Événements climatiques et biocarburants ravivent la menace d'une crise alimentaire mondiale

Cours des céréales et du sucre
en forte progression.
(Photo: Olivier Thuillier/FAO)

L'indice FAO des prix alimentaires a augmenté de six pour cent le mois dernier sous l'influence de la vague de chaleur et la sécheresse aux Etats-Unis et à cause d'autres conditions météorologiques extrêmes dans d’autres parties du monde. Cette hausse réveille le fantôme d'une crise alimentaire mondiale qui a frappé les secteurs les plus pauvres et les plus vulnérables de la population mondiale en 2007 et 2008, disent les experts.

La FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) a rapporté la semaine dernière que son indice a bondi en raison de la forte augmentation du prix des céréales et du sucre qui a suivi trois mois consécutifs de baisse.

« Il y a une forte probabilité d’une nouvelle crise des prix alimentaires comme celle de 2008, qui a conduit à des émeutes et des manifestations dans plus de 30 pays », a écrit Martin Khor, directeur exécutif du South Centre, dans son dernier article pour The Star, l'un des principaux journaux en Malaisie. « Une autre préoccupation est que les avertissements des scientifiques au sujet d'une baisse de la production alimentaire en raison de changement climatique est devenu réalité. »

À cet égard, la FAO a expliqué que « la forte détérioration des perspectives de récolte du maïs aux Etats-Unis, du fait de la sécheresse excessive, a fait grimper les prix du maïs de près de 23 pour cent en juillet », et que les cours du blé « ont également subi une envolée de 19 pour cent, face à des perspectives pessimistes de production en Fédération de Russie et des prévisions de demande soutenue » sur le blé destiné à l'alimentation du bétail suite à l'exiguïté de stock.

L’indice des prix du sucre de cette agence de l'ONU a enregistré une hausse de 12 pour cent en raison de changements dans les précipitations au Brésil, premier exportateur mondial, qui ont « entravé la récolte » et par des «  préoccupations liées au retard de la mousson en Inde et au manque de précipitations en Australie ».

Des prévisions de sécheresse dans certains territoires indiens menacent également les perspectives pour la production de céréales, légumineuses, légumes et coton.

Dans son article, Khor a souligné d'autres causes de préoccupation en raison des conditions météorologiques, comme « des inondations en Chine, aux Philippines et au Pakistan » qui « ont été liées au changement climatique » et auxquelles on attribue la « force motrice dans la hausse alimentaire ».

En outre, le prix des produits laitiers et du riz est resté en grande partie inchangé en juillet, alors que celui de la viande a chuté, selon la FAO.

L'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), soutenu par des gouvernements, des fondations privées et des organisations mondiales et régionales, a averti que la sécheresse la plus sévère et intense aux États-Unis depuis les années 50 du XX e siècle a endommagé la production de maïs et de soja, faisant grimper les prix agricoles.

Le directeur général de l'IFPRI, Shenggen Fan, a suggéré que pour freiner une autre crise alimentaire mondiale sera nécessaire de prendre des mesures efficaces de lutte contre la sécheresse dans les Etats-Unis, qui combine des précipitations inférieures à la normale et des températures supérieures à la normale.

« Les secteurs pauvres et vulnérables des pays en développement sont durement touchés par la hausse et la volatilité des prix agricoles, dont elles dépendent pour assurer l'apport calorique quotidien de base. Comme dans la crise alimentaire de 2007 et 2008, les fluctuations des prix sur les marchés intérieurs peuvent avoir un impact significatif sur les marchés mondiaux, et vice-versa », a déclaré Fan.

Dans ce sens, Khor a ajouté que « le maïs est un produit vital, car il n'est pas utilisé seulement comme nourriture pour l’être humain, mais comme partie principale de l'alimentation animale et comme ingrédient dans de nombreux plats » et, par conséquent, une augmentation des « prix de la volaille, du bœuf, des produits laitiers et de nombreux aliments transformés » est prévisible.

Compte tenu de la gravité de la situation, l'IFPRI a demandé la suspension de la production de biocarburants à partir de maïs comme intrant, une réclamation de longue date des organisations académiques et de la société civile du monde entier.

"Selon le Service de recherches économiques du Ministère de l'agriculture des États-Unis, 62 pour cent des exploitations agricoles nationales sont situés dans des zones touchés par la sécheresse. Cette sécheresse est sévère dans les zones de production d’environ 40 pour cent du maïs et du soja et 44 pour cent du cheptel. En conséquence, les prévisions de production et de rendement pour le maïs et le soja ont chuté considérablement », a écrit Shenggen Fan dans un communiqué publié aux médias par cette institution basée à Washington.

Selon le rapport de l'IFPRI, « les prix du maïs et du soja ont commencé à augmenter rapidement et pourraient augmenter encore plus, en fonction de la gravité et l'intensité de la sécheresse. Seulement dans les deux derniers mois, ces graines exportées des États-Unis ont atteint des prix record en augmentant de 30 et 19 pour cent respectivement. »

Les pertes dans la récolte de maïs « se rapprochent de 20 pour cent et pourraient atteindre 30 pour cent ou plus si les conditions de sécheresse extrême persistent », tandis que « les prix du maïs et du soja ont déjà commencé à augmenter rapidement et pourraient augmenter encore plus en fonction du degré de sévérité et de la portée » de l'événement climatique, a expliqué Fan Shenggen. La situation devient encore pire, car seulement dans les deux derniers mois le maïs et le soja exportés par les États-Unis ont augmenté de « 30 et 19 pour cent respectivement », atteignant donc des niveaux sans précédent.

Khor a été d’accord avec Fan sur les conséquences de la production d'énergie avec des intrants agricoles. « Les perspectives sombres ou incertaines de la fourniture et des prix de certains aliments ont relancé la polémique sur l'utilisation de cultures pour la production des biocarburants au lieu de la nourriture », a-t-il dit.

La semaine dernière, le nouveau directeur général de la FAO, José Graziano da Silva, « a demandé aux Etats-Unis de changer temporairement leur politique de consacrer 40 pour cent de leur production de maïs à la distillation de l'éthanol », a déclaré Khor. « Une suspension temporaire de ce mandat permettrait de canaliser plus de graine à des fins alimentaires. »

« La hausse des prix des denrées alimentaires et l'incertitude de l'approvisionnement permettra également aux pays importateurs de considérer à nouveau s’ils prennent comme une priorité l'autosuffisance alimentaire », a-t-il ajouté. « De nombreux pays qui produisaient leur propre nourriture et qui étaient même des exportateurs nets ont connu une détérioration de leurs secteurs agricoles au fur et à mesure que les gouvernements retiraient leur soutien à l'activité [...] pour obtenir des prêts d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI [Fonds monétaire international]. Ils ont dû également réduire leurs tarifs agricoles à des niveaux très bas [...] au détriment de la production locale. »

Plus d’informations
Indice FAO des prix des produits alimentaires : http://bit.ly/rjeumt

Sources
FAO : http://bit.ly/MD9KwR
The Daily Star (de Bangladesh, en anglais) : http://bit.ly/Nieh62
The Star (de Malaisie, en anglais) : http://bit.ly/NA02Gk