La France: Privation de liberté, solitude, pauvreté, peine à triple entrée

Photo: Gaël Kerbaol/Secours
Catholique

Le Secours Catholique, point focal de Social Watch en France, porte depuis ce mois une attention toute particulière aux personnes détenues, isolées, en situation d’indigence. Chaque délégation du Secours Catholique est investie d’une équipe Prison qui s’implique de multiples façons et agit en concertation avec les intervenants du monde carcéral.

Le Secours Catholique est à sa place quand il va à la rencontre du monde carcéral, puisque la densité des pauvretés y est plus forte qu’à l’extérieur. Il est important que le Secours Catholique soit présent dans ces lieux où des hommes sont en souffrance, dans une démarche fraternelle et humaine, dans une écoute attentive et discrète. Les équipes s’adaptent pour assurer le meilleur service aux plus pauvres des détenus.

Le Secours Catholique bénéficie de la confiance de l’administration pénitentiaire. Un protocole signé avec l’administration pénitentiaire en décembre 2004, revu en mai 2009, puis le 4 juin dernier, détermine les domaines d’intervention : en faveur des personnes placées sous main de justice en situation d’indigence ; dans l’aide aux sortants démunis ; dans l’accueil de personnes soumises à un travail d’intérêt général (TIG).

En participant aux commissions pluridisciplinaires au sein de la prison (pour une prise en charge des personnes en situation d’indigence), la personne représentant la délégation du Secours Catholique apporte son concours à la recherche de solutions et se tient à l’écoute des besoins matériels ou moraux de la personne détenue. Puis, la délégation décide, en référence à ses objectifs et à ses priorités, de la nature et du montant de l’aide à apporter. Les exemples sont nombreux. Ainsi, en est-il de la participation par la délégation des Yvelines à des bourses de lutte contre l’illettrisme.

 

Face à l’expérience douloureuse de l’isolement, des animations collectives

Particulièrement en fin d’année, les équipes du Secours Catholique, en collaboration avec les intervenants de l’administration pénitentiaire, proposent des animations ponctuelles : colis, goûters, concert, sportives ou de solidarité, des groupes de paroles, des ateliers : couture, travaux manuels, soins esthétiques, des célébrations religieuses.

À Saint-Denis, existe un atelier de couture pour femmes à la prison Juliette Dodu. En élaborant des tapis “mendiants”, des serviettes, des maniques de cuisine, des cache-biberons, le groupe qui peut aller jusqu’à une quinzaine de participantes, discute d’histoires toutes simples, qui les font rire et oublier la prison. Parfois viennent des envies de confidence, à la fin de la séance, pendant quelques instants…

À la maison d’arrêt d’Ajaccio, après un apport initial de cinq cents ouvrages et l’aménagement d’un espace bibliothèque, trois bénévoles assurent un service de prêt de livres, une après-midi par semaine. L’effet de curiosité passé, les détenus ont manifesté un intérêt certain pour cette activité nouvelle et la fréquentation est devenue régulière. Désormais la bibliothèque est un lieu de rencontre et d’échange où, ponctuellement sont organisées des rencontres avec des écrivains.

 

Pour rompre la solitude du détenu, un service courrier

« En prison, le courrier est une des choses les plus importantes, un rayon de soleil que l’on ne trouve pas ailleurs » écrivait Denis R. détenu, sans aucun lien, ni famille. Si certaines personnes incarcérées sont soutenues par leurs familles, des amis, beaucoup d’entre elles n’ont que de rares nouvelles, ou même plus du tout : la privation de liberté, c’est la coupure avec la famille.

Dans le service de courrier anonyme appelé “S’écrire au-delà des murs”, le Secours Catholique vise par la relation épistolaire à rompre l’isolement du détenu, à lui apporter une aide morale et, pour un temps, dans le respect et l’estime, le partage d’une parcelle de vie, d’activités, de préoccupations. La correspondance, même anonyme équivaut à une “visite par écrit”. Le dispositif incite à l’expression de la personne, et s’inscrit dans la perspective du retour à la vie libre.

 

Auprès des proches en attente de parloir

Les familles se déplacent de loin pour rendre visite à leur proche en détention, souvent les enfants accompagnent les mamans jusque vers les centres pénitentiaires excentrés des villes. La visite à l’un des siens n’est pas un long fleuve tranquille. Après une prise de rendez-vous préalable, il faut s’armer de patience : pas de retard possible, sous peine d’annulation !

Le voyage est fatiguant et l’attente de l’heure fixée par l’administration est longue. Des lieux d’accueil pour ces familles sont mis à disposition à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement. La plupart des délégations participent à leur animation tantôt en pleine responsabilité, tantôt en partenariat avec d’autres associations et les directeurs d’établissements concernés. Autour d’une collation, d’un espace de jeux pour les enfants, les bénévoles écoutent leur peine et leurs difficultés car la privation de liberté affecte la vie de la famille toute entière.

La délégation du Puy-de-Dôme a mis en place un accueil mobile pour les familles des personnes détenues à la prison de Riom. Dans une ancienne camionnette, garée devant la prison le temps de l’ouverture des parloirs, les familles prennent un café, au chaud, à l’abri et peuvent bavarder en attendant leur tour. Un jeune, condamné à des travaux d’intérêt général, a consacré dix jours au nettoyage et au ponçage extérieur. Une entreprise locale de carrosserie (Taillandier) a généreusement pris en charge la remise en état du véhicule) Et l’équipe de bénévoles avec l’aide financière de la banque Nuger a aménagé l’intérieur.

 

Accompagner la sortie de détention

Le Secours Catholique contribue à la réinsertion des personnes libérées avec ou sans aménagement de peine. Certaines équipes assurent un relais de prise en charge pour des personnes en situation très précaire et pour un temps déterminé. Le Secours Catholique peut se voir confier des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) en milieu ouvert, dans le cadre de l’exécution d’un *travail d’intérêt général (TIG).

Les personnes sortant de prison rencontrent des difficultés pour accéder à leurs droits (obtention de la carte d’identité, du RSA, l’accès au logement, à l’emploi). Pour y remédier, les équipes approfondissent les partenariats, avec l’administration pénitentiaires et les acteurs locaux. Certaines délégations portent leur soutien plutôt vers le logement, première marche pour reprendre pied dans la société et y assumer ses responsabilités.

D’autres accompagnent la création d’entreprise d’un sortant de prison et étudie les demandes particulières de réinsertion par l’activité économique. *sanction pénale de substitution à l’emprisonnement

 

Dans un rôle d’éveil à la charité

Le Secours Catholique appelle les chrétiens à changer de regard sur le milieu carcéral pour qu’il soit porté sans préjugés, sans peur. Dans l’Essonne, la délégation du Secours Catholique investie à Fleury-Mérogis, le plus grand établissement pénitentiaire d’Europe de plus de 3 900 détenus, a invité le public à réfléchir à la mise en pratique des paroles de l’apôtre Matthieu : « j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi » ? (Matthieu 25) et sur les actions à mener auprès de ceux qui sont loin de tout et qui se trouvent en prison.

 

Une réflexion nationale sur l’évolution de la détention

Chaque année les Journées nationales prison (dernière semaine de novembre) permettent aux membres du Secours Catholique de débattre avec tous ceux qui interviennent dans le monde carcéral, de la sanction pénale, de la vie en détention, et du respect de la citoyenneté. Des échanges ont lieu avec des personnes détenues ou l’ayant été. Le Secours Catholique plaide pour qu’un véritable droit d’expression des personnes détenues et de leur famille soit reconnu comme le préconisent les règles pénitentiaires européennes.

Ainsi, est décrit comment à son niveau et avec d’autres, le Secours Catholique participe à un processus de libération, dans tous les sens du terme. Afin qu’ils ne soient pas prisonniers de leur passé tout en assumant leur responsabilité humaine, le Secours Catholique mobilise sans cesse son réseau pour que l’homme ou la femme accompagné par l’équipe Prison ne soit plus sortant, mais sorti de prison.

Source
Secours Catholique : http://bit.ly/LDkTwe