants, et également en formations et accès aux marchés. L'agriculture serait ainsi relancée et cela contribuerait dans le même temps à la création d’emplois, à la croissance économique et au bien-être de la population.
1 Daily Graphic, 23 avril 2009.
2 Programme Alimentaire Mondial des Nations-Unies (PAM). (2009). Assessing the Impacts of the Global Economic and Financial Crisis on Vulnerable Households in Ghana. Disponible sur
3 Business & Financial Times, 14 avril 2009.
4 L’agriculture continue de dominer l’économie avec 33,59 % d’incidence sur le PIB de 2008. La croissance du secteur a été de 5,1 %, impulsée par les sous-secteurs culture et bétail, qui ont augmenté de 5,82 %.
5 Données de l’Initiative Economie Verte. “Ghana goes biofuel, despite global food crisis”. Disponible sur : <www.greeneconomyinitiative.com/news/176/ARTICLE/1205/2008-12-06.html>.