Birmanie : France appelé à soutenir une enquête des Nations Unies sur les crimes contre l'humanité
Published on Fri, 2011-08-19 08:27
Source: L'Organisation des Nations Unies (ONU) sont sous pression pour créer une commission d'enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par le régime Birman. Une vaste coalition d'organisations de droits de l'homme, y compris la Burma Lawyers' Counicil (BLC, point focal national de Social Watch) et la Fédération internationale des Droits de l'Homme (FIDH), concentrent la pression maintenant sur l'Union européenne et spécialement sur la France. Ces groupes ont envoyé ce mois-ci une lettre ouverte au président français Nicolas Sarkozy et au ministre des affaires étrangères et des affaires européennes, Alain Juppé, avec copie à l'Ambassadeur de France à la Birmanie, Thierry Mathou avec cet objet. Voici le texte de la lettre ouverte : Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, A l’occasion du 23ème anniversaire du soulèvement national pro-démocratique du 8 août 1988 et de la violente répression qui s’en est suivie, Info-Birmanie, la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen (LDH), la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH), l’Alternative ASEAN Network on Burma (Altsean-Burma) et le Burma Lawyer’s Council (BLC) souhaiteraient attirer votre attention sur la détérioration de la situation des droits de l’Homme en Birmanie ainsi que de l’impact du conflit en cours dans les régions à majorité ethnique. Afin de mettre un terme à l’impunité, qui représente le plus grand obstacle auquel fait face le pays dans le cadre du processus actuel de réconciliation et de transition démocratique, nos organisations appellent les autorités françaises à inciter la communauté internationale, notamment l’Union Européenne, à prendre les mesures adéquates pour l’établissement, sous l’égide des Nations Unies, d’une commission d’enquête sur les crimes internationaux commis en Birmanie. Au cours des vingt dernières années, l’Assemblée Générale des Nations Unies a lancé dix-huit appels à l’attention du gouvernement birman afin que ce dernier enquête en toute transparence et sans délais sur de graves violations des droits de l’Homme, dont certaines pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Ces appels ont été systématiquement ignorés alors que des violations graves du droit humanitaire international et des droits de l’Homme continuent, jusqu’à ce jour, à entraver l’établissement d’une paix durable et d’un dialogue politique. Les violations documentées par les institutions onusiennes et les procédures spéciales des Nations Unies, ainsi que leur description dans des résolutions précédentes de l’Assemblée Générale, fournissent une preuve prima facie de la commission de nombreux types de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Ces derniers incluent le recours à des violences sexuelles comme arme de guerre, au travail forcé, à des attaques ciblées contre les populations civiles, à la torture, aux déplacements forcés, au recrutement d’enfants soldats, à l’emprisonnement de presque deux mille opposants politiques, et à la persécution des minorités ethniques. Reconnaissant l’absence d’établissement des responsabilités pour de tels abus depuis de longues années, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’Homme en Birmanie a appelé les Nations Unies, et ce depuis mars 2010, à envisager l’établissement d’une commission d’enquête. L’Union Européenne (UE) est cette année en charge de la rédaction de la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur la Birmanie. La FIDH, la LDH, Altsean-Burma, Info-Birmanie et BLC appellent la France à mobiliser tous les États membres de l’UE afin de soutenir de manière inconditionnelle l’inclusion dans la résolution d’une demande de mise en place d’une commission d’enquête. Nous estimons qu’il est urgent que la communauté internationale reconnaisse l’existence de et s’oppose à la réticence des autorités birmanes à mettre fin à l’impunité pour les crimes internationaux qui continuent à être commis avec la même violence après l’organisation d’élections que nous qualifions de fantoches en novembre 2010. Nos organisations considèrent que la commission devrait être mandatée pour : Tout en reconnaissant que de graves violations ont été commises à travers le pays, nos organisations estiment que les abus, pouvant être qualifiés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, ont été commis à une plus grande échelle dans certaines régions de Birmanie, notamment dans les États d’Arakan, Chin, Kachin, Shan, Karenni, Karen et Mon. Le champ temporel d’une commission d’enquête devrait être déterminé en lien avec les organisations des droits de l’Homme ayant documenté ces crimes et devrait être assez étendu pour refléter la gravité et la persistance de ces crimes au cours des dernières décennies. Nos organisations considèrent qu’une commission d’enquête sous l’égide des Nations Unies constituerait un outil efficace pour établir une justice transitionnelle réparatrice afin de s’assurer que les victimes des crimes aient accès à la vérité, à la protection, à la justice et à des mécanismes de réparation en vertu du droit international. Alors que les attaques militaires contre des civils ont augmenté au cours des derniers mois, notamment dans les Etats de Kachin, Shan, et Karen, il est plus que jamais urgent d’empêcher la perpétration de nouveaux crimes. L’œuvre d’une commission d’enquête comprendrait l’instauration d’un dialogue tripartite inclusif entre l’opposition démocratique, les minorités ethniques et le gouvernement, dialogue indispensable à une véritable réconciliation nationale et à l’avènement d’une transition démocratique. La paix, la réconciliation nationale, et la transition démocratique ne pourront pas voir le jour si la justice est mise à l’écart à des fin politiques. Il serait par ailleurs erroné de considérer que le fait de ne pas éviter d’établir les responsabilités, notamment à travers la mise en place d’une commission d’enquête, participerait à encourager le gouvernement birman à être plus ouvert au dialogue et à cesser de violer les droits de l’Homme. Au contraire, ne pas mettre les auteurs de crimes face à leurs responsabilités ne servirait qu’à encourager la perpétration d’autres crimes graves et à éloigner encore plus la Birmanie d’une réconciliation véritable et durable. Dans son dernier rapport sur le « rôle important des accords régionaux et sous-régionaux dans la mise en œuvre de la responsabilité de protéger », le Secrétaire Général Ban Ki-Moon a souligné que la « responsabilité de protéger est un principe universel » et que cette responsabilité, « emporte l’obligation de répondre de ses actes ». [1] Ceci exige, dans une première phase, la mise en œuvre d’une enquête crédible. Le Secrétaire Général a en outre déclaré que la responsabilité de protéger « repose sur toute une série d’instruments d’intervention », dont « les mécanismes d’enquête, d’établissement des faits [...] et de règlement des conflits envisagés aux Chapitres VI et VIII de la Charte » des Nations Unies. L’Union européenne (UE), en tant qu’acteur international de premier ordre, a une responsabilité morale et impérative de tenir compte des appels des Nations Unies et de s’engager toujours plus afin de protéger le peuple birman des crimes internationaux. L’UE a par ailleurs toujours soutenu les efforts pour l’établissement des responsabilités à travers le monde. Il est donc urgent pour l’UE de faire preuve de volonté politique et d’user de tout son poids pour inclure l’établissement d’une telle commission dans le prochain projet de résolution de l’Assemblée générale des Nations unies sur la Birmanie. Aussi, l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) est la principale organisation concernée par les conséquences régionales de crimes internationaux commis en Birmanie ; en ce sens, il serait judicieux que cette dernière interrompt sa complicité envers la pérennisation de l’impunité en Birmanie. Une fois établie, une commission d’enquête bénéficiant de la coopération du gouvernement birman permettrait à l’ASEAN d’évaluer l’engagement de la Birmanie en faveur de la démocratie et de déterminer si la présidence birmane de l’ASEAN serait ou non appropriée. La FIDH, la LDH, Altsean-Burma, Info-Birmanie et BLC tiennent à souligner qu’après vingt-trois années de répression brutale et de crimes perpétrés contre son propre peuple, le gouvernement birman et son armée continuent à attaquer, tuer et violer en toute impunité, comme en témoignent les récentes offensives dans les régions à majorité ethnique, notamment les Etats de Shan, Kachin et Karen. Nos organisations ont donc l’intention de faire écho, comme exprimé par l’ensemble de nos organisations birmanes partenaires, au souhait du peuple de Birmanie de voir ses aspirations démocratiques, qui le poussent chaque année à commémorer l’anniversaire du 8 août, concorder avec une action résolue de la communauté internationale pour créer une commission d’enquête comme première étape vers la fin de l’impunité, afin que la population de Birmanie soit un jour en mesure de célébrer cette date dans la paix et la liberté. En vous remerciant de prendre en compte nos préoccupations et recommandations, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, l’expression de notre plus haute considération. Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH |