Les négociations à l’ONU sur le financement du développement: quels devraient être les résultats de la Conférence d’Addis-Abeba en 2015?
Published on Thu, 2014-12-04 09:23
2015 sera une année cruciale dans la lutte contre la pauvreté à l’échelle mondiale: trois grandes conférences internationales auront lieu au cours d’une période de six mois. Une des questions centrales qui sera débattue lors de ces trois conférences est, comment réformer concrètement le système financier et le commerce international pour qu’ils contribuent à la réalisation des objectifs mondiaux de développement durable ? Les propositions de réforme devraient être fondées sur le droit au développement pour tous les pays et le respect des droits économiques et sociaux de tous les individus. Nous avons suffisamment de ressources financières pour garantir le respect des droits de l’Homme, abolir la pauvreté et atteindre les objectifs mondiaux de développement durable. Ce dont nous avons besoin, ce sont des décisions politiques en faveur de changements structurels et systémiques afin de rendre ces changements possibles. La Troisième Conférence sur le Financement du Développement (FdD) des Nations Unies(ONU) qui aura lieu en juillet à Addis-Abeba jouera un rôle majeur en ce sens. Ce document résume les changements concrets que nous recommandons d’adopter à Addis-Abeba. Download the full paper in French here. To endorse the paper write to hcortes @ eurodad.org Il est structuré autour des six chapitres thématiques du consensus de Monterrey auquel un septième a été ajouté, portant sur d’autres questions importantes : 1. La mobilisation des ressources domestiques. Une véritable coopération à l’échelle mondiale est nécessaire pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale et la fraude fiscale au niveau international. En l’absence d’un programme commun, tous les gouvernements subissent un manque à gagner de recettes fiscales considérable. Or, ces ressources auraient pu servir à financer le développement durable. Des normes internationales en matière fiscale sont actuellement développées au sein de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), dans le cadre d’un processus qui se déroule à huis clos et qui exclut 80% des pays du monde entier. Nos recommandations sont les suivantes :
2. Les investissements directs à l’étranger et autres flux de capitaux privés. Il est necessaire d’adopter une approche beaucoup plus nuancée sur la question des financements extérieurs privés, en admettant que ce type de financement comporte des risques qui doivent être gérés de manière prudente par les pays en développement. Ces risques sont de deux sortes. D’une part, ces flux présentent des risques macro-économiques importants, notamment car ils sont très volatiles comme c'est le cas des capitaux à court-terme. D’autre part, la nature des investissements à plus long-terme et les conditions associées à ces Investissements Directs à l’Étranger (IDE) sont également préoccupantes. Nos recommandations sont les suivantes :
3. Le commerce international. Les politiques commerciales devraient donner une marge de manœuvre suffisante aux pays en développement pour qu’ils puissent notamment mettre l´accent sur les effets de ces politiques sur l’emploi, l’égalité entre hommes et femmes, le développement durable et les personnes vulnérables. Ces politiques ne devraient pas préconiser la libéralisation des échanges comme une fin en soi. Le commerce international joue un rôle fondamental dans le processus de développement et les pays en développement peuvent utiliser les politiques commerciales pour soutenir les industries nationales qui créent le plus de valeur ajoutée et pas uniquement les producteurs de matières premières. Cependant, le régime commercial multilatéral actuel a poussé les pays en développement à ouvrir leurs marchés, par le biais de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et des accords commerciaux et d’investissement bilatéraux et régionaux. Cette libéralisation a réduit la capacité des pays en développement à répondre à leurs propres besoins de développement. Elle a par contre eu un impact très limité sur les politiques commerciales des pays riches qui ont des effets de distorsion sur les échanges considérables. Nous recommandons les mesures suivantes :
4. L’Aide Publique au Développement (APD) et autres ressources publiques pour appuyer le développement. Il est nécessaire que les gouvernements renforcent leur engagement à fournir des ressources publiques de qualité et en quantité suffisante aux pays en développement, que ce soit sous la forme d’APD ou de tout autre nouveau financement public venant s’ajouter aux budgets de l’APD. Des mécanismes de suivi plus rigoureux devraient être mis en place pour assurer le respect de ces engagements. L’APD représente encore une source de financement du développement primordiale, en particulier pour les pays les plus pauvres. L’incapacité des pays développés à atteindre l’objectif de l’ONU de consacrer 0.7% de leur Revenu National Brut (RNB) à l’APD porte sérieusement atteinte au potentiel de l’APD. De même, les progrès en matière d’efficacité de l’aide restent limités par rapport aux engagements pris à Paris, Accra et Busan. Or ceux-ci visaient précisément à mettre fin aux mauvaises pratiques en matière d’APD qui décrédibilisent tant l’APD. Les financements publics innovants peuvent apporter les ressources supplémentaires dont le secteur du développement à grand besoin. Nos principales recommandations sont les suivantes :
5. La dette extérieure. L’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) a récemment adopté une résolution2 visant à établir «un cadre juridique multilatéral sur les restructurations de dette souveraine». Cette résolution constitue une opportunité à ne pas manquer pour mettre en place des mécanismes internationaux de prévention et de résolution des crises de la dette. Ces crises risquent en effet de balayer tous les progrès de développement accomplis dans le monde sur une période de plusieurs décennies. Même dans les pays qui ne sont pas touchés par de très graves crises de la dette, le remboursement du service de la dette reste problématique. Dans un contexte de budgets publics limités, les remboursements de dette se font au détriment du financement du développement. Le système de prévention des crises et de gestion de la dette promis à Monterrey n’a toujours pas été établi. A l’heure actuelle les crises sont traitées trop tard et trop lentement. Nos recommandations sont les suivantes :
6. Les problèmes systémiques : pour une réforme en faveur d’une gouvernance mondiale et d’un système monétaire international plus efficaces et ouverts à tous. Une refonte du système de gouvernance économique mondiale est nécessaire afin de : permettre aux pays en développement de participer de manière juste et équitable aux décisions des organisations internationales et des institutions financières, renforcer la transparence et la responsabilité au sein de ces instances, et traiter les problèmes internationaux majeurs tout en laissant une marge de manœuvre suffisante aux pays en développement. La transformation de l’enceinte de coopération économique du G8 en G20 pour refléter le pouvoir des pays émergents a constitué un changement positif. Le G20 s’avère pourtant être un mécanisme de coordination mondiale inapproprié et inefficace. Quant aux instances plus légitimes au sein de l’ONU, elles n’ont ni le mandat ni les fonds suffisants pour assurer cette coordination. Le système monétaire international fondé sur le dollar américain n’est pas viable. Le statut de monnaie de réserve internationale du dollar devra progressivement être amené à disparaitre tandis que les réserves de change des pays en développement devront augmenter pour renforcer la stabilité du système. Nos recommandations sont les suivantes :
7. Autres problèmes importants. Parmi ces problèmes importants, quatre méritent une attention particulière:
Les chapitres qui suivent présentent de manière détaillée les recommandations résumées ci-dessus. Les éléments qui les illustrent montrent à quel point ces questions fondamentales devraient être au cœur des débats lors de la Conférence d’Addis-Abeba. Download the full paper in French here. To endorse the paper write to hcortes @ eurodad.org |