L’Agriculture africaine nécessite un changement fondamental

Les prix des denrées alimentaires sont à la hausse en Afrique. Cette tendance est due essentiellement au fait que l’Afrique importe la plupart de ses denrées, par conséquent, les changements des cours mondiaux affectent automatiquement les prix locaux en Afrique, selon l'éditorial de la dernière édition de l'Agenda africain, une publication de Third World Network-Africa.

Plusieurs raisons telles que les mauvaises conditions climatiques, la crise financière dans la zone Euro, et l’accroissement de la demande dans les pays asiatiques ont été avancées pour expliquer cette situation. D’aucuns pensent que les spéculateurs des produits de base sur les marchés ne peuvent pas échapper aux reproches car la spéculation aussi fait grimper les prix. Selon les prévisions de la Banque mondiale et de la FAO, la situation ne s’améliorera pas sitôt, surtout d’ici 2013.

L’Afrique continue d’être la région la plus touchée par la flambée des prix. Un rapport récent de la Banque mondiale indique qu’entre mars 2011 et mars 2012, le prix du maïs a augmenté de 8% au Malawi, de 80% en Ethiopie et de 71% au Mexique. Les plus grands déclins dans la production du maïs sont survenus aux Honduras (31%), en Somalie (20%), et au Salvador (19%). Pendant la même période, les prix du riz ont progressé de 125% en Ouganda, 54% en Tanzanie, et de 38% au Rwanda.

Cette situation implique que les pays en développement, en particulier, les pays africains ayant d’énormes factures d’importation de produits alimentaires sont une fois encore victimes d’une crise mondiale qui menace d’aggraver la pauvreté. Toutefois, il ne semble pas que les pays africains sont entièrement irréprochables pour la situation dans ils se retrouvent. En dehors du développement du goût pour les produits importés au détriment des produits cultivés localement, les choix de politique même s’ils sont prescrits dans les conditions de prêts et de dons etc. sont tout aussi reprochables.

Dans un rapport publié en mars, le Rapporteur Spécial des Nations Unies pour le Droit à l’Alimentation, Olivier De Schutter, parle également d’une évolution rapide vers les aliments transformés et l’abandon des mets traditionnels par la population locale. En plus de l’ouverture de l’Afrique aux nouvelles maladies associées aux pays développés, cette évolution implique la perte de revenus parmi les agriculteurs locaux dont les produits manquent de clientèle et qui s’enfoncent donc dans la pauvreté.

Les problèmes des agriculteurs africains sont davantage exacerbés par les subventions dont bénéficient les agriculteurs des pays développés qui ont donc des coûts de production réduits et disposent des débouchés faciles pour leurs produits en raison de l’ouverture des marchés africains grâce à l’ajustement structurel et les politiques néolibérales qui l’ont suivi. Un autre danger à l’horizon pour les agriculteurs africains est la montée en puissance des sociétés de semence telles que Monsanto, Sygenta et Dupont qui s’empare progressivement de la chaine mondiale d’approvisionnement en produits alimentaires à mesure que les semences des agriculteurs commencent à s’amenuiser. Le monopole de ces sociétés de semence contribue aussi à la hausse des prix des produits alimentaires au fur et à mesure que les intérêts commerciaux s’emparent de l’industrie alimentaire. La spéculation sur les bourses des produits de base est étroitement liée à cette tendance. La financiarisation du marché des produits alimentaires entraine des distorsions dans les prix qui n’ont rien avoir avec l’offre et la demande.

Dans les différentes régions de l’Afrique, comme l’indique l’article à la page 5 intitulé « Les prix des produits alimentaires repartent à la hausse », les raisons de la hausse des prix varient des situations de conflit à la sécheresse ou des pluies tardives. Ce n’est donc pas surprenant qu’à cause de la situation de conflit entre le Sud Soudan et le Soudan, les troubles civils au Nord du Mali et au nord-est du Nigeria entre autres, les prix des produits alimentaires s’envolent. Le prix élevé des engrais et du carburant se traduisent automatiquement en augmentation des prix alimentaires.

Un autre facteur qui contribue à la flambée des prix est le caractère peu attrayant de l’agriculture non seulement pour les entrepreneurs africains mais aussi pour la jeune génération. Contrairement aux pays développés où les incitations telles que les subventions, les recherches soutenues par le gouvernement et les bons régimes de crédit sont mis en oeuvre pour attirer de plus en plus d’entrepreneurs vers l’industrie agricole, l’Afrique n’a pas ces avantages bien que la population d’agriculteurs surtout les petits exploitants et les vieux paysans ne cesse de diminuer.

Les jeunes qui doivent prendre la relève des vieux paysans et des agriculteurs de subsistance et transformer l’agriculture en une industrie agro-alimentaire ne s’y intéressent pas en raison du manque de régime de crédit attractif soutenus par le gouvernement. En Afrique, l’agriculture est demeurée une entreprise peu scientifique et peu axée sur la technologie et tributaire de la pluie et des outils rudimentaires comme le coupe-coupe et la houe. L’irrigation et l’usage des tracteurs jouent un rôle infime dans l’agriculture africaine.

Le changement climatique et ses effets tels que la sécheresse et l’inondation contribuent aussi à la hausse des prix alimentaires en Afrique et à travers le monde. La pluviométrie irrégulière et imprévisible est devenue courante dans quelques régions de l’Afrique à tel enseigne que les agriculteurs peuvent à peine dépendre de leur connaissance éprouvée du climat pour semer leur culture. Avec des services météorologiques peu fiables et des agriculteurs analphabètes qui ne peuvent pas tirer grande chose des informations météorologiques disponibles, les pratiques agricoles demeurent peu scientifiques.

Tout porte à croitre l’Afrique a besoin non seulement d’un système d’alerte rapide mais aussi d’un changement radical du système agricole qui répond à ses besoins alimentaires. Comme il a été suggéré récemment lors d’un débat de l’ONU sur la volatilité excessive des prix des denrées alimentaires et des produits de base, les pays en développement doivent s’enraciner dans la production locale et l’autosuffisance et accorder une importance à l’agriculture. L’Afrique, en l’occurrence, les pays en développement ne doivent pas accepter l’idée de lier la production vivrière locale à la chaîne de valeur mondiale par des moyens tels que l’Alliance pour une Révolution Verte en Afrique car cela les mettra sous les ordres du conseil d’administration des sociétés.

L’autosuffisance alimentaire de l’Afrique ne dépend pas non plus de l’accaparement de vaste de superficies de terre aux fins agricoles par les sociétés multinationales dont les intérêts ne sont pas différents de celles qu’on retrouve dans les secteurs extractives du gaz et du pétrole et des mines qui engrangent des profits énormes pour leurs actionnaires. Nourrir l’Afrique à un coût abordable, assurer la sécurité et la souveraineté alimentaire et dépendre moins de l’importation des produits alimentaire ne peuvent être réalisés que par les africains eux-mêmes.

Source
TWN-A : http://bit.ly/XfF9r4