France : État des lieux très critique des prisons

Laurent Combet/PhotoPQR/
Le Courrier de l’Ouest

Dans son nouveau rapport, publié le 22 février, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dresse un état des lieux très critique des prisons en France. Il dénonce le concept de dangerosité, auquel s’oppose également le Secours Catholique.

 « La prison vit une révolution inquiétante qui, basée sur la dangerosité supposée des détenus, l’amène à les traiter non plus en fonction de ce qu’ils ont fait, mais de ce qu’ils pourraient faire, a mis en garde Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, le 22 février lors de la présentation de son rapport 2010 à la presse. C’est avec ce genre de postulat que les prisons sont en train de changer de nature et que l’on joue aux dés l’avenir des gens. »

« Quand on traite les gens comme des bêtes fauves, ils se comportent en bêtes fauves »

Le rapport estime que cette tendance rejoint le courant positiviste italien et la pénologie qui en découle. Celle-ci n’entend plus corriger un délinquant, mais gérer le risque qu’il fait courir à la société. En d’autres termes, la question de la peine passe à l’arrière-plan : il s’agit de décider régulièrement de la conduite à tenir non pas selon le crime commis mais selon l’étendue du risque existant, d’après le CGLPL.

« On est en train de courir dans une direction les yeux fermés ! », s’indigne Jean-Marie Delarue. Non seulement le résultat de cette nouvelle orientation de la prison est « loin d’être garanti », mais on risque en plus de « lui enlever ce qu’elle avait de bien » dans sa mission de réinsertion. « Je préfère qu’on en reste à mon bon vieux postulat : si on traite bien quelqu’un en détention, il a plus de chances de s’amender que si on le traite mal, estime le contrôleur général. Quand on traite les gens comme des bêtes fauves, ils se comportent en bêtes fauves. C’est un déterminisme un peu plat, je n’en disconviens pas, mais qui vaut beaucoup mieux à mon avis que des échelles de mesure de la dangerosité. »

« Ce concept de dangerosité porte en lui un redoutable germe destructeur, estime quant à lui Jean Caël, responsable du département Prison-Justice au Secours Catholique. Adossé au principe de précaution, c’est l’organisation d’une société de la méfiance que l’on promeut, et implicitement, tout système matérialiste et qui désespère de l’homme. »

 

Le retour du phénomène de surpopulation en maisons d’arrêt

« La tendance à long terme en France est l’accroissement du nombre de personnes détenues », constate Jean-Marie Delarue. L’année 2011 a ainsi vu « un retour en maisons d’arrêt de phénomènes de surpopulation importants qui se traduisent par une montée inévitable des tensions et des violences en détention. » Interrogé sur le projet du gouvernement de construire 24 000 places de prison supplémentaires d’ici à 2017, pour parvenir à 80 000, Jean-Marie Delarue a jugé que les indices sur lesquels ce nombre avait été calculé étaient « extrêmement fragiles ».

Le travail en prison reste un travail précaire

Enfin, le contrôleur général s’est attardé notamment sur la question du travail en détention. Là aussi, le bilan dressé est sévère. D’après le rapport du CGLPL, 17 497 personnes ont été rémunérées au titre d’un travail en détention en 2010, soit 27,7 % des quelque 63 000 personnes détenues en 2010. Un chiffre peu élevé. Outre une offre de travail insuffisante et une durée de travail inadaptée, le CGLPL dénonce un salaire rarement plus élevé que le seuil minimum de rémunération (SMR) fixé par la règlementation.

Un écart, certes minime, existait en 2011 entre le salaire horaire en cours (4,03 € de l’heure) et celui du SMR (4,05 € de l’heure). En 2012, l’écart existe toujours entre le salaire horaire de l’administration pénitentiaire, fixé à 4,12 €, et le salaire fixé réglementairement à 4,15 €.

« Ce seuil minimum de rémunération, malgré son appellation, ne semble pas être perçu comme un minimum, mais plutôt comme une moyenne "idéale" à atteindre. Or les visites effectuées par le CGLPL démontrent que ce seuil moyen n’est que très rarement atteint », est-il expliqué dans le rapport. Pourtant, « l’exercice d’une activité rémunérée est primordiale pour les personnes détenues. Il amorce une démarche de réinsertion et contribue à éviter la récidive », affirme Jean-Marie Delarue.

Le contrôleur général a invité les candidats à l’élection présidentielle à trouver un « équilibre entre sécurité et dignité », les invitant à « faire leur miel » des propositions contenues dans son rapport annuel. Jean-Marie Delarue propose, entre autres, de faire entrer l’internet en prison, de limiter le recours à la Visioconférence lors des entretiens avec les juges et de permettre aux personnes travaillant en détention de « parler librement de leurs problèmes ».

Pour sa part, le Secours Catholique demande, entre autre, que l’on propose aux personnes détenues de vrais emplois avec un minimum de garantie sociale permettant ainsi une réinsertion lors de leur sortie.

Plus d’information
Rapport du CGLPL : http://bit.ly/zq908O
Position du Secours Catholique sur le concept de dangerosité : http://bit.ly/yV5qb0

Source
Secours Catholique : http://bit.ly/yqg2KA