Taxe sur le secteur aérien : mayday mayday

Photo: Stefano Corso, (Sous
licence Creative Commons)

Taxer le secteur aérien est une idée qui revient régulièrement dans l’actualité et qui, pensait-on, allait être débattue lors de la conférence de Durban. Il n’en fut rien. Il s’agit pourtant d’une piste sérieuse pour financer la lutte contre les changements climatiques, a écrit Véronique Rigot, chargée de recherche environnement et développement au Centre national de coopération au développement du Belgique (CNCD-11.11.11), par le magazine Imagine Demain le Monde.

Au niveau mondial, on estime qu’il y a en permanence entre 500 000 et 1 million de personnes en vol. Avec 1 700 compagnies aériennes, 27 000 avions civils, 3 600 aéroports et 80 000 vols par jour, le secteur aérien est en pleine croissance et ce, malgré la crise. Cette expansion a cependant un coût pour l’environnement. Depuis 1990, les émissions de CO2 du secteur de l’aviation ont augmenté de 87% et comptent aujourd’hui pour 3,5% des émissions totales des activités humaines contribuant au réchauffement climatique. Selon les experts du GIEC, d’ici 2050, elles pourraient atteindre les 5%, minant ainsi les efforts d’autres secteurs pour respecter leurs engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto.

Objectifs contradictoires

Néanmoins, l’IATA, l’Association internationale pour l’aviation civile, reconnaît officiellement que le secteur doit participer à l’effort collectif. Mais comment concilier ce qui paraît inconciliable, à savoir la croissance permanente du transport aérien avec la réduction de ses émissions de CO2 ? Le jour où on volera « propre » n’est pas encore arrivé. Les innovations comme l’avion solaire sont au stade expérimental, les carburants alternatifs sont très chers, et comme l’explique Nicolas Jeuland de l’IFP Energies nouvelles, les contraintes techniques pour ces nouveaux carburants sont complexes (harmonisation internationale, résistance aux changements de température, compatibilité aux moteurs, etc). Avec l’appui de la Commission européenne, plusieurs compagnies regardent maintenant du côté des agrocarburants.

Aujourd’hui, nombreuses sont les compagnies à prendre des initiatives pour convaincre que le secteur est en voie de « verdisation ». Certaines communiquent sur l’évolution de leurs pratiques - diminution du temps de roulage au sol, montée et descente « continue » et non par paliers, etc. D’autres compagnies appliquent, quant à elles, des taxes sur leurs billets d’avion afin de contribuer à des fonds de lutte contre le réchauffement global. De son côté, La Lufthansa a lancé son premier vol commercial en 2011 à base d’agrocarburants entre Hamburg et Frankfurt (=4 heures de train) alors que la KLM annonçait les siens pour septembre 2011 entre Amsterdam et Paris (=3 heures de train). Les initiatives ne manquent donc pas mais peut-on parler de véritable engagement dans la lutte contre les changements climatiques, ou doit-on plutôt y voir une simple logique de rationalisation des coûts ou encore de communication dans l’air du temps ?

Rendez-vous manqué à Durban

A la Conférence sur le Climat de Cancún (Mexique) en 2010, la « communauté internationale » s’était mise d’accord pour créer le Fonds vert pour le climat. Son objectif est de financer des projets d’atténuation et d’adaptation aux impacts du réchauffement climatique. Pour rendre opérationnel ce fonds, il devra être alimenté à hauteur de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020. Parmi les sources de financement envisagées, une idée revient régulièrement sur la table : la taxe sur le transport aérien. Cette proposition devait être débattue à la dernière conférence des Nations Unies à Durban, en Afrique du Sud. Ce ne fut pas le cas. En cause, l’entrée en vigueur de la nouvelle législation européenne en 2012 qui ne fait pas que des heureux.

L’Europe avance et crispe

Le 5 janvier dernier, Brussels Airlines a annoncé qu’elle augmentait ses prix de 3 euros pour les vols intra-européens et de 10 euros pour les intercontinentaux car, depuis le premier de l’an, chaque avion qui décolle ou atterrit sur un aéroport européen doit compenser, en partie, les émissions de gaz à effet de serre par des quotas de CO2. En fait, l’Union européenne a décidé d’intégrer le secteur de l’aviation au système communautaire de commerce des quotas d’émissions de CO2 , mécanisme prévu dans le cadre du Protocole de Kyoto. Au-delà du débat sur les moyens utilisés (le marché controversé du carbone), il est difficile de blâmer l’Europe de vouloir être en pointe dans la lutte contre le réchauffement global. L’entrée en vigueur de la nouvelle législation n’en a pas moins soulevé une vague de critiques (voir encadré) et pour cause : l’initiative est unilatérale dans un contexte par définition international et qui nécessite donc le plus haut degré de coopération.

Pour la lutte contre le réchauffement global, 2011 n’aura donc pas été une année faste. Le cadre du Fonds vert pour le climat est posé, mais il est, pour le moment, une coquille vide qui devra être alimentée d’argent frais. Pour le secteur aérien, par contre, 2011 a été une bonne année. Dans les aéroports de Bruxelles et de Charleroi, on se félicite : le nombre de passagers a progressé respectivement de 9% et 14% en 2011 par rapport à 2010 qui avait déjà été une excellente année.

Source
CNCD : http://bit.ly/GA2koQ


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