Dette des États-Unis fait sonner l’alarme

Barack Obama. (Photo:
Pete Souza/White House)

Source: Agenda Global

Deux agences de notation financière, Moody’s et Standard and Poor, ont alerté sur l’éventuelle baisse de leur note actuelle AAA la dette des États-Unis, si l’impasse actuelle persiste sur une possible cessation de paiement, a écrit Martin Khor, directeur exécutif du South Centre, dans sa toute récente chronique pour Agenda Global. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le monde entier et en particulier les pays en développement devraient être en état d’alerte vu cette situation.

Ci-dessous la chronique de Khor:

La dette des États-Unis: un sujet d’envergure mondiale

Par Martin Khor

L’idée que les États-Unis déclarent un moratoire sur le paiement de leur dette, est passé de quelque chose d’impensable à quelque chose de possible, même si cela demeure encore sur le terrain du peu probable. 

À la contagion de la crise de la dette dans l’Eurozone vient s’ajouter maintenant un danger croissant : les États-Unis pourraient ne pas pouvoir payer leurs à partir du 2 août.

Le président Barack Obama a négocié avec des démocrates et des républicains pendant une semaine. À l’heure actuelle, le plafond de la dette fédérale des États-Unis est de 14290 milliards de dollars. Cette limite sera atteinte dès le 2 août et le Congrès doit approuver le relèvement de ce plafond avant cette date. Autrement, le gouvernement devra remettre à plus tard le respect de quelques-uns de leurs engagements financiers.

Le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, a averti que le fait de déclarer un moratoire bouleverserait l’économie mondiale. L’alarme a sonné encore plus fort lorsque les agences de notation Moody’s et Standard and Poor ont annoncé que si l’impasse politique continue, elles pourraient baisser la note AAA de la dette des États-Unis.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les pays en développement devraient être en état d’alerte vu cette situation.

En premier lieu, de nombreux pays en développement ont des milliers de millions de dollars de bons du Trésor des États-Unis qui représentent une partie de leurs réserves de devises. La perspective d’une suspension de paiement et la baisse de la note du crédit réduirait leur valeur. La Chine, qui possède 1150 milliards de dollars en bons du Trésor, a exhorté Washington à adopter des mesures responsables pour protéger les investisseurs. 

En deuxième lieu, la croissance des économies en développement se verra touchée si la crise ou l’éventuelle solution provoquent une stagnation ou une nouvelle récession de l’économie américaine. Quel que soit l’accord final entre le président et les deux grands partis, son élément central consistera à appliquer de fortes réductions des dépenses fiscales. L’effet sera contraire à l’encouragement fiscal appliqué par l’administration Obama cherchant à sortir de la récession et qui a permis à l’économie de se redresser après la récession de 2008-2009. 

En troisième lieu, l’incertitude à Washington met en lumière la dépendance actuelle et maladive du dollar en tant que monnaie de réserve internationale. Le besoin de réduire cette dépendance d’une monnaie unique –par exemple, en faisant un usage plus large des droits spéciaux de tirage en tant que monnaie mondiale de réserve- a été défendu par des économistes tels que Joseph Stiglitz, José Antonio Ocampo et Yilmaz Akyuz.

Voilà les faits qui déterminent l’impasse à Washington. Le gouvernement prévoit que le plafond de la dette, qui se situe actuellement à 14290 milliards de dollars et qui serait atteint le 2 août, doit être augmenté de 2400 milliards pour que les engagements puissent être respectés jusqu’en novembre 2012, après les élections présidentielles. 

De nombreux républicains au Congrès, en particulier ceux qui se trouvent sous l’influence du Tea Party, prétendent que le gouvernement parvienne à un équilibre budgétaire au moyen d’une réduction drastique des dépenses, sans passer par une augmentation des impôts. Cependant, quelques-uns, sont prêts à considérer une petite augmentation des impôts ou, de préférence, un ajustement destiné à compenser les lacunes existantes en matière d’impôts, mais il leur est difficile de convaincre leurs collègues. Ils souhaitent également que la réduction des dépenses dépasse le relèvement du plafond de la dette. 

Obama et son parti souhaitent effectuer des réductions importantes des dépenses mais aussi augmenter les impôts des riches de sorte que les deux mesures contribuent à réduire le déficit. Les leaders démocrates insistent sur le fait que ni la sécurité sociale ni la santé ne devraient être touchées par les réductions, même si le président est prêt à permettre aussi quelque réduction dans ces secteurs.  

Si la position extrémiste de la faction du Tea Party devient la ligne générale des républicains, il serait difficile de parvenir à un accord. Celui-ci serait possible uniquement si Obama et les démocrates allaient au-delà des quelques concessions qu’ils accordent en faisant un pas vers une capitulation totale. 

Si la situation de stagnation continue, une solution possible pourrait être la proposition du leader de la minorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell: le président présente son plan pour relever le plafond de la dette et réduire le budget, le Congrès le refuse, le président oppose son véto au refus et sa proposition est adoptée, à moins que celle-ci ne soit encore refusée par les deux tiers du Congrès. Cela permettrait à toutes les parties d’arguer qu’elles se sont maintenues dans leurs positions, en même temps qu’elles seraient en train d’éviter une crise. 

Comme c’est le paiement de la dette qui aura la priorité, un moratoire sur le paiement des bons du Trésor demeure improbable, à moins que la stagnation ne dure trop longtemps. Les autres services et salaires se verront touchés, de manière croissante, dans la mesure où il n’y a pas accord. 

Ce n’est pas une manière de diriger un gouvernement. Le système de gouvernance des États-Unis devient dysfonctionnel ce qui n’est pas sans effets graves sur le reste de la planète. L’espoir général : trouver une solution avant le 2 août. 

* Martin Khor, fondateur du Réseau du Tiers Monde, est directeur exécutif de South Centre, une organisation de pays en développement, qui a son siège à Genève. 


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