Canada: Clameur nationale pour les femmes autochtones disparues et assassinées

Marche et veille à Vancouver.
(Photo : Nofutureface/Flickr)

Mardi 4 octobre, des milliers de Canadiens ont honoré la mémoire des femmes autochtones disparues ou assassinées, à la sixième édition de la Marche et veille commémorative Sisters in Spirit. Les femmes autochtones du Canada sont cinq fois plus à risque de périr d'une mort violente que les femmes non autochtones.

Bridget Tolley a fondé la Marche et veille en 2005. Depuis, l'événement s'est répété chaque année à l'occasion de l'anniversaire du décès de sa mère, le 4 octobre. Au fil des ans, des marches similaires ont été organisées d'un bout à l'autre du pays pour marquer cet anniversaire. En 2010, 86 marches ont été organisées dans des communautés partout au Canada, un nombre record à ce jour.

Selon l'AFAC, 583 femmes autochtones ont été portées disparues ou ont été assassinées depuis 1980, approximativement. D'autres organismes et militantes estiment que le vrai nombre serait plutôt autour de 3000. Le fait est que les femmes autochtones du Canada sont cinq fois plus à risque de périr d'une mort violente que les femmes non autochtones.

L'objectif de cet événement est d'honorer la mémoire des femmes et des filles disparues ou assassinées, de sensibiliser la population et d'exiger que le gouvernement soutienne les démarches des familles et des communautés. Les organisations revendiquent le renouvellement du budget de recherche de Sisters in Spirit (SiS), une initiative de l'Association des femmes autochtones du Canada, qui a mené des recherches importantes sur les cas connus entre 2004 et 2010.

Bien que ce travail soit loin d'être complété, le gouvernement insiste pour remplacer la recherche par « l'action ». En fait, au lieu de financer la recherche, le travail communautaire et les actions de SiS, le gouvernement a choisi d'investir des ressources dans une base de données générique de personnes disparues, gérée par la GRC, en plus d'accroître les pouvoirs de la police en facilitant l'émission de mandats et l'utilisation de dispositifs d'écoute électronique.

En 2001, Gladys Tolley, une femme algonquienne de Kitigan Zibi Anishnabeg, a été heurtée et tuée par une autopatrouile de la Sûreté du Québec. Personne n'a jamais été trouvé coupable ou tenu responsable de cette tragédie, et toutes les demandes pour une enquête indépendante on été déboutées.

En juin 2010, la dépouille de Tiffany Morrison, une jeune femme Mohawk de Kahnawake, a été retrouvée tout près de son domicile, sous le pont Mercier. Elle était portée disparue depuis quatre ans.

En septembre 2008, deux amies adolescentes, Maisy Odjick de Kitigan Zibi et Shannon Alexander de Maniwaki, ont été portées disparues. On ne sait toujours pas où elles se trouvent aujourd'hui. Les familles des jeunes filles n'ont reçu que très peu d'information de la part de la police et ont dû organiser leurs propres missions de recherche.

L’AFAC, un regroupement de 13 organisations de femmes autochtones de partout au Canada, a émis une demande à trois rapporteurs spéciaux des Nations Unies afin qu’ils fassent un appel conjoint urgent au Canada suite au refus discriminatoire d’un financement pour une représentation par un conseiller juridique à la Missing Women Commission of Inquiry en Colombie-Britannique. L’AFAC a demandé un appel conjoint urgent parce que les audiences de la Commission débuteront le 11 octobre et que l’AFAC en est actuellement exclue.

« Plusieurs des femmes et des filles disparues ou assassinées dans le quartier East Side de Vancouver et sur le Highway of Tears sont autochtones, », affirme Jeannette Corbiere Lavell, présidente de l’AFAC.

L’AFAC est la voix nationale des femmes autochtones et est devenue un leader dans la documentation des disparitions et des meurtres de femmes et filles autochtones partout au pays.

La décision de ne pas financer un conseiller juridique pour les parties ayant obtenu qualité pour agir est sans précédent au Canada. L’AFAC et les autres groupes ayant obtenu qualité pour agir à cette Commission sont traités de manière différente comparativement aux groupes ayant obtenu qualité pour agir lors de n’importe quelle autre commission d’enquête. Il s’agit d’un traitement choquant, considérant qu’on parle ici d’une commission portant sur la violence extrême envers les femmes et les jeunes femmes. Ceci aura pour effet de réduire grandement l’intérêt porté à l’intervention des forces policières face à cette violence.

C'est le texte de la déclaration conjointe lu à l’échelle du pays le 4 octobre lors des Vigiles des Soeurs par l’esprit :

 

Déclaration conjointe

Le 4 octobre chaque année, des communautés partout au Canada se rassemblent pour honorer la vie des femmes et des filles autochtones tuées et disparues. Ce faisant, nous nous souvenons de la vie des soeurs, filles, mères et grands-mères qui ont disparu si tragiquement.

Aujourd’hui, nous offrons notre appui et nos sympathies à leurs familles et nous sommes à leurs côtés pour réclamer justice.

Les statistiques révèlent invariablement que les femmes autochtones sont beaucoup plus souvent victimes de violence que toutes les autres femmes au Canada. L’Association des femmes autochtones du Canada a recensé plus de 600 cas de femmes et de filles autochtones tuées ou toujours disparues.

Cette violence a touché la vie de presque toutes les familles et les communautés des Premières nations, des Inuits et des Métis. Elle a touché les Canadiens et les Canadiennes de tous les milieux qui exigent que des mesures soient prises. La violence contre les femmes autochtones est une question nationale, une question qui nous concerne tous.

Une tragédie de cette ampleur ne peut être résolue au coup par coup. Nous exhortons tous les niveaux de gouvernement de travailler avec les femmes autochtones et les organisations représentatives afin de mettre en oeuvre un vaste plan d’action national pour mettre fin à la violence envers les femmes. Ce plan d’action doit :

garantir l’accès à la justice aux femmes autochtones, y compris la réponse impartiale et efficace de la police à tous les cas de femmes disparues et tuées et l’ouverture de nouvelles enquêtes en cas de comportements répréhensibles de la part de policiers;

améliorer la responsabilisation et la sensibilisation du public par la collecte et la publication continues de statistiques nationales détaillées sur les taux de crimes avec violence envers les femmes autochtones;

fournir un financement stable et suffisant aux organisations de première ligne qui offrent des services culturellement adaptés d’hébergement, d’appui et de conseils aux femmes et aux filles autochtones et à leurs communautés;

s’attaquer aux causes profondes de la violence envers les femmes autochtones, y compris en comblant l’écart économique entre Autochtones et non Autochtones;

éliminer les inégalités dans les services offerts aux enfants autochtones et plus particulièrement dans le système de protection de la jeunesse.

En plus de lancer cet appel, nous tenons à exprimer nos remerciements et notre gratitude aux familles. Plusieurs d’entre elles sont avec nous aujourd’hui et nous voulons les remercier d’avoir partager leurs histoires. Vous êtes la raison pour laquelle nous continuons de demander que des mesures soient prises. Nous sommes honorés de marcher à vos côtés à cette fin!

De plus, nous reconnaissons que les familles doivent prendre les devants dans ce mouvement. Leurs histoires doivent être écoutées et leurs initiatives appuyées. Les relations doivent être entretenues et renforcées davantage avec les autres familles, ainsi qu’avec les hommes et les femmes de la base, les organisations et les communautés autochtones et non autochtones partout à Turtle Island.

Cette déclaration conjointe est appuyée par :

Alliance de la Fonction publique du Canada
L’alliance féminist pour laction internatinale
l'Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry
L’Association des femmes autochtones du Canada
Amnistie Internationale Canada
Congrès du travail du Canada
Familles des Soeurs par l'esprit
KAIROS Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice
La Loge Minwaashin
Prostitué-es d'Ottawa/Gatineau travaillent, éduquent et resistant
Projet du Coeur
Syndicat Canadien de la fonction publique
Syndicat national des employés généraux et publics
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes

Cette information est basée sur des données provenant des sources suivantes :
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes : http://bit.ly/q4tWZj
L’Association des femmes autochtones du Canada : http://bit.ly/pocuxZ
Cultural Foundation Native Expressions : http://bit.ly/fLzuXY