Rapport Social Watch : l’économie tchèque croît plus vite que le niveau de vie

L’économie tchèque a beau croître et le taux de chômage être à un niveau historiquement bas, le niveau de vie en République tchèque progresse relativement lentement, trop lentement en tout cas pour rattraper les pays européens les plus développés. Tel est le principal constat du huitième rapport annuel de la branche tchèque de la plate-forme Social Watch publié ce lundi. Explications avec l’économiste Ilona Švihlíková.

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Il y a quelques mois, Josef Středula, le leader du principal syndicat tchèque, considérait qu’au rythme actuel, il faudrait plus d’un siècle pour que la Tchéquie rattrape les économies de ses voisins allemand et autrichien. C’est en substance ce que confirme le nouveau rapport de la plate-forme Social Watch, laquelle rassemble neuf organisations tchèques. Coauteure de cette étude pour l’association Forum 50%, qui milite pour que les femmes investissent la scène politique, Ilona Švihlíková estime que c’est la structure même de l’économie tchèque, trop dépendante des exportations et des investissements étrangers, qui est en cause :

« L’économie tchèque est dépendante notamment du fait que de nombreuses entreprises étrangères sont actives en Tchéquie et que cela a aussi des impacts négatifs. L’un d’entre eux, c’est que chaque année, des centaines de milliards de couronnes de bénéfices quittent le pays. C’est un phénomène de long terme. Cela implique aussi que les entreprises dites ‘tchèques’ ou les filiales tchèques produisent des biens et des services à faible ou à moyenne valeur ajoutée. Et c’est justement la façon dont est organisée cette division du travail qui ne permet pas une hausse des salaires à long terme. »

Si le chômage atteint des niveaux si faibles en Tchéquie, à 5,2% au mois de juin 2016, c’est notamment parce que le pays est attractif pour les investisseurs étrangers. Mais ce modèle aurait donc aussi des limites, puisque l’économie tchèque peine à monter en gamme. Ilona Švihlíková :

« Malheureusement, ce modèle est d’autant plus marqué avec la politique de la Banque nationale tchèque en faveur d’une couronne faible. C’est un modèle conçu pour ‘être bon marché’ : avoir une main d’œuvre bon marché au regard de ses performances économiques et avoir une monnaie faible, sous-évaluée. »

Pour l’économiste, il convient donc de revoir totalement ce modèle, une affaire qui pourrait prendre de « dix à quinze ans » indique-t-elle. Il s’agirait de mettre l’accent sur le soutien aux petites et moyennes entreprises, plutôt que d’essayer d’attirer une poignée de grands investisseurs, qui ne paient pas forcément ou très peu d’impôts en République tchèque.

Malgré la bonne santé actuelle de l’économie tchèque, celle-ci peinerait d’ailleurs, selon les auteurs du rapport, à faire face à des enjeux majeurs qui ne sont pas pour autant nouveaux : la problématique environnementale, la question de l’exclusion sociale ou encore les inégalités entre les hommes et les femmes. Sur ce dernier point, Ilona Švihlíková précise :

« Cette inégalité est plus ou moins au même niveau depuis de longues années. Les hommes gagnent entre 20 et 25% de plus que les femmes. Il est intéressant de constater que, paradoxalement, les différences les plus fortes se trouvent chez les personnes diplômées. En même temps, il est aussi vrai que les femmes appartiennent plus souvent à la catégorie des travailleurs pauvres ; c’est-à-dire qu’elles occupent plus souvent les emplois les moins bien rémunérés, typiquement dans le petit commerce. Et on n’observe vraiment aucun grand progrès sur ce sujet. »

Chose positive, d’après Ilona Švihlíková, le gouvernement tchèque actuellement au pouvoir aurait une certaine conscience de ces problèmes. Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, l’économiste évoque en particulier le projet de loi sur le logement social porté par le ministère du Travail et des Affaires sociales, qui accuse pourtant d’importants retards.

Par Pierre Meignan.