La « taxe Robin » sort du bois

Arnaud Zacharie.

Revenant sur le devant de la scène sous le nom de « taxe Robin des Bois », la taxe Tobin, soit l’idée de taxer les transactions financières internationales, semble progressivement en voie d’adoption. En Europe en tout cas, a écrit par le magazine Imagine Demain le Monde Arnaud Zacharie, secrétaire général du Centre national de coopération au développement  (CNCD-11.11.11, point focal de Social Watch au Belgique).

La taxe sur les transactions financières internationales est revendiquée depuis la fin des années 1990 par les ONG et les associations altermondialistes. Inspirée de l’idée initiale du Nobel d’économie James Tobin, qui proposait au début des années 1970 de taxer les transactions de changes à un taux faible et uniforme pour alimenter les recettes des banques centrales, la « taxe Tobin » avait ainsi été ressortie de l’oubli par les ONG en vue de mobiliser des fonds pour financer le développement des pays pauvres et les biens publics mondiaux.

Robin, pour populariser l’idée

Evidemment, une telle taxe ne suffirait pas à empêcher une crise financière et ne modifierait que partiellement le fonctionnement des marchés financiers. Elle présenterait cependant de nombreux avantages, dont celui de dégager un produit fiscal annuel de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Elle serait de plus un instrument de stabilisation des flux à la disposition des autorités monétaires. Cette taxe pénaliserait fortement les allers-retours spéculatifs à court terme sans freiner les investissements productifs à plus long terme. Son instauration nécessite une « traçabilité » des transactions financières internationales, ce qui créerait donc plus de transparence sur les marchés financiers.

Malheureusement, l’idée avait, au début des années 2000, été reçue froidement par la plupart des gouvernements. Seuls quelques parlements l’avaient soutenue, comme le parlement belge, qui avait voté en juillet 2004 une loi en faveur d’une telle taxe, conditionnant sa mise en œuvre à l’accord des autres pays de la zone euro. Toutefois, l’impact de la crise financière de 2008 sur les recettes publiques des Etats a progressivement redonné vie à cette mesure rebaptisée « taxe Robin des Bois » par les ONG, pour illustrer son caractère redistributif et populariser son mécanisme. Plusieurs pays, comme la France et l’Allemagne, l’ont publiquement soutenue [1] et le G20 a mandaté le FMI pour réaliser une étude de faisabilité sur la question, tandis que des initiatives telles que le Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement, qui rassemble une quarantaine de pays, contribuaient à raviver le débat en publiant des études démontrant la faisabilité d’une telle taxe.

L’Europe en avance

Les effets de la crise se focalisant tout particulièrement sur l’Europe et un consensus à l’échelle mondiale étant politiquement complexe à obtenir, c’est au niveau de l’Union européenne que le débat politique s’est recentré. Le 20 octobre 2010, la proposition d’une taxe européenne de 0,05 % sur les transactions financières internationales était rejetée de peu par le Parlement européen : 330 contre, 315 pour et 20 abstentions. Mais quelques mois plus tard, le 8 mars 2011, c’est à une écrasante majorité que le Parlement européen votait une résolution en faveur de l’introduction d’une telle taxe européenne, dans l’attente d’une solution au niveau mondial négociée dans le cadre du G20.

Un pas supplémentaire a été fait par la Commission européenne en juin 2011, après qu’un euro-baromètre eut indiqué que 61 % des Européens voyaient une telle taxe d’un bon œil, avec la proposition de mettre en œuvre une taxe européenne sur les transactions financières internationales pour alimenter le futur budget européen de 2014-2020. La proposition de la Commission européenne est de taxer les actions, les obligations et les produits dérivés, et éventuellement les échanges de devises. Le taux proposé est de 0,1 % pour les actions et obligations et de 0,01 % pour les produits dérivés, ce qui permettrait de mobiliser 31,5 milliards d’euros par an, et même 54 milliards si la taxe incluait les transactions sur les devises.

Quel usage faire de cet argent ?

La taxe serait versée au budget européen sur la base d’une répartition selon la résidence fiscale des opérateurs, et non selon le lieu où les transactions sont réalisées, afin de garantir une répartition plus équitable entre les Etats membres.

Evidemment, les débats politiques entre ces derniers risquent d’être houleux. La Grande- Bretagne s’est déclarée contre sa mise en oeuvre, tandis que de nombreux autres Etats membres l’ont publiquement soutenue. Mais au-delà de ces accords et refus de principe, les négociations concernant l’assiette de la taxe, son taux et son utilisation sont tout aussi importantes. Les ONG, tout en saluant la proposition de la Commission européenne, ont rappelé leur demande que son produit soit utilisé pour financer le développement et les biens publics mondiaux tels que la stabilité climatique. Quoi qu’il en soit, l’idée de taxer les transactions financières internationales semble progressivement en voie d’adoption.

Par Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD-11 11 11

Source
Imagine Demain le Monde: http://bit.ly/pHjdcM