Des pays africains prêts à réformer leur secteur minier
Published on Mon, 2012-04-09 08:34
Les ministres africains chargés de l’exploitation minière ont décidé, au mois de décembre, d’avancer vers la réforme du secteur au bénéfice de la population. Le plan d’action qu’ils ont approuvé à la conférence d’Adis Adeba comprend des amendements aux régimes fiscaux. « Les jours où l’exploitation minière africaine était une activité centrée uniquement sur l’obtention de bénéfices sont arrivés à leur terme. La plupart des pays sont prêts à la transformer en une composante clé de la croissance et du développement d’une économie diversifiée, vibrante et industrialisée », a affirmé African Agenda, le magazine bimensuel du Réseau du Tiers Monde-Afrique (TWN-A), dans son tout récent éditorial. « Avant l’indépendance, les métropoles telles que la Grande Bretagne, le cas de Ghana, de la Zambie et du Zimbabwe, ou de la Belgique, le cas de la République Démocratique du Congo, exploitaient les minéraux sans que les colonies puissent faire entendre leur voix », ajoute l’éditorial. « En fait, elles ont été saccagées par les maîtres colonisateurs, qui ne se souciaient pas beaucoup du développement de ces nations. La plupart des pays, une fois devenus indépendants, ont décidé de nationaliser leurs mines en guise de réaction aux siècles de ‘violation’. » Mais les nouveaux États « ne disposaient pas, entre autres ressources, de connaissances, de technologie et de capital pour opérer les mines, dont la plupart avaient déjà collapsé dans les années 80, ce qui a coïncidé avec les difficultés économiques subies par ces pays à l’époque, selon African Agenda. Malgré tout cela, l’exploitation minière a continué d’être une bonne affaire. Stephen Karingi, expert de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA), a fait mention, lors du reportage spécial de la publication de TWN-A, des chiffres suivants : « Seulement en 2010, les bénéfices nets des 40 principales compagnies minières a augmenté de 156% à 110.000 millions de dollars, alors que le patrimoine net de ces firmes excède le billion de dollars. » L’exploitation minière est prédominante en ce qui concerne les revenus provenant des exportations de plusieurs pays africains, a dit Mark Jeffery, expert de l’UNECA et de l’Union africaine. En 2005, les minéraux ont représenté plus de 80% des ventes à l’extérieur de Botswana, du Congo, de la République Démocratique du Congo, de Guinée et de Sierra Leona, et plus de 50% de celles du Mali, de la Mauritanie, du Mozambique, de la Namibie et de la Zambie. Pour 2008, la demande soutenue de la Chine avait élevé le prix des minéraux le situant à un nouveau pic historique. « Malgré cette flambée, l’Afrique est pauvre, alors que les entreprises qui exploitent les minéraux qui s’y trouvent, dont la plupart sont étrangères, sont très riches », a expliqué Jeffery à Emmanuel K. Dogbevi, éditeur du journal électronique GhanaBusiness.com et auteur d’un des articles publiés par African Agenda. Par-dessus le marché, le continent consomme une partie minimale de ses ressources minérales, dont la plupart sont exportées en tant que matière première « avec une valeur ajoutée locale très faible ou nulle », a évalué Jean Noel Francois, commissaire au Commerce et à l’Industrie de l’Union africaine. Ces ressources favorisent la croissance et le développement d’un bon nombre d’économies industrialisées et émergentes, mais l’Afrique continue à être pauvre, sous-développée et dépendante de l’aide des donateurs pour pouvoir maintenir leurs budgets nationaux, a ajouté le fonctionnaire.
Une énorme richesse Selon des études citées par African Agenda, le continent produit plus de 60 métaux et minéraux, dont l’or, le platine, les diamants, l’uranium, le manganèse, le chrome, le nickel, la bauxite et le cobalt. On y exploite aussi du charbon et des phosphates. Certains des principaux gisements, après vérification, de minéraux de la planète se trouvent dans ce continent. La conférence ministérielle tenue à Adis Adeba a renouvelé sa politique pour le secteur minier avec un plan d’action comprenant six points : ■ Les États doivent réformer leurs régimes fiscaux pour optimiser les bénéfices qu’ils reçoivent de ce secteur ; ■ Les États doivent explorer la possibilité de renégocier les contrats en cours pour s’assurer une partie juste des bénéfices économiques ; ■ Les États doivent aligner leurs stratégies de développement minier avec leurs stratégies de développement national à long terme ; ■ Les États doivent assurer la transparence en ce qui concerne l’obtention et l’utilisation de leurs revenus miniers ; ■ Les gouvernements peuvent explorer les possibilités de participation aux projets miniers afin d’obtenir une plus grande partie des bénéfices ; ■ Les gouvernements doivent consolider la capacité des organismes de contrôle de ce secteur. Parallèlement à l’approbation de ce plan d’action, les ministres ont réaffirmé la politique inscrite dans le document African Mining Vision (AMV, Vision minière africaine), approuvé par le Sommet de l’Union africaine en 2009. Ce qui différencie l’AMV, a écrit Mark Jeffery, est que celle-ci ne se limite pas uniquement à considérer le secteur minier de manière isolée. Certes, elle va au-delà de l’activité consistant à gérer l’extraction des ressources et à établir des mécanismes optimaux de perception et de répartition des gains : l’approche consiste à placer le développement général au cœur de l’activité. L’AMV repose sur les principes selon lesquels l’exploitation minière permet d’encourager l’économie locale et d’empêcher les entreprises d’opérer les mines considérées comme de simples filiales de leurs maisons mères. Les experts présents à la conférence ministérielle de décembre, dont les représentants de la société civile, ont appelé les gouvernements à renforcer la transparence, la réédition des comptes et l’accès à l’information, à améliorer la participation citoyenne et à établir des programmes de formation dans les communautés locales. De son côté, un Groupe International d’Études, créé par l’UNECA, a défini le secteur minier africain actuel comme étant une simple enclave des entreprises étrangères leur permettant de s’approvisionner de matière première et a recommandé de le transformer un une industrie intégrée, qui offrirait de plus larges perspectives vers le développement socioéconomique. À ce titre, le rapport du Groupe a fait mention de l’exemple des pays nordiques qui ont fondé leur processus d’industrialisation sur l’utilisation de leurs propres ressources naturelles. Le rapport affirme, en outre, que les africains doivent mettre fin à « l’isolement du secteur minier vis-à-vis des autres activités sociales et économiques ». Les défaillances historiques qui remontent aux temps des colonies ont fait que l’exploitation minière soit de nous jours séparée du développement d’infrastructure et de l’industrialisation et qu’elle soit centrée sur le ravitaillement du marché mondial, ce qui vient contredire les besoins en matière de progrès du continent, ont signalé Abdoulie Janneh, secrétaire de l’UNECA et Jean Ping, président de la Commission Africaine, dans le prologue du rapport. L’éditorial d’African Agenda souligne que « la flambée du prix des minéraux a bénéficié les compagnies mais elle n’a représenté aucune différence quant aux recettes des pays ». Nonobstant, le phénomène a conduit des pays tels que la Zambie à changer ses régimes d’impôts pour ce secteur, à la Tanzanie et à Ghana à augmenter leurs redevances, à la Guinée à modifier son code minier et à la République Démocratique du Congo à annuler certains contrats, ajoute l’éditorial. « Ces efforts pour établir un certain équilibre a irrité les compagnies minières, qui ont averti qu’elles n’accepteront ces mesures sans se batailler », mais « la bonne nouvelle est que les pays africains reconnaissent qu’il est nécessaire de Source |