La première contre-attaque internationale d’administrations fiscales contre une multinationale

Une fabrique de SABMiller en
Afrique du Sud. (Photo : SABMiller)

Source: CNCD

Les entreprises multinationales jouent un rôle clé dans les phénomènes d’évasion fiscale. Les pratiques de deux d’entre elles, et pas des moindres, font aujourd’hui l’objet de contre-attaques menées par des administrations fiscales et des associations, il a écrit Antonio Gambini, chargé de recherche Financement du développement du Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11, point focal de Social Watch au Belgique).

Ce que suit est le texte du chronique publiée dans dlm, demain le monde, le supplément ’développement’ du magazine Imagine :

Contre-attaques
Antonio Gambini

En novembre 2010, un rapport détaillé de l’ONG Action Aid révélait que le géant brassicole SABMiller était un spécialiste en matière d’évasion fiscale. A l’aide d’une vaste panoplie de trucs et astuces, le n°2 mondial du secteur - mais n°1 en Afrique, avec pas moins de 16 brasseries et 21 usines de mise en bouteille - s’arrange pour diminuer sa facture fiscale de pas moins de 31 millions de dollars par an en Inde et en Afrique ; ce qui équivaut au coût de la scolarisation d’un quart de million d’enfants africains.

Parmi les ficelles utilisées par le géant de la bière, signalons notamment la vente systématique des marques des bières africaines les plus populaires à ses filiales localisées dans des paradis fiscaux. Pour diminuer les profits taxables des filiales africaines et donc la facture fiscale, il suffit à SABMiller d’organiser le paiement par les filiales africaines de royalties (droit d’utilisation de propriété intellectuelle, en l’occurrence la marque) exorbitantes aux filiales localisées dans les paradis fiscaux.

Initiative sans précédent, le Forum des administrations fiscales africaines (ATAF en anglais) a lancé cette année un vaste audit coordonné des comptes et déclarations fiscales des filiales de SABMiller. Cinq pays y participent : l’Afrique de Sud, la Zambie, la Tanzanie, le Ghana et l’île Maurice. Même si rien n’est gagné, il n’en reste pas moins qu’il s’agit ici de la première contre-attaque internationale menée par des administrations fiscales contre les pratiques d’une multinationale.

Une autre contre-attaque éclatante est celle lancée par 5 associations contre un des leaders mondiaux du secteur minier et des matières premières : la multinationale Glencore, qui contrôle plus de 60% du commerce mondial de zinc et plus de 50% de celui du cuivre.

Les fuites d’un audit réalisé par la firme Grant Thornton ont révélé les pratiques douteuses de cette entreprise en Zambie, notamment dans le cadre des opérations de la mine de Mopani : sous-estimation des volumes de production, sous-facturation de la vente du minerai à la maison mère en Suisse, surfacturation des coûts d’exploitation de la mine ; tous les moyens lui semblent bons pour réduire sa contribution aux finances publiques zambiennes.

En réaction, Sherpa (France), le Center for Trade Policy and Development (Zambie), la Déclaration de Berne (Suisse), l’Entraide missionnaire (Canada) et Mining Watch Canada ont décidé de déposer plainte contre Glencore auprès de l’OCDE, l’organisation internationale de conseil et d’analyse économique des pays industrialisés, pour non-respect de ses principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales. S’il n’est pas certain que cette procédure puisse aboutir vraiment à une sanction effective contre les manipulations comptables et financières de la firme fondée par le très controversé homme d’affaires Marc Rich, cette plainte a au moins eu le mérite de relancer le débat sur la transparence et les pratiques de Glencore, à l’heure où celle-ci procédait à une vaste opération de levée de capitaux par le biais d’une entrée en bourse.

On ne le répétera jamais assez : l’évasion massive de capitaux des pays du Sud vers le Nord et les paradis fiscaux est la première source d’appauvrissement des pays les plus pauvres. Et dans ce pillage organisé, les entreprises multinationales jouent un rôle clé.

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