Droits humains : Le régime de Bahreïn est accusé de ne pas avoir tenu ses promesses

Nabeel Rajab. (Photo: Avaaz)

Le récent examen de la situation à Bahreïn effectué par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies à Genève aura été inutile si ce pays ne prend aucune mesure pour mettre en œuvre les recommandations de l'organisation, a déclaré Amnesty International. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a aussi proposé un mécanisme international pour superviser la mise en application des suggestions.

Mercredi 19 septembre, le Conseil a adopté les conclusions de l'Examen périodique universel (EPU) portant sur la situation des droits humains à Bahreïn pendant les quatre dernières années. Le gouvernement bahreïnite a pleinement accepté plus de 140 recommandations sur les 176 figurant dans le rapport ; il s'agit de mesures visant à libérer les prisonniers d'opinion, soutenir les garanties de procès équitable et enquêter sur les atteintes aux droits humains commises pendant et après les manifestations de l'année dernière en faveur de réformes.

La FIDH a considéré que toutes les questions posées par la Commission d'enquête internationale demeuraient d'actualité, d'autant plus que des allégations de répression massive contre les défenseurs des droits de l'homme se multiplient, avec des cas de torture ou de détention arbitraire, ce qui prouve bien le mépris de Bahreïn à l'égard des engagements contractés.

Dans son dernier rapport intitulé «Faire taire la dissidence : une politique de répression systématique», la FIDH estime que 80 personnes ont trouvé la mort dans le pays depuis le début de la contestation le 14 février 2011, dont 34 depuis la publication du rapport de la commission indépendante le 23 novembre 2011. A ce jour, des défenseurs des droits de l’homme restent en prison, certains menacés d’être condamnés à des peines de prison à vie pour avoir manifesté contre le gouvernement.

La FIDH a accusé Bahreïn de ne pas avoir tenu ses promesses de réformes après sa violente répression des manifestations de 2011. Selon le document, «malgré les promesses du roi (de Bahreïn), les réformes restent très insuffisantes».

La rapport présente les conclusions de plus d’un an d’enquête sur les politiques et les pratiques des autorités de Bahreïn après la répression des manifestations de masse qui ont secoué sa capitale Manama en février 2011, dans le sillage des révoltes populaires dans les pays arabes. Le mouvement de contestation est animé par des chiites qui réclament une monarchie constitutionnelle dans ce pays à majorité chiite dirigé par une dynastie sunnite.

Le roi Hamad a promis des changements dans la lignée des recommandations d’une commission d’enquête indépendante sur les brutalités commises pendant la répression des manifestations. Plusieurs organisations internationales l’ont cependant accusé à plusieurs reprises de ne pas avoir mis en place les réformes les plus importantes.

«Même si certains efforts ont été accomplis par les autorités de Bahreïn pour répondre à de nombreuses recommandations (de la commission), le rapport conclut que le gouvernement continue de nier quotidiennement à une majorité d’habitants de Bahreïn leurs droits fondamentaux», a déclaré la présidente de la FIDH, Souheir Belhassen.

L’Alliance mondiale pour la participation des citoyens (CIVICUS) a informé le Conseil de la situation en milieu rural à Bahreïn où les femmes restées seules sont harcelées et maltraitées par les forces de police. Dans ce contexte, elle a appelé à la libération de tous les prisonniers politiques, à la création d'une mission permanente du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, ainsi qu'à la nomination d'un rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme à Bahreïn. Les défenseurs des droits de l'homme ne sont pas des délinquants, a clamé CIVICUS.

Amnesty International a regretté qu'en dépit des garanties fournies, les autorités de Bahreïn persistent dans la violation de la liberté d'expression, manifeste dans le cadre des mesures de répression récentes. Amnesty reconnaît que les autorités ont l'intention d'amender leurs lois, mais regrette qu'elles n'aient pas encore procédé à un alignement sur le Statut de Rome, a commenté cette organisation.

« Nous avons déjà vu Bahreïn promettre des réformes en matière de droits humains sur la scène internationale, après que la Commission d'enquête indépendante de ce pays, composée de spécialistes internationaux, a publié ses conclusions l'année dernière. Mais la triste vérité est que de telles promesses demeurent vaines si aucune mesure réelle n'est prise », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International.

« À moins que le gouvernement bahreïnite mette maintenant en pratique les recommandations de l'Examen périodique universel à l'échelle nationale, ce rapport n'aura été qu'une perte de temps totale. »

 

Liberté d'expression et procès équitables

Parmi les recommandations de l'EPU acceptées par le gouvernement bahreïnite figurent 16 mesures relatives à l'équité des procès, comme la libération des personnes détenues simplement pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression.

Bien que les autorités bahreïnites aient plusieurs fois assuré qu'elles respectaient le droit à la liberté d'expression et d'association, de nombreux prisonniers d'opinion sont toujours derrière les barreaux ; de plus, depuis ces dernières semaines, ce droit fait à nouveau l'objet de restrictions.

Plus tôt ce mois-ci, la Haute cour criminelle d'appel de Bahreïn a confirmé les lourdes sentences prononcées à l'encontre de 13 prisonniers d'opinion.

En août dernier, la défenseure des droits humains Zainab al Khawaja a été arrêtée et inculpée de plusieurs infractions, tel que le fait d'avoir déchiré une photo du roi, tandis que Nabeel Rajab, qui milite lui aussi en faveur des libertés fondamentales, a été condamné à trois ans d'emprisonnement uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression et d'association.

 

Allégations de torture

Le gouvernement bahreïnite a accepté 11 recommandations visant à mener des investigations sur les allégations de torture et d'autres mauvais traitements faites par des personnes interpellées après les manifestations de 2011, et à traduire les responsables présumés en justice.

Bien que les autorités bahreïnites aient condamné trois policiers pour violences et en aient inculpé plusieurs autres, la grande majorité des auteurs présumés de ces agissements ont jusqu'ici échappé à la justice.

 

Réformes législatives

Le gouvernement bahreïnite a accepté 22 recommandations de l'EPU en matière de réformes de la législation nationale, mais il a rejeté neuf propositions de modifications législatives qui auraient permis au droit national d'être conforme au statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Amnesty International a déploré le rejet de ces propositions et déclaré que des victimes d'atteintes aux droits humains ne pourront pas obtenir justice. Le gouvernement a également rejeté les recommandations relatives à l'abolition de la peine de mort.

Amnesty International a demandé aux autorités bahreïnites de supprimer les dispositions législatives formulées en termes vagues pouvant encore être utilisées pour pénaliser l'exercice pacifique du droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion.

 

Une autre demande

Une centaine d'organisations demandent la fin de l'assaut contre la liberté de parole, ainsi que la libération de tous les défenseurs des droits de la personne et net-citoyens. Les organisations demandent à la famille royale de libérer les défenseurs des droits de la personne et les citoyens en ligne incarcérés, notamment Nabeel Rajab, le fondateur et président du Bahrain Center for Human Rights (BCHR).

Les organisations signataires demandent en outre au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, au Parlement européen, à la Secrétaire d'État des États-Unis Hillary Rodham Clinton et à tous les gouvernements concernés d'user de leur influence auprès de la famille régnante afin que cessent les violations des droits de la personne à Bahreïn

Les signataires sont, parmi d’autres : International Foundation for Protection of Freedom of Speech ; Arabic Network for Human Rights Information
ARTICLE 19 ; l’Association mondiale de radiodiffuseurs communautaires (AMARC) ; Cairo Institute for Human Rights Studies ; Center for Media Freedom and Responsibility ; Fondation pour les Médias en Afrique de l’Ouest , Foundation for Press Freedom ; Freedom Forum ; Freedom House ; Index on Censorship ; Gulf Centre for Human Rights ; Al-Adala Centre for Human Rights, Saudi Arabia ; l Khatim Adlan Centre for Enlightenment and Human Development, Sudan ; Arab NGO Network for Development (ANND) ; Bahrain Forum for Human Rights ; Bahrain Press Association (BPA) ; Bahrain Rehabilitation & Anti Violence Organization (BRAVO) ; Bahrain Youth Society for Human Rights (BYSHR); Bedoon Rights, Kuwait; CIVICUS; Front Line Defenders ; Human Rights First ; Association Marocaine des Droits Humains (AMDH)  ; l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ; Physicians for Human Rights ; Royaa For Feminist Studies, Sudan ; Strategic Initiative for Women in the Horn of Africa (SIHA) ; Centre de Tunisie pour la liberté de la presse (CTPJ) ; Yemen Organization for Defending Rights and Democratic Freedoms ; Journalists' Legal protection Centre in Iraq ; Ligue Algerienne pour la Defense des Droits de l'Homme ; Doha Centre for Media Freedom.

Sources
El Watan : http://bit.ly/Q260o1
Amnesty International : http://bit.ly/ShoDVC
L’Orient-Le Jour : http://bit.ly/PZGKLK
IFEX: http://bit.ly/JDJS04
L’Office des Nations unies à Genève : http://bit.ly/Qtp26O