Communication présenté par Social Watch dans le Commission de la Condition de la femme (décembre 2009)

Communication présentée par l’Institut du tiers monde, organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif auprès du Conseil économique et social

11 décembre 2009

Commission de la condition de la femme
Cinquante-quatrième session

Déclaration

1. Trente ans après l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et 15 ans après la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, partout dans le monde les femmes continuent de lutter pour obtenir l’égalité avec les hommes ainsi que pour le respect de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés. En dépit de quelques progrès, la discrimination à l’égard des femmes continue de prévaloir dans tous les secteurs de la vie publique. Les États Membres des Nations Unies n’ont pas encore pleinement tenu leur engagement en faveur de l’égalité entre les sexes comme condition essentielle d’un développement économique et social durable.

2. L’Institut du tiers monde est l’organisation hôte du secrétariat international de Veille sociale, un réseau composé de coalitions nationales de la société civile dans plus de 70 pays qui examine depuis 1995 les politiques de lutte contre la pauvreté et de mise en oeuvre de l’égalité entre les sexes. Les rapports de Veille sociale (voir www.socialwatch.org) s’appuient sur les recherches d’organisations citoyennes à travers le monde qui surveillent leurs propres gouvernements, outre le traitement et l’analyse des statistiques internationales. Veille sociale établit chaque année un indicateur de l’égalité entre les sexes au moyen de données internationalement comparables permettant de mesurer les progrès accomplis dans le domaine de l’égalité en matière d’éducation et de prise de parole en politique.

3. L’évolution de l’indicateur de l’égalité entre les sexes montre que dans la plupart des pays, des résultats notables ont été obtenus en matière de participation politique des femmes, d’instauration d’un système de quotas, d’accès au marché du travail, de création de mécanismes institutionnels en faveur de l’égalité entre les sexes et de législation sur l’égalité des sexes, notamment sur les violences faites aux femmes, plus spécialement la violence au foyer et la traite.

4. Il existe cependant de toute évidence un abîme entre la législation et son application. Les coalitions nationales de Veille sociale font état de revers dans la lutte contre la pauvreté et pour l’égalité entre les sexes. La présente crise financière et économique a exacerbé dans le monde entier les inégalités entre hommes et femmes. Ce recul est également signalé dans le Rapport 2009 sur les objectifs du Millénaire pour le développement. Sa conclusion est que les crises sont susceptibles de freiner les progrès sur la voie de l’égalité entre les sexes en créant des difficultés supplémentaires dans le domaine de l’emploi des femmes. Leur moindre contrôle sur les ressources et les terres, leur surreprésentation dans le travail aux pièces et dans les emplois fragilisés, leurs salaires inférieurs et leur degré moindre de protection sociale les rend, ainsi que leurs enfants, plus vulnérables aux crises financières et économiques.

5. Les réponses à la crise économique ont entraîné des coupes sombres dans le financement des services sociaux, notamment les soins de santé, les soins aux enfants, la protection sociale et l’enseignement. Ces restrictions ont contribué à augmenter le risque de féminisation de la pauvreté. On estime que les femmes sortiront de la crise avec une charge accrue de travail non rémunéré au sein de la famille tout en ayant plus de difficultés de trouver un travail décent et d’avoir accès aux services sociaux, si leurs droits ne sont pas pleinement et efficacement protégés, comme le prescrivent les instruments internationaux des droits de l’homme.

6. Tout aussi inquiétante est l’absence des femmes dans la recherche des solutions à la crise et dans les décisions affectant l’économie. Les organismes en faveur de l’égalité entre les sexes, les groupes de femmes et les experts sont, en règle générale, exclus du processus de préparation des décisions, et ce, tant sur le plan national que sur le plan international.

7. Les rapports nationaux de Veille sociale révèlent que les réponses nationales et internationales face à la crise mondiale sont peu soucieuses de l’égalité entre les sexes, restant fidèles à leurs habitudes, comptant notamment sur une plus grande déréglementation et sur une libéralisation accrue des marchés et du commerce comme solutions pour dissiper la crise. L’absence de référence à la nécessité pour les États de rendre des comptes sur leur respect des normes internationales relatives aux droits de l’homme suggère qu’ils considèrent qu’ils peuvent, en temps de crise, moduler les engagements pris.

8. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Programme d’action de Beijing ainsi que d’autres normes des droits de l’homme devraient constituer un cadre normatif contraignant, amenant les États, les acteurs non étatiques ainsi que les organismes financiers internationaux à devoir rendre des comptes. Les mécanismes de cette obligation redditionnelle devraient comporter notamment des statistiques ventilées selon le sexe, des indicateurs sensibles aux inégalités entre hommes et femmes et une budgétisation favorisant l’égalité entre les sexes, outre une approche axée sur les droits de l’homme aux fins de renforcer l’autonomisation des femmes et de contribuer à instaurer l’égalité entre les sexes et la justice sociale. La feuille de route vers la prospérité pour tous indique qu’il faut investir dans les populations et dans l’égalité entre les sexes.

 

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