Bataille sur les changements climatiques à Paris
Published on Thu, 2016-02-25 17:00
Pour comprendre le résultat final des négociations sur le climat de Paris, il est important de bien peser les principales clauses de l’Accord de Paris et le processus qui a mené à son adoption. Cet article en propose une première évaluation ainsi qu’une discussion afin de déterminer si se sont les vues des pays développés ou des pays en développement (ou des deux) qui on prévalu. Les pays en développement sont allés à Paris avec des objectifs et des principes clairs. Bien que certains on été dilué, ils ont protégé leurs lignes rouges, mais ne sont pas parvenu à faire accepter toutes leurs exigences constructives. 1. Introduction L'Accord de Paris adoptée par la 21e Conférence des Parties (COP21) en vertu de la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) le 12 Décembre, a été le résultat de grandes batailles sur une multitude de questions, en particulier entre les pays développés et les pays en développement. Les pays en développement dans l’ensemble avaient des objectifs de négociations précis. Ils voulaient: (i) Défendre la CCNUCC et empêcher qu’elle soit modifiée ou affaiblie; (ii) Garantir que l'accord ne soit pas centré sur atténuation mais que toutes les questions (y compris l'adaptation, les pertes et préjudices, le financement et la technologie, en plus de l'atténuation) soient adressées et d’une manière équilibrée; (iii) Garantir que la différenciation soit reflétée sous tous ses formes, avec les principes d'équité et de responsabilités communes mais différenciées (CBDR) et de capacité respective (RC); (iv) Garantir que les pays développés renforcent les dispositions de transfert de finance et de technologie; (v) Garantir que «les pertes et préjudices» soient reconnus comme un pilier distinct, séparé de l'adaptation et;(vi) Garantir des dispositions juridiquement contraignantes, en particulier pour les pays développés. Les Etats-Unis et leurs alliés (en particulier les membres du Groupe Parapluie1) voulaient le contraire. Ils ont mené une attaque rangée contre la Convention, cherchant à en affaiblir les dispositions et leurs obligations; à redéfinir la différenciation de façon à brouiller les différentes obligations des pays développés et en développement; et élaborer un accord juridique «hybride» (en termes de quelles clauses sont ou ne sont pas juridiquement contraignantes), dans le but principalement d’accommoder les relations de l'administration des États-Unis avec le Congrès des États-Unis hostile aux questions des changements climatiques. La COP21 fut un champ de bataille qui a convoqué une attaque rangée des États-Unis et de ses alliés (avec des intérêts à la fois défensifs et offensifs) contre la résistance et l'offensive du Groupe des 77 (G77) et la Chine, et plus particulièrement des pays du Like-Minded Developing Countries (LMDC) qui avait des positions de négociation globales et une organisation bien rodée. La question principale était de savoir comment la présidence française de la COP21 allait se comporter, face à des positions si polarisées. Vers la fin de la conférence, durant la nuit du vendredi 11 décembre, une réunion importante a eu lieu entre le LMDC et la présidence française (qui était entrain d’élaborer le compromis final), durant cette réunion le LMDC a présenté ses «super lignes rouges". Celles-ci comprenaient notamment des déclarations telles que ; l’objet de l'accord est de renforcer la mise en œuvre de la CCNUCC en accord avec les principes et les dispositions de la Convention; l'équité et les responsabilités communes mais différenciées doivent être exprimées et mises en œuvre à travers de tous les éléments; Une différenciation claire entre les pays développés et les pays en développement pour les efforts d'atténuation; un engagement des pays développés sur les finances, le transfert de technologies et le renforcement des capacités sans transfert ou extension des obligations à fournir des financements sur les pays en développement. Le LMDC que en tant que groupe qui compte 30 pays et représente plus de 50% de la population mondiale et 70% des pauvres, a transmis le message qu’il voulait que la Conférence des Partis soit un succès, mais le résultat devait être équilibré, et ne pas franchir ses super lignes rouges. Finalement les Français ont pris les points du LMDC, et ont obtenu l’accord des États-Unis. D’une manière générale la présidence de la COP21 est perçue comme ayant joué un rôle juste et difficile afin d’obtenir un résultat délicat et équilibré, hormis un incident survenu lors de la dernière séance plénière qui a entaché le processus. Il s’agit de «l’incident du devraient», les États-Unis voulant que le mot «doivent» soit remplacé par le mot «devraient» dans l'article 4.4 de l'Accord qui a trait aux efforts d'atténuation des Parties. Les États-Unis voulaient que les pays développés et les pays en développement soient traités juridiquement de la même manière, mais la version originale utilise le verbe «doivent» pour les pays développés et «devraient» pour les pays en développement. Au lieu de soulever la question depuis le parterre lors de la réunion plénière, la demande des Etats Unies a été acceptée par la Présidence de la Conférence des Parties et par ce qu'on a appelé une «correction technique» «doivent» a été remplacé par «devraient» et la correction a été lue par le Secrétariat. Cela a causé la consternation dans certaines délégations du LMDC, mais comme aucune objection formelle n’a été faite, l'amendement d'inspiration américaine a été adopté. Il y eut un autre incident lorsque le Nicaragua leva son drapeau lors de la dernière session du Comité de Paris qui adoptait l'Accord de Paris, et qu’il fut ignoré par le président. Le ministre du Nicaragua fit une forte déclaration après que l’accord ait été adopté pour protester contre le fait d’avoir été ignoré, et pour que sa plainte soit transmise à la Conférence des Parties pour adoption. 2. Fait marquant de l'Accord de Paris Pour comprendre les résultats de la COP21, une réflexion sur les dispositions clefs de l'Accord de Paris et la décision qui a conduit à son adoption est importante. Cet article propose une première évaluation des questions qui forment le cadre du résultat final et regarde si se sont les vues des pays développés ou des pays en développement (ou des deux) qui on prévalus. Étant donné que l'accord est un nouvel instrument juridique, il devra être ratifié par les Parties pour entrer en vigueur. Il n’entrera en vigueur qu’après qu’au moins 55 Parties à la Convention qui représentent un total au moins un pourcentage estimé à 55 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre aient déposé leurs instruments de ratification ou d'acceptation. (L'accord devrait entrer en vigueur après 2020.) L'accord (12 pages) a été adopté en tant qu'annexe de la décision (19 pages) de la 21e Conférence des Partis. 2.1 Objet de l’Accord (Article 2) L'article 2 de la Convention énonce au paragraphe 1 que: Le présent Accord, en contribuant à la mise en œuvre de la Convention, notamment de son objectif, vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté, notamment en: a) Contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l'élévation de température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets des changements climatiques; b) Renforçant les capacités d'adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire; c) Rendant les flux de financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques. Le paragraphe 2 stipule que Le présent Accord sera appliqué conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux différentes situations nationales." Le but de l'accord a été un point de désaccord majeur entre les pays développés et en développement. Durant les quatre années de négociations, le leitmotiv des pays en développement sous la houlette du G77 et la Chine était que l'accord ne devait pas "réécrire, remplacer ou réinterpréter la Convention." Le G77 et la Chine, avec ses sous groupes, le LMDC et le Groupe Africain, a constamment souligné que le but de l'accord devrait être de renforcer la mise en œuvre de la Convention sur les éléments d'atténuation, d'adaptation, de financement, de transfert de technologie, de renforcement des capacités, et de la transparence des mesures et de l’appui. De leur coté, les pays développés, semblaient davantage préoccupé par l’ «objectif» de l'accord, qui était perçu par les pays en développement comme une approche centrée sur l'atténuation en lien uniquement avec l’objectif de température, et comme une tentative d'affaiblir le lien avec les dispositions de la Convention et les obligations des pays développés en vertu de la Convention, en particulier les moyens de mise en œuvre (finance, transfert de technologies et renforcement des capacités). Par conséquent, la référence à "en contribuant à la mise en œuvre de la Convention" est perçue comme une victoire constructive pour les pays en développement. Bien que contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels soit clair, la référence à la poursuite de l’action menée pour limiter l'élévation de température à 1,5°C est considérée comme une victoire majeure pour de nombreux pays en développement, en particulier les petits États insulaires en développement, les pays les moins avancés, l'Afrique et les pays de l'ALBA. Les pays en développement souhaitaient que l'accent soit également mis sur l'adaptation et la finance et garantir que la réponse globale soit dans « le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté". Plusieurs délégués chevronnés de pays en développement ont exprimé leur mécontentement sur la référence aux «flux financiers» dans l'Article 2.1.c) de l'Accord au lieu d'une référence à la fourniture de ressources financières des pays développés aux pays en développement, tel qu’elle est exprimée dans la section engagements de la Convention. Une grande victoire pour les pays en développement est l'article 2.2 qui stipule que l’Accord sera appliqué conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux différentes situations nationales. Une des questions clé dans le processus de la Plateforme de Durban et de la COP21e était de savoir si et comment le principe de responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives sera mise en œuvre dans tous les éléments de l'Accord. Les pays développés insistaient sur l’inclusion dans l'Accord de "l'évolution des courbes des émissions et des tendances économiques" des pays durant la période post-2020, tandis que les pays en développement ont continué à faire valoir qu’étant donné les émissions historiques, les pays développés continue à porter la responsabilité de montrer la voie en terme de réduction d’émission et d’aider les pays en développement en fournissant l’assistance financière, le transfert de technologies et le renforcement des capacités tel que prévu en vertu de la CCNUCC. En 2014 à la Conférence des Parties à Lima où la question de la différenciation avait également été très disputée, les Parties soulignèrent leur engagement à parvenir à un accord ambitieux à Paris qui reflète le principe de responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux différentes situations nationales. Ceci se révèlera être le point de convergence pour de l'Accord de Paris. 2.2 Contributions déterminées au niveau national (Article 3) Article 3 (connu durant les négociations sous le nom de l'Article 2bis) stipule que, A titre de contributions déterminées au niveau national à la riposte mondiale aux changements climatiques, il incombe à toutes les Parties d’engager et de communiquer des efforts ambitieux au sens des articles 4, 7, 9, 10, 11 et 13 en vue de réaliser l'objet du présent Accord tel qu’énoncé à l'article 2. Les efforts de toutes les Parties représenteront une progression dans le temps, tout en reconnaissant la nécessité d’aider les pays en développement Parties pour que le présent Accord soit appliqué efficacement. L’Article 3 symbolise la «bataille» sur la nature de l'Accord afin de s'assurer que les Contributions Déterminées au niveau National (NDC) ne soient pas perçues comme uniquement centrée sur l'atténuation (l’Article 4 fait référence à «l’ atténuation», l'Article 7 à «l'adaptation», l'Article 9 aux «ressources financières», l'Article 10 à «la mise au point et au transfert de technologies», l'Article 11 au «renforcement des capacités» et l'Article 13 à un «cadre de transparence renforcée des mesures et de l’appui»). Le LMDC a été l’ardent défenseur de la proposition pour que tous les Parties préparent, communiquent et mettent en œuvre régulièrement leurs INDCs en vue d'atteindre l’objet de l'Accord. Il a également proposé que les INDCs représenteront une progression eu égard aux responsabilités et aux engagements différenciés des Parties en vertu de la Convention. Ce fut une tâche ardue durant les négociations d’amener les pays développés à adopter le point de vu du LMDC sur ce sujet. La proposition étant de garantir que les contributions des Parties soient considérées d'une manière globale, et qu’elles reflètent leurs obligations respectives en vertu des dispositions de la CCNUCC, au lieu de les limiter à l'atténuation comme souhaité par les pays développés. 2.3 L’Atténuation (Article 4) Les paragraphes ci-dessous de l'Article 4 relèvent les principaux points en ce qui concerne l'atténuation: 1. En vue d'atteindre l'objectif de température à long terme énoncée à l'article 2, les Parties cherchent à parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans les meilleurs délais, étant entendu que le plafonnement prendra davantage de temps pour les pays en développement Parties, et à opérer des réductions rapidement par la suite conformément aux meilleures données scientifiques disponibles de façon à parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle, sur la base de l'équité, et dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté. 2. Chaque Partie établi, communique et actualise les contributions déterminées au niveau national successives qu’elle prévoit de réaliser. Les Parties prennent des mesures internes pour l'atténuation en vue de réaliser les objectifs desdites contributions. Les Etats-Unis étaient opposé à toute référence au fait que chaque Partie doit mettre en œuvre les NDCs qu'il a communiqué, car cela rendrait obligatoire pour les Etats-Unis et pour les autres de mettre en œuvre l'objectif de réduction des émissions communiqué. Pour accommoder le «problème» des États-Unis, toutes les Parties «prennent des mesures internes pour l'atténuation en vue de réaliser les objectifs desdites contributions.» Cela signifie que l’obligation de prendre les mesures nécessaires, en vue de réaliser l'objectif de réduction des émissions existe, mais pas l’obligation d’atteindre l'objectif en soit (mon emphase). 3. La contribution déterminée au niveau national suivante de chaque Partie représentera une progression par rapport à la contribution déterminée au niveau national antérieure et correspondra à son niveau d’ambition le plus élevé possible, compte tenu de ses responsabilités communes mais différenciées et de ses capacités respectives, eu égard au différentes situations nationales. 4. Les pays développés Parties devraient continuer à montrer la voie en assumant des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus à l’échelle de l'économie. Les pays en développement Parties devraient continuer d’accroître leurs efforts d'atténuation, et sont encouragés à passer progressivement à des objectifs de réduction ou de limitation des émissions à l’échelle de l'économie au égard aux différentes situations nationales. L’Article 4.4 a été un autre point majeur de désaccord entre les pays développés et en développement. De nombreux pays en développement voulaient que la nature des efforts d'atténuation soit différenciée entre les pays développés et ceux en développement, afin de refléter les dispositions existantes de la Convention qui sont fondées sur la responsabilité historique et les responsabilités communes mais différenciées. Les États-Unis et ses alliés du Groupe Parapluie étaient opposés à toute forme d'efforts différenciés, préférant que les Parties "s’auto-différencient" eux-mêmes, tout en reconnaissant que ceux qui ont déjà entrepris des objectifs de réductions absolus des émissions dans le passé, devront continuer à le faire dans la période cadre post 2020. Bien que ce paragraphe continue à fournir aux pays en développement l'espace politique nécessaire pour entreprendre tout accoisement des efforts d'atténuation (notamment des objectifs de réduction des émissions relatifs qui soient ou pas des action à l’échelle de l'économie), les pays en développement devront passer progressivement à des objectifs à l’échelle de l'économie, au égard de leurs différentes situations nationales. Le terme «progressivement» n’est pas défini précisément de même qu’il ni a pas non plus de référence au fait que les pays en développement doivent entreprendre des objectifs de réduction des émissions «en chiffres absolus». Et ceci bien que les pays développés avec certains pays en développement poussaient pour cela durant les négociations. 2.4 Adaptation (Article 7) Au paragraphe 1 de l'Article 7, les Parties: établissent l’objectif mondial en matière d’adaptation consistant à renforcer les capacités d'adaptation, à accroître la résilience aux changements climatiques et à réduire la vulnérabilité à ces changements, en vue de contribuer au développement durable et de garantir une riposte adéquate en matière d’adaptation dans le contexte de l’objectif de température énoncé à l'article 2. Les pays en développement on poussé pour un objectif ou une vision à long terme sur l'adaptation afin de garantir une parité entre l'adaptation et l'atténuation et éviter de n'avoir qu’un objectif centré sur l’atténuation en lien avec l’objectif de température. Cet objectif à long terme lie également la riposte en matière d'adaptation à l'objectif de température. En ce qui concerne l'objectif global en matière d'adaptation, les pays en développement avaient au cours des négociations proposé "une évaluation de la pertinence de l'appui" des pays développés vers les pays en développement, ainsi que la "reconnaissance de besoins d'adaptation accrus et des coûts associés au égard des efforts d'atténuation ... " Ce qui a finalement trouvé une place dans la section sur l'adaptation (paragraphe 14 de l'article 7) est la référence au bilan mondial (l'article 14) qui stipule que le bilan mondiale "vise" à "examiner l’adéquation et l'efficacité de l'adaptation et de l’appui fourni en matière d'adaptation ", et à "examiner les progrès d’ensemble accomplis dans la réalisation de l’objectif mondial en matière d’adaptation ... " Selon le paragraphe 3, "les efforts d'adaptation des pays en développement Parties seront reconnus ...", avec des modalités à élaborer pour une telle reconnaissance. Durant les négociations les pays en développement voulaient garantir que les efforts d'adaptation qu'ils entreprennent avec ou sans appui international soient reconnu comme leur contribution à l'action climatique. 2.5 Pertes et Préjudices (Article 8) Une victoire majeure pour les pays en développement fut la reconnaissance des « pertes et préjudices» comme un article séparé dans l'Accord de Paris, distinct de l'adaptation. Les pays en développement ont plaidé avec des arguments solides pour que les pertes et préjudices soient reconnus comme une entité séparée. (Le terme «pertes et préjudices » se réfère d’une manière générale à l'ensemble des préjudices et des pertes permanentes associés aux impacts du changement climatique dans les pays en développement qui ne peut plus être évité grâce à l'atténuation et à l'adaptation.) L'ancrage des «pertes et préjudice» comme un article distinct dans l'Accord a été obtenu à haut prix, quand un accord a été trouvé à huis clos entre les Etats-Unis, l’Union européenne et certains petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés dans les dernières heures de la conférence, avant que le projet d'accord ne soit transmis aux Parties pour examen et adoption. Le compromis obtenu se trouve dans le paragraphe 51 du texte de la décision qui prévoit que les Parties conviennent «que l'article 8 de l'Accord n’e peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation; " Selon une source, l'accord c’est fait entre les Etats-Unis, l'UE et cinq petits États insulaires. Il semblerait que la plupart des pays en développement ignoraient complètement que la transaction se faisait. L'accord pourrait aussi être lié à l'intégration de la référence de 1,5°C comme objectif de température à long terme dans l'Accord de Paris, article 2.1 (a). Selon des experts qui ont suivi les négociations de la CCNUCC, la clause sur l'exclusion de responsabilité et d'indemnisation dans le paragraphe 51 n’exclu pas que des ressources financières soient allouées aux pays en développement qui cherchent à obtenir des fonds pour faire face aux effets négatifs liés aux pertes et préjudices. Finance (Article 9) Avant le résultat final de l'Accord de Paris, au cœur de la position des pays développés sur la question du financement était l’augmentation du cercle des pays (notamment aux pays en développement) qui devraient être des «donateurs» de financement climatique en proposant d’introduire dans le texte des termes ou expressions tels que «toutes les Parties en mesure de le faire» devrait fournir des ressources financières ou que la mobilisation du financement climatique est un «effort partagé» par tous les Parties. Les paragraphes clés sur les finances qui ont été convenu sont: 1. Les pays développés Parties fournissent des ressources financières pour venir en aide aux pays en développement Parties aux fins tant de l'atténuation que de l'adaptation dans la continuité de leurs obligations au titre de la Convention. Ce paragraphe continue à garantir que les pays développés ne sont pas déchargés de leurs engagements financiers existants en vertu des articles 4.3 et 4.4 au titre de la CCNUCC. Toutefois, le G77 et la Chine, ont au cours des négociations, poussé pour que la fourniture de ces ressources soient «nouvelles, additionnelles, adéquates, prévisibles, accessibles et durables», mais ces termes n'ont pas trouvé place dans l'accord, à l'exception d'une référence au paragraphe 4 sur "la fourniture des ressources accrues". Le paragraphe 2 établi que «les autres Parties sont invitées à fournir ou à continuer de fournir ce type d’appui à titre volontaire." Au lieu de la référence à "les Parties en mesure de le faire" devraient aussi fournir des ressources financières (ce à quoi de nombreux pays en développement se sont opposés), le paragraphe ci-dessus a été adopté et insiste sur le caractère «volontaire» d'un tel appui. Le paragraphe 3 prévoit que Dans le cadre d’un effort mondial, les pays développés Parties devraient continuer de montrer la voie en mobilisant les moyens de financement de l’action climatique provenant d’un large éventail de sources, d’instruments et de filières, compte tenu du rôle notable que jouent les fonds publics, par le biais de diverses actions, notamment en appuyant des stratégies impulsées par les pays et en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement Parties. Cette mobilisation de moyens de financement de l’action climatique devrait représenter une progression par rapport aux efforts antérieurs. De nombreux pays en développement, dont le LMDC préféraient la référence à la fourniture de ressources financières par les pays développé au lieu de l'accent mis sur la «mobilisation» de finances climatiques. L'Accord de Paris prévoit les deux soit la fourniture d’appui par les pays développés et la mobilisation du financement climatique. Dans la version antérieure du projet d'accord (version 2 publié le 10 décembre par le Président de la 21e COP), il y avait une référence à la fourniture et à la mobilisation de ressource financières pour le climat qui «doit représenter une progression au-delà des efforts précédents d'un plancher de 100 milliards de dollars par année ...» et «dans le but d’atteindre les objectifs chiffrés collectifs, à court terme pour la période post 2020 qui soit périodiquement établis et revus ... ». Il est à noter que la référence aux 100 milliards de dollars par an comme niveau plancher n’a pas été inclus dans l'accord, mais se trouve au paragraphe 53 des décisions de la COP21 comme suit: Décide également que, conformément au paragraphe 3 de l'article 9, de l'Accord, les pays développés entendent poursuivre leur objectif collectif actuel de mobilisation jusqu'en 2025 dans l’optique de mesures concrètes d'atténuation et d’une mise en œuvre transparente; avant 2025, la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l'Accord de Paris fixe un nouvel objectif chiffré collectif à partir d'un niveau plancher de 100 milliards de dollars par an, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement. À Cancun en 2010, les Parties avaient convenu que les pays développés mobiliseraient 100 milliards de dollars par an d'ici 2020. Avec l'accord de Paris, une prolongation de cinq ans a été obtenue pour atteindre cet objectif et un nouvel objectif chiffré sera fixé pour la période post 2025. Des négociateurs chevronnés de pays en développement soulignent également que la mobilisation du financement climatique existant mentionnée ci-dessus est conditionnée à, "des actions significatives d'atténuation et à une mise en œuvre transparente", qui avait été précédemment convenue au titre de l'Accord de Copenhague (en 2009) et par la suite confirmée dans une décision à Cancún. Les pays développés, les États-Unis en particulier, étaient contre toute mention d’un objectif chiffré pour l’échelle des ressources dans l'Accord de Paris. D’autre part, les pays en développement, représenté par le G77 et la Chine poussaient pour «des plannifications claires pour les ressources annuelles disponibles prévues en vue d’atteindre les objectifs chiffrés collectifs à court terme pour la période post 2020 et qui seront périodiquement établies et revues» et pour " des ressources financières accrues au-dessus du plancher de 100 milliards de dollars par an, avec notamment une formule de partage des charges claire, qui tienne compte des besoins et les priorités identifiés par les pays en développement Parties... ". 2.7 Le transfert de technologies (Article 10) Dans les négociations sur le transfert de technologies, le LMDC avait demandé l’établissement d'un objectif mondial pour le transfert de technologies et du savoir-faire par les pays développés ainsi que pour la fourniture de ressources financières pour la recherche collaborative et le développement de technologies respectueuses de l'environnement et un accès amélioré des pays en développement aux technologies qui répondent à leurs besoins technologiques. L’Inde a aussi soumis une proposition selon laquelle les pays développés fournissent des ressources financières pour adresser les barrières liées aux droits de propriété intellectuelle (DPI) et pour faciliter l'accès aux technologies. Le Groupe africain a proposé d’adopter un cadre technologique pour donner des directives et guider l’évaluation des technologies et notamment l'identification des options pour améliorer l'accès et adresser les obstacles. Les pays développés se sont opposés à ces propositions. La valeur ajoutée pour les pays en développement est l’institution d’un cadre technologique qui inclut "l'évaluation des technologies qui sont prêtes à être transférées" (comme stipulé au paragraphe 67 de la décision de la COP21). En outre, un lien est ainsi établi entre le mécanisme technologie et le mécanisme financier pour permettre des approches collaboratives dans la recherche et le développement (R&D) et pour faciliter l'accès aux technologies, en accord avec la proposition de l'Inde de fourniture de ressources financières pour adresser les barrières liées aux droits de propriété intellectuelle (DPI) et faciliter l'accès aux technologies La question des DPI est une bataille de longue date entre les pays développés et les pays en développement dans le cadre du processus de la CCNUCC, avec une forte opposition des pays développés, menés par les Etats-Unis, à toute mention des mots « droits de propriété intellectuelle». 2.8 Transparence des mesures et de l’appui (Article 13) Avec en place un système de type «bottom-up» (qui part de la base) pour que les pays déterminent nationalement (et non multilatéralement) leur contribution aux efforts contre les changements climatiques dans le cadre de l'Accord ainsi que prôné principalement par les Etats-Unis, les pays développés on soutenu un système commun et unifié pour tous (non différencié entre les pays développés et en développement) pour «la transparence des mesures» - qui est un système basé sur des règles «top-down» (pyramidales) dont le but est de clarifier le contenu et les informations relatifs à ces efforts. De leurs cotés, les pays en développement, on soutenu un cadre de transparence différencié entre les pays développés et en développement et de meilleurs règles sur la «transparence de l’appui», qui se rapporte à l'information que devrait fournir les pays développés sur les moyens de mise en œuvre (finance, transfert de technologie et renforcement des capacités). La principale pomme de discorde était donc de savoir si un tel cadre de transparence devrait être différencié entre les pays développés et en développement. Ce qui a été convenu est un cadre de transparence avec des flexibilités qui tiennent compte des capacités différentes des pays et qui s’appuie sur les dispositions de transparence existantes (qui sont actuellement différenciées entre les pays développés et en développement). 2.9 Bilan mondial (Article 14) Au cours des négociations, les principales questions du bilan mondial portaient sur son objet et sa portée. (Faire le bilan signifiant que les parties font le point de manière collective sur les progrès de leur mise en œuvre). L'idée était faire périodiquement le bilan de la mise en œuvre de l'Accord et il y avait plusieurs options quant à l'objet de ce bilan: une évaluation des progrès globaux/ agrégés/collectifs vers la réalisation de l'objectif de la Convention ou vers les buts à long terme de l'Accord. Sur la portée, les pays développés considéraient que le bilan devait principalement prendre en compte l'effet agrégé des contributions d'atténuation des Parties à la lumière du but d'atténuation à long terme liée à l'objectif de température, alors que pour les pays en développement, il devait examiner la mise en œuvre globale des obligations des Parties (en tenant compte des responsabilités différenciées), par rapport à l'atténuation, à l'adaptation et aux moyens de mise en œuvre. En vertu de l'Accord, le bilan mondial, qui sera fait tous les 5 ans, doit être global, doit prendre en compte l'atténuation, l'adaptation et les moyens de mise en œuvre et l’appui, et en tenant compte de l’équité et des meilleures données scientifiques disponibles. Cela permettra d'éviter un processus centré sur l'atténuation qui prendra également en compte les considérations d'équité. Ainsi, c’est le point de vue des pays en développement qui a prévalu pour cette clause. Dans le même ordre d’idée, des décisions de la COP21, dans la section sur les INDCs, le paragraphe 17 note avec préoccupation que les niveaux des émission globales de gaz à effet de serre en 2025 et 2030 estimés sur la base des contributions prévues déterminées au niveau national ne sont pas compatibles avec des scénarios au moindre coût prévoyant une hausse de la température de 2°C, mais se traduisent par un niveau prévisible d’émissions de 55 gigatonnes en 2030, et note également que des efforts de réduction des émissions beaucoup plus importants que ceux associés aux contributions prévues déterminées au niveau national seront nécessaires pour contenir l’élévation de la température de la planète en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels en ramenant les émissions à 40 gigatonnes ou en dessous de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels en ramenant les émission à un niveau devant être défini dans le rapport spécial mentionné au paragraphe 21 ci après; Au paragraphe 20, les Parties ont décidé d’organiser un dialogue de facilitation entre les Parties en 2018 pour faire le point en 2018 des efforts collectifs déployés par les Parties en vue d’atteindre l'objectif à long terme énoncé au paragraphe 1 de l'article 4 de l'Accord (qui porte sur l'objectif de température à long terme et l'objectif d'atténuation) et d’éclairer l’établissement des contributions déterminées au niveau national (NDC) conformément au paragraphe 8 de l'article 4, de l'Accord (qui se rapporte à la communication des NDCs ). Le «dialogue de facilitation» ci-dessus semble être un processus ex ante pour guider la préparation des Contributions Déterminées au Niveau National (NDCs), et ne traitera que de l’atténuation, contrairement au bilan mondial. L'UE a été un des partisans principal d’un processus d'examen tous les cinq ans afin d'évaluer si les contributions d'atténuation des parties sont en bonne voie pour atteindre l'objectif d'atténuation à long terme et pour accroître en conséquence (ou augmenter progressivement) les contributions des Parties. Ce processus d’augmentation progressive (racheting-up) inquiétait de nombreux pays en développement, en particulier ceux du LMDC. Ils étaient concerné par le fait que si les pays développés ne font pas leur juste part de l'effort (en tenant compte de leurs émissions historiques), la pression pour combler l’écarts d’émissions (entre ce qui est nécessaire et ce qui est fait) pour limiter l’augmentation de température ne retombe sur les pays en développement. En raison de cette préoccupation, ils se sont opposés à tout processus ex ante de révision les INDCs avant leur communication par les Parties. l'UE a clairement obtenu ce qu’elle voulait malgré les inquiétudes du LMDC. 3. Conclusions Les pays en développement ont commencé les négociations de Paris avec des objectifs et des principes clairs. Bien que certains aspects aient été dilués, ils sont parvenu à protéger leurs lignes rouges, même si ils n'ont pas obtenu certains de leurs points «offensifs» (c.-à-d. leurs exigences d’action constructive) (par exemple, des objectifs plus clairs sur les finances ou une référence aux DPI en tant qu’obstacles au transfert de technologies). Ci dessous quelques un des points importants obtenus par les pays en développement:
Certes, l'Accord de Paris signifie également que de grandes pressions seront mises sur les pays en développement, en particulier sur les économies émergentes, pour qu’ils augmentent sensiblement leurs mesures pour le climat, y compris les mesures d'atténuation. Mais étant donné la crise des changements climatiques qui affectent très sérieusement les pays en développement, ces mesures renforcées doivent être prises. L'accord échoue à proposer des mesures qui permettraient d’aboutir à 2°C, et encore moins à 1,5°C. L'écart entre ce que les pays devraient faire ensemble (de manière agrégée), et ce qu'ils se sont engagés à faire dans leurs INDCs jusqu'en 2030 est très grand. Cela a conduit de nombreux observateurs à déclarer que la COP21 de Paris est un échec. Cependant, une autre perspective est de considérer que la COP21 n’est qu’un début, et représente un accord international pour augmenter les mesures individuelles et collectives pour faire face aux changements climatiques. Un échec véritable aurait été un effondrement des négociations de Paris du type Copenhague, ou un résultat final qui ne favorise que les pays développés avec une réécriture de la Convention. Selon cette perspective, L'Accord, a posé les bases pour légitimer et stimuler les mesures futures, et une référence à partir de laquelle doivent découler des mesures plus ambitieuses. La coopération internationale, bien que insuffisante et imparfaite, est maintenue comme source de coopérations futures. Il en résulte que l'Accord de Paris, qui repose sur une approche « bottom-up » (partant de la base) qui permet à chaque pays de choisir sa "contribution nationalement déterminée " avec actuellement un très faible, voire aucun système de respect, était le seul résultat possible, étant donné la situation de nombreux gouvernements (dont les États-Unis) qui d’une manière générale n’étaient pas prêts ou disposés ou en mesure d’entreprendre des objectifs juridiquement contraignants. On peut s’attendre à ce que les pays développés augmentent la pression sur les pays en développement, en particulier sur les économies émergentes, et qu’ils tentent aussi de contourner et de transférer leurs obligations. Les pays en développement, doivent quant à eux, mettre en avant le contexte global et les conditions qui favorisent des émissions faibles de carbone – les ressources financières, le transfert de technologies, le renforcement des capacités ainsi que l’adaptation et les pertes et préjudices, dans un contexte de développement durable et de lutte contre la pauvreté. De plus les pays en développement devront rester fermes et unis dans les négociations et les autres processus à venir. Par Meenakshi Raman. Note: 1 Une coalition de pays développé hors UE dont la composition peut varier, qui comprend généralement l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Japon, la Russie, les États-Unis, la Norvège, le Kazakhstan et l’Ukraine. |