« Le Sud régresse dans l’horizon médiatique suisse »

Manifestation à l'occasion des
40 ans d'Alliance Sud à Berne.
(Photo: Urs Fankhauser/Alliance Sud)

Source: Alliance Sud.

Plus de 200 personnes ont participé à la manifestation « Les médias et le Sud » qui a eu lieu le 21 juin à Berne, à l’occasion des 40 ans d’Alliance Sud (point focal de Social Watch en Suisse), à Berne. Le sociologue des médias Kurt Imhof n’a pas seulement constaté une diminution quantitative de la couverture médiatique en Suisse, mais aussi une perte de qualité : « Plus le journalisme est bon marché, plus simpliste est l’image du monde qu’il véhicule. »

Comment les médias suisses informent-ils sur le Sud du monde ? C’est à cette question qu’Alliance Sud a consacré la manifestation de jubilée pour ses quarante ans. Dans sa présentation d’ouverture, le professeur zurichois de journalisme et sociologie, Kurt Imhof, a appuyé le malaise par une statistique : alors qu’entre 1960 et 1990, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine représentaient presque la moitié de la couverture médiatique étrangère,  ces dernières années leur proportion a chuté à 15%.

« Le Sud régresse dans l’horizon médiatique suisse. Paradoxalement, à l’ère de la mondialisation nous assistons à une réduction de notre perception du monde. Plus le journalisme est bon marché, plus il donne une image simpliste du monde. »

Les guerres, le terrorisme et les conflits représentent plus de la moitié de la couverture médiatique étrangère, tandis que la diplomatie, la société civile et le débat sur la pauvreté disparaissent de plus en plus du champ de vision. Depuis le 11 septembre, le monde est perçu dans la perspective de l’islamisme et de la globalisation.

La qualité passe à la trappe

Imhof a cité quelques raisons à la perte de qualité des médias : diminution des rubriques et donc carence de spécialistes, réduction des réseaux de correspondants, dépendance accrue  vis à vis des agences. Le populisme médiatique et politique se disputent l’attention des lecteurs. Des campagnes à scandale profitent aussi bien aux médias qu’aux partis politiques. 

Selon Imhof, le manque de qualité se fait sentir tout particulièrement dans les journaux gratuits et les chaînes privées de télévision. Les médias de droit public et les journaux sur abonnement, par contre, affichent la plus grande quantité de nouvelles internationales. Mais les quotidiens, dont le chiffre d’affaires baisse considérablement, ont dû couper dans les effectifs.

Aujourd’hui, le journalisme de qualité n’est plus possible qu’en réseau, a affirmé Res Strehle, co-rédacteur en chef du Tages Anzeiger. A Berne, Der Bund, par exemple, a profité de cette coopération et fortement augmenté sa rubrique étrangère.

Des professionnels des médias ont contredit la critique d’Imhof, notamment concernant l’accent excessif mis sur les guerres. Selon  Markus Mugglin, directeur de « Echo der Zeit » sur la radio DRS, cela répond au besoin légitime des auditeurs d’être informés sur les conflits et les guerres.

Mais tous les médias ne réduisent pas leurs correspondants – au contraire : Le Temps, par exemple, envoie plus de journalistes en Afrique du Nord, « car depuis le printemps arabe une nouvelle donne a émergé dans certains pays », a affirmé Pierre Veya, le rédacteur en chef.

Inclure les médias électroniques

Dans sa présentation à la manifestation qui a eu lieu le 21 juin à Berne, la conseillère nationale verte Therese Frösch a regretté « que, dans les médias, l’information spectacle et les faits divers prennent le dessus.» Dans le journalisme, la pertinence et l’actualité sont déséquilibrés. Elle souhaite de tous les médias « plus d’éducation suivie et pertinente. »

L’ancienne journaliste et directrice de l’œuvre d’entraide Action de Carême, Anne-Marie Holenstein, a rappelé l’importance croissante des médias électroniques. Avec ces derniers, on peut mobiliser rapidement beaucoup de gens en faveur de la solidarité et des droits humains. Mais tous seuls, ceux-ci ne peuvent pas pallier au déficit des autres médias.

Ceux qui s’intéressent à la politique de développement doivent miser sur l’alliance entre les médias écrits des organisations de développement, les nouveaux médias électroniques et la télévision, la presse quotidienne et les hebdomadaires.